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Siècle des Lumières
Pour les articles homonymes, voir Lumières.Le siècle des Lumières tire son nom du mouvement intellectuel, culturel et scientifique aux multiples manifestations connues sous le nom de Lumières. Il est souvent utilisé dans la littérature historique comme synonyme de XVIIIe siècle européen.
La Glorieuse Révolution de 1688 peut en constituer le premier jalon[1] et dans l’historiographie française, la fin de règne de Louis XIV est souvent retenue. La Révolution française a longtemps été vue comme et son achèvement et son accomplissement mais certains historiens, au regard des objets étudiés, privilégient une chronologie haute (1670 - 1820). Cependant, plus thématique que chronologique, la notion de siècle des Lumières est définie par un ensemble d’objets, de courants de pensée et d’acteurs historiques. Dans le domaine des arts plastiques, il couvre la transition entre les périodes classique, rococo et néoclassique, et musicalement, il couvre les périodes baroque et classique.
La fortune de l’expression provient d’emblée de son utilisation massive par les contemporains. Au-delà, le développement et l’affirmation de l’histoire culturelle et sociale depuis les années 1970, a favorisé l’usage d’une expression commode en ce qu’elle permet de penser les recherches dix-huitiémistes de façon transversale et internationale en multipliant les objets et en dépassant les cadres nationaux[2].
Significations usuelles
Siècle des Lumières [3]? Le siècle se veut éclairé par la lumière métaphorique des connaissances - et non plus l’illumination divine, « émanation de l’absolu[4] », utilisé exclusivement au singulier - acquises par l’expérience et l’enseignement du passé. Elle suggère aussi, une vision manichéenne du monde, où l’« homme éclairé » s’oppose à la masse de ceux restés dans les ténèbres. La formule a donc bien tant une dimension sociale qu’une dimension spatiale. Sous la plume des philosophes, les Lumières désignent par métonymie les élites européennes ouvertes aux nouveautés, une « République des Lettres éclairées ».
On trouve dès les années 1670, la mention de « siècle éclairé » dans certains écrits historiques ou philosophiques relatant les expériences et les progrès scientifiques du temps[5]. L’inflexion anticléricale et combative que prend la philosophie des Lumières dans les années 1750 devait marquer l’expression[6]. Dans la France prérévolutionnaire, la formule est consacrée par les représentants des Lumières puis par les révolutionnaires eux-mêmes[7]. L’historiographie a retenu l’expression : « Le siècle des Lumières : siècle un, profondément, mais combien divers. La raison éclaire tous les hommes, elle est la lumière, ou plus précisément, ne s’agissant pas d’un rayon, mais d’un faisceau, les Lumières[8]. »
Les traits dominants de la première modernité
Le siècle des Lumières est marqué par une vision renouvelée et élargie du monde héritée de questionnements, parfois angoissés, du dernier quart du XVIIe siècle. Six traits marquants d’une pensée moderne s’y affirment et peuvent être retenus[9] :
- la primauté de l’esprit scientifique sur la Providence dont la révolution newtonienne est l’illustration la plus marquante ;
- la réflexion politique marquée par la théorie contractuelle, influencée par les travaux de John Locke
- les progrès de l’esprit critique à l’œuvre, pour exemple, dans le Dictionnaire historique et critique (1697) de Pierre Bayle et la critique lockienne des idées innées ;
- une première désacralisation de la monarchie dont les Dialogues du baron Louis de La Hontan (1710) sont l’une des manifestations ;
- l’affirmation de l’idée de tolérance dans une Europe marquée par les divisions religieuses dont l’œuvre de Lessing, Nathan le Sage est une illustration ;
- le déisme.
Ces champs de réflexion précurseurs, qui allaient former le socle de la Philosophie des Lumières, traversent le siècle et influencent de nombreux domaines, à l’instar de l’économie politique[10]. L’idée de progrès vient couronner tous ses traits dominants et les synthétiser dans les ouvrages de Nicolas de Condorcet - Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain - ou de Louis-Sébastien Mercier - L'An 2440, rêve s'il en fut jamais.
