Protectionnisme

Protectionnisme

Le protectionnisme est une politique économique interventionniste menée par un État ou un groupe d'États, consistant à protéger ses producteurs contre la concurrence des producteurs d'autres États. Les buts peuvent être le maintien de l'emploi dans certains secteurs d'activité, la diminution du déficit commercial, ou la défense du niveau de vie. Les mesures protectionnistes consistent essentiellement à freiner les importations (barrières douanières, normes contraignantes, freins administratifs...), encourager les exportations (subventions diverses, incitations fiscales), privilégier les entreprises nationales dans les appels d'offres de marchés publics, ou empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises nationales.

Le GATT puis l'OMC ont été créés pour abaisser les barrières protectionnistes et en limiter autant que possible l'usage.

Sommaire

L'histoire du protectionnisme

Dans l'histoire de la pensée économique, le libre-échange a longtemps été la règle, et le protectionnisme était perçu comme étant une anomalie nuisible au bon développement de l'économie. Mais à partir du XVIe siècle, les pensées économiques vont justifier la légitimité du protectionnisme.

Les mercantilistes

Article détaillé : Mercantilisme.

Selon les auteurs mercantilistes, la richesse d'un pays dépend positivement du stock de métaux précieux qu'il possède. La quête de ces ressources, provenant des nouveaux territoires découverts, est comparable à une véritable guerre. Le commerce est considéré comme un jeu à somme nulle : celui qui exporte gagne, et celui qui importe perd. Les États vont donc mettre en place des mesures afin à la fois de capter le maximum de ressources minières provenant du nouveau monde, afin d'en importer le minimum, et d'en exporter le maximum. L'État met donc des freins aux importations, et essaye de faciliter au maximum ses exportations (par l'intégration des marchés nationaux par exemple). En France par exemple, l'État va même organiser la production nationale (avec les manufactures de Colbert par exemple).

Le protectionnisme dans la Richesse des Nations

Dans son ouvrage maître, Adam Smith justifie le libre-échange, en développant l'idée que, contrairement à ce qu'affirmaient les mercantilistes, le commerce est synonyme de paix et d'enrichissement mutuel. Toutefois, Smith n'est pas contre l'idée d'instaurer des droits de douane, pour deux cas bien spécifiques : en cas de présence d'industries stratégiques pour la défense nationale et en réaction à des taxations opérées par des pays sur les exportations nationales. Le protectionnisme est donc selon Smith une mesure exceptionnelle, mais qui, en règle général, nuit au bon fonctionnement de l'économie.

Quelques mesures utilisées dans le cadre du protectionnisme

Le protectionnisme peut recourir à plusieurs mesures ; on distingue les mesures tarifaires des mesures non tarifaires.

Droits de douane

Article détaillé : Droit de douane.

Imposer des droits de douane consiste à taxer les produits importés afin d'augmenter leur prix, et ainsi de diminuer la quantité achetée par les consommateurs.
Exemples :

- En janvier 2009, les États-Unis ont triplé les droits de douane qu'ils appliquent sur le roquefort, tout en portant à 100% les droits de douane sur d'autres produits européens (chocolats, jus de fruit, légumes, fruits, chewing-gums...)[1].

- En décembre 2008, l'Inde a augmenté ses droits de douane sur le soja, le fer et l'acier; pour les porter à 20%[1].

Mesures dites non tarifaires

Dédouanement

Il s'agit d'alourdir les procédures administratives pour les importations (obligation de remplir des documents administratifs compliqués, longue période de blocage en douane, etc.)[2].
Exemples :
- En 1982, la France a mis en place ce système pour réduire les importations de magnétoscopes en provenance du Japon. Ces derniers devaient être dédouanés à Poitiers[2].

Normes techniques ou sanitaires

Ces normes correspondent à un cahier des charges (types de traitements autorisés -ou obligatoires- pour les produits agricoles, etc.) qu'un produit doit remplir pour pouvoir être vendu dans un pays.
Exemples :
- L'Union européenne interdit les importations de bœuf aux hormones[2].

