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Paysan
Un paysan est une personne tirant des ressources de la nature proche de son habitat. Il peut adopter ou subir une économie de subsistance. Il peut être amené à se déplacer d'une manière saisonnière dans d'autres "pays" vers des pâturages qui font défaut à ses bêtes par exemple. Il façonne son environnement (et indirectement le paysage) par ses différents prélèvements, apports, aménagements, plantations, etc. Ses activités sont souvent multiples : élevage, cultures, maçonnerie, artisanat et, accessoirement, commercialisation de ses excédents de production. On ne peut pas parler de métier ("paysan" ne figure jamais dans les listes des métiers de la terre) mais plutôt de "chaîne du savoir" [réf. nécessaire] sur la faculté de créer un ensemble d'outils, de bâtiments, de cheptels viables pour lui et sa famille. On parle aussi de la paysannerie comme culture, mais aussi comme d'un ensemble de traditions, ayant parfois aussi des connotations politiques. De ces paysans, un métier a émergé dans certains pays : les agriculteurs professionnels, dont certains ont rompu cette "chaîne du savoir". D'autres essaient de la maintenir, voire militent pour son enseignement.
Le paysan avant l'époque de l'Empire romain
- L'avoine et le seigle se développent en Europe occidentale.
- Les fèves, les lentilles, les petits pois, les pois chiches et la vigne font également leur apparition.
- Le cheval domestique arrive des pays de l'est.
Le paysan dans l'Égypte ancienne
Il incombe au paysan égyptien, comme ceux de toutes les parties du monde, la tâche de cultiver le sol et de nourrir la population.
Son nom même, sekhety, litt. "celui de la campagne", "le campagnard", "le paysan", connote ses principales occupations et la nature du sol sur lequel il vit, puisque la campagne égyptienne est représentée par l'élément caractéristique de l'espace marécageux, , sekhet (copte sôché) – comme antonyme de la ville –, qui fait apparaître le hiéroglyphe de la roselière, où non seulement on cultive, on fait pâturer les bêtes, où on pêche, on chasse, mais où aussi on se livrer à la cueillette des plantes utiles tant pour l'alimentation, pour les supports de l'écriture (le papyrus) que pour la sparterie. La campagne recouvre tant l'espace agricole que marécageux, c'est-à-dire deux territoires spécifiques que les Égyptiens nommaient, dans leur terminologie spécifique à la vallée du Nil, ouou ( ) et pehou ( ), respectivement "terroir cultivable" et "espace marécageux", ce dernier situé aux limites des terres cultivées.
Le paysan égyptien est donc celui qui vit dans cet espace plongé pendant quatre mois de l'année sous l'eau de la crue et qui, lorsque le sol chargé de limon émerge, y mène, tenant les mancherons de sa charrue, une vie harassante faite des travaux et des jours, côtoyant ceux qui vivent de l'exploitation du marais égyptien, chasseurs, pêcheurs et oiseleurs.
Le paysan au Moyen Âge
L'accroissement de la population des campagnes se traduit par une diminution de la taille des parcelles et une paupérisation persistante. Il y avait deux catégories de Paysans : Les paysans libres et les serfs. Les terres appartiennent en majorité aux seigneurs. Les paysans tiennent donc des tenures, terres que le seigneur leur a concédées en échange de redevances et de corvées. Les principales corvées sont curer les fossées, empierrer les chemins et ramasser le fourage. Les principales redevances sont la taille (somme payant la protection du seigneur), les aides (taxes payées sur le transport de marchandises), le cens (impot sur la récolte qui est fixe) et le champart (impot sur la récolte calculé en fonction de celle ci, plus elle est bonne plus le paysan paye cher). Le seigneur fait aussi payer des banalités qui sont des sommes que doivent payer les paysans pour avoir le droit d'utiliser le moulin, le four à pain...
Entre 1050 et 1150 les seigneurs poussent les paysans à défricher pour créer de nouvelles terres cultivables, et ainsi augmenter la production agricole. Cette période s'achève au XIIIe siècle. Les villages qui naissent ont des noms qui rappellent ces défrichements: Les Essarts (du verbe essarter, c'est-à-dire « défricher »), noms en -sart (Robersart ), ou encore les noms de village en « Saint- » qui rappellent le rôle joué par les monastères dans cette conquête de nouvelles terres à labourer.
