Chikungugna

Chikungugna

Chikungunya

Cet article traite de la maladie. Pour l'épidémie de chikungunya à la Réunion de 2004-2006, voir l'article dédié.

Chikungunya
CIM-10 : A92.0

Le chikungunya (en abrégé le chik) , est une maladie infectieuse tropicale, due à un arbovirus (noté CHIKV, pour chikungunya virus[1]), un Alphavirus de la famille des Togaviridae, transmise par des moustiques du genre Aedes. Le nom est d'origine makondée[2] et signifie : « qui se recourbe, qui se recroqueville », à l'image des feuilles tombées des arbres qui se recourbent en séchant ; on a aussi traduit chikungunya en français « maladie qui brise les os » ou « maladie de l'homme courbé » car elle occasionne de très fortes douleurs articulaires associées à une raideur, ce qui donne aux patients infectés une attitude courbée très caractéristique.

La transmission du virus d'un humain malade à un moustique se fait par le sang aspiré lors de la piqûre. La contamination d'un homme sain est réalisée par la salive de moustiques qui ont été infectés quelques jours ou quelques semaines auparavant. Seules les moustiques femelles piquent.

Plusieurs espèces de moustiques sont susceptibles de transmettre le chikungunya, mais seules Aedes aegypti et Aedes albopictus ont été à ce jour identifiées comme vecteurs épidémiques, à cause de leur adaptation aux zones d'habitat humain. Ces mêmes espèces sont également impliquées dans la transmission d'autres arbovirus : dengue, fièvre dengue hémorragique (DHF), fièvre jaune,Filariose, etc.

Sommaire

Historique

Le chikungunya n’est pas une maladie nouvelle. Le virus a été isolé pour la première fois en 1952-1953 lors d'une épidémie de fièvre qui sévissait sur le plateau du Makonde dans la province de Newala au Tanganyika (actuelle Tanzanie). La maladie est responsable d'affections sévissant sous forme endémique en zones rurales d'Afrique subtropicale, et sous forme épidémique dans des populations non immunes, en particulier urbaines, aussi bien en Afrique qu'en Asie du sud (Inde, Viêt Nam).

On dénombre deux principaux foyers de chikungunya :

  • L’un asiatique, qui frappe régulièrement Java, ou l'Inde (près de 1,3 million de personnes infectées[3]).
  • L’autre africain. Les scientifiques du Centre national de références des arbovirus de l'Institut Pasteur ont identifié dès le mois de mai 2005 le virus à La Réunion. Le premier cas y a été enregistré le 22 février. Fin novembre, 4 500 personnes étaient contaminées. Au 24 février 2006, le virus du chikungunya infectait plus de 150 000 personnes, soit 20 % de la population de l’île, avec près de 120 000 nouveaux cas rien que pour le début de l'année 2006. La Réunion n’est d’ailleurs pas la seule île touchée dans cette région. Le chikungunya a fait son apparition aux Comores en juillet 2004. Le nord de Madagascar, Maurice, les Seychelles et Mayotte, avec plus de 5 000 cas officiellement déclarés, ne sont pas épargnés, même si l’on en parle finalement assez peu (si les chiffres annoncés à la Réunion sont proches de la réalité, on peut émettre de sérieux doutes concernant les 4 autres régions précitées). Les maladies importées dépassent les 1 000 cas[4] entraînant un risque potentiel de dissémination s'il existe un insecte vecteur. En août 2009, 3 nouveaux cas sont identifiés à Saint-Gilles-les-Bains sur l'île de la Réunion.[5].

Le premier foyer européen est identifié durant l'été 2007. Le 30 août 2007 les autorités sanitaires italiennes informent leurs homologues européens qu’une centaine de cas d’infection à virus chikungunya sont à déplorer dans le nord-est de l'Italie (district de Ravenne, région d'Émilie-Romagne), information relayée par le ministère français de la Santé[6],[7]. À ce stade, le nombre de nouveaux cas hebdomadaires décroît selon ces mêmes autorités.

Des épidémies de chikungunya antérieures à 1952 ont pu être identifiées rétrospectivement à la lumière des connaissances actuelles de la maladie. Ainsi, Carey a avancé que certaines épidémies attribuées au virus de la dengue, étaient en fait des épidémies de chikungunya : Le Caire et Batavia-Jakarta en 1779, Zanzibar en 1823 et 1870, l'Inde en 1823, 1824-1825 et 1871-1872, Hong Kong, la Birmanie (actuel Myanmar) et Madras en 1901-1902. La réattribution rétrospective de ces épidémies au virus chikungunya repose d'une part sur la coexistence des virus de la dengue et du chikungunya dans ces régions, et d'autre part sur les descriptions faisant état de douleurs articulaires et de complications à type d'arthrite plus compatibles avec une fièvre chikungunya qu'avec une dengue.