Quotas

Ils visent à limiter la quantité de produits importés.
Exemples :
- Pour la période allant du 15 décembre 2008 au 31 décembre 2010, l'Indonésie a mis en place des « licences d'importations » sur cinq cents produits (électronique, jouets, textiles, certaines denrées alimentaires)[1]
- quotas de l'Union européenne sur l'acier ukrainien (supprimés en mai 2008)[2].
- l'accord Multifibre (supprimé en 2005) établissait une limite (pour chaque pays et chaque produit) des textiles qui pouvaient être importés dans l'Union européenne. Lorsqu'il fut supprimé en 2005, on a assisté à un forte hausse des importations de textile provenant de Chine, au détriment de celles en provenance de la Tunisie et du Maroc[2].

Lois limitant les investissements étrangers

Les autorités d'un pays peuvent chercher à protéger certaines activités (considérées comme stratégiques) contre les prises de participation par des investisseurs étrangers.
Exemples :
- En avril 2008, l'Allemagne a adopté une loi qui rend nécessaire une autorisation pour « tout investissement supérieur à 25% du capital d'une entreprise dans le domaine des "infrastructures stratégiques" et dès lors que l'"intérêt national" est en jeu »[1].
- En avril 2008, la Russie a adopté une loi qui rend nécessaire une autorisation pour « tout investissement supérieur à 25% du capital des entreprises de quarante-deux "secteurs stratégiques" (nucléaire, pétrole, mines, pêche, édition...) »[1].
- Depuis octobre 2007, une loi promulguée aux États-Unis instaure que « tout achat ou implantation d'entreprise par des fonds étrangers peut être interdit dès lors qu'il "met en cause la sécurité nationale" »[1].
- En 2006, les États-Unis ont interdit que P&O (société propriétaire des ports de Baltimore, Philadelphie et New York) soit rachetée par une entreprise de Dubaï[2].
- Le 30 décembre 2005, la France a décrété qu'une autorisation serait désormais nécessaire « pour tout investissement touchant à l' "intérêt national" dans onze secteurs : défense, produits chimiques, technologies "duales" (pouvant servir au militaire comme au civil), etc. »[1].
- En 2005, les États-Unis ont interdit que la compagnie pétrolière américaine Unocal soit rachetée par le groupe chinois Cnooc[2].

Manipulation du taux de change

Une monnaie se dévalue, ou subit une dévaluation, lorsque son taux de change se déprécie par rapport à une monnaie de référence, ou un panier de monnaies. Un gouvernement peut intervenir sur le marché des changes en « vendant de la monnaie » pour abaisser la valeur de sa devise. Cela rend les produits moins chers à l'exportation, mais diminue le pouvoir d'achat en augmentant le prix des produits importés.
Exemples :
- La Chine est accusée de maintenir sa monnaie (le yuan) à un niveau artificiellement bas. - Les États-Unis sont accusés de laisser le cours de leur monnaie baisser afin de favoriser le dollar au détriment de l'euro[2].

Passation de marchés publics

Un pays peut instituer dans les politiques de passation des marchés publics une préférence pour les produits fabriqués localement (ou pour les services des entreprises locales).
Exemples :
- Les États-Unis ont instauré une clause « acheter américain » (Buy American Act) pour leurs marchés publics[3].

Subventions

Subventions aux acheteurs

Elles consistent à accorder des facilités financières aux clients (crédits bonifiés, déductions d'impôts, etc.).
Exemples :
- Début 2009, les autorités françaises ont décidé de débloquer 5 milliards d'euros pour les futurs acheteurs d'Airbus[2].

Subventions aux producteurs

Elles visent à donner un avantage (soit sous forme de prêts bonifiés, soit sous forme de dons) aux producteurs nationaux.
Exemples :
- En 2008 et 2009, les États-Unis et la France ont accordé des aides à leurs constructeurs automobiles[4],[5].

Justifications du protectionnisme

En général les protectionnistes invoquent une concurrence déloyale ou des pratiques de dumping

Dumping

Dumping environnemental

On parle de dumping environnemental lorsque la réglementation environnementale est moins contraignante qu'ailleurs. C'est, en partie, pour cela que de nombreuses entreprises occidentales implantent leurs activités polluantes dans les pays émergents.