L'augmentation de la population engendre le développement de nouveaux villages qualifiés de « Neufs Bourgs » (le Neubourg ), de « Bourgs Neufs » (Le Bourgneuf ), de « Neuves Villes » (Neuville ) ou encore de « Neufs Vics » ( sur vicus; Neuvy ). Dans le sud de la France, on appelle « bastides » les nouveaux villages créés au XIIIe siècle ou après la Guerre de Cent Ans.
Les paysans sous l'Ancien Régime
L'état des lieux avant la révolution française
Les paysans vivaient très précairement au XVIIIe siècle et ne bénéficiaient que de techniques très rudimentaires pour les mises en culture.
Sur le plan politique, ils étaient ignorés, malgré leur nombre très important et leur rôle dans l’économie du pays.
Mais leur situation a évolué au long du XVIIIe siècle.
L'organisation de la société rurale dans l’Ancien Régime et son évolution au XVIIIe siècle
La société rurale est divisée de façon hiérarchique : au plus haut, les laboureurs, ceux qui possèdent des terres et emploient des personnes, vivent bien plus aisément que les serfs, qui occupent le plus bas des échelons. Ces derniers tendent à disparaître, plus qu’un million de serfs au milieu du siècle, et cela va être déterminant : les paysans ne dépendent plus, ou en tout cas beaucoup moins, d’une puissance supérieure. Avec le servage, c’est l’un des derniers vestiges de la féodalité qui disparaît. Ceux qui sont encore liés à un homme peuvent racheter leur liberté avec des charges, qui, dépréciation de la monnaie aidant, ne vont cesser de se dévaloriser. Un processus est donc en marche visant l’indépendance des paysans, et va aboutir la nuit du 4 août 1789, lors de l’abolition des privilèges.
Mais pourtant, malgré cet apparent gain de liberté, d’autres règles asservissent les paysans, cette fois plus horizontalement, mais verticalement : les liens communautaires qui sont une sorte de servitude collective. Les paysans ayant généralement des petites parcelles, ils doivent s’assembler pour être plus productifs, organiser des pâturages, sous peine de sanctions juridiques. Le petit paysan n’a donc aucun pouvoir de décision : il ne peut planter autre chose que ce qui l’est dans le reste de la collectivité, ne peut enclore sa parcelle... paradoxalement, cela nuit à la productivité, et favorise les crispations entre les membres de ces communautés. Ce modèle est appliqué dans toute l’Europe, exception faite de l’Angleterre, qui entrepris des réformes, et l’on peut le considérer comme l’inspirateur des kolkhozes en Russie.
L’agriculture au XVIIIe siècle en France est encore une agriculture de subsistance : on ne produit pas pour exporter. Cela est dû à plusieurs facteurs : tout d’abord, les douanes trans-régionales. Ces taxes, contestées par les économistes, qu’ils soient physiocrates ou libéraux, défavorisent les échanges, car ajoutées à la fixation nationale des prix, elles retirent toute compétitivité aux produits venant d’autres régions. Les infrastructures sont dans un état catastrophique : les routes sont jonchées de trous et sont un véritable repaire à brigands, ce qui rend difficile la circulation des biens. Malgré les innovations, les techniques de mise en culture sont encore très rudimentaires, et la jachère est encore utilisée. Les nouvelles plantes, le maïs et la pomme de terre, augmentent la production agricole, mais ne suffisent pas à éviter disettes et famines, les cultures dépendant des caprices de la météorologie.
L’organisation de la société rurale en France au XVIIIe siècle est donc comparable à la situation que traverse la majeure partie de l’Afrique en ce moment : agriculture dépendante des aléas naturels et techniques basiques, exportations très limitées, liens très forts entre les paysans ; d’une façon générale, on peut dire que l’agriculture n’avait que peu évolué depuis la fin de l’Antiquité, mais qu’elle va connaître très rapidement de nombreuses améliorations, notamment à partir de la révolution française. Le statut des paysans quant à lui à évolué lentement au fil du siècle, avec la disparition progressive du servage et une indépendance croissante.
