Csoma de Körös

Csoma de Körös

Sándor Kőrösi Csoma

Sándor Kőrösi Csoma, lithographie d'Ágoston Schoefft

Sándor Kőrösi Csoma ou Alexandre Csoma de Kőrös est un voyageur, un philologue et un orientaliste hongrois, fondateur de la tibétologie. Il est à Kőrös (en Transylvanie, aujourd'hui Chiuruş) le 27 mars 1784 et décédé à Darjeeling (Inde) le 11 avril 1842.

Sommaire

Biographie

Les années de formation

Sándor Kőrösi Csoma est issu dune famille de petite noblesse pauvre dascendance sicule ; lui-même se désigne comme « Siculo-Hongrois de Transylvanie ». Son père servait dans la garde-frontière. À six ans, Sándor commence ses études primaires dans son village ; en 1799, il est envoyé par son père au collège Bethlen de Nagyenyed (aujourdhui Aiud, en Roumanie), un établissement protestant de haute renommée. Il acquiert une bonne connaissance du latin et du grec classiques et dans cette période déveil national se passionne pour lhistoire des origines du peuple hongrois. Ses examens passés, il est répétiteur, puis complète sa formation en étudiant la philosophie (pendant trois ans) et la théologie (pendant quatre ans). Dès cette époque saffirme la grande idée de sa vie : retrouver le berceau de ses ancêtres magyars.

En 1815, il voyage à Vienne, puis en Allemagne. Un an plus tard, ayant obtenu une bourse anglaise, il sinscrit à lUniversité de Göttingen et se lance dans létude des langues orientales. Il assiste aux cours de Blumenbach, naturaliste et précurseur de lanthropologie moderne, et étudie larabe et le turc avec Eichhorn, orientaliste de renom qui attire son attention sur limportance des sources historiques arabes. Il prend aussi connaissance des idées de Klaproth concernant lexistence supposée de liens entre les Hongrois et les Ouïghours. À lissue de ces deux années, il peut lire et écrire treize langues.

De retour en Transylvanie en 1818, Csoma renonce à lenseignement. Il se met en relation avec le cercle savant de Kolozsvár (Cluj-Napoca), il retrouve son ancien condisciple, Samuel Gyarmathi, tenant de la théorie finno-ougrienne de lorigine des Hongrois. Les discussions vont bon train. Csoma refusait lidée dune parenté finno-ougrienne, qui prévaut aujourdhui. Il était persuadé que le peuple hongrois est issu des Huns, « comme il a été dit depuis des siècles », et quil fallait en chercher les traces au cœur de lAsie.

Au printemps 1819, à la suggestion de ses collègues, il se rend à Temesvár (Timişoara), puis à Agram (Zagreb) afin dapprendre le vieux slave et les langues slaves locales. Après des années pendant lesquelles il sest longuement préparé par létude, son projet a mûri. Le 25 novembre 1819, à trente-cinq ans, il quitte Nagyenyed ; quatre jours plus tard, il passe la frontière de son pays et se dirige vers lOrient.

De la Transylvanie au Ladakh : le « grand voyage » (1819-1822)

Il part à pied, avec le minimum de bagages et peu dargent. Entre-temps, son plan avait changé : nayant pu obtenir le passeport indispensable pour traverser la Russie, il sengage vers le sud en direction de Constantinople, via Bucarest et Sofia, muni dun simple laissez-passer rédigé en hongrois. Cest le début dun voyage qui va le conduire jusque dans lHimalaya. Au total il parcourra neuf mille kilomètres en deux ans et demi[1].

Laventure est émaillée dimprévus qui lobligent à modifier son parcours et retardent sa progression. À peine est-il arrivé à Constantinople quune épidémie de peste sévissant dans toute lAnatolie le contraint à sembarquer pour lÉgypte, lécartant ainsi de sa route. Parvenu à Alep, via Chypre et le Liban, il reste plus de sept semaines dans lattente dune caravane. De Mossoul à Bagdad, il emprunte lun des radeaux rudimentaires qui descendent le Tigre jusquà la capitale. Létape de Bagdad lui est propice : grâce à lhospitalité dun commerçant slovaque établi dans la ville, et avec laide du secrétaire du résident britannique, il séjourne un mois et demi dans dexcellentes conditions et reconstitue ses forces. À Téhéran, il passe cinq mois sous la protection des résidents britanniques, et met à profit ce délai pour perfectionner sa pratique du persan et de langlais. Reparti à travers le Khorassan, il arrive à Mashhad il reste six mois avant de trouver une caravane pour Boukhara. Lors de sa traversée de lAfghanistan en proie à la guerre civile, il rencontre dans la passe de Khyber, deux officiers français, Allard et Ventura, quil accompagne jusquà Lahore.