Dumping fiscal

Le dumping fiscal consiste, pour un État, à imposer faiblement (c'est-à-dire plus faiblement que ce que font les autres pays) les sociétés et les personnes présentes sur son territoire.
Exemples :
- Le taux d'imposition des entreprises est de zéro en Estonie et de 12% en Irlande. En 2006, la moyenne du taux d'imposition des entreprises dans les pays de l'OCDE était de 28,6%. Les paradis fiscaux profitent de leurs politiques de dumping fiscal[2].

Dumping social

On parle de dumping social lorsqu'un gouvernement réduit (ou supprime) les cotisations sociales, ou bien que les autorités d'un pays conservent des normes sociales très basses (par exemple, en Chine, la règlementation du travail est moins contraignante pour les employeurs que des règlementations en vigueur ailleurs)[2].

Clause de sauvegarde en situation d'urgence

Cela vise à limiter les importations (soit en les interdisant, soit en les taxant fortement) durant une période donnée, lorsqu'un pays considère qu'une de ses productions est menacée[2].
Exemples :
- Fin 2008, l'Inde a décidé de taxer fortement les importations d'acier[2].

Protectionnisme par zones

États-Unis

Marchés publics

Depuis les années 1930, les États-Unis adoptent une politique systématique consistant à interdire dans les marchés publics les produits qui ne sont pas fabriqués aux États-Unis. Il existe aussi des subventions. Les lois sont :

  • Buy American Act de 1933
  • Small Business Act de 1953 pour les petites entreprises (voir aussi pacte PME),
  • Defense Federal Acquisition Regulations Supplement (DFARS)
  • Exceptions sécurité nationale (ALENA, chapitre 10, partie D, article 1018)
  • Amendement Berry (textiles, denrées alimentaires et vêtements non américains)
  • Amendement Byrnes-Tollefson (bateaux non américains)
  • Buy American - transports en commun (subventions de la Federal Transit Administration)
  • Buy American - construction routière (subventions de la Federal Highway Administration)
  • Buy American - aéroports (subventions de la Federal Aviation Administration)

Voir : Passation des marchés de l'administration américaine : aide-mémoire des liens relatifs aux obstacles les plus fréquents

En 1989, le groupe Bull a acheté le constructeur de micro-ordinateurs Zenith Data Systems, dans l'espoir d'acquérir le marché des micro-ordinateurs de l'administration américaine, méconnaissant totalement la législation américaine sur les achats publics. Le gouvernement fédéral américain a évidemment répliqué en faisant appel à un autre fournisseur. Cette erreur stratégique a entraîné de lourdes pertes financières pour Bull, qui ont dû être négociées par Bernard Pache auprès de l'Union européenne. Les subventions sont aujourd'hui interdites par l'Union européenne.

Les États-Unis se sont opposés au développement du supersonique Concorde en appliquant des normes sur le bruit (il est vrai que le Concorde était un avion très bruyant).

Advocacy policy

Depuis la fin des années 1980, les États-Unis ont élargi cette politique à des actions plus offensives de soutien cohérent des entreprises américaines à l'exportation. Cette politique est appelée "advocacy policy". Elle s'appuie sur une organisation dédiée, l'"advocacy center".

Voir : US Governement export portal - The advocacy center

Dans la vision des stratèges américains, le monde se répartit en trois zones : les États-Unis conçoivent, l'Asie produit, et l'Europe consomme.

Aujourd'hui les États-Unis cherchent à imposer des normes internationales dans le domaine des technologies de l'information.

Par exemple, la spécification technique ebXML tend à s'imposer dans le monde comme un standard de commerce électronique.

Mesures de rétorsion

La section 301 de la loi américaine générale de 1988 sur le commerce et la compétitivité permet à l'Administration américaine de prendre dans des délais très brefs toute mesure de rétorsion à l'égard des partenaires commerciaux dont les pratiques seraient jugées déloyales.

En 2000, le président George W. Bush a mis en place des mesures protectionnistes sur les importations d'acier pour satisfaire les demandes des grandes entreprises du secteur dont la productivité était insuffisante. Les effets a posteriori semblent avoir été négatifs puisque, si les mesures ont sauvé 3500 emplois, elles en ont détruit entre 12000 et 43000 chez les entreprises qui consomment de l'acier[6].