La société française à l’époque de la monarchie absolue défavorisait les paysans
Tout d’abord, les paysans sont défavorisés vis-à-vis de l’impôt. Alors que le clergé ne paye qu’une somme qu’il choisit, et qui est appelée le don gratuit, et que les Nobles sont exempts d’impôts, ils « payent l’impôt du sang », le tiers état doit payer des impôts aux deux ordres précédemment cités. En effet, en plus des impôts royaux, comme la gabelle, ou impôt sur le sel, le tiers état doit payer la dîme au clergé, puis tous les impôts nobiliaires, ou droits seigneuriaux. Les paysans doivent en outre donner une partie de leur récolte aux rentiers du sol, qui sont des nobles, des cléricaux ou des bourgeois : c’est le fermage. Les paysans sont donc défavorisés à cause des impositions, non seulement par rapport aux nobles et aux cléricaux, mais aussi aux bourgeois, pourtant membres du dernier ordre aussi.
Ensuite, les paysans n’ont pas de représentation politique. Les États généraux, lorsqu’ils sont réunis, c'est-à-dire pratiquement jamais, ne font pas cas des demandes des membres du troisième ordre, minoritaires, et encore moins des paysans : ils sont méprisés par les autres députés qui considèrent qu’ils ne font rien d’honorifique ni de méritoire, contrairement à eux et jugent l’inégalité comme normale et nécessaire au bon fonctionnement de la société. Ils sont exclus de tous postes administratifs, judiciaires ou autres travaux lucratifs exigeant des responsabilités, n’ont pour la plupart pas accès à l’instruction. Les paysans représentent une masse influençable ne disposant ni de représentation politique, ni de pouvoirs et dont va savoir se servir la bourgeoisie lors de sa révolte anti-nobiliaire, et plus tard à la révolution française.
Les revendications des paysans à la veille de la révolution sont diverses et sont difficilement différenciables de celles des bourgeois, ces derniers ayant une influence certaine sur eux : ils luttent pour un impôt et une justice égalitaires, et donc pour la suppression des justices seigneuriales, ils veulent que les enrôlements forcés dans les milices et l’armée n’aient plus lieu et que les capitaineries et domaines de chasses exclusifs n’existent plus. D’une manière générale, ils veulent donc la suppression des privilèges, qui d’après eux n’ont plus lieu d’être pour les nobles, puisqu’ils ne payent pas plus l’impôt du sang qu'eux-mêmes, ni pour l’Église.
Les paysans sont défavorisés économiquement et politiquement par la monarchie absolue, et semblent être inactifs sur ce dernier plan. Pourtant, grâce à l’influence des nobles d’abord, puis des bourgeois, ils seront le moteur de la Révolution française, malgré un attachement au roi et à l’Église très importants.
Les paysans, malgré leur importance, ont donc été méprisés et ignorés par les deux autres ordres, et même par la bourgeoisie avant la révolte anti-nobiliaire, et défavorisés économiquement, ce qui a provoqué leur mécontentement grandissant et a été l’une des causes de la Révolution française. Leur rôle a donc été capital dans les années précédant la chute de la monarchie, puis lors des États généraux et la nuit du 4 août 1789. Nonobstant, il n’aura pas fallu attendre cette dernière pour que les paysans obtiennent des réformes quant à leur dépendance vis-à-vis des seigneurs. Si les nobles et le clergé avaient prêté ouïe aux demandes des paysans comme cela s’est fait en Angleterre, la monarchie aurait-elle été préservée ?
La propriété des terres
À la veille de la Révolution française, 80% de la population française est rurale, dont 60% sont paysans et 40% vivent de l'artisanat et de l'industrie.
Concernant la propriété, 50% des terres cultivées appartiennent aux nobles et au clergé, et 50% aux paysans. Cependant, ces chiffres varient d'une région à l'autre et ne représentent qu'une moyenne sur l'ensemble du territoire. D'une manière générale, les paysans possèdent des terres moins bonnes que les classes privilégiées.
