Sanatorium d'Aincourt

Sanatorium d'Aincourt
Sanatorium d'Aincourt
Vue du pavillon du Docteur Vian.
Vue du pavillon du Docteur Vian.
Présentation
Architecte Édouard Crevel et Paul-Jean Decaux
Date de construction 1931-1933
Destination initiale Sanatorium
Protection  Inscrit MH (1999)
Géographie
Pays Drapeau de France France
Région Île-de-France
Département Val-d'Oise
Localité Aincourt
Coordonnées 49° 04′ 50″ N 1° 45′ 30″ E / 49.08056, 1.7583349° 04′ 50″ Nord
       1° 45′ 30″ Est
/ 49.08056, 1.75833
  

Géolocalisation sur la carte : France

(Voir situation sur carte : France)
Sanatorium d'Aincourt

Le sanatorium d'Aincourt était un centre de cure spécialisé dans le traitement de la tuberculose pulmonaire (phtisie) situé dans le village d'Aincourt (département du Val-d'Oise) en France.

Le sanatorium, actuellement situé dans le parc naturel régional du Vexin français, a été construit par les architectes Édouard Crevel et Paul-Jean Decaux, entre 1931 et 1933. Il est un des plus vastes ensembles de cette catégorie édifiés au XXe siècle. Il fut aussi un camp de concentration entre 1940 et 1942.

L'édifice est à l'heure actuelle partiellement occupé par le groupement hospitalier intercommunal du Vexin[1]. Il fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 1er février 1999[2].

Sommaire

La création de "La Maison de la Cure" d'Aincourt

À la fin des années 1920, le département de Seine-et-Oise enregistrait une recrudescence inquiétante de cas de tuberculose pulmonaire, notamment dans les centres urbains alors en plein essor industriel et démographique. Environ 10 000 tuberculeux mouraient par an et en 1929, une épidémie toucha 700 000 personnes en France. En 1930, le préfet du département et le conseil général décidèrent la création d'une « Maison de la Cure » sur la colline de la « Bucaille » (nom courant dérivé du bas latin buca : la vache), un ancien rendez-vous de chasse situé à la sortie du village d'Aincourt (actuel Val-d'Oise), à 55 km au nord-ouest de Paris, dans le Vexin français.

Un concours architectural fut lancé, remporté par le projet commun d'Édouard Crevel et Paul-Jean Decaux. Les travaux débutèrent en avril 1931 et s'achevèrent en juillet 1933, date de l'ouverture du sanatorium. C'est l'entreprise de construction parisienne Lauret qui obtint le marché du gros œuvre. L'ensemble qui vit le jour en un temps record est un des plus grands et des plus remarquables sanatoriums construits au XXe siècle.

Un vaste ensemble hospitalier en pleine nature

Le site de la Bucaille est un ancien parc de 73 hectares situé à la sortie du village d'Aincourt, dont la situation, en pleine campagne du Vexin français, répondait parfaitement aux impératifs sanitaires d'isolement et de salubrité de l'air, tout en restant facilement accessible de l'agglomération parisienne.

Afin d'améliorer la qualité de l'air, on planta une véritable forêt de pins des Vosges sur la colline de la Bucaille devant recréer des conditions climatiques proches de celles de la moyenne montagne. En effet, la cure d'air frais et le repos constituaient le principal axe thérapeutique alors en vigueur, à une époque où les antibiotiques n'existaient pas. Ce fait conditionna le parti pris architectural des trois pavillons de cure : le Pavillon des Hommes (Pavillon Adrien Bonnefoy-Sibour dit "Pavillon des Tamaris"), le Pavillon des Femmes (Pavillon du Docteur Vian dit "Pavillon des Peupliers") et le Pavillon des Enfants, dit "Pavillon des Cèdres" (actuel groupement hospitalier intercommunal du Vexin).

sanatorium d'Aincourt
Vue du Pavillon des Enfants en fin de construction

Un ensemble architectural unique

Conçus pour accueillir 150 malades chacun, ces trois pavillons, distants de 400 mètres pour éviter tout risque de propagation épidémique, furent posés à flanc de colline - respectivement du plus haut au plus bas : le pavillon des femmes, le pavillon des enfants, le pavillon des hommes - et parallèlement, de manière à bénéficier de la même orientation sud-est des terrasses, condition nécessaire aux cures de soleil et d'air pur alors en vigueur pour soigner la tuberculose.

Leur architecture est identique et impressionne par ses proportions. Il s'agit de trois grands bâtiments, de 220 mètres de long sur 12 mètres de large, comprenant trois étages de chambres disposés en gradins et un toit-terrasse. Chaque niveau possède une terrasse de cure continue compartimentée avec des paravents en verre dépoli destinés à isoler chaque chambre. Les terrasses, ou solariums, sont les galeries de cure cruciales pour le traitement de la maladie, les patients bacillaires devant passer plusieurs heures par jour sur ces terrasses aux heures d'ensoleillement, à respirer l'air pur et astreints à un repos absolu.