Le tableau clinique est dominé par une fièvre élevée comme celle de la dengue (dengue et chikungunya ont souvent été confondues) associée à des douleurs articulaires invalidantes et parfois une éruption cutanée. Mais il y a des formes sévères ignorées jusque-là : des hépatites fulminantes, des attaques du muscle cardiaque, des méningo-encéphalites... De nombreux autres togavirus du genre alphavirus et appartenant au complexe de la Semliki Forest, comme Ross River, O'nyong-nyong, Sindbis et Mayaro sont associés à des symptômes similaires [8].

La maladie

Le moustique est le vecteur de transmission locale du chikungunya. Quelques cas de contaminations sanguines existent toutefois dans la littérature médicale. Ils sont extrêmement rares et concernent du personnel soignant qui s’est involontairement inoculé le virus.

De la larve au moustique

L’œuf éclot, donnant une larve de premier stade. La larve connaît une évolution en quatre stades, avant de se transformer en nymphe. La phase nymphale dure 48 heures d'où émerge le stade adulte qui effectue un vol nuptial au-dessus du gîte larvaire. Tout ce cycle dure de six à dix jours, plutôt six jours quand humidité et chaleur sont idéales.

L’Aedes n’est pas très difficile sur la qualité et la taille de son lieu de ponte : une canette lui suffit pour peu qu’elle contienne un peu d’eau. En revanche, il ne pond que dans l’eau douce, stagnante, non croupie et à l’ombre (pneu usagé). De plus, l'œuf résiste à la dessiccation et survit en absence d'eau, n'éclosant qu'à la remise en eau de son lieu de ponte.

Il ne faut pas limiter la lutte anti-moustiques à la seule éradication des adultes. Il est beaucoup plus simple et efficace de s’attaquer à une flaque d’eau contenant des centaines de larves immobiles, que de courir derrière le même nombre de moustiques adultes et donc volants.

Cycle du virus

Comme chez toutes les espèces de moustiques, seule la femelle est hématophage (c'est-à-dire qu'elle doit se nourrir de sang pour assurer le développement de ses ovaires et de ses œufs) et donc capable de transmettre le chikungunya. La trompe de la femelle est munie de 2 tuyaux parallèles : l'un pour injecter la salive et le virus, l'autre pour pomper le sang après l'anesthésie locale par la salive. Les mâles étant des suceurs de sève d'herbacées ou de nectars de fruit, ils sont donc démunis de pièces buccales capables de transpercer la peau des vertébrés. Cette capacité « vectorielle » de la femelle Aedes s’explique par une faculté à dupliquer le virus (et non pas la quantité de sang absorbé, bien insuffisante). Et contrairement aux idées reçues, ce n’est pas en absorbant le sang mais juste avant, en injectant un peu de salive anticoagulante dans un vaisseau sanguin de sa victime, que le moustique infecte l'hôte. Un moustique s’infecte en effet en piquant (à proprement parler, il convient de parler de morsure et non de piqûres de moustiques) un humain ou un animal contaminé. Le sang traverse ensuite la frontière stomacale de l’animal pour passer dans ses glandes salivaires. La femelle devenue infectante le reste toute sa vie, soit environ un mois. Or, elle pique et pond tous les quatre jours environ. Sept à huit transmissions du virus par le moustique sont donc possibles avec contamination d'autant de personnes. Une femelle Aedes pond environ 300 œufs au cours de son existence. Les œufs peuvent persister plusieurs mois dans la nature en cas de conditions défavorables (sécheresse, avant de se transformer en larves puis en nymphes dès la mise en eau du site de ponte. L'adulte (imago) s'envole ensuite et s'accouple rapidement.

Il existe une transmission verticale, c’est-à-dire que les œufs pondus par une femelle infectée sont contaminés dans une très faible proportion (1 à 2 %), et donc sans répercussion réelle sur la transmission de la maladie.

Symptômes

L’incubation de la maladie dure de quatre à sept jours en moyenne. La virémie, c’est-à-dire la période de présence du virus dans le sang et donc de transmission possible, s’étale pendant cette période pendant laquelle le génome viral peut être mis en évidence dans l'organisme par RT-PCR. Les anticorps Immunoglobulines M (IgM) apparaissent vers le 5e jour de la maladie et persistent plusieurs mois. Les IgM sont assez peu spécifiques et des faux positifs sont dus à des mécanismes de stimulation polyclonale par d'autres maladies infectieuses. Puis, apparaissent les IgG à partir du 15e jour, qui durant plusieurs années, voire décennies, sont spécifiques du chikungunya (anticorps dirigés contre les protéines de la membrane du virus) et protecteurs. L’immunité est donc estimée acquise à vie, ce qui signifie en l'état actuel des connaissances qu'une personne ayant eu le chikungunya ne peut être atteinte une deuxième fois.