Les combats des Lumières
les Lumières sont des philosophes agissant et pensant au nom de la raison de la sagesse et après mure reflexion. ils sont donc contre la religion qui implique fanatisme et superstition, contre le pouvoir et la monarchie absolue. mais pour plus de liberté individuelle, d'un monde uni et solidaire. Les partisans des Lumières sont les acteurs de nombreux combats nés de l’« usage public de sa raison dans tous les domaines[11] ». Ces causes célèbres ont permis une mise en perspectives des lois et des coutumes d’Europe et ont ainsi opéré une révolution sociologique et ouvert la brèche à l’anthropologie politique. Le dépaysement est central dans cette démarche et le Persan et ses avatars - l’espion chinois[12], juif ou turc[13] - peut apparaître comme un symbole de cet effort de tolérance[14].
Les philosophes ne se contentent pas d’écrire. Ils se mettent aussi personnellement en cause, au risque d’être arrêtés, emprisonnés. Diderot consacre plus de vingt ans de sa vie à la publication de l’Encyclopédie, énorme dictionnaire de 28 volumes de texte et de 11 volumes d’illustrations consacré à toutes les formes de la connaissances et des sciences. Tous les écrivains et les savants du siècle participent à la rédaction des articles de l’Encyclopédie, dont la publication s’étend de 1751 à 1772. Accusé de propager des idées dangereuses, Diderot est emprisonné pendant plusieurs mois.
Les travaux du juriste Beccaria, lui-même influencé par Montesquieu, trouvent leur retentissement dans les affaires Calas et Sirven, où sont affirmées la nécessaire abolition de la question et les limites du pouvoir exécutif. Le procès du chevalier de la Barre inspire à nombre de penseurs une réflexion sur la liberté de conscience.
Sciences et savants à l’âge des Lumières
« Des espaces publics critiques » [15]
À la faveur de ces évolutions apparaissent des formes de sociabilités nouvelles ou se diffusent les Lumières, entretenues par relations privées et quelquefois par le mécénat d’État. L’Europe des Lumières a ainsi ses lieux privilégiés : cénacles des grandes villes thermales, cours des capitales européennes, chambres de lectures, théâtres, opéras, cabinets de curiosité, salons littéraires et salons artistiques, voire salons de physique à l’instar de celui animé par l’abbé Jean Antoine Nollet, Académies, loges maçonniques, cafés mondains, clubs à l’anglaise ou “bouges” où se rencontre la « Bohème littéraire ». Dans ces cadres nouveaux ou renouvelés, les gens de lettres prennent le pouvoir de la critique et font vivre débats esthétiques, querelles littéraires, réflexions politiques[16].
Ces lieux où se croisent les anciennes et les nouvelles élites, les artistes sans fortune et leurs mécènes, les agents de l’État et les aventuriers, sont le creuset d’une communauté cosmopolite et hétérogène, faite d’entre soi et d’exclusion. Ils participent à l’affirmation d’une « sphère publique bourgeoise[17] », faite d’affrontements et de spectacles, où se déroulent, et plus particulièrement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les grandes affaires et les « causes célèbres » (Mémoire judiciaire) prérévolutionnaires. Dans ces nouveaux espaces de libertés se manifeste un véritable engouement pour les affaires européennes et se développe l’anglomanie.
Dans le cadre français, les Lumières voient basculer dans les années 1750 leur centre de gravité de Versailles à Paris qui apparaît comme la nouvelle capitale intellectuelle et artistique, comme une capitale des Lumières. Ce brassage implique une redéfinition sociale de l’écrivain.
Le phénomène se développe également en province, où magistrats et érudits locaux, gagnés par les Lumières, forment une classe sociale dirigeante aux nouvelles préoccupations[18].
Les Salons
Articles détaillés : Salons littéraires et Femmes et salons littéraires.C’est le lieu privilégié des intellectuels et des gens de lettres. On parlera alors du petit cénacle et du grand cénacle. Les salons permettaient l’échange des idées entre philosophes. Les salons étaient souvent "tenus" par des femmes lettrées, ayant des connaissances scientifiques, géographiques, etc.[réf. nécessaire]
Jean-Jacques Rousseau dénonça la futilité des discussion qui s’y tenaient et parlait de « Morale du bilboquet » pour toute personne qui s’en tenait à l’écart[19].
