Tantrayana

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Le tantrisme est un courant de l'hindouisme apparu en Inde aux environs de l'an 500, et qui s'est exprimé par la suite dans les textes ou tantra (तन्त्र en sanskrit, « trame », « chaîne », d'un tissu et, au figuré, se déroule en s'enchaînant). À partir du VIe siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahâyâna et dans le bouddhisme vajrayāna (ou bouddhisme tantrique) pratiqué principalement au Tibet et en Mongolie.

Dans l'hindouisme, le mot tantra désigne : « 1) le tissage ; 2) les Ecritures sacrées de l'hindouisme, présentées comme un dialogue entre Shiva et sa Shakti (Parèdre et Puissance de manifestation et d'action du Divin, représentée comme une Déesse) » ; « tantrisme » désigne « les disciplines spirituelles reposant sur le pouvoir-conscience (shakti) conçu comme la Mère divine. »[1]

Sommaire

Naissance du tantrisme

Dans les Véda, on enseigne déjà des formules magiques, les mantra, dont l'usage se développa et se structura pour constituer les rituels du Brahmanisme.

Le tantrisme reprend les éléments védiques et brahmaniques en n'en retenant que les éléments que l'expérimentation a jugé les plus efficaces dans la recherche du « Soi ». Parmi les tântrika (adeptes du tantrisme) modernes de France, beaucoup se réclament de l'influence du Shivaïsme du Cachemire comme Eric Baret, Daniel Odier, Pierre Feuga. Le Québécois Pierre Bédard prend plutôt ses racines dans le tantrisme Shaktique du Tibet. Même si la finesse du Tantrisme originel semble bien éloignée des préoccupations et des attitudes modernes, et presque inaccessible à l'esprit occidental, certaines synthèses modernes sont particulièrement pertinentes pour l'évolution moderne de l'humanité.

Le tantrisme semble, en surface, se relier par certains aspects à une tradition beaucoup plus ancienne que les veda, source de confusion pour de nombreux auteurs qui datent le tantra de plusieurs milliers d'années. D'après eux, il s'agirait de l'ancienne croyance des peuples dravidiens pré-aryens.

Lingam et yoni

En effet, les fouilles archéologiques des villes de la vallée de l'Indus datant de 3000 av. J.-C. ont révélé des indices de cultes de la mère universelle dont certains symboles sont identiques à ceux qui se retrouvent dans le tantra.

Les Véda étant très marqués de patriarcat, la présence très forte de la figure féminine dans le tantra paraît ainsi effectivement être une réémergence du matriarcat (supposé) de peuples plus anciens sous la forme des multiples figures de la shakti.

Mais cette réémergence n'est qu'apparente. En réalité, ce culte ancien d'une déesse matriarcale, personnalisée comme un véritable être vivant à la toute puissance écrasante dont il faut se concilier les bonnes grâces par des sacrifices, n'a rien de commun avec la représentation tantrique symbolique de l'énergie-base de la manifestation.

Les premiers tantra ont été rédigés au cours des cinq premiers siècles de l'ère chrétienne. Mais cela n'exclut aucunement une transmission orale bien antérieure à cette date, puisqu'il y a bien certainement eu depuis toujours des Chercheurs de Réalité préoccupés uniquement de pragmatisme. Les derniers tantra reconnus comme tels datent du XIXe siècle, bien que certains ouvrages actuels mériteraient ce titre.

Doctrine

Arthanariswara : Shiva androgyne

D'après la doctrine tantrique, fortement marquée par le mysticisme, il existe une identité absolue entre l'esprit et la matière, le microcosme et le macrocosme, le soi et le monde, l'âme individuelle (jivâtman) et l'âme universelle (paramâtman). Le paramâtman est conçu comme le fondement de tout, unité indivisible, transcendante et éternelle qui se manifeste sous une forme androgyne. Cette forme a en soi un principe masculin statique et un principe féminin dynamique, lesquels, en s'intégrant l'un à l'autre, créent continuellement la vie. Le purusha, le principe créatif masculin, l'esprit, et la prakriti, la nature matérielle, identifiés avec Shiva et Shakti, constituent les deux aspects de l'Un originaire, symbolisé par le lingam (« phallus », littéralement « signe ») et la yoni (« ventre maternel », « vagin », littéralement, « lieu »). De l'union de ces deux principes jaillit le monde et naît la vie.