À l'époque moderne, peu de paysans ne possèdent aucune terre. En revanche, beaucoup possèdent très peu : les trois-quarts possèdent moins de 2 hectares. Les très grandes propriétés sont également rares.
Les modes de faire-valoir
L'exploitation des terres se fait de trois façons :
- Le faire-valoir direct : le paysan propriétaire de sa terre la cultive lui-même avec sa famille. L'auto-suffisance pour une famille est assurée à partir de l'exploitation d'une terre de 5 hectares environ.
- Le faire-valoir indirect : le paysan loue les terres à un propriétaire (bourgeois, noble, communauté ecclésiastique) selon deux modes :
Les paysans en France au XIXe siècle
Au début du XIXe siècle, le monde paysan, marqué par une permanence des structures sociales et des techniques agraires, occupe une grande place dans la société française. Même si son importance est minimisée par sa place politique et sociale, la grande majorité des Français est alors composée de paysans. Le système agricole est encore très fragile et soumis à de nombreux aléas (notamment météorologiques), l'économie agricole est encore une juxtaposition de systèmes régionaux.
A la fin du XIXe siècle, le monde paysan a effectué sa révolution et a connu son apogée, l'agriculture s'est modernisée et le marché agricole s'est unifié, la paysannerie a un poids important dans la vie politique du pays. Au début du XXe siècle, la paysannerie semble entrer dans une phase de déclin, une vaste redistribution des hommes est en cours sur l'ensemble du territoire, l'agriculture n'est plus la seule source de production, le secteur industriel est en plein essor et la civilisation urbaine pénètre les campagnes.
La paysannerie entre l'Ancien Régime et la Restauration (1789-1815)
Entre la fin de l'Ancien Régime et la Restauration en 1815, la paysannerie va connaître une véritable révolution, tant juridique que sociale. Alexis de Tocqueville dans son ouvrage sur l'Ancien régime et la Révolution (1856), montre bien que l’œuvre de la Révolution fut de libérer le sol pour un moment, ainsi que la capacité d’entreprendre de la paysannerie française.
La paysannerie de l'ancien régime est marquée par un nombre important de pesanteurs, aussi bien dans le domaine agricole que dans le domaine social, la paysannerie est alors dominée et dépendante. La « révolution agricole » du 17e est un mythe, l'économie agricole reste étriquée, et l'agriculture n'a pas encore domestiqué la nature, d'où l'hypersensibilité de la production agricole à la météo. Les pratiques agricoles restent traditionnelles (jachères relativement longues, cultures sur brûlis...), et il n'existe pas de véritable marché agricole à l’échelle nationale, ce n'est qu'une juxtaposition de systèmes agricoles régionaux mal connectés entre eux (enclavement).
La Révolution va modifier l'ensemble des pesanteurs de l'ordre social qui pèsent sur la France de l'époque. Tout d'abord concernant la propriété de la terre, les paysans n'étaient pas dans leur majorité propriétaires de la terre, celle-ci constituait un placement et était une source de prestige accaparée des grands propriétaires: noblesse, clergé et bourgeoisie urbaine, qui possédaient à peu près 55% des terres agricoles, souvent les meilleures, il faut ajouter le poids des droits seigneuriaux et les privilèges qui faisaient de la noblesse rurale la seule autorité. Les paysans qui possédaient peu ou pas de biens propres devaient travailler pour autrui par différents moyens: le métayage, le fermage, ou encore par le salariat agricole.
Il y avait donc déjà de grandes disparités de condition, de revenu et de statut à l'intérieur de la paysannerie de l'ancien régime. La majorité de la paysannerie était alors modeste et peu instruite, les relations sociales étaient alors basées sur la communauté rurale (paroisse) qui était à la fois un secours pour le faible et un frein à la modernisation, et sur laquelle pesait la société d'ordre.
La crise de subsistance de la fin du XVIIe siècle s'est généralisée en 1789, se combinant avec une crise politique, il y a bien une révolution paysanne dans la révolution de 1789.
