Emigration bretonne en Armorique

Emigration bretonne en Armorique

Émigration bretonne en Armorique

Entre les IIIe et VIe siècles de notre ère, les Bretons de la province romaine de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne) émigrèrent en masse vers l’Armorique, dont fait partie l'actuelle Bretagne.

Sommaire

Différentes vagues d’émigration

On peut dénombrer trois vagues d’émigration :

  • La première (fin IIIe siècle)
Les deux rives de la Manche étaient en contact depuis toujours de par les liens commerciaux entre l'île de Bretagne et le continent. La réorganisation du système de défense côtière par l'administration du Bas Empire romain à la fin du IIIe siècle eut pour première cause la nécessité de coordonner la lutte contre les pirates irlandais, frisons et saxons. Dans ce cadre, une première migration bretonne vers le continent eut un caractère essentiellement militaire.
  • La seconde (début Ve siècle)
Après le retrait des armées romaines de Bretagne insulaire durant la première décennie du Ve siècle, le mouvement s'intensifie, dû notamment à la poussée des Pictes de Calédonie (actuelle Écosse) et des Scots d'Irlande. Les migrants sont accompagnés par des « saints fondateurs » et à un certain nombre d'autres membres du clergé. Certains indices permettent de supposer que ceux-ci appartenaient à l'aristocratie britto-romaine car portant des noms latins gentilices, comme par exemple Paulus Aurelianus, saint Pol Aurélien. Cette seconde vague d'émigration fut non seulement organisée mais encouragée par l'Église et ses nouveaux alliés politiques, les rois francs Clovis et Childebert Ier.
  • La troisième (milieu du Ve siècle)
Un dernière vague d'émigration, la plus importante, postérieure à l'arrivée des sept saints, fut provoquée par l'invasion progressive des Jutes, des Angles et des Saxons sur l'île de Bretagne, appelée depuis Grande-Bretagne.

Raisons

Les raisons du peuplement de l'Armorique par les Bretons sont mal connues (voir l'article Histoire de la Bretagne). L'hypothèse courante évoque un exode: fuyant les massacres perpétrés par des ennemis supérieurs en nombre, les Bretons insulaires affluèrent d'abord vers les confins de leur grande île (les Cornouailles, le Pays de Galles et l'Écosse), puis nombre d'entre eux passèrent la Mor Breizh ou la « Mer de Bretagne » (c'est ainsi qu'ils appelaient la Manche, nom qu'elle porte toujours en breton) pour venir se réfugier sur le continent notamment dans la presqu'île armoricaine puisque la Gaule était elle-même celtique. Une hypothèse plus récente met en avant les liens ayant de tout temps existé entre les deux contrées (et non la pression des Angles et autres peuples germaniques), et cela bien avant l'arrivée de peuplades christianisées face aux barbares. Quelle qu'en soit la cause, ce mouvement d'immigration fut facilité par la proximité culturelle des bretons avec les peuples gaulois, d'ailleurs plus ou moins romanisés, bien que des conflits eurent lieu avec les autochtones privés du pouvoir et les Francs investis du pouvoir impérial depuis Clovis. Les Bretons nommèrent la péninsule armoricaine « petite Bretagne ».

Conséquences

Politique

L’installation en Armorique entraînera la création de nouveaux royaumes et autres principautés bretonnes (Broërec, Cornouaille, Domnonée, Léon, Poher, Porhoët…), aux dépens des populations celtes autochtones (Vénètes, Osismes, Coriosolites…). Celles-ci, totalement indépendantes du Domaine gallo-romain, puis de l'emprise des Francs, seront plus tard réunies au VIIIe siècle, sous l'impulsion de Nominoë au sein du Duché de Bretagne.

Religieuse

Article détaillé : Diocèses de Bretagne.

Au début de la migration au Ve siècle, l'implantation du christianisme venait tout juste de commencer au nord-ouest de la péninsule, alors qu'à l'est et au sud-est, l'évangélisation avait débuté dès le IIIe siècle comme à Nantes.
Les moines bretons marqués par le monachisme irlandais et la Règle de saint Colomban, vont alors donner un souffle nouveau à l'expansion de la religion chrétienne. Ces derniers commencent souvent par mener une vie érémitique en un lieu désert ou une île. Puis, au bout de plusieurs années de pénitence, de prière et de réflexion, certains décident d'encadrer des immigrants et les populations indigènes en créant des (paroisses), alors que d'autres fondent des monastères.
À cette époque, les évêchés n'existent pas encore dans cette partie de l'Armorique. Il semble que l'on confère des pouvoirs épiscopaux à certains abbés reconnus pour leurs qualités personnelles. C'est ainsi que certains monastères deviennent plus tard des sièges d'évêchés : c'est le cas à Saint-Pol-de-Léon, à Tréguier, à Saint-Brieuc, à Saint-Malo et Dol.
Alors, la nouvelle organisation du territoire qui se met en place, due notamment à l'intervention de ce clergé et marque encore aujourd'hui la toponymie bretonne, notamment dans les noms commençant par les préfixes :

  • Plou-, Plo-, Ploe-, Plé-, Pleu- ou Plu- qui désignent une « paroisse ».
  • Gwik- qui désigne le bourg de la paroisse.