Académies et sociétés littéraires
C’est essentiellement grâce à la création de l’académie française que la littérature et « la grammaire » ont connu un essor. En effet, des auteurs inconnus auparavant ont ainsi une occasion de se faire connaître de la haute société et de la classe des « intellectuels ». De nombreuses bourses ont été données pour aider et subventionner cette nouvelle classe d’intellectuels d’origine le plus souvent roturière.[réf. nécessaire]
Loges et Europe maçonne
Article détaillé : Franc-maçonnerie.Géographie des Lumières
Les Lumières se sont pensées comme un mouvement européen, international et si le français qui a détrôné le latin comme langue « universelle[21] » semble s’imposer comme le langage par excellence de la nouvelle « République des Lettres », l’homme des Lumières est avant tout un « cosmopolite », un « citoyen du monde[22] » quand il n’est pas un apatride.
La naissance des États-Unis : le droit au bonheur et la quête de la liberté
Article détaillé : Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique.Civilisation matérielle
La sensibilité des Lumières
Ferveurs nouvelles
Joseph Priestley (1733 - 1804)
Chronologie
Notes et références
- ↑ (en) John Marshall, John Locke, Toleration and Early Enlightenment Culture, Cambridge University Press, 2006.
- ↑ Ainsi, des institutions comme laSociété Internationale d’Études du XVIIIe Siècle, ou des publications, comme la Revue Dix-huitième Siècle ou des entreprises éditoriales comme le Dictionnaire européen des Lumières (sous la direction de Michel Delon, PUF, 2007) ont familiarisés le public avec cette expression.
- ↑ Sur l’usage que fit le siècle de la formule, voir l’article de Jacques Roger, « La lumière et les lumières », (Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1968, 20, p. 167-177) qui propose une archéologie de l’expression.
- ↑ Jacques Roger, article cité p. 170.
- ↑ Les philosophes "des Lumières" ont pour objectif d’éclairer leur siècle, d’amener une lumière nouvelle sur les questions restées sans réponse.« (…) nous voilà dans un siècle qui va devenir de jour en jour plus éclairé, de sorte que tous les siècles précédents ne seront que ténèbres en comparaison (…) » Pierre Bayle, Nouvelles de la république des lettres, 1684
- ↑ «(…) la Raison et la Loi fondée sur la Raison, doivent être les uniques reines des mortels, et (…) lorsqu’une religion établie commence à pâlir et à s’éteindre devant les lumières d’un siècle éclairé (…) c’est cette Raison qu’il faut alors presque diviniser.» Nicolas Antoine Boulanger, Préface aux Recherches sur l’origine du Despotisme Oriental, 1761
- ↑ « Jamais siècle n’a été appelé plus souvent que le nôtre le siècle des lumières. » Mably, Le Banquet des politiques, 1776. On trouve souvent les formules "siècle des lumières et de la philosophie" ou "siècle des lumières et de la liberté".
- ↑ Albert Soboul, La Civilisation et la Révolution française, Paris, Arthaud, 1978, p. 19.
- ↑ Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), Fayard, 1967 ; Geoffrey Parker et Lesley M. Smith, General Crisis of the Seventeenth Century, Routledge, 1978 ; André Zysberg, La Monarchie des Lumières (1715-1786), Nouvelle histoire de la France moderne, t.V, Points Seuil, 2002, chapitre XII.
- ↑ Ainsi la critique du colbertisme dans le Détail de la France de Pierre Le Pesant de Boisguilbert, imprimé clandestinement en 1695
- ↑ Emmanuel Kant, Qu’est-ce que les Lumières, 1784.
- ↑ Ange Goudar, L’Espion chinois ou, l’envoyé secret de la cour de Pékin, pour examiner l’État actuel de l’Europe, Cologne, 1775.
- ↑ Jean-Paul Marana, L'Espion turc, Cologne [i.e. Rouen], E. Kinkius, 1700.
- ↑ Hubert Baysson, L’Idée d’étranger chez les philosophes des Lumières, L'Harmattan, 2002.
- ↑ Christopher Alan Bayly, La Naissance du monde moderne, (1780 - 1914), les Éditions de l’Atelier, 2007.
- ↑ Sur le sujet, on consultera utilement, Étienne François, « Les formes de sociabilité en France du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 34, juillet-septembre 1987, p. 453-472 ; Catherine Larrère, « Sociabilité », dans Michel Delon (sous la direction de), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, Presses universitaires de France, 1997, pp. 998-1001 ; Keith Michael Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1987, 42, n°1, p. 41-71.