L'union des deux sexes élimine la polarité des contraires et conduit à l'indivisible originel qui précéda la création. Le dépassement de tout dualisme, qui coïncide avec la libération ultime, est obtenu à travers des rites et des formes de méditation particulières. Au centre du culte tantrique se trouvent des rites de nature ésotérique porteurs de fortes connotations magico-symboliques. Des positions spécifiques des mains (mudrâ) expriment la tension de tout l'être sur le divin. Le nyâsa, rite qui consiste à toucher certaines parties du corps pour les identifier à la divinité, symbolise l'entrée de l'influx divin dans le corps du fidèle. Mudrâ ernb nyâsa s'accompagnent de la récitation de bîja (formules monosyllabiques) et de mantra (formules polysyllabiques), censées doter d'un pouvoir surnaturel. Chaque disciple reçoit de son guru un mantra personnalisé; le plus récité, pour la puissance de son pouvoir est le son Om(A-U-M). Les diagrammes mystiques ronds ou polygonaux, aux schémas très complexes, représentent d'autres instruments de méditation. Les mandala (« cercles de méditation ») sont le support de représentations symboliques de l'univers. La structure en lignes et en cercles concentriques des yantra représente la convergence du multiple dans l'Un absolu. La pûjâ est une cérémonie de vénération très importante dans le tantrisme teinté d'érotisme. À travers l'acte sexuel, les fidèles célèbrent le moment de la création et, atteignant une parfaite maîtrise des forces surhumaines du cosmos qui se manifestent à travers leur corps, ils permettent l'union de l'âme individuelle (jîvâtman) avec l'Absolu suprême (Paramâtman).

Les tantra sont rédigés sous forme de dialogues entre les divinités masculines et leurs shakti (leurs aspects féminins). Ils contiennent également des indications sur les préceptes moraux, les rites et les instruments de méditation.

Les tantra

Étymologie du mot

Le mot tantra est composé de deux mots sanskrits :

  1. tanoti (expansion)
  2. trayati (libération)

C'est donc « La science de l'expansion de la conscience et de la libération de l'énergie » - swâmî Satyananda.

Dans ces acceptions modernes, tantra signifie : fil, continuité, chaîne de tissage d'un tissu, succession, méthode, règle, traité, logiciel.

« Le mot tantra a de nombreux sens : un métier à tisser, la chaîne d'un tissu, la part essentielle, les traits caractéristiques, structure, doctrine, règle, etc. Bien sûr, vous pouvez prendre les deux significations doctrine et point essentiel pour traduire le mot tantra. Néanmoins, il y a une autre façon de le traduire. Écoute bien : Tantra est dérivé de la racine verbale tan (étendre, prolonger). Ainsi, le mot tantra peut signifier cette doctrine dans laquelle quelques enseignements sont prolongés ou développés. »

— Gabriel Pradiipaka

Origine et signification

Tantra est un terme appliqué à un système métaphysique pratique originaire de la région himalayo-indienne. Dans ce système on considère comme base de l'univers deux principes symbolisés par le couple masculin et féminin. Le Tantra traditionnel est une « voie de transformation intégrale de l'être humain », qui passe par le corps et les cinq sens.

Les tantra sont des textes qui se veulent être la continuation des Véda. Les Véda sont des formules de liturgie et de rituel qui apparaissent en Inde entre 1500-1000 av. J.-C. et qui remontent à une tradition peut-être plus lointaine. Elles ne furent pas transcrites avant le huitième siècle avant notre ère. De ces textes liturgiques et de rituels sont issus de nombreux commentaires.

Les tantra, sans rejeter la sagesse ancienne, se présentent eux-mêmes comme l'enseignement ultime offrant la connaissance du monde et les pratiques les plus pointues dans le domaine de la spiritualité.