La crise économique de la fin des années 1780 est d'abord liée à une crise de subsistance généralisée et une crise de la paysannerie accablée par les privilèges seigneuriaux (on peut constater cet accablement dans les cahiers de doléances remis au roi).
Cependant le monde paysan a bien peu participé aux évènements politiques parisiens qui ont fait la Révolution (deux députés du Tiers-état seulement étaient laboureurs). Mais les évènements révolutionnaires vont provoquer une agitation en province, c'est la Grande Peur, durant laquelle la paysannerie (en tout cas une partie) désorientée va régler ses comptes socio-économiques avec la noblesse, poussant l'Assemblée à abolir tous les privilèges durant la nuit du 4 août 1789. C'est un changement juridique radical pour la paysannerie, libéré d'une source de contraintes de tout ordre (juridique, économique...). Cela va d'un coup lever toutes les pesanteurs liées à la féodalité.
Le deuxième événement qui va changer la paysannerie est la vente des biens nationaux (ensemble des biens de l'Église mis à disposition de la Nation et biens saisis des nobles émigrés). La vente des biens nationaux pendant la période révolutionnaire constitue une vaste redistribution des terres, la Révolution exalte la propriété et permet aux paysans de s'approprier la terre qu'ils possédaient si peu. Mais cette redistribution de terres a surtout favorisé le haut de l'échelle sociale paysanne et les bourgeois pour qui la terre reste un placement rentable. La redistribution par la vente des biens nationaux est relativement opaque, si elle constitue un pas important pour la paysannerie dans la possession de sa terre, elle ne profite pas à la majorité des paysans les plus pauvres qui n'ont pas eu les moyens d'acheter ces biens.
La Révolution va aussi constituer un véritable éclatement du groupe paysan. Cet éclatement va se faire progressivement, mais c'est tout un ensemble de mesures révolutionnaires, le poids de la guerre et des éléments d'ordre local qui vont éclater le groupe paysan. Le poids de la guerre va être essentiellement porté par la paysannerie, parce qu'ils sont les plus nombreux, ce sont eux qui sont les plus touchés par les levées en masse de soldats, c'est aussi chez eux que l'on vient réquisitionner les bêtes, qui servent souvent aux travaux des champs, c'est eux qui subissent le plus les effets de la guerre, l'appauvrissement, le brigandage... La vente des biens nationaux va aussi constituer un facteur d'éclatement de la paysannerie, d'abord parce qu'elle crée une différence fondamentale entre celui qui possède la terre et celui qui n'en a pas assez pour en vivre, ensuite parce que la vente des biens nationaux va dresser les paysans contre les bourgeois des villes qui achètent cette terre nouvelle, selon des modalités différentes en fonction d'éléments locaux. Les différends entre le gouvernement révolutionnaire et l'Église, vont aussi influencer les réactions paysannes dans certaines régions, surtout à l'Ouest où la Vendée se révolte. Il y a une véritable césure paysanne, qui va aussi poser les bases d'une .
Le régime impérial de Napoléon va constituer une véritable stabilisation pour la paysannerie française.
Tout d'abord pour la première fois depuis 1789, Napoléon va instituer un régime d'ordre. L'ordre public est rétabli, les déserteurs sont pourchassés, les bandes armées réduites, les chouans et vendéens sont écrasés par la force lorsque l'apaisement religieux n'a pas suffi. L'ordre religieux est rétabli, le concordat est signé en 1801, liant l'État impérial à l'Église, des mesures d'apaisement sont décidées. L'ordre administratif est lui aussi rétabli, l'administration napoléonienne est une des plus efficaces de l'époque, les préfets en sont un élément. La mise en place de codes (code pénal, code civil de 1804, code commercial de 1807...) constitue aussi une source de stabilisation juridique.
Ensuite, la conjoncture économique devient plus favorable à la paysannerie, et la hausse des prix agricoles va profiter à la paysannerie française. L'insécurité alimentaire est petit à petit résorbée par la diffusion de la pomme de terre (mais aussi de la betterave) et la culture céréalière (le blé prend le pas sur les céréales plus pauvres), les disettes sont plus rares, la dernière sera celle de 1812.