Japon

L'un des tarifs douaniers les plus élevés du monde est celui que pratique le Japon sur le riz étranger, taxé à 800 %[7].

Union européenne

La politique agricole commune a longtemps consisté en versement de subventions agricoles. Cette politique a favorisé l'agriculture intensive, ce qui a eu des conséquences dommageables sur le plan du développement durable.

En France, on invoque quelquefois l'exception culturelle[8].

Les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis ont fait l'objet d'un rapport d'information à l'Assemblée nationale en France en 1999.

Voir : Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis.

Développements théoriques et points de vue

Le point de vue mercantiliste

Chez les mercantilistes le rôle du commerce extérieur est de permettre le gain monétaire, c'est-à-dire l'afflux d'or. Dans cette optique, les mercantilistes préconisent une politique volontariste de soutien aux exportations via la création de grandes compagnies de commerce ou de grandes manufactures. Au contraire l'État doit tenter de freiner les importations qui sont synonymes de sorties d'or.

Pour Jean-Baptiste Colbert, « les compagnies de commerce sont les armées du roi, et les manufactures sont ses réserves ». L’objectif de ses « armées » est de repousser les « armées » étrangères. Ainsi pour souligner cette haine du commerce étranger, Antoine de Montchrestien[9] déclare :

« Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume […] la pure substance de nos peuples […] ; ce sont des sangsues qui s’attachent à ce grand corps de la France, tirent son meilleur sang et s’en gorgent »

La logique mercantiliste repose sur l'idée que la richesse n'est fondée que sur le volume détenu de métaux précieux, et que dès lors, ce volume étant défini, le commerce est un jeu à somme nulle. L'enrichissement d'un État par ses exportations ne peut se faire que par l'appauvrissement d'un autre par ses importations.

Les points de vue libéraux

Les économistes libéraux, depuis la Richesse des nations d'Adam Smith (1776), ont beaucoup critiqué les théories protectionnistes des mercantilistes. Selon les libéraux, le protectionnisme est une imposture intellectuelle qui ne sert qu'à favoriser des groupes d'intérêt aux dépens du plus grand nombre et du bien public. Lire par exemple les Sophismes économiques de Frédéric Bastiat (1845), dont le septième, la Pétition des fabricants de chandelles.

Le commerce international pouvant être vu dans la majorité des situations comme un accord gagnant-gagnant, la mise en place de mesures protectionnistes diminuera le bien-être global. Par exemple, la majorité des historiens économiques considèrent que la Grande Dépression a été aggravée par les mesures protectionnistes mises en place dans les années 1930, comme la loi Hawley-Smoot.

D'autres tel Friedrich List[10], considèrent le protectionnisme comme nécessaire à court terme pour amorcer le développement d'une économie. Le libre-échange ne serait alors juste qu'entre pays de puissance économique comparable. Un pays, ayant une fois rattrapé le niveau des autres, pourra passer à un système de libre-échange qui reste l'objectif de long terme. Il explique :

«Le protectionnisme est notre voie, le libre-échange est notre but.»

Le point de vue libéral fonde son analyse sur plusieurs arguments en faveur de l'insertion internationale dont la protection est bénéfique pour les industries naissantes. En effet, les industries dans l'enfance (industries naissantes) ne sont pas adaptées au marché international (accoutumance de la main-d’œuvre, niveau de production optimal, tarification optimale…). Pour cela, elles bénéficient d'un « temps d'adaptation » qui vont leur permettre de développer leur compétitivité c’est-à-dire de passer d'un avantage comparatif potentiel à un avantage comparatif réel (au sens de David Ricardo). Les industries naissantes vont donc se protéger de la concurrence internationale afin de développer un système productif en corrélation avec le marché mondial compte tenu de la contrainte de prix et de production extérieure. Pour que la transition soit efficace plusieurs conditions doivent être réunies : le passage d'un avantage comparatif potentiel à un avantage comparatif réel doit être réalisé, la protection doit être temporaire et l'ouverture à la concurrence doit être réalisée au moment opportun c’est-à-dire quand la firme devient compétitive (quand le prix des biens qu’elle fournit sont supérieurs à ses coûts de production =bénéfices). Ceci constitue un des arguments libéraux au niveau national. D'autres arguments comme celui de l'industrie déclinante, du revenu, de l'emploi ou encore des distorsions internes expliquent la pensée libérale en matière de protectionnisme.