Émergeant dans la vallée de l’Indus, à une date sur laquelle les spécialistes ne peuvent se mettre d'accord, cette métaphysique repose sur deux principes : une « présence » omnisciente et une « action de prise de conscience ». Les deux principes sont symbolisés respectivement par Shiva et par Shakti qui, bien que portant des noms venant de l'hindouisme, ne sont pas assimilés à ces dieux. De nos jours, par ignorance, on donne le nom de « tantra » à des pratiques thérapeutiques sexologiques, souvent très éloignées de l'esprit du tantrisme originel. Le tantrisme a souffert d'une approche New Age, on a trop voulu voir « une ritualisation de la sexualité, alors que c'est la sexualisation du rituel » (cf. introduction de Gordon White David, Kiss of the Yogini).

Hindouisme tantrique

Pour l'hindouisme, Tantra (तन्त्र) signifie : "règle, méthode, traité". Le tantra est une approche de l'énergie à un niveau subtil. C'est un chemin de Raja Yoga par sa nature complète ainsi qu'un chemin de kriya yoga par son aspect technique. Le yoga tantrique est la forme prédominante de Raja Yoga existant en Inde depuis les temps les plus reculés. Il utilise les huit branches de l'asthânga-yoga de Patanjali en plus de ses aspects et pratiques spécifiques.

Il existe deux types de Tantra-Yoga :

  1. daksinācāra, tantra de la main droite, aussi appelé tantra blanc, où sont pratiqués : les mantra (brèves formules sacrées d'invocation), les yantra (figures géométriques), la visualisation, la méditation assise, les yogas de posture, la dévotion à travers diverses formes de vénération des temples et observant la voie de la renonciation.
  2. vāmācāra, tantra de la voie de la main gauche, aussi appelé tantra rouge, utilise les pratiques sexuelles et autorise de consommer de la viande.

Dans le tantra se trouve la description la plus précise qui soit faite du corps subtil, de ses centres d'énergie (chakra) et des forces supérieures telles que la kundalinî agissant à travers eux. Le Kundalinî-Yoga fait partie du Tantra.

Voici quelques auteurs majeurs : Vasugupta, Abhinavagupta, Gaudapâda

Bouddhisme tantrique

Article détaillé : Bouddhisme vajrayāna.

Il s'est développé un tantrisme propre au bouddhisme, qui semble émerger entre le IIIe siècle et le IVe siècle, sur des fondements hindouistes [réf. nécessaire]. Dans le nord de l'Inde, à Nalanda et à Vikramashila, sont développés la théorie, les différents rituels et les mandalas. Le corpus sanskrit est complet au VIIe siècle et commence alors à pénétrer au Tibet à travers différents maîtres indiens, népalais ou afghans, dont le premier est Padmasambhava (VIIIe siècle). Le relais est bientôt pris par des Tibétains ayant étudié en Inde ou au Népal, qui deviendront maîtres et traducteurs. Le bouddhisme tantrique gagne aussi vers la même époque l’Asie du Sud-Est et la Chine d’où il finira par disparaître. Il s’implante par contre au Japon par l’intermédiaire de moines comme Kukai ayant étudié en Chine.

Le terme tantra est dans le bouddhisme interprété comme « continuité  » (tib. rgyud)[2]. Une interprétation alternative comme « intégration [des différents aspects et processus de la personnalité] » a été proposée par Rongzom Chokyi Zangpo (Nyingma, XIe siècle). L’objectif de la pratique est comme dans l’ensemble du bouddhisme mahayana le développement de la sagesse et de la compassion, la destruction de l’ignorance et la parfaite compréhension de la vacuité transcendant samsara et nirvana. Les déités ne sont pas comme dans l’hindouisme des êtres ayant une nature propre ; elles sont plus nombreuses et propres au bouddhisme pour la plupart. L’exégèse des tantras repose sur la philosophie bouddhique[3].

