- Cas Anna O
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Bertha Pappenheim
Bertha Pappenheim, née à Vienne (Autriche) le 27 février 1856 et morte à Neu-Isenburg le 28 mai 1936, est considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne. Connue aussi comme militante féministe, elle fonda la Ligue des femmes juives et lutta activement contre la prostitution.
Souffrant de divers maux jusqu'en 1888, Bertha Pappenheim connut plusieurs séjours en milieu hospitalier et fut également, entre 1880 et 1882, la patiente de Joseph Breuer. Ce dernier expérimenta sur elle ce qui prit plus tard le nom de “méthode cathartique”, inspirée des enseignements de Jean-Martin Charcot. Son cas éveilla l'intérêt de Sigmund Freud, qui élabora la cure psychanalytique à partir de la méthode de Breuer.
Un récit de la prise en charge de Bertha Pappenheim par Breuer fut publié par celui-ci en 1895 dans les Études sur l'hystérie, ouvrage écrit conjointement avec Sigmund Freud et où Bertha est désignée sous le pseudonyme d’Anna O. (formé à partir de la lettre précédant ses initiales: BP/AO). Ce compte-rendu fait figure de référence, notamment comme révélateur des bienfaits de l'expression orale, bien que Bertha Pappenheim l'ait elle-même trouvée inefficace pour soigner ses maux.
Sommaire
Biographie
Bertha alla à l'école catholique, aucun externat judaïque n'existant à Vienne à cette époque. Malgré l'orthodoxie de son père, elle eut une éducation libérale. Selon Breuer, elle était « complètement non religieuse », possédait un puissant intellect avec des grands dons poétiques et imaginatifs. Elle parlait l'anglais, le français et l'italien, ainsi que l'hébreu et le yiddish.
Alors que Breuer disait qu'elle menait une existence monotone en tant que « jeune femme supérieure », ceci est en contradiction avec l'image d'une jeune femme pleine de vie en tenue d'équitation. Comme les femmes de son milieu, elle montait à cheval, brodait, jouait au piano (jusqu'à tard dans sa vie) et allait au théâtre. Elle appréciait particulièrement Shakespeare.
Après sa sortie du sanatorium Bellevue Hospital, elle séjourna pendant quelques mois chez des membres de sa famille en Allemagne et suivit des cours d'infirmière à Karlsruhe. De retour à Vienne en 1883, elle rechuta et fit trois longs séjours au sanatorium Inzerdorf. En 1888, elle était rétablie et déménagea avec sa mère à Francfort-sur-le-Main, où sa carrière dans le domaine social commença.
Elle fonda un orphelinat pour jeunes filles juives à Francfort-sur-le-Main et le dirigea pendant douze ans. Après la mort de sa mère en 1905, elle vécut à l'orphelinat. En 1904, elle fonda la Ligue des femmes juives, puis en 1907 une institution d'enseignement affiliée à cette organisation. Elle dirigea une campagne internationale contre la prostitution, décrite comme un « esclavage blanc » ou traite des blanches, impliquant des jeunes femmes juives d'Europe de l'Est et du Proche-Orient. Elle parcourut l'Europe orientale et le Moyen Orient, tout en subissant de dures et parfois dangereuses épreuves lorsqu'il s'agissait d'inspecter les bordels. Elle fit également des visites en Palestine, Londres, Paris et New York pour attirer l'attention sur sa campagne.
Son travail, bien que non dénué de controverses, fut considéré comme un signal pour d'autres. Son dévouement fut légendaire et elle est considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne.
Elle écrivit beaucoup, sous le pseudonyme de "Paul Berthold" (ses initiales inversées BP/PB) : contes de fées, prières juives et une pièce de théâtre décrivant des personnages féminins exploités par des hommes. Elle tint une large correspondance, dont la plupart fut détruite pendant la guerre, y compris des échanges avec le philosophe Martin Buber.
Sans aucun doute, Bertha était charismatique et pleine de vie, libérée de problèmes psychologiques. Elle vécut seule et ne se maria jamais. Elle avait un bon sens de l'humour, aimait la bonne chère et avait une jolie collection de verres, porcelaines et tapisseries.
Bertha retourna à Vienne en 1935, où elle mourut d'un cancer le 28 mai 1936, opprimée par le pressentiment de la tragédie qu'elle avait prédite pour les juifs européens. Sa tombe est située au vieux cimetière juif de Francfort (Rat-Beil-Strasse). Sa mort fut commémorée par une édition spéciale de 40 pages du journal qu'elle avait fondée.
En 1954, Bertha Pappenheim fut honorée comme une pionnière du travail social avec l'émission d'un timbre par la République fédérale d'Allemagne.
Ce que Bertha Pappenheim pensait à propos d'« Anna O. » n'est pas connu, car elle aurait détruit tous les documents ayant trait à son enfance ou à sa maladie durant sa jeunesse. Dora Edinger, sa biographe, révéla qu'alors elle ne discutait pas de sa maladie avec ses proches, elle fut toujours sévèrement critique à propos de la psychanalyse. Cela peut toutefois s'expliquer par l'hypnose, méthode que Freud qui, faut-il le rappeler, n'était pas l'analyste de Anna O., rejeta par la suite.
