Pâques sanglantes

Pâques sanglantes

Insurrection de Pâques 1916

Histoire de l'Irlande
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L’insurrection de Pâques 1916, parfois appelées les « Pâques sanglantes », est un évènement important de l’Histoire irlandaise, et fait partie de la mémoire collective des Irlandais (voir la chanson révolutionnaire The Foggy Dew). C’est la rébellion d’un peuple contre l’occupant britannique, même si les faits se sont cantonnés à la ville de Dublin et n'ont pas été relayés dans le reste de l’Irlande.

Sommaire

Contexte historique

Robert Emmet

Le 1er août 1800, le parlement de Dublin vote l’Acte d’Union (Act of Union) avec la Grande-Bretagne, ce qui entraîne sa suppression et le déplacement du siège de ses représentants à Londres, et crée une zone de libre échange entre les deux pays. Cette situation n’est pas unanimement acceptée puisque le 23 juillet 1803 un soulèvement emmené par Robert Emmet contre la domination britannique, attaque le château de Dublin.

Durant le XIXe siècle, la population, fragilisée par la pauvreté, va subir de terribles famines : de 1845 à 1847 les récoltes de pommes de terre sont perdues, certaines sources avancent le chiffre de près d’un million de morts et de deux millions d’émigrés. Ces difficultés vont renforcer un sentiment anti-britannique, déjà fortement ancré dans la population. 1848 voit une première rébellion du mouvement Jeune Irlande, menée par W. Smith O’Brien, et dix ans plus tard (17 mars 1858), c’est la fondation, simultanément à Dublin et New York, de l'Irish Republican Brotherhood (I.R.B.), une organisation révolutionnaire et terroriste dont le but est la préparation d’un soulèvement général en Irlande.

La fondation de la Home Rule League intervient, quant à elle, en 1873, son but est d’obtenir une autonomie interne au sein du Royaume-Uni. Ce projet, qui a le soutien des libéraux britanniques (ministères de William Ewart Gladstone et de Herbert Henry Asquith) mais rencontre l’hostilité des conservateurs, est présenté trois fois au parlement (1886, 1893 et 1912) et par trois fois refusé. Seule une argutie du Parliament Act de 1911 le valide et contraint le roi George V à le ratifier, en septembre 1914, sa mise en place étant repoussée à la fin de la Première Guerre mondiale qui vient de se déclarer. 1913 avait vu la création de deux milices antagonistes, l’Ulster Volunteer Force farouchement opposée au projet, et celle des Irish Volunteers qui, au contraire se chargeait de le défendre. James Connolly, chef de l'Irish Labour Party et les leaders syndicaux républicains fondent également de leur côté l'Irish Citizen Army pour protéger les participants des grandes grèves de 1913.

La préparation de l'insurrection

Peinture murale, Whiterock Road, West Belfast.

Dès août 1914, l'IRB décide de former un comité militaire afin de préparer une action d'envergure avant la fin de la guerre. L'IRB a placé ses partisans au sein des Irish Volunteers, la principale milice nationaliste dont le chef, Eoin MacNeill, tente de monnayer son support à la guerre avec le gouvernement britannique contre le Home Rule. Ils engagent avec ce dernier une lutte interne pour la préparation d’une insurrection. Le 16 janvier 1916 le conseil suprême de l’Irish Republican Brotherhood, en accord avec l'ICA décide de préparer une insurrection générale. Selon un accord négocié par sir Roger Casement, lord protestant sympathisant de la cause républicaine, des armes en provenance d’Allemagne doivent arriver pour Pâques. Apprenant la transaction, Eoin Mac Neill décide finalement de soutenir l'insurrection. Le 20 avril, le cargo allemand « Aud », acheminant vingt mille fusils, est arraisonné par un patrouilleur britannique ; le capitaine saborde le bateau et se constitue prisonnier avec l’ensemble de l’équipage. Des ordres contradictoires sont alors envoyés aux partisans nationalistes, certains chefs comme Mac Neill, souhaitant annuler l’opération, d'autres comme Pearse souhaitant son déclenchement. Cette dernière est alors repoussée du jour de Pâques au lundi et les insurgés sont moins nombreux et moins bien armés que prévu.