Selon la tradition vajrayana, les tantras proviennent tout comme les sutras directement du Bouddha Shakyamuni. Il les aurait transmis sous d’autres formes que sa forme historique, éventuellement en se dédoublant. Ainsi, au moment où il anéantissait les efforts de Mara, il aurait enseigné sur un autre plan à des êtres des tantra comme celui de Tandrin (Hayagriva)[réf. nécessaire]. Alors que sous sa forme terrestre il donnait le sermon du mont des Vautours, il aurait transmis le Tantra de Kalachakra, conservé durant plusieurs siècles dans le monde de Shambhala. De grands accomplis (sansk.: Mahāsiddhas) auraient eu une perception directe des déités tantriques, et composèrent des cycles d'enseignement [4] qui auraient ensuite été diffusés de maître à disciple de façon secrète.

Les textes tantriques sont la base du tantrayana, présenté comme relevant d’un niveau supérieur aux pratiques s’appuyant seulement sur les soutras hinayana et mahayana. Le tantrayana est un yoga censé éveiller plus rapidement la concience subtile chez les personnes karmiquement prédisposées, et doit être pratiqué avec un guru après en avoir reçu une transmission de pouvoir aussi nommee initiation. L’éveil est atteint à travers un processus faisant appel à des visualisations de déités (yidam) dans leur univers (mandala), auquelles le pratiquant s’identifie pour réaliser finalement leur aspect illusoire. Une particularité du tantrayana est que les obstacles mentaux comme la colère ou le désir ne sont pas réprimés mais pris en charge pour être transformés en dispositions positives comme la compassion. Des passages apparamment contraires à l’éthique bouddhiste telle la violence peuvent apparaître dans les tantras, qui font l’objet d’une exégèse à différents niveaux. Des pratiques non orthodoxes et réservées à des pratiquants de niveau élevé ont pu donner au bouddhisme tantrique une image sulfureuse.

Textes

Le canon tibétain contient environ 500 tantras, que complètent plus de 2000 commentaires. Ils font l'objet d’une classification en quatre catégories qui suit plus ou moins leur ordre d’apparition :

  • Kriyatantras (tantras de l’action) : antérieurs au VIe siècle, ils contiennent beaucoup de rituels pratiques comme les rites de pluie, et de nombreux dharanis, sortes de mantras ; différents bouddhas ou bodhisattvas sont invoqués ; ex : Mahāmegha Sutra, Aryamañjushrīmūlakalpa, Subhāpariprcchā Sutra, Aparimitāyurjñānahrdayadhāranī.
  • Caryatantras ou upayogatantras (tantras de la représentation) : postérieurs au VIe siècle, la déité centrale est toujours Vairocana. Le Mahāvairocanābhisambodhi Tantra (Daïnitchi-kyô) de l’école Shingon en fait partie.
  • Yogatantras (tantras du yoga) : la déité principale y est aussi Vairocana ; ex : Srvatathāgatatattvasamgraha Tantra, Sarvadurgatiparishodhana Tantra, Mañjushrî-nâmasangîti, ainsi que le Vajrasekhara Sutra (Kongocho kyo) du Shingon.
  • Selon les traditions sarma le niveau supérieur est constitué des Anuttarayogatantras (tantras supérieurs) qui se divisent en trois groupes ; le rattachement d’un tantra donné à un groupe peut varier :
    • Yogottaratantras (union supérieure), encore appelés upāya tantras (tantras des moyens habiles) ou tantras pères, produits à partir du VIIIe siècle. Les déités principales sont Akshobhya et sa parèdre, généralement décrits en yab yum.Ils placent l’emphase sur le développement du corps illusoire.[5] et sur la transformation de la colère. Le Guhyasamāja Tantra et le Yamantaka Tantra sont en général considérés comme appartenant à cette catégorie.
    • Prajñatantra (tantra de sagesse), yoginitantra ou tantras mères, produits à partir de la fin du VIIIe siècle. Akshobhya y apparait le plus souvent sous sa forme courroucée Chakrasamvara ; les déités féminines y sont nombreuses. l’emphase est mise sur le développement de la lumière claire.[6] et la transformation du désir. Ex : Samvara Tantra (VIIIe siècle) et Hevajra Tantra (Xe siècle).
    • Les tantras non-duels, dont l’exemple le plus connu est le Kālacakratantra.
  • Dans la tradition Nyingma le niveau supérieur comprend trois voies tantriques internes.
    • Le Mahayoga vise l'élimination de la perception et de l'attachement par la visualisation et l'identification à la déité (phase de génération)
    • L'Annuyoga, permet au corps de vajra de servir à la perception fondamentale (phase de complétion)
    • L'Atiyoga permet de transcender le temps, l'expérience et l'activité et de recevoir l'enseignement de Samantabhadra.