Dans les années 1980, début 1990, des économistes tels que Jagdish Bhagwati ont insisté sur les activités recherches de rente[11] qu'induisaient les politiques protectionnistes. En effet pour un groupe, il est très tentant d'obtenir de l'État une protection de sorte qu'il puisse soit obtenir des profits plus élevés soit éviter de se mettre au niveau de ses concurrents internationaux. D'une manière générale le protectionnisme est vu, depuis Adam Smith comme favorisant les offreurs au détriment des consommateurs. Enfin, l'alliance entre des groupes de pression forts et l'État[12] a tendance à déplacer les conflits commerciaux du champ économique vers le champ de la souveraineté étatique ce qui peut être potentiellement plus dangereux.

Les points de vue altermondialistes

Le mouvement altermondialiste s'oppose à la concurrence internationale entre les travailleurs qu'induit la baisse des tarifs douaniers entre les États ("libre échange"). C'est en ce sens que le mouvement altermondialiste a organisé la protestation contre la conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle le 30 novembre 1999. Suite à des manifestations parfois violentes contre les forces de police, le sommet n'a pu se dérouler normalement. Reste que le mouvement altermondialiste est aujourd'hui traversé d'un débat entre partisans de ce que l'ancien président d'Attac Bernard Cassen a nommé des formes de "protectionnisme altruiste" et des économistes critiques du protectionnisme[13].

Certains altermondialistes reprennent les théories de l'économiste Friedrich List: les pays développés ont d'abord construit leur industrie en utilisant le protectionnisme, puis une fois leurs économies devenues largement supérieures à celles des pays du tiers monde, ils ont ouvert leurs frontières afin de bénéficier de la réciprocité, qui leur permet de prévenir l'émergence de concurrents et d'acquérir des matières premières à moindre coût. Puisque le tiers monde ne peut pas bénéficier du protectionnisme qui a permis l'émergence des économies puissantes, il est condamné à rester sous-développé.[réf. nécessaire]

D'autres altermondialistes préconisent le commerce équitable. Le commerce international n'est alors justifié qu'à la condition de satisfaire les travailleurs des pays en développement et les consommateurs des pays riches. Le commerce équitable préconise l'organisation de la production et du commerce en coopératives.

D'autres enfin préconisent la relocalisation des activités économiques.

Plusieurs altermondialistes considèrent que le protectionnisme des pays riches empêche les pays pauvres de rattraper rapidement leur retard. Ainsi, si toutes les mesures protectionnistes étaient abandonnées, la très grande majorité des industries seraient délocalisées vers les pays pauvres ce qui diminuerait fortement leur taux de chômage et leur permettrait donc d'avoir plus d'argent pour leurs systèmes d'éducation et de santé. D'ailleurs, même si la fin des mesures protectionnistes induirait temporairement une hausse du chômage dans les pays riches à cause du départ de leurs industries, il descendrait par la suite puisque la baisse des prix des produits manufacturés entrainerait une hausse du pouvoir d'achat et donc de la consommation dans le secteur des services, qui lui resterait évidemment local.[réf. nécessaire]

