- Condition paysanne en France depuis 1945
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Condition paysanne en France depuis 1945
La condition paysanne en France depuis 1945 désigne, en sociologie, l'impact des transformations du monde agricole sur les classes sociales vivant de l'agriculture en France, depuis la Seconde Guerre mondiale.
Sommaire
« Une révolution silencieuse »
Introduction
En à peine plus d'un demi-siècle, la société française a connu de profondes mutations (économiques, démographiques, sociologiques...). Cela est particulièrement vrai dans le monde agricole : aujourd'hui, il n'y a guère plus d'1 million de paysans en France, représentant à peine 4 % de la population active alors qu'ils étaient 10 millions d’actifs agricoles en 1945[1]. Aucun autre secteur économique n’a connu une régression d’emplois aussi massive. Comment cette "révolution agricole" s'est-elle déroulée ? Quelle a été son ampleur et ses conséquences pour les agriculteurs français ?
La France, un pays longtemps rural
La France fut, pendant longtemps, un pays profondément rural, comparée aux autres pays européens et notamment l’Angleterre où l’industrialisation rapide avait fait pratiquement disparaître le monde des petits paysans dès la fin du XVIIIe siècle. Jusque dans les années 1930, la majorité de la population française vit à la campagne et est composée en grande partie d’agriculteurs.
La ferme traditionnelle est peu mécanisée et peu productive, la plupart des travaux se font à la main. La surface de travail est liée à la capacité de travail avec les animaux. L’animal est à la fois un outil, un compagnon, un produit et il apporte aussi la fumure.
La création du Crédit agricole et la course à la rentabilité
Modernisation et conquête de l'autosuffisance alimentaire
A la fin de la seconde guerre mondiale, le pays se reconstruit, réorganise et modernise son agriculture. Celle-ci va rapidement devenir un des moteurs du redémarrage économique. En 1948, l’aide financière et matérielle des USA à la reconstruction européenne (plan Marshall) est consentie pour l’intensification de la production via l’investissement et le progrès technique. Dans la foulée, le traité de Rome lance le marché commun européen.
On assiste alors à une « accélération de l’Histoire » comme l’écrit Pierre Jakez Hélias dans Le Cheval d'orgueil pour évoquer les mutations radicales que connaît sa région natale depuis 1945.
La ferme laisse peu à peu la place à l’entreprise agricole gérée « scientifiquement » avec une augmentation sans précédent des rendements et de la productivité. Les tracteurs et autres machines agricoles transforment radicalement les méthodes de travail. Le paysage est lui aussi bouleversé, la mécanisation nécessitant une réorganisation des terroirs : c’est le remembrement: les haies sont abattues et les parcelles regroupées et agrandies.
La France veut atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pour réaliser cet objectif on adopte une stratégie volontariste de modernisation des campagnes (lois d'orientation agricoles de 1960 et 1962) et diverses aides publiques sont mises en place (subventions). Ces mesures nécessitent d'importants financements publics.
Actuellement, l'Union européenne y consacre la moitié de son budget, au titre de la Politique Agricole Commune (PAC). Mais, l'essentiel des subventions est destiné aux gros producteurs. Ainsi, la moitié des subventions européennes est versée à seulement 5 % des exploitations agricoles.
La taille des exploitations augmente. 60 % des exploitations françaises de moins de 20 hectares ont disparu entre 1967 et 1997, tandis que le nombre de celles de plus de 50 hectares a quasiment doublé. La concentration économique accompagne ce processus. En 1997, 10 % des exploitations européennes réalisaient plus de 65 % des revenus agricoles, les 50 % plus petites n’en réalisant que 5 %.[2]
Une agriculture intensive et exportatrice
Dès les années 70, le modèle productiviste dépasse ses objectifs d'autosuffisance alimentaire. Les stocks de surproduction se comptent en millions de tonnes, les débouchés intérieurs sont saturés. Les pays du Nord se tournent alors vers le marché mondial. La France devient progressivement le premier pays producteur de l'Union européenne et le deuxième exportateur au monde de produits agroalimentaires.
L’agriculture tient désormais une place prépondérante dans la balance commerciale du pays[3]. Le rôle de l’agriculteur change, on ne lui demande plus seulement de nourrir le pays, il doit aussi rapporter des devises. Comme le dit Valéry Giscard d’Estaing : « l’agriculture est le pétrole vert de la France ».
L’agriculture intensive demande aux paysans une remise en cause complète de leur mode de vie, afin de produire en quantité et à bas prix. La nouvelle norme de production se caractérise par la mécanisation systématique, l’apport massif d’intrants (engrais et produits phytosanitaires[4]) pour accroître considérablement les rendements, l’introduction massive de capitaux (endettement[5]), l’incorporation de technologies biologiques, et la spécialisation de la production.