Mais l'Empire va aussi être une source de mécontentements pour la paysannerie. Les défaites militaires et la conscription pèsent essentiellement sur les paysans, la pression fiscale augmente et pèse sur les paysans, le conflit avec le Pape relance l'agitation à l'Ouest et relance une petite chouannerie. La légende noire de l'ogre Napoléon va dominer pendant plusieurs années.
Les lentes mutations du monde paysan entre 1815 et 1870: l'apogée du monde paysan
De 1815 jusqu'à la fin du second empire, la paysannerie française va connaître un ensemble de lentes mutations qui vont la mener à son apogée.
La croissance agricole est incontestable, entre 1815 et 1851 la production agricole augmente de 78%, le blé progresse, comme la pomme de terre qui améliore grandement la sécurité alimentaire. Cette croissance est obtenue par une augmentation du travail et le recul de la jachère plus que par le progrès technique, l'agronomie n'est pas une priorité et le manque de possibilités de crédit hormis auprès des usuriers et notaires est un frein. Les impulsions données à l'agriculture sont plutôt extérieures, l'amélioration des communications, le lancement de grands travaux unifient le marché agricole et donnent une impulsion à certaines régions dont l'agriculture a des visées commerciales. Cependant le marché rural a encore un faible effet d'entraînement sur l'industrie naissante. Jusqu'en 1860, la terre constitue encore une source de rente, mais à partir de cette date l'immobilier et l'industrie deviennent de plus en plus attrayants.
La population rurale pratique la pluri-activité afin de compléter ses revenus, en hiver les paysans inactifs pratiquent l'artisanat à domicile ou travaillent dans des manufactures installées en milieu rural (salariat occasionnel), c'est particulièrement vrai dans le textile et la confection. Les ouvriers de l'époque pratiquent occasionnellement la culture (moissons ou jardins ouvriers). Le surpeuplement rural que l'on peut constater par certains signes: la proportion de mendiants encore importante ou le malthusianisme des notables est dû à une natalité encore forte et à une amélioration de la nourriture. L'émigration rurale se fait plutôt vers les villes ou vers les régions agricoles où il y a du travail saisonnier, très peu à l'étranger. L'exode rural vers les emplois industriels est un mythe, l'émigration rurale se fait pour échapper à sa condition, pas par attrait pour les emplois industriels. Le quotidien des paysans s'améliore tant au niveau de la nourriture qu'au niveau matériel: la majorité des paysans ont désormais du mobilier (exemple: pendule). L'amélioration des communications entraîne une ouverture culturelle plus grande, le début de l'instruction, Maurice Agulhon souligne le rôle du «monsieur» instruit, intermédiaire culturel et politique.
C'est aussi l'époque où la paysannerie entre en politique, la période de la Restauration a conféré un poids politique important à la propriété foncière du fait du cens, mais celui-ci exclut presque la totalité de la paysannerie qui n'est pas assez riche pour pouvoir voter. La paysannerie marginalisée n'est pas politisée et est encore largement influencée par les nobles, notables ruraux ou les curés (par exemple Tocqueville emmène ses paysans voter pour lui). La véritable entrée en politique se fait en 1848 avec le suffrage universel : à ce moment, les paysans constituent plus de 75% de la population, soit la majorité à eux seuls, et tous les courants politiques vont se lancer à l'assaut du vote paysan. Le soutien à l'Empire constitue peut-être un rejet de la république de la ville, des notables (républicains)... La paysannerie devient un fidèle soutien à l'Empire, sûrement à cause de cette volonté de sortir du clivage entre les «blancs» et les «rouges», de la conjoncture économique favorable, de la politique de grands travaux (voir le livre d'Alain Corbin, Le village des cannibales)...Le Second Empire constitue une période d'apogée du monde paysan au sein de la société du fait de la prospérité économique, du nombre encore important de paysans, du soutien politique qu'il constitue pour le régime, et de son identité culturelle encore forte.