Le point de vue du protectionnisme européen

L'Europe économique issue des traités successifs depuis la création de la CEE à Rome en 1957 a permis de faire aujourd'hui de la zone des 27 un espace économiquement unifié, très intégré, reposant sur une libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes. La question est maintenant de savoir si un protectionnisme « extérieur » est possible, afin de protéger un marché intérieur de 500 millions de consommateurs.
Les défenseurs de ce projet mettent en avant le taux d'ouverture de 12 % de la zone régionale (88 % du commerce européen se fait avec un membre de l’Union), taux assez faible pour permettre des politiques économiques communes ainsi que des tarifs extérieurs plus protecteurs pour les secteurs en difficultés (délocalisations). Les États-Unis sont paradoxalement l'un des pays le plus protecteur du monde.
Les adversaires d'un tel projet mettent en avant les méfaits du protectionnisme, la remise en cause de la concurrence, le risque de repli des États sur eux-mêmes. Ainsi les États-Unis ont accusé l'Union européenne de renier la signature qu'elle a donnée au General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) en créant un marché commun entre les États membres.
Selon eux, le marché auto-élimine les entreprises les moins rentables (cas du textile) qui se délocalisent vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère ; les pays dits « développés » sont quant à eux voués à se spécialiser dans des secteurs innovants, à forte « matière grise », et non concurrençables - pour le moment - par les pays émergents.
Le protectionnisme libéral de Friedrich List est lui aussi envisageable : le financement des projets de recherche ou la mise en place de branches considérées comme naissantes et donc fragiles pourrait être étudiés. Les secteurs clés (énergie, sécurité, agriculture, écologie) ne peuvent pas être considérés comme de simples secteurs vendables au plus offrant. Peut-être faudrait-il réinsérer l'idée de protection dans certains cas précis. Aujourd'hui, le mot protectionnisme fait peur et n'est plus en vogue. Il est opposé au libre-échange et par extension au terme libéralisme.
Dans une vision libérale, le protectionnisme européen est aussi une voie pour créer un espace fermé où les entreprises ont la possibilité de prendre conscience que (1) les salaires ne sont pas un coût pur, mais la source du pouvoir d'achat et donc du chiffre d'affaires, et (2) la forte productivité des salariés européens compense fortement leur cout horaire. Il en résulterait une ré industrialisation, et une baisse du chômage. Cette dernière serait alors à l'origine d'une hausse des salaires par le jeu de l'offre et de la demande. Ce type de théorie est défendue par des auteurs comme Emmanuel Todd.

Le point de vue nationaliste

D'autres, proche du nationalisme anti-mondialiste, avancent que les pays développés seraient menacés par les pays émergents et devraient s'en protéger vu que ceux-ci auraient de meilleurs coûts de production dans certains types d'activités. De fait, ces mouvements sont l'expression d'un même mal généré par un libre-échangisme dérégulé, ou loi de la jungle, qui met en concurrence frontale, sans protection, les riches avec les pauvres, les pays développés (qui ont capitalisé une avance technologique et financière) avec les pays émergents (qui profitent de l'ouverture des frontières pour envahir les marchés et plus discrètement les pays en situation de dépendance qui malgré un déficit de leurs échanges peuvent causer du mal à certaines branches agricoles notamment des premiers).

Le point de vue localiste

Pour les partisans de la relocalisation des activités humaines, le protectionnisme doit se penser de la famille à l'unité civilisationnelle : l'Europe. Le protectionnisme n'est pas conçu comme un moyen de protéger un niveau d'organisation humaine en particulier (nation, région, etc.) mais comme un moyen de recentrer l'activité économique sur son objectif premier « satisfaire au besoin de la communauté ». Les Localistes proposent d'appliquer le principe de façon souple et progressive en organisant la taxation concentrique des embauches et des ventes de biens et services. Le parti localiste Maison Commune de Laurent Ozon, seule offre politique clairement positionnée comme Localiste et Protectionniste, se réclame d'un protectionnisme localiste et pragmatique.

Controverse sur le rôle du protectionnisme lors de la Grande Dépression de 1929

Pour discréditer les mesures protectionnistes, des partisans du libre-échange proclament que les mesures protectionnistes instaurées après la Grande Dépression de 1929 auraient aggravé la crise économique[14]. Par conséquent, certains prétendent même que ces mesures protectionnistes auraient conduit à la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'à la montée du nazisme et du fascisme[14].

Jacques Sapir réfute ces hypothèses en expliquant que « la chute du commerce international a d'autres causes que le protectionnisme[14] ». Il fait remarquer que « la production intérieure des grands pays industrialisés régresse [...] plus vite que le commerce international ne se contracte. Si cette baisse avait été la cause de la dépression que les pays ont connue, on aurait dû voir l'inverse. » De plus, « si la part des exportations de marchandises dans le produit intérieur brut (PIB) passe de 9,8 % à 6,2 % pour les grands pays industrialisés occidentaux de 1929 à 1938, elle était loin, à la veille de la crise, de se trouver à son plus haut niveau, soit les 12,9 % de 1913[14]. »