Cette spécificité thérapeutique et leur gigantisme confèrent à ces bâtiments l'allure de paquebots posés au milieu d'une forêt. Les chambres sont desservies intérieurement par un immense couloir de circulation. Deux escaliers principaux, construits hors-œuvre, flanquent chaque extrémité du corps principal. Leur cage de forme arrondie, bénéficie d'un éclairage naturel grâce à une résille de dalles de verre, allégeant considérablement leur apparence extérieure.

Le corps central est encadré de bâtiments annexes qui lui sont reliés par une galerie incurvée. A l'ouest se trouvent les services médicaux, dont un bloc opératoire et une salle de pneumothorax, à l'est les cuisines, le réfectoire et la salle de spectacle.

Fonctionnalisme et esthétique

Le gros œuvre est en béton armé recouvert initialement d'un crépi. Les sols étaient revêtus d'un décor de granito. La construction est très soignée et fut réalisée sans grue, à l'aide d'échafaudages. On fit appel aux meilleurs spécialistes et ouvriers pour la mise en œuvre de techniques de pointe, pour l'époque. Des ouvriers cimentiers spécialisés, originaires de Vénétie, contribuèrent également à l'édification de cet ensemble qui fit la fierté de tous ceux qui y participèrent (ceux de la "Boucaille"), même des décennies après la fin des travaux.

En dehors des trois grands pavillons de cure, on construisit des bâtiments de service (buanderie, école), des bâtiments administratifs ainsi qu'un dépositoire/funérarium et des logements destinés au personnel médical. Une station d'épuration des eaux et même un château d'eau complétèrent cet ensemble d'une envergure exceptionnelle.

Sanatorium d'Ainourt
Vue ancienne de la salle de pneumothorax

L'architecture élégante et sobre est représentative du style international en vigueur dans les années 1920-1930. Mais rarement un complexe hospitalier de cet envergure, conçu et réalisé en un temps record aura été aussi réussi. Les architectes ont su allier fonctionnalité avec souplesse des lignes, rompant avec la massivité et la monotonie traditionnelle pour ce type d'édifices. L'usage de la courbe vient ainsi tempérer les grandes lignes horizontales imposées par l'ampleur et la nature même du programme, les sanatoriums d'État développant souvent des proportions gigantesques, compte tenu des ravages que la tuberculose occasionnait dans la population, la maladie figurant au premier rang des priorités sanitaires de cette époque.

Le chantier du sanatorium d'Aincourt suscita un tel engouement dans l'opinion publique que des photos des différents stades de la construction furent commercialisées en cartes postales, dans les années 1930, par l'éditeur Thévenin.

En 1936, le sanatorium, alors au faîte de son fonctionnement, accueillait 430 tuberculeux.

1940-1943, le temps du camp d'internement et du camp de la Milice

Situé en pleine zone de conflit armé, le sanatorium d'Aincourt dut, en juin 1940, évacuer les malades qui furent répartis dans différents centres de cure provinciaux protégés, en Bretagne notamment.

En octobre 1940, le Pavillon Bonnefoy-Sibour fut alors réquisitionné par les autorités militaires d'occupation pour devenir le premier « Camp d'Internement Administratif de la Zone Nord ». Des prisonniers "suspects" arrêtés pour fait de résistance, commencèrent à arriver le 5 octobre. Un peloton de gendarmes surveillait l'ancien sanatorium, devenu « Centre de Séjour Surveillé ». Initialement prévu pour 150 prisonniers, le camp en comptait plus de 667 en mai 1941. En tout, environ 1500 prisonniers, hommes et femmes, furent détenus à Aincourt, dont le député communiste Fernand Grenier. Des centaines furent déportés vers les camps nazis d'Auschwitz, Buchenwald et Oranienburg-Sachsenhausen, d'où peu revinrent. Le camp d'internement d'Aincourt ferma ses portes le 15 septembre 1942 pour être remplacé par un centre d'entraînement de miliciens des Groupes Mobiles de Réserve (GMR).

Les premiers miliciens arrivèrent à Aincourt dès le mois de novembre 1942. Le 31 mars 1943 eut lieu la cérémonie de remise des fanions des GMR en présence de René Bousquet, Secrétaire Général à la Police du gouvernement de Vichy. Le camp des GMR fut dissous le 13 septembre de la même année.

Une stèle commémorative fut érigée sur le site en 1994. Elle stipule qu'Aincourt est considéré comme un camp de concentration. Chaque année, une cérémonie a lieu le premier samedi d'octobre, en mémoire des déportés qui furent internés là entre 1940 et 1942.