Parenthèse sur la participation à la vie politique en France (de 1789 à 1870)
Le XIXe siècle voit apparaître notre vie politique moderne. Cette politisation se traduit par la diffusion dans les masses, et particulièrement dans la classe paysanne, du jeu démocratique mais aussi par le processus d'acquisitions des grands principes de la Révolution française de 1789.
Une nouvelle classe paysanne apparaît alors et se fédère implicitement, et son émancipation est rendue possible par la Révolution de 1789. Particulièrement, c'est l'établissement de la supériorité du droit naturel sur le droit positif, consacré par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, qui, en affirmant un droit à la propriété comme un droit fondamental, permet aux paysans d'exister par leurs terres.
Cet élan d'instauration des libertés nouvelles est freiné - voire stoppé - par un Premier Empire belliqueux et par un certain cléricalisme, puisque le Concordat de 1801 lie l'Empire au catholicisme. Les guerres napoléoniennes, responsables de près d'un million de morts - essentiellement des paysans - sont en fait à l'origine de la formation d'une sorte de culte napoléonien, c'est-à-dire une forme d'adoration des campagnes aux guerres de conquêtes et aux nombreuses victoires (et défaites) de Napoléon Ier. Ce culte se traduit dans les campagnes notamment par de grandes veillées organisées autour des vétérans, telles qu'elles sont décrites par exemple dans Le médecin de campagne de Balzac.
Le paysan doit aussi faire face à l'Empire qui tente d'exercer sur lui une domination, avec l'aide du clergé à qui il est associé depuis le Concordat. En effet, en l'absence d'éducation politique, d'instruction, et d'une véritable école républicaine, le paysan peut difficilement s'intégrer à la vie politique et reste ainsi dans une forme d'ignorance la plus totale. C'est ainsi que, manipulé, il peut suivre une tendance contraire à ses aspirations nées de la Révolution de 1789. Cette ignorance explique en grande partie l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848, candidat non républicain mais porté par la gloire de son oncle à la présidence de la IIe République.
Cependant, le paysan a peu à peu la possibilité de s'exprimer politiquement, par l'élargissement progressif du droit de vote (lois de 1817 et 1831) d'abord, jusqu'à la première élection au suffrage universel direct (masculin) au lendemain de la Révolution de 1848. Le résultat de cette politisation, amorcée dès 1789, fait désormais de lui un « citoyen actif ». Néanmoins, dans l'esprit de certains républicains de l'époque (dont Jules Grévy), ce nouvel outil démocratique qu'est le suffrage universel appliqué à l'élection du Président de la République peut être au final nocif à la République. Dans un discours prononcé devant l'Assemblée constituante en octobre 1848, celui-ci, en tant que député, avait déjà averti les élus du risque pour la République d'élire son président au suffrage universel. En effet, c'est ce mode de scrutin qui a amené au pouvoir celui qui, en 1852, proclama le second empire et devint Napoléon III, mettant ainsi un terme à la Deuxième République après seulement quatre ans d'existence.
Mais le vote n'est pas unanime en France : les citoyens des villes votent en majorité « non » au plébiscite du 20 décembre 1851 confirmant le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Le paradoxe ainsi soulevé est que c'est le peuple lui-même qui a amené au pouvoir celui qui va le conduire à sa perte 22 ans plus tard. Ainsi, c'est en partie la défaite de 1870 face à la Prusse qui explique le ralliement de la classe paysanne à la République dans les années suivant la défaite, délaissant définitivement l'Empire.
Les difficultés du monde paysan de 1870 à la veille de la Première Guerre Mondiale
À partir de 1870 s'ouvre une période difficile pour la paysannerie française, surtout au niveau économique. La crise économique qui touche la paysannerie française à partir de 1870 est multiforme.
