- Éco-potentialité
-
Écopotentialité
La notion d'écopotentialité (ou de potentialité écologique) est récemment apparue avec l'écologie du paysage, en quelque sorte née de la conjonction de la biogéographie et de la biologie de la conservation.
C'est une notion à la fois qualitative et quantitative.
Prise au sens large, elle caractérise à la fois :- le degré potentiel ou probable de biodiversité d'un territoire,
- le potentiel d'expression de cette biodiversité (présente ou potentiellement présente ou qui serait théoriquement présente si des facteurs l'affectant négativement étaient supprimés ou réduits)
- la valeur de ce territoire au regard de l'écologie du paysage, et l'intérêt écologique (probable ou potentiel) pour chaque parcelle, tache ou élément fonctionnel du paysage.
Autrement dit, les potentialités écologiques d’un espace naturel traduisent l’importance que cet espace est susceptible d’avoir pour la préservation de la biodiversité à l’échelle du territoire considéré [1].
Sommaire
Enjeux
La notion d'écopotentialité inclue une dimension d'éthique environnementale qui pose des questions telles que : Faut-il se contenter de freiner la perte de biodiversité ? Faut-il uniquement préserver la "nature remarquable" ? ou faut-il restaurer un véritable réseau écologique fonctionnel, en cherchant à valoriser le "potentiel" écologique des sites et des espèces, pour retrouver une partie de ce qui pourrait (ou devrait ?) être présent ?
L'écopotentialité renvoie à de nouvelles formes, plus durables et « restauratoires » d'aménagement du territoire, aux plans et programmes de renaturation ou de restauration de réseaux écologiques, aux activités de génie écologique et à la notion de services écologiques ou services écosystémiques.
C'est notamment une donnée très importante, bien qu'encore rarement prise en compte pour la cartographie des corridors biologiques, des trames vertes, trames vertes et bleues ou réseaux écologiques.Elle tend à prendre de l'importance comme élément possible d’auto-sécurisation (résilience écologique) des écosystèmes face aux incertitudes climatiques et écologiques.
Modes de calcul
La notion scientifique ou administrative d'écopotentialité est récente et ne fait l'objet d'étude que depuis quelques années. Elle a de plus des dimensions variées ; depuis l'appréciation du potentiel de la cryptobanque de graine du sol au potentiel écologique de forêts, ou de groupes d'habitats à des échelles régionales. Elle s'appuie donc notamment sur des notions d'écologie rétrospective.
On l'apprécie à dire d'expert et par des calculs statistiques et de probabilité, combinant par exemple des bases fondées sur des éléments d'écologie rétrospective, d'histoire environnementale, d'écologie prospective d'analyses de tendances ou d'analyses cartographiques diverses (sur systèmes SIG en général)Comme le rappelle l'étude faite pour le nord de la France, si des méthodes permettent des évaluations grossières ou à l'échelle des paysages (grâce à l'analyse des images satellitales notamment), " seule une étude fine de terrain permettrait d’évaluer la valeur écologique réelle de chaque parcelle d’espace naturel" (§ 1.2, page 6 de l'étude).
Modes de cartographie
L'inventaire de la biodiversité existante estelle-même très lacunaire, même dans les régions riches en naturalistes. Et la prise en compte des espèces connues et inventoriées (faune, flore, fonge et plus encore des microorganismes) d’une région ne peut être exhaustive.
Correctement hiérarchiser les priorités de restauration et préservation ne peut se faire qu'en dépassant les seules études de protection ou inventaire de la biodiversité (de type réserve naturelle, APB, site Natura 2000, ZNIEFF,etc.), en intégrant d’autres indices tels que la fragmentation, la naturalité, l’éloignement d’une zone-source de biodiversité, le degré de pressions anthropiques ou d'artificialisation ancienne, la richesse ancienne connue ou supposée du site, etc … autant d'éléments qui doivent être pris en compte pour évaluer le potentiel réel d'un site, de même dans la mesure du possible que l’importance fonctionnelle de ce site et des éléments écopaysagers périphériques (actuels ou antérieurement présents). Par exemple un col des Pyrénées pourrait avoir été très artificialisé, ou les populations animales qui l'empruntaient autrefois pourraient avoir été presque exterminées.. Ce col conservera néanmoins toujours un rôle potentiel de pont entre l'Espagne et la France.Le premier travail de cartogaphie des écpotentialités à échelle d'une région et de ses bordures périphériques a été fait en France (terminé en Février 2008) pour la région Nord Pas-de-Calais. Il a intégré des données sur l'environnement nocturne. Il a intégré des données sur les régions périphériques pour atténuer les effets de bordures qui auraient sans cela été sour d'erreurs dans les cartes SIG de fragmentation par exemple. L'étude a produit de multiples cartes et une carte de synthèse, surtout" fondée sur l’analyse de l’occupation du sol régional à travers le filtre de l’écologie du paysage" [1] ; c'est à dire sur la base de 5 grands critères de l'écologie du paysage (pris individuellement ou combinés): connectivité, naturalité, compacité, surface et hétérogénéité/écotones) [2] Cette notion de potentiel écologique est aussi utilisée, sur la base d'un bilan environnemental, en écologie urbaine, comme base de plans de renaturation par exemple[3].