Le 18 mai 1822, il est à Srinagar, au Cachemire, et quelques jours plus tard pénètre au Ladakh ; le 19 juin, il est à Leh, la capitale de ce petit royaume himalayen. De , il cherche à passer en haute Asie, mais il doit renoncer à franchir le Karakoram : la route de Yarkand est trop dangereuse pour un chrétien et il manque dargent. Il décide de retourner à Leh, puis à Srinagar. Près de la frontière du Cachemire, il rencontre lAnglais William Moorcroft, vétérinaire et explorateur qui regrette le peu dattention accordée au monde tibétain et déplore labsence dun dictionnaire et dune grammaire de la langue tibétaine. Le seul ouvrage existant était lAlphabetum Tibetanum du père Georgi, paru à Rome en 1762, une compilation pesante, confuse et de peu dusage. (En janvier 1827 paraîtra sous légide de la mission baptiste de Serampore un nouvel ouvrage qui savérera également inutilisable.)

Encouragé par Moorcroft, Csoma décide de se consacrer à létude du tibétain. Revenu à Srinagar, il sattèle pendant cinq mois à lapprentissage de cette langue et de cette culture alors inconnues. Il espérait aussi trouver dans ses études tibétaines des sources relatives à lhistoire des Hongrois. En réalité, ce quil considérait comme une « occupation temporaire » allait durer près de dix ans.

À la découverte de la langue et de la civilisation tibétaines (1823-1830)

De juin 1823 à octobre 1824, il séjourne au Zanskar, ancien royaume himalayen dépendant du Ladakh, dans les conditions les plus dures, il passe près dun an et demi au monastère de Zangla afin dassimiler les fondements de la langue tibétaine classique. Il est pris en charge par un moine érudit, le lama Sangye Phuntsog, et accroît rapidement ses connaissances. Lors de ce séjour, il compulse un grand nombre douvrages en tibétain ayant trait à lhistoire, à la géographie, à la médecine et à la littérature et se constitue un lexique de vingt mille mots avec laide de deux autres lamas. Il vit de manière ascétique dans une cellule étroite, sans chauffage ni feu ; sa principale pitance est faite de thé de yak beurré et dorge.

En octobre 1824, il quitte Zangla pour Sabathou, poste-frontière britannique il demeure six mois sans beaucoup progresser, son maître étant le plus souvent absent. En butte à la méfiance des autorités britanniques qui le soupçonnent dêtre un espion, Csoma rédige à leur demande un rapport sur le but de son voyage et les circonstances fortuites qui lont conduit à entreprendre ses études tibétaines. Les Britanniques modifient leur attitude ; ils jugent son travail utile et lui donnent les moyens matériels pour poursuivre son activité. Fort de ce soutien, il retourne au Zanskar.

En novembre 1825, il sinstalle à Phuktal, la plus spectaculaire construction monastique du Ladakh. Son travail avance peu, mais il rapporte des matériaux importants (manuscrits, volumes imprimés) que son lama lui a préparés.

Mi-juin 1827, il est à Kanam, au Kinnaur (ou Kinawar, nord du comté indien de Bishawar) il va travailler trois ans et demi sur lintégralité du canon bouddhique tibétain, le Kandjour (bKa’-gur, 108 volumes ) et son commentaire, le Tandjour (bsTan-‘gyur, 225 volumes), soit un ensemble de 4569 textes différents. Traduits du sanscrit entre les VIIe et IXe siècles, ces textes furent ensuite retraduits dans les langues mongole, mandchoue et chinoise à partir du tibétain. Il a retrouvé son maître Sangje Phuntsog et travaille dans un environnement favorable. Cette période est la plus féconde. Il achève sa grammaire et son dictionnaire tibétains, prépare une version anglaise de la terminologie bouddhiste (Mahavyutpatti) et rassemble de nombreux matériaux ayant trait à la littérature tibétaine, dont le bouddhisme constitue lassise.

Sous les auspices de la Société asiatique du Bengale (1831-1842)

En 1831, à linvitation de la Société asiatique royale (un an plus tard, elle devient Société asiatique du Bengale), il se rend à Calcutta et sétablit au siège de lassociation avec comme mission dinventorier les fonds tibétains de la bibliothèque, détablir le catalogue raisonné des ouvrages acquis et de préparer lédition de son dictionnaire et de sa grammaire. Il rédige des articles qui seront publiés dans le Journal of the Asiatic Society of Bengal et Asiatic Researches. En 1833, il est désigné membre correspondant de la Société des savants hongrois (Magyar Tudós Társaság).