Trois facteurs vont se conjuguer pour déboucher sur une crise économique de l'agriculture. La baisse des prix entraîne une baisse des revenus des paysans et une chute des rentes foncières, tandis que dans le même temps la crise économique touche d'autres secteurs, introduisant l'idée de cycles de croissances et de crises. La fin de certaines activités agricoles est due au progrès technique: c'est l'exemple des colorants naturels remplacés par des colorants chimiques, ou de la fin du vers à soie dans le lyonnais. Dans les deux cas on peut aussi évoquer l'arrivée de produits agricoles venus de pays «neufs» ou des colonies (huile des colonies, viande d'Argentine...) qui concurrence les produits français et font augmenter l'offre. Le phylloxera touche dans la même période l'ensemble des vignobles français, cela est d'autant plus grave que la vigne a un rôle socio-économique majeur et valorise des terres plus pauvres. La production, même après la fin du phylloxera, a du mal à repartir, cela débouchera sur des révoltes importantes dans le Languedoc.
Cette crise va entraîner une réaction et de profondes modifications du monde paysan. D'abord, la polyculture est abandonnée, et les différentes régions se spécialisent au niveau agricole, une reconversion est entamée, la vigne est remplacée par des cultures fruitières, l'élevage, la culture maraîchère ou florale se développent, on assiste a un changement de taille encore visible aujourd'hui dans le paysage agricole au niveau d'ensembles régionaux. La vitalité démographique décline durablement. Le monde agricole s'organise face aux difficultés, c'est le début du syndicalisme agricole revendicatif et structuré, mais ce syndicalisme s'il est très écouté par les politiques ne concerne pas tous les paysans. L'État intervient, il instaure un protectionnisme agricole pour protéger la production, favorise l'accessibilité aux crédits des paysans. Parallèlement l'influence urbaine pénètre la campagne par le biais du service militaire, du chemin de fer, de l'émigration rurale, de la presse et de la scolarisation.
Au niveau politique cette période est marquée par l’avènement de la République. La République part à la conquête des paysans qui seuls peuvent la consolider. Le rôle de l'instruction publique est déterminant dans cette conquête réciproque, tout comme le phénomène de descente du pouvoir politique au niveau villageois: les élections municipales ont définitivement ancré la vie politique dans la vie villageoise, c'est ce que montre Maurice Agulhon dans La République au village. Une véritable géographie des comportements électoraux s'établit dans cette période, l'opposition du curé et de l'instituteur structure la vie politique du village. Les paysans arrivent ainsi jusqu'à la veille de la guerre à consolider leurs intérêts au sein de la République par une vie politique active.
À la veille de la Grande Guerre, l'agriculture est de plus en plus dépendante des secteurs de l'industrie et de la distribution, qui sont en pleine expansion. La civilisation agraire est en train de se fondre dans un creuset national, celui de la Patrie, et désormais la paysannerie est maîtresse de sa terre. Les nuances apportées selon les régions, les classes sociales à ces grands traits ont structuré la carte à la fois économique, sociale et politique de la France.
Situation actuelle
La dénomination "paysan" peut avoir, chez certains individus composant des sociétés dites "civilisées", une connotation péjorative associée à la conception de pauvreté agraire mais il reste celui qui fonde un pays ou une région, une zone géographique et culturelle. Le paysan reste associé à des traditions et une culture agraire[réf. nécessaire].
En France, aux yeux de l'administration (notamment de l'INSEE), le paysan est un agriculteur quand il est professionnel . Une tranche importante de paysans français revendique farouchement cette appellation souvent pour se démarquer de l'agriculture productiviste et/ou par souci de ne pas rompre avec leur racines, leur appartenance à la terre.
Voir aussi
- Economie de subsistance
- Agriculteur
- Révolution verte
- Condition paysanne en France depuis 1945
- Coordination Rurale
- Confédération Paysanne
- MODEF
- FNSEA
- JA
Bibliographie
- Georges Duby et Armand Wallon (sous la direction de), Histoire de la France rurale, tome 3, apogée et crise de la civilisation paysanne (1789-1914), Éditions du Seuil, 1975
- Annie Moulin, Les Paysans dans la société française de la Révolution à nos jours, Éditions du Seuil, 1988
- Marc Dufumier, Agricultures et paysanneries des Tiers-Mondes, Paris, Karthala, 2004.
- Gérard walter, Histoire des paysans de France, coll. L'Histoire, Flammarion, 1963.
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