La notion de potentialité écologique peut aussi être appliqué à un milieu totalement artificiel (terril, friches, terrains de dépôt, carrière [4],[5].). Ce potentiel sera alors déterminé par certaines caractéristiques des milieux (taille, présence/absence d'eau, d'une cryptobanque de graines, pollution plus ou moins dégradable, pH, etc.) et leur positionnement par rapport au réseau écologique existant ou à venir.
Article détaillé : Cartographie des corridors biologiques.Évaluation d'un potentiel écologique
Cette notion, faute de protocole scientifique validé à cette époque, et par manque de données sur les potentialités écologiques dans la plupart des pays, n'a pas été vraiment prise en compte lors de la première (et seule à ce jour) évaluation globale mondiale des écosystèmes faite par l'ONU , l'évaluation des écosystèmes pour le millénaire.
Elle devrait néanmoins à l'avenir prendre une importance croissante dans le domaine de l'évaluation environnementale, en montrant la valeur "potentielle" de certaines espèces ou habitats, pour les services qu'ils pourraient rendre (par exemple en cas de dérèglement climatique, d'épidémie, etc. ) demain, et non uniquement pour ceux qu'ils rendent (ou ne rendent plus) aujourdh'ui.
A titre d'exemple, ces services peuvent être- un effet tampon sur les inondations, les microclimats ou le climat planétaire (inertie climatique),
- des services primordiaux de soutien aux conditions favorables à la vie sur Terre dont cycles biogéochimiques nécessaires à la production de tous les autres services : production de dioxygène atmosphérique et solubilisé dans les eaux,
- production de biomasse
- recyclage de la nécromasse,
- formation et rétention des sols et des humus,
- offre en habitats naturels, Puits de carbone,
- potentialité de cicatrisation (résilience écologique) d'un milieu suite à un aléa, etc.
...ainsi que d'autres services (culturels et aménitaires par exemple)...
la prise en compte de ces "potentialités" permettrait une définition plus pertinente et efficace des mesures compensatoires et conservatoires ou restauratoires dans le cadre des études d'impacts et enquêtes publiques.
Applications pratiques ; lieux et échelles d'application
L'évaluation de l'écopotentialité est un des modes d'évaluation environnementale.
Elle peut porter sur un territoire (quelle que soit son échelle biogéographique). Ainsi, une évaluation du potentiel écologique a été faire pour préparer ou étendre le réseau écologique paneuropéen, sur la base d'un indice NLEP (pour « Net Landscape Ecological Potential » )[6] décrivant l'état de l'intégrité écologique, à macro-échelle. Cet indice, qui peut être présenté sur une cartographie SIG est notamment obtenu en croisant des données sur l'évolution de l'occupation du sol, l'évolution de la probabilité de présence d'une haute-biodiversité (espèces ou d'habitats, cf. patrimonialité et naturalité), pondérées par un indice de densité du réseaux de transport traduisant une partie de la fragmentation écopaysagère[6].Elle peut aussi cibler certaines taches ou éléments linéaires de ce territoire (parfois susceptibles de jouer un certain rôle de corridor biologique)
A titre d'exemple, en application de la Directive cadre sur l'eau européenne, le Royaume-Uni et l'Irlande ont utilisé cette approche en 2008 dans un nouveau protocole visant à évaluer et hiérarchiser leurs canaux au regard de leur potentiel écologique, par rapport à un Potentiel écologique maximal (« Maximum Ecological Potential ou MEP) » [7]Diverses opérations de génie écologique, scrappage, restauration de la connectivité écologique, gestion restauratoire et donc différentiée par exemple visent à permettre aux potentialités du milieux de s'exprimer.
Valeur économique d'un potentiel
De nombreux économistes tentent de donner une valeur économique (ou un équivalent) à la biodiversité et à ses multiples services.