Le nom du moine fondateur suit souvent ce préfixe. Exemples : Ploumilliau, Guimiliau.

Démographique

Même si il est difficile de quantifier ces mouvements de population, certains historiens avancent le chiffre de 30 à 50 000 personnes sur une population initiale 100 000 habitants. Ces réfugiés émigraient généralement par familles ou par clans entiers ( "Tud" ou "Kenedl", chaque clan étant gouverné par un "Mac'htiern"), et débarquaient en Armorique sous la conduite de leurs chefs religieux et civils. Non seulement ces familles demeuraient entre elles, mais elles tendaient encore à se regrouper selon leurs lieux d'origine, principalement dans des contrées désertées de tout temps ou bien abandonnées.
Ainsi, le nord de la péninsule (notamment le Trégor) a été massivement peuplé par des gens originaires de Domnonée (actuels Devon et Somerset), au point de lui transmettre son nom. Il en va de même de la Cornouaille, massivement peuplée par les Bretons des Cornouailles britanniques. Tandis, les immigrants originaires de l'actuel Pays de Galles, ont plutôt peuplé le Pays de Léon et le Vannetais. Dans cette dernière région, l'immigration bretonne fut cependant moins importante, leur influence culturelle se fît donc moins ressentir, notamment au niveau linguistique.

Linguistique

L'arrivée des Bretons se traduisit par une "receltisation" linguistique de la péninsule où le gaulois s'était considérablement affaibli par la latinisation des élites. Le Gaulois parlé en Armorique semblait cependant relativement proche des langues britonniques parlés par les migrants (cornique, gallois ou cambrien). La langue bretonne allait naître dès cette période grâce aux apports notables de ces langues. Toutefois, le clergé, les rois et princes bretons, eux-mêmes romanisés (Britto-romains), gardèrent la langue latine comme moyen de communication administratif.
Il est à noter, cependant que la particularité du mouvement de migration vers le Vannetais n'a pas totalement submergé les autochtones. Ce qui explique la différence linguistique du dialecte vannetais, par rapport aux trois autres dialectes (dits "KLT") de Cornouaille (le cornouaillais), du Léon (le léonard) et du Trégor, (le trégorrois) plus proches du britonnique. Le vannetais est lui plus proche du gaulois : les Vénètes ayant davantage imprimé leur trace que les autres peuplades gauloises d'Armorique, plus faibles.

Sémantique

La terre des Bretons étant à l'origine l'île de Bretagne, il se produisit dans la suite un glissement sémantique dans la langue continentale, qui aboutit au report de ce nom de « Bretagne » sur la Gaule armoricaine, puisqu'elle était peuplée de Bretons.
Pour éviter la confusion engendrée par ce transfert, on se mit à parler de Bretagne Insulaire, ou Grande Bretagne pour l’île d’origine, et de Petite Bretagne ou de Bretagne Armorique. En anglais moderne, le terme Britain s'emploie aussi fréquemment que Great Britain pour désigner l'île britannique, alors que la Bretagne armoricaine (que les Anglais appelaient souvent « Lesser Britain » — littéralement : Moindre Bretagne - de Britannia Minor en latin) a vu son nom anglais se modifier en Brittany (qui signifie littéralement Bretagnette, le suffixe « -y » étant en anglais l'équivalent du français « -et »), mettant ainsi fin à la confusion du terme Britain.

Voir aussi

Articles connexes


Bibliographie

  • Joseph Loth, L'émigration bretonne en Armorique, Rennes, 1883 (réimpr. Slatkine Reprints, Paris-Genève, 1980) (ISBN 2051001022)
  • René Largillière, Les saints et l'organisation chrétienne primitive dans l'armorique Bretonne ; Rennes, J. Plihon et L. Hommay, 1925, 270 p. disponible sur Gallica ; rééd. (avec préface de Bernard Tanguy, notes complémentaires et annexes), Crozon, ed. Armeline, 1995, 397 p. (ISBN 2-910878-00-7)
  • André Chédeville et Hubert Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, Ve-Xe siècle, Ouest-France, coll. « Université », Rennes, 1984 (ISBN 2858826137)
  • Alan-Joseph Raude, L'origine géographique des Bretons armoricains, Dalc'homp Sonj !, Lorient, 1996 (ISBN 2-905929-10-3)
  • Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, Payot, coll. « Bibliothèque historique », Paris, 1980 (ISBN 2228127108)
  • Pierre-Roland Giot, Philippe Guigon et Bernard Merdrignac, Les premiers Bretons d'Armorique, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Archéologie & Culture », Rennes, 2003 (ISBN 2-86847-788-7)
  • Christian Y.-M. Kerboul, Les royaumes brittoniques au Très Haut Moyen Age, Éditions du Pontig-Coop Breizh, Sautron-Spézet, 1997 (ISBN 2951031033)
  • Christiane M.-J. Kerboul-Vilhon, Gildas Le Sage Vies et oeuvres, Éditions du Pontig, Sautron, 1997 (ISBN 2951031025)

Sources

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