Certaines indications sur son attitude furent glanées par l'un de ses médecins du Sanatorium Bellevue, qui nota ses « jugements méprisants contre l'inefficacité de la science au regard de ses souffrances ». Dans les années suivantes, elle s'exclama : « Aussi longtemps que je vivrai, jamais la psychanalyse ne pénétrera mes établissements. »
Arrière-plan familial
Le grand-père paternel de Bertha Pappenheim, Wolf Pappenheim, un descendant de Rabbi Nathan, venait de la ville de Pappenheim en Bavière ; le nom de famille en est dérivé. Plus tard, il hérita de la fortune de sa femme (née Calman) et s'installa dans le ghetto de Pressbourg. Il eut deux fils, Kalman et Siegmund, le père de Bertha.
Siegmund Pressbourg s'établit à Vienne et devint un marchand de grains opulent. Juif orthodoxe pratiquant, il contribua au fonds pour la construction de la synagogue de Schiffshul. Après la mort de sa mère en 1879, il fut désigné comme tuteur de la future femme de Freud, Martha Bernays, qui eut des liens amicaux avec Bertha.
Recha Goldschmidt, la mère de Bertha, est née à Francfort-sur-le-Main. Son père, Benedikt Salomon Goldschmidt, un marchand de denrées, se maria d'abord avec Bella Braunschweig, et après sa mort avec sa sœur Sprinze (Sabina). La famille était influente et entretenait des relations avec beaucoup de familles juives connues, telles que les Homberger, les Warburg et les Rothschild. Parmi ses ancêtres se trouvent Heinrich Heine et la diariste Glückel von Hameln.
Le mariage de Pappenheim en 1848 fut arrangé selon les coutumes de l'époque. La famille vécut dans le quartier juif de Leipoldstadt avant de s'installer en 1880 dans la Lichtensteinstrasse (proche de l'endroit où vivait Freud). Recha Pappenheim n'apprécia jamais de vivre à Vienne loin de sa famille. On a prétendu que cette relation aurait été malheureuse et que Siegmund Pappenheim aurait fréquenté les bordels, mais aucune preuve n'étaye ces spéculations.
Breuer décrivit Recha Pappenheim comme « très sérieuse » ; Jones, moins respectueusement, comme « une espèce de dragon ». Elle perdit deux filles ; Flora mourut trois ans avant la naissance de Bertha, et Henriette mourut de méningite tuberculeuse quand Bertha avait huit ans.
Le frère de Bertha, Wilhelm, exerça le droit à Vienne. On le décrit comme un « gentleman accompli » possédant la librairie la plus complète en Europe sur le socialisme. Le frère et la sœur étaient brouillés, Bertha affirmant qu'il la tyrannisait sans merci durant son enfance.
Psychanalyse
Anna O. est le premier cas d'hystérie exposé en 1895 dans les Études sur l'hystérie de Sigmund Freud et Joseph Breuer. L'histoire de cette cure qui n'aboutit à aucun soulagement d'Anna O., depuis le récit de Freud et Breuer, celui d'Ernest Jones, puis ceux de Albrecht Hirschmüller et d'Henri F. Ellenberger a donné lieu à multiples interprétations ou polémiques. certains auteurs comme Mikkel Borch-Jacobsen ont qualifié à propos de ce cas de mystification.
Freud n'a pas lui-même suivi cette patiente ; elle fut de 1880 à 1882 une patiente de Breuer. Celui-ci conta sa guérison à son collègue et ami Freud, qui conceptualisait alors ce qui deviendrait la psychanalyse. Anna O. qualifia les séances de « ramonage de cheminée ». Elle inventa le terme talking cure[1].
Anna O. souffrait de :
- dépression nerveuse ;
- épilepsie ;
- insomnie ;
- aphasie ;
- labilité de l'humeur ;
- hydrophobie ;
- cécité partielle ;
- paralysie du bras droit ;
- oubli de sa langue maternelle (l'allemand) ;
- hallucinations de serpents.
Lorsque Breuer l'hypnotisa, elle avoua qu'un jour, elle avait vu "sa dame de compagnie anglaise qu'elle n'aimait pas [...] faire boire son petit chien, une sale bête, dans un verre" (Breuer, J., Freud, S. (1895) Études sur l'Hystérie.p. 25. Paris: PUF). Ainsi, au lieu de lui exprimer son sentiment de dégoût, elle avait intériorisé ce sentiment, formant ainsi un symptôme de conversion hystérique, sentiment qu'elle pu ensuite verbaliser sous hypnose. Quand elle se réveilla, Anna O. n'était plus hydrophobe.
Commémoration
En 1954, la République fédérale d'Allemagne produisit un timbre à son effigie.
Notes et références
- ↑ Terme originellement en anglais.
Annexes
Bibliographie
- Sigmund Freud et Joseph Breuer, Études sur l'hystérie (1895), PUF, 2002, (ISBN 2-13-053069-9).
- Ernest Jones, La vie et l'œuvre de Sigmund Freud – tome I, PUF coll. « Quadridge », rééd. 2006, (ISBN 2-13-055692-2).
- Henri F. Ellenberger, L'histoire d’“Anna O.” : étude critique avec documents nouveaux (1972) (in L’Évolution psychiatrique, 2007, no 72, (ISBN 2842998981)).
- Mikkel Borch-Jacobsen, Souvenirs d'Anna O. Une mystification centenaire, Aubier Montaigne, 1998, (ISBN 2-7007-2189-6).
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