1946-2001 : renouveau et incertitude

En 1946, le sanatorium rouvrit ses portes. En 1955, un bloc opératoire nouveau fut inauguré en hommage au Dr Pierre Le Foyer, grand spécialiste des opérations de la cage thoracique. Mais l'arrivée des antibiotiques et la régression de la tuberculose obligèrent les pouvoirs publics à reconsidérer la destination du sanatorium qui bénéficia d'aménagements progressifs destinés à le mettre en conformité avec les normes sanitaires modernes et dans une perspective désormais pluridisciplinaire.

En 1972, le sanatorium devint un centre médical et l'ancien Pavillon des Enfants (Pavillon des Cèdres) subit des travaux de rénovation jusqu'en 1975 pour devenir un centre de rééducation fonctionnelle.

A l'initiative du Docteur Hamon, alors directeur du Centre Médical de la Bucaille, féru de culture extrême-orientale et de philosophie Zen, un ravissant jardin japonais fut aménagé en 1970, entre le Pavillon des Cèdres et le Pavillon des Tamaris (Pavillon Adrien Bonnefoy-Sibour). Son aménagement, fidèle aux préceptes du traité du Sakutei-ki, évoque des jardins célèbres du Japon : celui du Sambô-in, pour la cascade, l'île et le petit pont ; le château Nijô pour l'agencement des rochers et les zones sacrées autour du sanctuaire de Nara pour la porte rituelle Torii. Les travaux furent exécutés par les jardiniers et les ouvriers d'entretien du centre hospitalier. Les agriculteurs des environs firent don, à l'occasion, des rochers de grès aux formes artistiques.

Les infrastructures s'avérant de plus en plus inadaptées à la pratique d'une médecine toujours plus exigeante, le rez-de-chaussée du Pavillon Adrien Bonnefoy-Sibour, utilisé spécifiquement pour soigner la tuberculose, fut fermé en 1987. Le Pavillon du Dr Vian ferma totalement ses portes en 1988. En 2001, ce fut le tour du Pavillon Bonnefoy-Sibour. Seul, l'ancien Pavillon des enfants continue de fonctionner, devenu depuis centre hospitalier du Vexin qui est devenu le Groupement hospitalier intercommunal du Vexin le 1er janvier 2011.

Les deux immenses bâtiments du Dr Vian et Bonnefoy-Sibour, désormais vides, furent malheureusement livrés au pillage et au vandalisme en l'espace de quelques années. Les vandales désossèrent littéralement les lieux de tout ce qui n'appartenait pas au gros œuvre, saccagèrent ce qu'ils ne purent emporter. Les murs portent les stigmates des batailles de Paintball organisés nuitamment et de l'intervention de tagueurs parfois talentueux. Aujourd'hui, ces deux bâtiments pourtant inscrits à l'inventaire des monuments historiques offrent le spectacle désolant de grandes carcasses de béton battues par les vents. Malgré les outrages subis, ils conservent encore fière allure, attestant de la qualité de la construction et de la perfection de leur ligne architecturale digne des exemples d'architecture paquebot les plus fameux du style fonctionnaliste de l'entre-deux-guerres.

Des travaux d'embellissement remarquables ont pourtant permis de réhabiliter les bâtiments annexes en les transformant en logements sociaux, des adjonctions contemporaines venant se marier harmonieusement à l'architecture de Crevel et Decaux.

Le pavillon du Docteur Vian, abandonné en premier, est désormais inaccessible, car envahi par la végétation et le gros œuvre a été fortement endommagé par les infiltrations des eaux pluviales. Il a servi notamment aux sapeurs pompiers à expérimenter des procédures de lutte contre les incendies. Malgré les feux allumés, la maçonnerie a prouvé l'exceptionnelle qualité de la construction initiale.

Un espoir subsiste encore pour le Pavillon Adrien Bonnefoy-Sibour qui doit être vendu à des promoteurs privés afin d'être réhabilité en résidence de services pour personnes âgées et handicapées, comportant 80 appartements dont 40 seraient mis en vente (décision du conseil d'administration du centre hospitalier du Vexin prise lors de la séance du 19 mai 2009 et confirmée par la séance du Conseil municipal de la commune d'Aincourt du 5 juin 2009).

Le cas d'Aincourt n'est pas isolé. Beaucoup d'anciens sanatoriums aujourd'hui désaffectés se voient menacés de disparition, comme celui de Saint-Hilaire-du-Touvet dans le département de l'Isère, bâti, quant à lui, au tout début du XXe siècle. Et pourtant, l'OMS enregistre un regain de la tuberculose pulmonaire qui tue près de deux millions de personnes par an dans le monde. Peut-être Aincourt recouvrera-t-il bientôt sa vocation initiale ?

Notes et références

Articles connexes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Sanatorium d'Aincourt de Wikipédia en français (auteurs)

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