Au Japon

C'est au VIe siècle que le bouddhisme fut introduit au Japon par l'intermédiaire de la Corée. Au VIIIe siècle, le moine Kûkai Kôbô-Daïshi découvrit un exemplaire du Dainitchi-kyô (maha-vairocana tantra) au Japon, et pour en approfondir le sens, alla en Chine. Il fut initié par le grand maître, Keikwa-ajari (chinois: Huiguo 恵果) aux cérémonies d'onctions « kanjô », et reçut de nombreux textes tantriques. À son retour au Japon, il structura son enseignement qu'il appela Shingon (parole vraie ou mantra, transcription en japonais du chinois zhēnyán 真言). Grâce à l'appui de l'empereur, il fonda le grand temple du Tôji à Kyôto, et la cité sainte du mont Kôyasan qui regroupent plusieurs centaines de temples. Il écrivit de nombreux ouvrages dont le « Sokushinjôbutsu-gui », où il insiste sur la voie rapide pour devenir Bouddha en cette vie même.

Le Shingon se développa dans tout le Japon et influença le développement des autres écoles bouddhiques. Kûkai initia notamment Saichō, le fondateur de Tendaï, dotant ce courant d'une composante tantrique totalement absente du Tiantai chinois. De cette école sont issus les fondateurs des branches japonaises de l'Amidisme et du Zen, ainsi que Nichiren, qui créa son propre courant.

Le shingon est un tantrisme dit de la main droite, car ne comprenant pas de composante sexuelle, si ce n'est symbolique.

Au Tibet

Articles détaillés : Bouddhisme tibétain et Histoire du Tibet.

Nyingma

L'introduction du bouddhisme au Tibet remonte aux rois du Tibet de la dynastie Yarlung, et surtout à trois rois dits « du Dharma » entre le VIIe siècle et le IXe siècle. Avant cette époque (Ve siècle), le roi Lha Thothori Nyantsen aurait découvert deux sūtras dans un coffret et en aurait conçu une grande vénération[7]. L'histoire rapporte littéralement qu'ils « tombèrent du ciel sur le toit du palais » ; on peut spéculer qu'ils lui avaient été apportés par un des nombreux yogis itinérants de cette époque d'expansion du bouddhisme indien. Après cet épisode, cinq générations plus tard, survint le premier roi du dharma, Songtsen Gampo, qui avec ses successeurs fit construire jusqu'à cent-huit temples et initia la première diffusion du bouddhisme au Tibet. Un des ministres de Songtsen Gampo, Thonmi Sambhota créa l'écriture tibétaine à partir de l'alphabet indien devanāgarī et commença la traduction des sūtras en tibétain.

Au VIIIe siècle, le deuxième roi du Dharma, Trisong Detsen, invita le maître indien Padmasambhava, qui construisit le monastère de Samye, en dépit des oppositions des chamans Bön, religion répandue alors. En outre, à l'issue du débat philosophique du Concile de Lhassa entre les maîtres du bouddhisme tantrique d'origine indienne et les maîtres du bouddhisme Ch'an d'origine chinoise (école subitiste), Trisong Detsen décréta le bouddhisme indien religion d'État du Tibet, puisque Kamalashila, disciple de Shantarakshita, avait triomphé.

Les « patriarches » du Tantrayāna (synonyme de Mantra- et Vajra- yāna) tibétain sont donc : Padmasambhava s'occupant du versant tantrique, et l'abbé Shantarakshita s'occupant des versants mahayaniste et monacal. Ce dernier, invité par le roi, se trouva confronté à une série de calamités que l'on imputa à la contre-réaction de forces démoniaques envers son enseignement. Il dut se retirer temporairement, mais avisa le roi qu'il devrait recourir aux pouvoirs magiques (siddhis) de Padmasambhava. Ce dernier subjugua les entités adverses, les convertissant ou les astreignant même à la protection du Dharma.