Une des difficultés pour la mesure de la valeur de la biodiversité potentiellement présente sur une zone géographique donnée, comme pour les services rendus par les écosystèmes "potentiels" de cette zone biogéographique est qu'une grande partie de cette valeur est relative à la résilience écologique. Or elle dépend aussi d'un « potentiel écologique » en grande partie inconnu et aujourd'hui quasiment inaccessible à la connaissance, car "caché" au cœur du vivant (de l'échelle génomique et de celle de la diversité génétique à celle des grands réseaux écologiques). la partie caché de ce potentiel peut ne s'exprimer qu'à certaines conditions (réchauffement ou refroidissement climatique, épidémies, modifications importantes des milieux, etc. ou restauration écologique plus ou moins poussée d'un territoire... qui sont autant de conditions non-reproductibles en laboratoire et à ce jour, et très difficilement modélisables ; De même mesure-t-on mal le potentiel de réapparition d'une espèce quand elle a été éliminée d'une zone géographique où elle était présente et jouait un rôle écologique important (Par exemple les graines ou bulbes d'une plante ou des plantes adultes peuvent être encore nombreux alors que son unique pollinisateur (peut-être inconnu de la science) vient de disparaître)... Ceci conduit le chercheur vers principe de précaution plus qu'à chiffrer ou évaluer financièrement la valeur de « potentialités ».
La totalité de cet « écopotentiel », et ses limites semblent devoir rester encore longtemps inconnus.Néanmoins, de premières études tendent à prendre la partie la plus appréhendable des écopotentialités en compte (par exemple dans l'écocartographie de la Trame verte et bleue dans le nord de la France[1].
Voir aussi
Articles connexes
- Biodiversité, paysage
- Trame verte
- Naturalité
- Cartographie des corridors biologiques
- Évaluation des écosystèmes pour le millénaire
- Écologie du paysage
- Fragmentation écopaysagère
- Intégrité écologique
- Corridor biologique
- Écoduc
- Migration animale
- Roadkill
- Réserve naturelle
- Loi Voynet
- SSC ; (cf. « Espaces naturels et ruraux » (DIREN, MATE)
- Plan climat
- Route HQE
- Protection de la nature
- Étude d'impact
- Mesure compensatoire
- mesure conservatoire
- Environnement nocturne
- Résilience écologique
- Éthique environnementale
- Histoire environnementale
- Écologie rétrospective
- Grenelle de l'environnement
Bibliographie
Liens externes
- (fr) Étude éco-potentialité en région Nord Pas-de-Calais (incluant cartographies des corridors et de la naturalité/fragmentation) ; Analyse du fonctionnement écologique du territoire régional par l'écologie du paysage, Biotope-Greet Nord-Pas-de-Calais, Diren Nord Pas de Calais, Conseil régional Nord Pas de Calais, MEDAD (Mise en ligne avril 2008)
Notes et références
- ↑ a , b et c Analyse des potentialités écologiques du territoire régional ; Direction Régionale de l’Environnement du Nord – Pas-de-Calais ; BIOTOPE-GREET Nord – Pas-de-Calais – Février 2008
- ↑ Voir GODRON & FORMAN, 1986 ; FORMAN, 1995 ; BAUDRY & BUREL, 1999 ; etc.
- ↑ [ http://www.bureau-eco21.ch/agenda21chenebourg/AFCB03_N1_NatureEnVille.pdf Extrait de l'Agenda 21 de de Chêne-Bourg, « (Fiche action N°1 de l'Atelier du futur n°3 « Nature et environnement » : Valoriser les potentialités écologiques des milieux semi-naturels urbains de Chêne-Bourg »]
- ↑ Exemple : Potentialités écologiques des carrières ; Ministère de l'Environnement (français) ; 1986, publié par la délégation à la qualité de la vie ; Neuilly-sur-Seine ( 28pages illustrées, fr
- ↑ Jean-Patrick Le Duc ; Evaluation des potentialités écologiques des sites de carrières aprés exploitation et modalités de leur restauration écologique ; Ministère de l'Environnement (français) ; 1985, publié par la délégation à la qualité de la vie, 73p, fr
- ↑ a et b 21 April 2008 JLW-SSP Net Landscape Ecological Potential of Europe and change 1990-2000 ; Jean-Louis Weber, Rania Spyropoulou, EEA ; Tomas Soukup, Ferran Páramo, ETCLUSI
- ↑ Development of a System for Classifying the Ecological Potential of UK and Irish Canals WFD 61 , July 2008 (Résumé, en anglais)
- Portail de l’écologie
Catégories : Écologie | Économie de l'environnement
Wikimedia Foundation. 2010.