Les premiers symptômes peuvent faire penser à une crise de paludisme ou de grippe, ou de leptospirose, ou à une septicémie, une méningite etc. Selon l'OMS, le chikungunya est une maladie dite dengue-like, c’est-à-dire qu'elle ressemble beaucoup à la dengue (douleurs musculaires et articulaires, forte fièvre, éruption sur la peau...). La maladie se déclare généralement par une très forte fièvre, parfois au-delà des 40°C, durant environ 3 jours. Cette fièvre est suivie d'un érythème (éruption de boutons) et de courbatures très douloureuses, ainsi que de vives douleurs des articulations clouant le malade au lit. Les enfants ne présentent que rarement ces douleurs articulaires. Chez eux le chikungunya se traduit comme une simple grippe. Toutefois, à La Réunion, deux enfants de 9 et 10 ans sont décédés dans des tableaux d'encéphalite et de myocardite (atteintes du cerveau et du cœur).

Les douleurs articulaires peuvent persister ou réapparaître pendant plusieurs mois, notamment aux articulations fragilisées (anciennes entorses ou fractures chez des sportifs par exemple). Une attention particulière doit toutefois être portée aux personnes fragiles : les nourrissons dont les douleurs peuvent bloquer la mâchoire et rendre impossible toute alimentation, les personnes âgées aux défaillances d'organes particulièrement sensibles aux effets de la fièvre (accélération de la fréquence cardiaque, déshydratation). Sont particulièrement exposées à ces risques secondaires à toute fièvre les personnes souffrant de diabète, insuffisance cardiaque, rénale, respiratoire... Les alcooliques atteints de chikungunya ont présenté des risques accrus d'hépatite mortelle.

Précautions et traitement

La transmission directe du virus d'homme à homme n'existe pas. La transmission est dite indirecte car elle nécessite la présence d'un moustique vecteur : Aedes aegypti ou albopictus essentiellement. Côtoyer des “chikungunyés” ne présente pas de risque direct, sauf si ceux-ci sont piqués par des Aedes qui se gorgent ainsi de leur sang riche en virus. Il existe une transmission in-utero du virus de la mère à l'enfant (une quarantaine de cas ont été décrit en 2005-2006 à La Réunion). Le chikungunya peut alors induire des lésions neurologiques graves chez le fœtus, pouvant entraîner son décès in utero au cours du second trimestre (3 cas à La Réunion). Mais le risque essentiel est constitué par l'accouchement en période virémique, c’est-à-dire pendant que la future maman est malade du chikungunya. Dans la moitié des cas, l'enfant est alors contaminé par le virus et fait une encéphalite dans 10% des cas. En piquant une personne infectée, le moustique récupère le virus et peut ainsi le propager. L'Aedes femelle ne sera alors infestant qu'après plusieurs jours de développement du virus dans son corps : c'est le cycle extrinsèque qui amène le virus du tube digestif aux glandes salivaires du moustique.

Aucun médicament n'a été mis au point à ce jour ; seul un vaccin expérimental a été développé par l'Institut de recherche de l'armée des États-Unis [9]. La souche vaccinale (souche thaïlandaise datant de 1962 atténuée par passages successifs sur cellule vero de singes), a été cédée par l'Institut de recherche de l'armée des États-Unis à l'INSERM qui travaille actuellement sur la préparation d'essais de phase III chez l'homme (requalification en cours - mi 2007). La souche vaccinale est en cours de requalification en France sous l'égide de l'INSERM. En cas de requalification positive, des essais vaccinaux pourraient être menés en 2007 en métropole (essais de tolérance), puis ultérieurement en période d'épidémie dans un territoire français d'outremer (essais d'efficacité).

Il n’existe pas de traitement virucide (“tueur de virus”). Ex vivo, la choloroquine (Nivaquine) s'est montrée très efficace sur le virus. Toutefois, les études de preuve de concept (choloroquine à titre curatif et préventif) conduites à la mi-2006 à la Réunion n'ont pas permis de conclure, en raison du faible nombre de personnes incluses dans l'étude, l'épidémie touchant à sa fin. Les essais se sont donc poursuivis sur modèle animal (macaques) et ont permis de conclure sans ambiguïté que la chloroquine n'est pas efficace contre le virus in vivo.

