Sept péchés capitaux

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Jérôme Bosch, Les Sept Péchés capitaux, vers 1450, musée du Prado, Madrid

Dans la religion catholique, les péchés capitaux correspondent aux péchés dont découlent tous les autres[1]. Ainsi, le mot capital n'est pas en rapport avec la gravité (par exemple, le meurtre n'y figure pas). Pour cette raison, la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin mentionne que l'appellation de vices leur serait plus appropriée que celle de péchés.

Les sept péchés capitaux identifiés par saint-Thomas d'Aquin sont l'acédie (ou la paresse spirituelle), l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l'envie .

Sommaire

Historique

Le premier à reconnaître un certain nombre de ce qu'il appelait des passions fut Évagre le Pontique, moine mort dans le désert égyptien en 399, qui s'est inspiré de listes moins formalisée d'Origène : Évagre identifia huit passions ou pensées mauvaises (logismoi en grec) et estimait que tous les comportements impropres trouvaient leur origine dans une ou plusieurs de celles-ci :

  • Gula (gourmandise)
  • Fornicatio (fornication)
  • Avaritia (avarice)
  • Tristitia (tristesse)
  • Ira (colère)
  • Acedia (acédie)
  • Vanagloria (vaine gloire)
  • Superbia (orgueil)

Cette liste a été revue par Jean Cassien au Ve siècle, puis par le pape Grégoire le Grand (vers 590), avant d'être définitivement fixée par Thomas d'Aquin au XIIIe siècle.

La doctrine de l'Église catholique

Les péchés capitaux

La liste actuelle a été citée par Thomas d'Aquin dans sa Somme théologique (question 84, Prima secundae) au XIIIe siècle. Il y mentionne que certains d'entre eux ne sont pas en eux-mêmes à proprement parler des péchés, mais plutôt des vices, c'est-à-dire des tendances à commettre certains péchés.

  • l'acédie (Acedia en latin). Le catéchisme de l'Église catholique définit l'acédie, terme disparu du langage courant, comme « une forme de dépression due au relâchement de l'ascèse ». Il s'agit en effet de paresse morale. L'acédie, c'est un mal de l'âme qui s'exprime par l'ennui, l'éloignement de la prière, de la pénitence, de la lecture spirituelle. Son démon est Belphégor ;
  • l'orgueil (Superbia en latin) : attribution à ses propres mérites de qualités vues comme des dons de Dieu (intelligence, etc.). Son démon est Lucifer ;
  • la gourmandise (Gula en latin) : ce n'est pas tant la gourmandise au sens moderne qui est blâmable que la gloutonnerie, cette dernière impliquant davantage l'idée de démesure et d'aveuglement que le mot gourmandise. Par ailleurs, on constate que dans d'autres langues ce péché n'est pas désigné par un mot signifiant « gourmandise » (gluttony en anglais, par exemple) [2]. Son démon est Belzébuth ;
  • l'avarice (Avaritia en latin) : accumulation des richesses recherchée pour elle-même. Son démon est Mammon ;
  • la colère (Ira en latin) : courte folie déjà pour les Anciens, entraînant parfois des actes regrettables. Son démon est Satan ;
  • l'envie (Invidia en latin) : la tristesse ressentie face à la possession par autrui d'un bien, et la volonté de se l'approprier par tout moyen et à tout prix (à ne pas confondre avec la jalousie). Son démon est Léviathan.

Péchés capitaux et péchés véniels

Les péchés capitaux sont des péchés de "tête" (capita), cela ne signifie pas qu'ils sont plus graves que d'autres, mais plutôt qu'ils sont à même d'en entraîner bien d'autres.

Les péchés capitaux/non-capitaux ne sont donc pas à confondre avec les péchés mortels/véniels, cette dernière distinction portant sur l'importance réelle du péché, sa capacité à nous couper ou non de l'amour et de Dieu.

Les sept vertus

Pour équilibrer, il existe sept vertus. Cependant, ces vertus ne correspondent pas à l'inverse des sept péchés capitaux.

Les vertus théologales (d'origine divine), que sont la foi, l'espérance et la charité, sont complétées par les vertus cardinales (d'origine humaine), que sont la justice, la prudence, la tempérance et la force (morale, c'est-à-dire le courage), et qui étaient déjà reconnues par les philosophes.

Les vices et les péchés dans l'art

Dans la littérature

Les vices ou les péchés ont été très tôt traités sous forme d'allégorie par les auteurs chrétiens, qui s'inspiraient des allégories antiques (La Discorde d'Homère, la Fortune, la Rumeur) décrites par les poètes grecs ou latins. Tertullien est un des premiers à opérer cette conversion de la culture antique, suivi par Prudence, dont la Psychomachia sera longtemps une référence en la matière. La littérature allégorique médiévale non seulement reprend ces archétypes des péchés, mais les multiplie à plaisir, dans des œuvres comme le Livre du cœur d'amour épris, 1457) de René d'Anjou, ou le Livre de la Cité des Dames de Christine de Pizan. La Divine Comédie de Dante elle non plus ne se contente pas des sept péchés mais en décline de nombreuses variations dans la première partie, l' « Enfer ». Chaucer charge un curé de les énumérer et de les commenter (« The Parson's Prologue and Tale ») dans Les Contes de Cantorbéry[3].