On ne cultive plus en fonction du sol ni du ciel, on veut maîtriser la nature. Le rapport aux saisons change: on cherche des moyens pour échapper au climat: serres ultra modernes, hydroponie (méthode de maraîchage se passant de terre avec apport des sucs nutritifs directement sur les racines des plantes)
Paradoxalement la conquête de l’autosuffisance alimentaire du pays, ruine chaque année des milliers de fermes. La course aux bas prix entraîne une baisse des revenus. La part revenant aux agriculteurs dans le prix payé par le consommateur n’a cessé de baisser. Pour toute la consommation alimentaire, elle est passée de 40 % en 1952 à 21 % en 1997.
Certains agriculteurs sont contraints d’avoir une autre activité salariée à côté (double activité)[6]
Exode rural
Cette modernisation agricole a changé la composition du village. La disparition des paysans a provoqué un exode rural, entraînant la fermeture des commerces et la disparitions des artisans. Les campagnes se désertifient : La moitié des français vivait à la campagne en 1945 alors qu’aujourd’hui les trois quarts de la population habite dans les villes. En une trentaine d’années, on a assisté à une disparition de la population active dans l’agriculture (avec un afflux de main-d’œuvre vers l'industrie et le tertiaire) et un recul massif du nombre des paysans . « En une génération, la France a vu disparaître une civilisation millénaire constitutive d’elle-même », constate Henri Mendras dans La Fin des paysans.
Cet exode rural a touché tous les paysans des pays du ’’Nord‘’. Actuellement, ils ne représentent qu'environ 1 % des 1,3 milliards agriculteurs du monde.
Désormais, on assiste à un vieillissement de la population agricole, et on ne compte plus qu'une installation pour quatre agriculteurs qui partent à la retraite[7]. Beaucoup de jeunes agriculteurs, restent célibataires car ils ont des difficultés pour se marier à la campagne.
Un renouveau?
Dans les années 70, on a assisté à de nombreuses luttes paysannes. La plus célèbre étant celle menée sur le plateau du Larzac contre l’expropriation des terres par l’état français au profit de l’armée. Ces luttes s’unissent à d’autres mouvements comme la grève des ouvriers de Lip en 1973, qui gèrent leur usine en autogestion sauvage.
Des néo-ruraux essayent de pratiquer un autre type d’agriculture, (c’est le fameux slogan « retour à la terre »). Même si ces tentatives se soldent souvent par un échec…
Plus récemment, les crises sanitaires à répétition, l‘écologie, la malbouffe, OGM, listéria, clones et manipulation génétiques, conséquences pour les pays du sud, etc., ont fait prendre conscience aux consommateurs des limites de l’agriculture productiviste. Les questions de sécurité alimentaire mais aussi de souveraineté alimentaire ont fait leur apparition dans le débat public. De nouvelles pratiques se mettent en place avec le concept de Consom'action, d’agriculture biologique, et la création d’AMAP (mise en place d‘un contrat local entre « producteurs et mangeurs », la récolte étant payée à l'avance et les risques liés aux aléas climatiques partagés par les 2 parties). Ces nouvelles pratiques semblent permettre un dialogue plus égalitaire entre agriculteur et urbain (commerce équitable).
Notes et références
- ↑ Cf "Nous paysans" de Gilles Luneau
- ↑ Chiffres sités dans le dossier "Agriculture de destruction massive"
- ↑ En 2002, son excédent commercial avoisinait les 9 milliards d'euros, presque autant que son secteur automobile et aéronautique - respectivement 11 et 12 milliards d’euros la même année
- ↑ la France est aussi le second consommateur mondial de pesticides derrière les USA et le premier utilisateur européen.
- ↑ le rapport à l’argent change avec l’apparition du crédits (voir étude de Michèle Salmona)
- ↑ employé de stations de sports d’hiver par exemple, travail saisonnier extérieur à l’exploitation
- ↑ en 1999, on a compté 12000 installations et reprises de ferme face à 50 000 départs en retraite.
Lien interne
Lien externe
Le Monde diplomatique :Douloureuse marche vers « le progrés »
Les politiques agricoles de 1939 à 1958 :D’une agriculture protégée à une agriculture dirigée
Bibliographie
- Michèle Salmona, Souffrances et résistances des paysans français
- Gilles Luneau co-écrit avec José Bové, Nous, paysans
- Claude Michelet, J'ai choisi la terre, 1975.
- Georges Duby, Histoire de la France rurale
- Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », Revue française de sociologie
- Henri Mendras, La Fin des paysans
- Pierre-Jakez Hélias, Le Cheval d'orgueil
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Catégorie : Sociologie du développement
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