L’insurrection

Proclamation de la République irlandaise

Le lundi de Pâques 24 avril, 120 membres de l’Irish Citizen Army et 700 de l’Irish Volunteers Force défilent dans O’Connell Street à Dublin. Soudain, c’est la ruée et l’occupation de la Poste centrale, ainsi que de divers bâtiments stratégiques, tels le Mendicity Institute et les Four Courts (Palais de Justice), la biscuiterie Jacobs, les moulins Boland et la gare de Westland Row. Les chefs de cette action sont Patrick Pearse, James Connolly, Tom Clarke, Sean MacDiarmada, Éamon de Valera et Joseph Plunkett ; Constance Markievicz dirige la brigade féminine de l’ICA. Des armes sont dérobées à l’armée britannique. Les femmes, de leur côté, amassent des vivres et des médicaments. Conformément au programme élaboré, Patrick Pearse proclame la République irlandaise devant une foule médusée et peu enthousiaste. Quelques actions ont lieu dans des villes de province, mais on est loin d’une insurrection générale, comme cela avait été envisagé, les insurgés sont en effet encore vus comme des traîtres par une grande partie de la population alors que de nombreux Irlandais se battent encore en France. Durant toute l’après-midi, les assauts de l’armée britannique sont systématiquement repoussés et plusieurs casernes sont même attaquées par les volunteers. Des pillards profitent du chaos pour mettre à sac les magasins autour de la poste, ils en sont délogés par les insurgés. Toutefois les Britanniques ont conservé la maîtrise du téléphone, ce qui leur permet d’alerter les unités stationnées à Curragh, Belfast, Athlone et Templemore, qui convergent vers Dublin. Le lendemain, mardi 25 avril, alors que les insurgés radiodiffusent la proclamation de la République, la contre-attaque britannique obtient d’indéniables succès militaires, et les premiers renforts arrivent de province.

Après cinq jours de violents combats, les insurgés sont acculés dans une situation désespérée ; le 29 avril Patrick Pearse, président du gouvernement provisoire, décrète l’arrêt des combats et parvient à convaincre quelques irréductibles, emmenés par Tom Clarke, que l’insurrection est un échec. La reddition sans condition est signée le même jour.

Bilan des combats et répression

Au terme de six jours de combats, on dénombre environ 400 morts (318 civils et de 60 à 80 insurgés) et 2 614 blessés (2 217 civils). Quand Pearse signe la reddition, il reste environ 1 300 volunteers et 220 membres de l‘Irish Citizen Army.

La répression des Britanniques est implacable : 3 430 hommes et 79 femmes sont arrêtés à Dublin et on arrive au chiffre de 5 000 personnes si on comptabilise celles poursuivies en Angleterre et au Pays de Galles. Les dirigeants sont jugés par des cours martiales qui prononcent 90 peines de mort, il y a une quinzaine d’exécutions à la prison de Kilmainham, dont sept membres du gouvernement provisoire. Patrick Pearse est fusillé le 3 mai. James Connolly, plusieurs fois blessé pendant l’insurrection, est arraché de son lit d'hôpital, posé sur une chaise et exécuté le 12 mai. Roger Casement, qui a servi d'intermédiaire entre l’insurrection et le Kaiser, est pendu. Éamon de Valera échappe à la peine capitale, du fait de sa nationalité américaine. La répression radicale, qui mène aux arrestations d’Arthur Griffith ou de Eoin Mac Neill, alors qu’ils n’ont pas participé aux évènements. Au mois d’août, sous la pression du président américain Woodrow Wilson, nouvel allié du Royaume-Uni dans la Première Guerre mondiale, une première vague de libération de détenus républicains a lieu, une seconde suit en décembre. Les derniers prisonniers sont libérés en 1917.

Conséquences

Incontestablement, l’insurrection de Pâques 1916 fut un échec, tant sur le plan militaire que sur le plan politique. Le soulèvement ne fut pas général, Dublin fut le lieu principal des évènements, et si les insurgés bénéficièrent de l’effet de surprise la première journée, la contre-offensive de l’armée britannique modifia la donne, d’autant que la maîtrise du téléphone permit l’alerte générale, et l’intervention des renforts. Sur le plan politique, la répression élimina ce que le camp républicain comptait de penseurs et d’activistes. Cependant, pour la première fois depuis longtemps en Irlande une insurrection fut dirigée par des catholiques et non par des protestants opposés aux persécutions et à la discrimination engendrées par le système colonial, le mouvement nationaliste irlandais avait démontré qu'il était adulte et organisé, ce ne sont plus des réformes sociales ou même une autonomie qu'il réclame mais l'indépendance. De plus, la brutalité de la répression entraîna un courant de sympathie envers le Sinn Féin, renversant l'opinion alors que l'opportunité de l'insurrection avait été fortement contestée. De nombreuses interprétations littéraires et politiques ont été données à cette aventure, mais c’est avant tout l’échec du Home Rule et des partis irlandais qui l'ont soutenu, débordés par les radicaux. Ce lundi fut le premier pas vers la République d'Irlande et la guerre d'indépendance, mais aussi vers le conflit en Ulster.

En 1966, à l’occasion du cinquantenaire de l’insurrection, la statue de l’amiral Nelson, posée sur une colonne de quarante mètres, dans O'Connell street à Dublin, est détruite par une bombe.

Articles connexes

Sources

  • Alain Decaux, C'était le XXe siècle tome 1, Pâques sanglantes à Dublin, Perrin, 1999
  • Pierre Joannon, Histoire de l’Irlande et des Irlandais, GLM (Perrin), Paris, 2006, (ISBN 2-286-02018-3).
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