Faute de traitement étiologique, le traitement reste donc purement symptomatique : contrôle de la fièvre et de la douleur au moyen de paracétamol. Comme au cours de la dengue, l'aspirine ne doit pas être utilisée en raison des risques de saignement que cette molécule et que le chikungunya provoquent (diminution de l'aggrégabilité et du nombre des plaquettes sanguines).

Le virus n'avait pas la réputation d'être mortel, mais des cas d'encéphalites et de défaillances d'organes ont été décrits lors de l'épidémie de la Réunion. Le chikungunya ne peut donc plus être considéré comme une maladie bénigne. Il existe des formes asymptomatiques (c’est-à-dire sans fièvre ni douleurs), mais dans une très faible proportion (6 - 10 % des cas, sur des études de séroprévalence conduites à la Réunion et à Mayotte en 2006).
Les singes sont également porteurs du chikungunya, ainsi que beaucoup d'autres animaux sauvages, domestiques et de rentes. Une étude conduite sur environ 1 500 animaux à la Réunion et à Mayotte, permettra d'en savoir plus sur le réservoir animal, ainsi que sur son rôle dans l'épidémie de l'océan Indien.

La protection individuelle est par les vêtements longs et clairs et l'usage de lotions répulsives tôt le matin et en fin de journée, mais celles-ci ont une durée efficace limitée (4 à 8 heures selon les produits), la moustiquaire imprégnée de répulsifs, la pose de grillages sur les ouvertures des maisons. En raison de la très forte virémie pendant la maladie (jusqu'à 10 puissance 12 copies de virus par millilitre de sang chez le malade pendant la première semaine de la maladie), il faut également insister sur la nécessité d'isoler les malades (confinement à domicile, répulsifs...), afin de limiter la prolifération de la maladie. En effet, en période épidémique, c'est l'homme malade qui constitue le réservoir principal de virus et qui est donc un danger pour son entourage.

La seule véritable prévention à ce jour consiste donc à combattre la reproduction et la prolifération des moustiques par élimination des gîtes larvaires d'eau stagnante par exemple les vases des cimetières, les bâches des piscines, les récipients abandonnés, les gouttières, les pneus entreposés à l'extérieur, les déchets. Aedes albopictus, moustique vecteur du chikungunya est très lié aux activités humaines.

Le chikungunya fait partie de la liste des maladies à déclaration obligatoire en France métropolitaine, aux Antilles, dans le Pacifique français, et à la Réunion depuis le 19 décembre 2008[10]. Il ne suffit pas de se protéger soi-même, il faut aussi penser à la communauté. Il existe pour ce faire un dispositif de surveillance à l'INVS.

Notes et références

  1. CHIKV (Chikungunya Virus)
  2. Sources : Houghton Mifflin et Dr. Gerald Eder L'affection se propagea si rapidement, au sein et à la périphérie des villages durant la saison des pluies de juillet jusqu'à février, qu'elle fut nommée par les villageois chikungunya, terme de la langue makondé, que l'on trouve pour la première fois dans une publication anglaise en 1954 . Le makondé est une langue bantoue parlée au sud de la Tanzanie et au nord du Mozambique. La langue nationale de la Tanzanie étant le swahili, langue bantoue également, la plupart des articles qui paraissent donnent par erreur le swahili comme langue d'origine du mot.
  3. (en)Failure to control mosquitoes has led to two fever epidemics in India, Ganapati Mudur, BMJ 2006;333:773
  4. (en)Chikungunya outbreaks — The globalization of vectorborne diseases, Rémi N. Charrel, Xavier de Lamballerie, Didier Raoult, New En g J Med, 2007;356:769-771
  5. (fr)« Le chikungunya est de retour », dans Le Quotidien de La Réunion, 21 août 2009 [texte intégral (page consultée le 24 août 2009)] 
  6. http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/31_070831b.pdf
  7. Romandie :: toute l’info suisse romande :: votre multi-portails régional
  8. Source : lionel.suz.free.fr
  9. Article de Libération du mercredi 1er février 2006
  10. décret du 19 décembre 2008

En savoir plus

Bibliographie

  • (fr) Bernard-Alex Gaüzere, Pierre Aubry, Le chik, le choc, le chèque : l'épidémie de chikungunya à la Réunion 2005-2006 en questions, Azalées Éditions, 2006 - ISBN 2-915923-13-2
  • (fr) Jean Lombard L'épidémie moderne et la culture du malheur, petit traité du chikungunya, L'Harmattan, 2006 - ISBN 2-296-01091-1
  • (fr) G. Pialoux, B.-A. Gaüzere, M. Strobel, Infection à virus Chikungunya : revue générale par temps d'épidémie, in Médecine et maladies infectieuses, 23 mai 2006 - ISSN 0399-077X

Articles connexes

Liens externes

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