- ↑ Sur ce point, l’historiographie s’est nourrie des réflexions de Jürgen Habermas.
- ↑ Daniel Roche, Le Siècle des lumières en province : Académies et Académiciens provinciaux : 1680-1789, Paris - La Haye, 1978.
- ↑ Dans le Livre V des Confessions, il écrit : « Quand j’étais à Motiers, j’allais faire des lacets chez mes voisines ; si je retournais dans le monde, j’aurais toujours dans ma poche un bilboquet, et j’en jouerais toute la journée pour me dispenser de parler quand je n’aurais rien à dire. Si chacun en faisait autant, les hommes deviendraient moins méchants, leur commerce deviendrait plus sûr, et je pense, plus agréable. Enfin, que les plaisants rient s’ils veulent, mais je soutiens que la seule morale à la portée du présent siècle est la morale du bilboquet. »
- ↑ Pierre-Yves Beaurepaire, « La Franc-maçonnerie au siècle des Lumières »Café historique, janvier 2004.
- ↑ En témoigne l’intitulé du sujet proposé par l’Académie de Berlin en 1783 dont devait naître l’ouvrage d’Antoine de Rivarol, Discours sur l’Universalité de la langue française
- ↑ Formule empruntée à l’ouvrage de Louis-Charles Fougeret de Monbron, Le cosmopolite ou Le citoyen du monde, Londres, 1753.
- ↑ Pierre Fresnault-Deruelle, « Un boudoir en plein air »Mucri-peinture,
Bibliographie sélective
Article détaillé : Bibliographie des Lumières.: source utilisée pour la rédaction de cet article
- Pierre-Yves Beaurepaire, L’Europe des Lumières, Paris, PUF, 2004
- Christine Le Bozec, La Normandie au XVIIIe siècle : croissance, Lumières et Révolution, Rennes, Éditions Ouest-France, 2002
- Pierre Chaunu, La Civilisation de l’Europe des Lumières, Paris, Flammarion, 1997
- Pierre M. Conlon, Le Siècle des Lumières : bibliographie chronologique, Genève, Droz, 1983
- Joël Cornette, Histoire de la France : absolutisme et Lumières (1652-1783), Paris, Hachette supérieur, 2005
- Monique Cottret, Culture et politique dans la France des Lumières : 1715-1792, Paris, Colin, 2002
- Marcel Brion, Henry Daussy, Le Siècle des Lumières, London, Thames & Hudson, 1974
- Béatrice Didier, Le Siècle des Lumières, Paris, MA Éditions, 1987.
- (en) Ole Peter Grell et Roy Porter, Toleration in Enlightenment Europe, Cambridge University Press, 2000.
- Albert Soboul, Guy Lemarchand, Michèle Fogel, Le Siècle des Lumières, Paris, PUF, 1977-1997
- Norman Hampson, Le Siècle des Lumières, Paris, Seuil, 1972
- Jacques d’Hondt, Hegel et le siècle des Lumières, Paris, PUF, 1974
- Robert Mandrou, L’Europe « absolutiste ». Raison et raison d’État (1649–1775), Fayard, 1977.
- Xavier Martin, Nature humaine et Révolution française : du siècle des Lumières au Code Napoléon, Bouère, D.M. Morin, 1994
- Philippe Minard, La Fortune du colbertisme : état et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998
- Henri Plard, Morale et vertu au siècle des Lumières, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1986
- Bernard Plongeron, Théologie et politique au siècle des Lumières (1770-1820) Genève, Droz, 1973
- Gilbert Py, L’Idée d’Europe au Siècle des Lumières, Paris, Vuibert, 2004
- Louis Réau, L’Europe française au siècle des Lumières, Paris, A. Michel, 1951, 1938
- Daniel Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993
- Liliane Hilaire-Pérez, Daniel Roche, L’Invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000
- Catherine Salles, Le Siècle des Lumières : 1715-1789, Paris, Larousse, 1987
- Michel Vovelle, Le Siècle des Lumières, Paris, 1977-1988.
Articles connexes
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Liens et documents externes
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- Compte-rendu de l’ouvrage de Marie-Christine Skuncke (éd.), Centre (s) et périphérie (s), les Lumières de Belfast à Beijing, Actes du colloque d’Uppsala sur Les Clionautes.
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