Ils réussirent finalement à construire le monastère de Samye, et veillèrent à éduquer et initier de très nombreux moines et disciples, particulièrement une équipe de traducteurs, dirigée par Vairotsana. Ceux-ci accomplirent le périlleux périple de l'Inde pour en ramener des sūtras et tantras, et recevoir des initiations, comme Vimalamitra et Yeshe Tsogyal. Yeshe Tsogyal, « consort » de Padmasambhava, compila ses enseignements et sa biographie. Elle aurait caché de nombreux textes appelés termas, « trésors » cachés, car ils auraient été destinés à n'être découvert qu'ultérieurement, au moment opportun[8].

Sarma

Il s'ensuit au IXe siècle une période de persécution du bouddhisme, qui s'affaiblit par l'éradication de l'ordre monastique, sans trop affecter les lignées de yogis errants ou transmettant l'enseignement en secret. Une seconde diffusion, appelée Sarma, nouvelle traduction par opposition à l'ancienne, Nyingma, qui vient d'être décrite, a lieu au XIe siècle avec Rinchen Zangpo, qui se rendit en Inde, puis avec Atisha Dipankara, un maître indien qui vient au Tibet sur son invitation. Son disciple, Dromtönpa fondera l'école Kadampa.

D'autre part Marpa le Traducteur (lotsawa) se rendit lui aussi en Inde, où il reçut des enseignements de Naropa, avant de le transmettre à son tour à son disciple, Milarepa. Milarepa et son disciple Gampopa fondent l'école Kagyü[9]. Cette succession est appelée Lignée du Rosaire d'Or et remonte jusqu'à Tilopa qui aurait reçu de nombreux enseignements directement du Bouddha Vajradhara.

Drokmi Sakya Yéshé (992-1072) y reçoit, lui aussi en Inde, l'enseignement de Virupa (IXe siècle), le transmet à son disciple Khön Köntchok Gyalpo (1034-1102) qui fonde l'école Sakya en 1073 et la transmis à son fils Sachen Kunga Nyingpo[10].

Au début du XVe siècle naîtra une autre série de lignées, fondée par Djé Tsongkhapa, l'école Guéloug[11]

Citations

« Même dans les situations qui nous sont moins familières, on peut trouver une profonde sympathie, une profonde résonance. C’est l’essence de la démarche tantrique. Tout ce qui se présente est à moi ; pas dans un sens personnel ou psychologique, mais profondément. Tout ce qui se présente est ma résonance. Il n’y a rien qui me soit étranger. C’est cela, le tantrisme. »

— Eric Baret

«  - Tu as une idée de ce que tu cherches. Comment pourrais-tu le trouver ? Je ne peux rien te donner, retourne dans la vallée. [...] Tu es comme un bossu de la campagne, tu rêves qu'en allant en ville personne ne verra ta bosse. Oublie le regard des autres et considère vraiment ta bosse, c'est ce que tu as de plus précieux. »

— Daniel Odier, Tantra

«  - Les cinq éléments fondamentaux de l’univers (terre, eau, feu, vent, éther) produisent des sons au moindre contact. Cela signifie qu’il existe des langages en tout. Dans ce cas-là, tout ce qu’on voit, entend, sent, goûte, et pense sont également des mots. On peut ainsi dire que tous les phénomènes de l’univers sont tous des mots qui enseignent la vérité. Les chants des oiseaux, le courant de l’eau, les bruits du vent, tous disent constamment la vérité éternelle.  »