Dans les arts plastiques

Jacob Matham, l’orgueil, vers 1587

Les sept péchés capitaux ont été une source d'inspiration inépuisable pour les artistes tout au long du Moyen Âge et à la Renaissance. On les trouve dans la sculpture et les peintures qui ornent les églises[4]. On les trouve par exemple sur les chapitaux des colonnes du Palais ducal de Venise, sur les fresques de Giotto di Bondone (1267-1337), pour la Cappella Scrovegni de Padoue, (ca. 1305-1306). Aux XVIe et XVIIe siècles, ils inspirent encore des artistes tels que Jérôme Bosch, Pieter Bruegel l'Ancien ou Jacques Callot.

Arts mimétiques

Le théâtre médiéval représente les tentations auxquelles sont soumis les héros. Dans The Castel of Perseverance (Le Château de Persévérance), écrit entre 1425 et 1440, on trouve notamment le groupe des sept péchés capitaux. Jusqu'au XVIe siècle siècle, le théâtre populaire anglais met en scène les sept péchés qui font une dernière apparition dans la version remaniée du Faust de Christopher Marlowe, La Tragique Histoire du Docteur Faust, dont le texte est publié en 1604. Au XXe siècle apparaît un des avatars édulcoré de la série dans Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney (Grincheux = la colère). En 1933, c'est au tour de Kurt Weil et de son compère Bertold Brecht qui produisent Die sieben Todsünden, ballet chanté pour cinq voix (une femme et un quatuor masculin) et orchestre. Apparaissent ensuite une série de film à sketchs qui exploitent la série : Les Sept Péchés capitaux de 1952, dont chaque épisode est réalisé par un cinéaste différent, puis en 1962 Les Sept Péchés capitaux, film à sketchs de Philippe de Broca, et encore en 1992 un film à sketchs du même titre de Beatriz Flores. En 1995, le film Se7en suit les traces d'un tueur en série qui utilise le paradigme des sept péchés capitaux pour commettre une série de meurtres effroyables. Le film montre un inspecteur de police lettré se plonger dans la lecture de Dante pour remonter jusqu'à l'assassin.

En 1998, le photographe Bruno Dayan produit une série de photos qui chacune illustre un des sept péchés pour une campagne publicitaire de Louis Vuitton.

En 2007, la série Les Sept Péchés capitaux, diffusée sur la chaîne Historia, illustre chacun des péchés sur des éléments de l'histoire québécoise.

Positions d'écrivains

Paul Valéry

Paul Valéry fait remarquer que ces péchés capitaux se neutralisent entre eux dans une certaine mesure. Ainsi l'envie – qui implique jalousie de la position d'autrui – serait relativement incompatible avec l'orgueil. Un orgueilleux estime rarement la position d'autrui comme aussi enviable que la sienne propre (mais il peut se réjouir de l'abaissement ou du malheur d'autrui). De même l'avarice s'opposerait dans les faits à la pratique de la luxure, etc. Il en arrive à la conclusion que « la perfection du juste est formée de la bonne composition des sept péchés capitaux, comme la lumière blanche de la composition des sept couleurs traditionnelles[5] »[réf. nécessaire].

Georges Bernanos

Georges Bernanos estime que le système économique rendra toujours plus rentable le fait de spéculer sur les vices de l'homme que sur ses besoins[6]. Il voit donc la société marchande comme un facteur de corruption s'il n'est pas équilibré d'une manière ou d'une autre par une sorte d'idéal. La publicité serait porteuse de propagande des péchés capitaux, ceux-ci seraient donc utilisés afin de servir les ventes (il est possible à titre d'exercice de prendre une série de publicités et de voir quel est le (ou quels sont les) péchés capitaux sollicités par chacune)[réf. nécessaire]. L'écrivain Frédéric Beigbeder a développé plus tard cette idée[7][réf. nécessaire].

Divers

La liste de péchés capitaux n'a pas été modifiée en mars 2008. Contrairement à ce que certains médias[8] ont pu laisser croire, le cardinal interviewé, Monseigneur Gianfranco Girotti, régent de la Pénitencerie apostolique, parlait de la notion moderne du péché et non de nouveaux péchés capitaux. Cette notion moderne comporte : la pollution, la manipulation génétique, le trafic de drogue, les injustices économiques et sociales.

Notes et références

  1. Il y aura par exemple des meurtres résultant de l'orgueil, de l'avarice, de la colère, etc.
  2. Lionel Poilâne, a écrit avec 28 célébrités (le cuisinier Alain Ducasse, l'homme politique André Santini, l'écrivain Irène Frain, etc.) "Supplique au Pape pour enlever la gourmandise de la liste des péchés capitaux". En janvier 2003, une requête a été remise entre les mains de Jean-Paul II pour que le péché de gourmandise soit remplacé par les termes gloutonnerie, intempérance ou goinfrerie. «Avec humilité, nous vous demandons, Très Saint Père, sachant que la suppression d'un des sept péchés capitaux est inconcevable, de modifier sa traduction dans la langue française.» Cette requête n'a pas eu d'effet notable à ce jour.
  3. Geoffrey Chaucer, « Les contes de Cantorbery », 1908, Félix Alcan
  4. Voir Émile Mâle, L'Art religieux de la fin du Moyen Âge en France (1908), L'Art allemand et l'art français du Moyen Âge (1917), L'Art religieux au XIIe siècle en France (1922)
  5. Paul Valéry, Tel Quel
  6. Georges Bernanos, La France contre les robots
  7. Frédéric Beigbeder, 99 francs
  8. 20minutes, Courrier International

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Charles Nault, la saveur de Dieu, l'acédie dans le dynamisme de l'agir, Les éditions du Cerf, cogitatio Fidei, chapitre 4 consacré aux auteurs médiévaux ou les sept péchés capitaux
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