L'Europe Absolutiste

L'Europe Absolutiste

L'Europe absolutiste

LEurope « absolutiste »
Auteur Robert Mandrou
Genre Histoire
Pays d'origine France France
Éditeur Fayard
Date de parution 1977
Nombre de pages 401
ISBN 2-213-00421-8

LEurope « absolutiste ». Raison et raison dÉtat (16491775) est un ouvrage de lhistorien français Robert Mandrou paru en allemand en 1976 et en français en 1977.

Louvrage fait partie dune histoire de lEurope en six volumes destinée au public allemand, et vient sajouter à la longue liste des ouvrages de Robert Mandrou traitant de lhistoire des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.

Sommaire

Démarche

Dans cet ouvrage, Mandrou dépasse le cadre simplement chronologique qui lui a été assigné pour proposer une « interprétation globale du devenir européen » (p. 8) entre 1649 et 1775. Plutôt quun ouvrage classique dhistoire de cette période, il tente de reconstituer lhistoire complexe des sociétés dAncien Régime, tiraillées entre un prestige passé et la nécessité de profondes transformations, dont les mutations ne représentent pas un simple processus damélioration linéaire dicté par le progrès de la raison philosophique, mais le résultat darbitrages entre dominants relevant de la pure raison dÉtat.

Traitant de lensemble de lEurope, l'ouvrage met en lumière son unité face à la permanence des structures sociales et, à lopposé, sa diversité quant aux réponses en termes dorganisation politique aux problèmes posés par les profondes mutations économiques qui mèneront à la Révolution industrielle. Robert Mandrou montre comment, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, les monarchies anglaise et française définiront lentement les modèles qui deviendront les deux pôles de la réflexion politiques dans le reste de lEurope du XVIIIe siècle : labsolutisme louisquatorzien et le modèle issu de la Glorieuse Révolution de 1688.

Résumé

Louvrage est divisé en trois parties :

  1. la première est consacrée à la genèse des deux modèles de 1649 au début du XVIIIe siècle ;
  2. la seconde, à leur évolution et à leur rayonnement dans le reste de lEurope durant la première moitié du XVIIIe siècle ;
  3. la troisième, aux expériences des despotes éclairés et à un bilan portant sur la période de 1750 à 1775.

Première partie

La conception de lÉtat de Louis XIV sinscrit dans la continuité de leffort de ses prédécesseurs pour développer et centraliser la monarchie française. La doctrine de labsolutisme monarchique se définit face aux troubles de la Fronde et de la crise janséniste. Théorie « scientifique », elle légitime le renforcement du pouvoir royal et affirme la nécessité de combattre tout facteur de désordre. Pour Robert Mandrou, labsolutisme louisquatorzien se résume en trois domaines clés : la soumission de la société, la direction de léconomie et la domination culturelle.

Le modèle anglais se construit également dans une période de grands troubles. Linterrègne cromwellien amène des transformations sociales, la crise de laristocratie et lessor de la gentry et de la bourgeoisie marchande, mais ces dernières naffectent pas les structures sociales fondamentales. Les continuités, en particulier dans les domaines économique et culturel, son également fortes durant de la Restauration. Charles II, de retour dexil, qui na pas suivi lévolution de la société anglaise, se met en rupture avec la classe politique en tentant de rétablir labsolutisme. Il inaugure une courte expérience absolutiste que tentera de poursuivre son frère Jacques II, mais la société anglaise a évolué et cette tentative dimitation du système louisquatorzien est vouée à l'échec. Ce décalage contribue à définir les bases du système créé durant létape finale de la Glorieuse Révolution. La classe dirigeante, destituant Jacques II et prêtant allégeance à Guillaume d'Orange, crée un système inédit la classe politique choisit le souverain et lui impose les règles du jeu. Le nouveau régime se trouve rapidement validé et consolidé à la fois grâce lessor économique et aux succès de la politique extérieure anglaise, qui imposent à lEurope tout entière fascinée par labsolutisme versaillais la reconnaissance dun système alternatif.

Deuxième partie

Dans la seconde partie, Mandrou montre comment, après la défaite dUtrecht en 1713, il est évident pour la France que lensemble de la société a besoin de changements. La guerre et la famine ont pesé lourd sur le peuple, réduisant la puissance tant économique que politique du royaume. Les effets de ces difficultés sur les finances publiques ne permettent bientôt plus à Louis XIV de financer son ambition militaire, ainsi « les exigences de la guerre perpétuelle ont-elles ruiné lambition absolutiste » (p. 125). À la mort du vieux roi, la remise en question est générale. Si la Régence apparaît dabord comme une réaction, Philippe dOrléans retourne rapidement aux pratiques autoritaires de son oncle. Louverture apparente à lexpérimentation dont il a fait preuve, même si elle ne débouche pas sur la définition dun nouveau système politique, inspire tout de même les contemporains qui se sentent autorisés à discuter des principes qui fondent la monarchie. Malgré une importante croissance de la prospérité, le règne de Louis XV sera marqué par la critique permanente.