— Kukai

«  - Le Tantra consiste en une reconnaissance de l’univers, de ses magies et de ses puissances dans le corps du pratiquant. Ceci implique une réciproque ou le tantrika reconnaîtra bientôt sa propre incarnation dans l’ensemble de son environnement. Alors peut parfois jaillir la fusion entre soi et le monde. Cette expérience unique est souvent désignée sous le nom d’«illumination». Pour s’approcher de cet «état de conscience», le Tantra se sert de tous les éléments perceptibles à un humain en évolution. Cette ouverture inclut évidemment la sensualité mais ne se limite ni à elle ni à aucune autre d’ailleurs. Toute méthode qui reconnaît les sens comme moyen d’incarner l’esprit et la spiritualité comme voie possible de sacralisation sensuelle transcende l’illusoire fossé entre esprit et matière. De cette manière, elle fait partie de la grande famille tantrique. On peut habituellement lire l’ensemble des valeurs d’un enseignement tantriques dans le mandala propre à cette pratique.  »

— Pierre Bédard, www.tantras.org

Notes et références

  1. Jean Herbert et Jean Varenne, Vocabulaire de l'hindouisme, Dervy, 1985, p. 104.
  2. “Le tantra est continuité des trois parties : base, voie et fruit.” Tantra de Guhyasamaja
  3. Tantrisme bouddhique et hindou par Shridhar Rana Rinpoche
  4. Wayman Alex, The Buddhist tantras, light on Indo-Tibetan esoterism. Buddhist Tradition Series, Vol. 9, Delhi, 2005 (1ièreédition:1973). 247p. ISBN 81-208-0699-9
  5. (en) Tenzin Gyatso, The Gelug/Kagyu Tradition of Mahamudra, Snow Lion Publications, New York (ISBN 1-55939-072-7), p. 243 
  6. (en) Judith Simmer-Brown, Dakini's Warm Breath:The Feminine Principle in Tibetan Buddhism, Shambhala Publications Inc., Boston & London (ISBN 978-1-57062-920-4), p. 141 
  7. Le paragraphe suivant résume The Great Image, The Life Story of Vairochana the translator, de Yudro Nyingpo, et autres disciples, traduit par Ani Jinba Palmo (Eugenie de Jong), Shambhala Publications, Boston, 2004, 332 p., ch. 6, (ISBN 1590300696).
  8. Pour une histoire générale, voir en ligne Nyingma.
  9. Kagyu
  10. Sakya
  11. Gelug

Bibliographie

  • Pierre Feuga Tantrisme. Doctrine, pratique, art, rituel, Dangles
  • Pierre Bédard Les trois piliers du tantra, Louise Courteau Editrice, Quebec, 1998 ISBN 2-89239-206-3; Tantra et Mythologie, Louise Courteau Editrice, Quebec, 1998 ISBN 2-89239-276-4;
  • Barry Long, Faire l'amour de manière divine, Altess/Le Relié 1995
  • Jean Varenne Le tantrisme : mythes, rites, métaphysique, Albin Michel, 1997.
  • Véronique Bouillier, Gilles Tarabout Images du corps dans le monde hindou, CNRS Éditions, 2002.
  • Ajit Mookerjee et Madhu Khanna, La voie du tantra, Seuil, 1978.
  • Osho, Tantra, spiritualité et sexe, Almasta, Budapest, 2003.
  • André van Lysebeth, Tantra, le culte de la Féminité, Evolution du corps et de l'esprit par l'érotisme et l'amour, Flammarion, 1988, ISBN 2-08201351-0
  • Daniel Odier, Désirs, passions et spiritualité : l'unité de l'être. - Lattès, 1999.
  • Daniel Odier, Tantra, spontanéité de l'extase. - Actes Sud, 2000
  • Sunyata Saraswati et Bodhi Avinasha, Manuel de sexualité tantrique, Editions Jouvence, 2003.
  • Alain Daniélou, La Fantaisie des Dieux et l'aventure humaine, Nature et destin du monde dans la tradition Shivaïte, Editions du Rocher, 1982.
  • Marisa Ortolan , Jacques Lucas, Le Tantra, horizon sacré de la relation, Editions Le Souffle d'Or, 2005.
  • Jacques Ferber, L'amant tantrique. L'homme sur la voie de la sexualité sacrée, Editions Le Souffle d'Or, 2007.

Voir aussi

Liens internes

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