« Enfin, la chronologie des faits ne correspond pas à la thèse des libres-échangistes […] L'essentiel de la contraction du commerce se joue entre janvier 1930 et juillet 1932, soit avant la mise en place des mesures protectionnistes, voire autarciques, dans certains pays, à l'exception de celles appliquées aux États-Unis dès l'été 1930, mais aux effets très limités. En fait, ce sont les liquidités internationales qui sont la cause de la contraction du commerce. Ces liquidités s'effondrent en 1930 (-35,7 %) et 1931 (-26,7 %). Or, on voit la proportion du tonnage maritime inemployé augmenter rapidement jusqu'à la fin du premier trimestre 1932, puis baisser et se stabiliser[15]. »

Jacques Sapir relève que « la contraction des crédits est une cause majeure de la contraction du commerce ». Une étude du National Bureau of Economic Research met en évidence l'influence prédominante de l'instabilité monétaire (qui entraîna la crise des liquidités internationales[16]) et de la hausse soudaine des coûts de transport dans la diminution du commerce durant les années 1930[17].

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f et g Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Les mesures prises », page 21.
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Mille et une manières », page 19.
  3. Cependant, cette clause laisse une marge de manœuvre puisque « les parlementaires ont précisé que cette préférence "ne devait pas être contraire aux traités internationaux" ». Cf. Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Les mesures prises », page 21.
  4. (en)« Bush OKs $17.4 Billion Loans for GM & Chrysler », Democracy Now!, 22 décembre 2008, consulté le 15 mars 2009.
  5. « Plan de sauvegarde de l'automobile : l'État met 6 milliards d'euros pour Renault et PSA », Les Échos, 9 février 2009.
  6. Gary Hubauer & Ben Goodrich, Steel protection and Job Dislocation, Washington, Institute for International Economics, février 2003
  7. Histoire économique contemporaine, Léo Dayan, économiste, enseignant à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne http://apreis.org/histoire.eco]
  8. Alain Faujas, « Aide aux pays pauvres : la France est épinglée pour sa politique migratoire et ses ventes d'armes », dans Le Monde du 16/08/2006, [lire en ligne]
  9. Traité d'économie politique, 1615
  10. Système national d'économie politique, 1841
  11. Jagdish Bhagwati Protectionnisn, The Concise Encyclopedia [1]
  12. Certaines études de chercheur dont les études ont influencé l'architecture de Bretton Woods, avaient de profondes réserves envers le compact of iron and rye (pacte des grands propriétaires terriens et des maître des forges" de Bismarck voir, J.B Condliffe, 1942, Agenda for a Postwar WorldNorton&Company Inc
  13. On peut trouver un bon résumé de cette controverse dans le débat entre les économistes Jacques Sapir, partisan de mesures protectionnistes, et Michel Husson, qui n'y voit pas une solution à la crise et au chômage de masse : http://www.contretemps.eu/archives/protectionnisme-est-ce-bonne-solution
  14. a, b, c et d Jacques Sapir, Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Ignorants ou faussaires », page 19.
  15. Au 30 juin 1930, la part du tonnage maritime inemployé était de 8,6 %. Le 31 décembre 1930, elle est de 13,5 %. Le 30 juin 1931, elle s'élève à 16b % ; puis monte à 18 %, le 31 décembre 1931. Le 30 juin 1932, la proportion du tonnage maritime inemployé atteint 20,6 %, avant de baisser à 18,9 %, le 31 décembre 1932. Source : Données de la Société des Nations (SDN), Bulletin économique, 1933, Genève; cité par Jacques Sapir, Le Monde diplomatique, Mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Ignorants ou faussaires », page 19.
  16. Or, toujours selon Jacques Sapir, « la liquidité détermine le commerce soit directement (la capacité à payer), soit indirectement (la capacité des négociants à affréter des moyens de transport) ». Cf. Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Ignorants ou faussaires », page 19.
  17. Antoni Estevadeordal, Brian Frantz et Alan M.Taylor, « The rise and fall of world trade, 1970-1939 », National Bureau of Economic Research, Working Paper, n°9318, Canbridge, novembre 2002; cité par Jacques Sapir, Le Monde diplomatique, mars 2009, Dossier : Le protectionnisme et ses ennemis, « Ignorants ou faussaires », page 19.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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