Face à cette situation, lAngleterre ne cesse daugmenter sa puissance tant économique que politique. Léquilibre social est maintenu, permettant lessor dune oligarchie dynamique et ouverte. Durant la première partie du XVIIIe siècle, le fait marquant est lexpansion coloniale. La puissance du royaume ne cesse de croître et les trafics de se multiplier, soutenus par le monopole commercial et manufacturier de la métropole vis-à-vis des colonies.

Robert Mandrou relève que le rayonnement européen de la France au XVIIIe siècle est ambigu, car il nest de loin pas le seul fait des institutions louisquatorziennes. Sur le plan politique, limage dune monarchie absolutiste se répand alors même quelle ne correspond plus à la pratique et, sur le plan culturel, le rayonnement est assuré par le mode de vie bourgeois plus quaristocratique. LAngleterre est également présente sur le continent, mais plus discrètement, principalement par ses diplomates et ses marchands. Limportant appareil diplomatique mis en place après Utrecht a dailleurs assuré à lAngleterre de nombreux succès dans les relations internationales sans devoir recourir aux armes.

En terminant cette deuxième partie, Mandrou se penche sur la problématique de linnovation face aux résistances de la tradition, dont la plus importante est le fait de la stabilité sociale du système basé sur la propriété du sol. En Europe centrale et orientale, cette réalité est même accentuée par le second servage. De plus, il relève que c'est laristocratie et la bourgeoisie qui sont ouverts aux changements, alors que les masses populaires restent attachée aux traditions : « la solidité des traditions tient aussi au fait que les classes à lécoute des novateurs sont les bénéficiaires du régime en place. » (p. 225)

Troisième partie

La troisième partie présente la période dintenses réformes des États dEurope centrale et orientale qui débute en 1740. Frédéric II en Prusse, Joseph II en Autriche et Catherine II en Russie sinspirent des penseurs politiques des Lumières et inaugurent ce qui sera ensuite appelé le « despotisme éclairé ». Ces monarques arrivent au pouvoir alors que les armes succèdent à nouveau à la diplomatie, les forçant à améliorer lefficacité de leurs armées. Puisque tout dépend des rentrées fiscales, il sattellent à la centralisation de lÉtat, à la rationalisation de ladministration et, sur le plan économique, à lapplication fidèle des principes mercantilistes. Ces modernisateurs sont toutefois confrontés aux limites culturelles de leurs États et à leurs propres refus de remettre en cause les structures sociales fondamentales pour favoriser lessor dune bourgeoisie daffaire et la libération dune partie de la main-dœuvre paysanne nécessaire aux manufactures. De plus, Robert Mandrou montre qua de nombreuses reprises, le dépeçage de la Pologne en 1772 étant un bon exemple, le vernis philosophique de ces monarques éclairés craque et laisse la place à la pure raison dÉtat.

En conclusion de cette troisième partie, Mandrou avance le fait que bien que la rationalité politique ait progressé sous linfluence du discours et des projets de réformes des souverains et des philosophes, elle ne correspond pas pour autant à la raison dÉtat qui prévaut toujours dans l'action politique. En 1775, la recherche du meilleur système politique semble être devenue le souci majeur à travers toute lEurope, mais ces volontés de réformes tiennent souvent plus du discours que de la réalité de laction politique : « entre la raison décrivant les schémas et projets dune rénovation sociale et politique […], et la raison d'État appliquant […] les froides règles qui président à la domination des forts sur les faibles, les despotes éclairés […] ont fait un choix bien clair et qui nous importe plus que […] les embrassades avec les philosophes et les projets soigneusement placés en réserve après avoir été publiés à son de trompe. » (p. 329330)

Conclusion

En conclusion de son ouvrage, Robert Mandrou note que bien quil soit évident que les intenses discussions philosophiques et politiques ont contribué à la remise en question de lAncien Régime de même que le développement capitaliste à imposé des transformations sociales, les fondements de la future Révolution française ne sont pas encore ne serait-ce quimaginés par les utopistes les plus avant-gardistes. Un nouvel équilibre est recherché par les dirigeants sans être accompagné dune remise en question des fondements féodaux et absolutistes de la société. La bourgeoisie urbaine en forte croissance entre donc en conflit avec une organisation sociale privilégiant les propriétaires terriens, ce qui provoque partout une sorte de lutte de classes entre dominants, sauf en Angleterre. Labsence de volonté des monarques de transformer de manière globale leurs sociétés constitue la limite entre les aspirations philosophiques et la raison dÉtat : « souverains philosophes, ils ont pratiqué avec prédilection une philosophie politique bien précise, celle de la raison dÉtat » (p. 337). Cette attitude correspond en réalité à la situation sociale de ces monarchies, laristocratie continue de dominer la société de telle sorte que les monarques ne peuvent sen affranchir.

Dès 1775, face au maigre bilan des changements concrets, la fièvre réformatrice commence à retomber. Cet essoufflement est-il une des causes de lembrasement de la fin du siècle ? Robert Mandrou relève que sil y a bien eu des poussées sporadiques de colère des masses populaires, ces dernières ne sont encore de loin pas constituées en mouvements homogènes répondant à une idéologie bien définie. Ces masses restent encore bien loin des débats philosophiques qui restent le monopole des classes dominantes.

Distinctions

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