En janvier 1834 paraissent aux Presses de la Mission baptiste de Calcutta sa grammaire tibétaine[1]) et son dictionnaire tibétain-anglais[2]), deux ouvrages pionniers établis sur des bases scientifiques et ouvrant la voie à une nouvelle branche de la linguistique orientale : les études tibétaines. Ils seront imprimés à cinq cents exemplaires, dont cinquante destinés aux grandes institutions dEurope. Le 20 mars 1834, Csoma est élu à lunanimité membre dhonneur de la Société asiatique du Bengale.

De 1835 à 1837, il se rend dans la région de Malda, Titalya, Djalpaigur, au nord du Bengale, et sinstalle près du village de Titalya. Son but est dapprofondir sa connaissance du sanscrit et dapprendre le bengalais et le marathi, afin de voir ce qui les rapproche du hongrois. Dans la préface à son dictionnaire tibétain, il relevait l’« analogie étroite » entre la structure du sanscrit et celle des autres dialectes indiens avec le hongrois. Ses recherches ne donneront pas les résultats escomptés, la parenté linguistique savèrant plus problématique quil ne le pensait.

De retour à Calcutta, il devient bibliothécaire en chef de la bibliothèque, couvrant lensemble des collections orientales. Selon Ágoston Schoefft, un artiste peintre hongrois en visite, il vit en reclus, son travail scientifique est terminé. A ce stade, il peut lire ou écrire vingt langues.

En mai 1841, il démissionne de son poste de bibliothécaire et revient à son dessein initial : retrouver le berceau des Hongrois. Son intention est de se rendre à Lhassa, puis de continuer sa route à travers les immenses contrées tibétaines et au-delà jusquaux steppes mongoles. Il quitte Calcutta le 9 février 1842 et se dirige à nouveau vers le nord. En cours de route, il contracte la malaria et meurt à Darjeeling sans avoir atteint le Tibet.

Œuvres principales

  • A Grammar of the Tibetan Language in English, Calcutta, Baptist Mission Press, 1834.
  • Essay towards a Dictionary Tibetan and English, Calcutta, Baptist Mission Press, 1834.
  • « Analysis of the Kandjur », Asiatic Researches, vol.20, Calcutta, 1835. [Sur les grands principes du bouddhisme]
  • Sanskrit-Tibetan-English Vocabulary, 3 vol., Calcutta, 1910, 1916, 1944. [Glossaire bilingue sanscrit-tibétain de la terminologie bouddhiste („Mahavyutpatti”), complété par ses équivalents anglais]. Rééd. en 4 vol. par Akademia Kiadó, Budapest, 1984.
  • Tibetan Studies, Calcutta, 1912. [Recueil darticles]
  • The Life and Teachings of Buddha, Calcutta, 1957.

Jugement

  • « Ce nest pas trop dire quil a été le héros de la recherche désintéressée. (…) Persévérance, ténacité, volonté de fer, courage poussé jusquà lhéroïsme, abnégation exemplaire, on ne sait quels mots retenir quand il sagit de lui, car il les contient tous à la fois » (B.Le Calloch, « Alexandre Csoma de Kőrös, le bodhisatva hongrois », Revue dhistoire des religions, 1987,4, p.381).

Notes et références

Bibliographie

  • Theodore Duka, Life and works of Alexander Csoma de Kőrös, London, Trübner, 1885.
  • Jules Barthélémy Saint-Hilaire, « Vie et ouvrages dAlexandre Csoma de Kőrös par Théodore Duka », Journal des savants, Paris, nov.1887, pp. 673-686. [Compte rendu]
  • Bernard Le Calloch, Le journal dAlexandre Csoma de Kőrös, récit historique reconstitué par lauteur, [non daté, non diff.]. Une traduction en hongrois de cet ouvrage a été publiée sous le titre Kőrösi Csoma Sándor Útinaplója, Budapest, Püski, 2000. Trad. Lajos Örvös.
  • Bernard Le Calloch, « Alexandre Csoma de Kőrös, le bodhisattva hongrois », Revue dhistoire des religions, 4/1987, pp.353-388.
  • Sylvain Jouty, Celui qui vivait comme un rhinocéros : Alexandre Csoma de Kőrös, le vagabond de lHimalaya, Ed. Fayard, 2007. [ouvrage grand public]
  • Himalayablues (2009) - An Audiovisual Meditation on the Ten Transcendent Virtues of the Bodhisattva / Dedicated to Alexander Csoma de Koros
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