- Armand Emmanuel du Plessis de Richelieu
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Armand Emmanuel
du Plessis de RichelieuArmand Emmanuel du Plessis, duc de RichelieuMandats 2e et 5e président du
Conseil des ministres français20 février 1820 – 14 décembre 1821 Monarque Louis XVIII Gouvernement Richelieu (2) Législature IIe législature Prédécesseur Élie Decazes Successeur Joseph de Villèle 26 septembre 1815 – 29 décembre 1818 Monarque Louis XVIII Gouvernement Richelieu (1) Législature Chambre introuvable
IIe législaturePrédécesseur Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord Successeur Jean Joseph Dessolles Biographie Nom de naissance Armand Emmanuel Sophie Septimanie de Vignerot du Plessis Date de naissance 25 septembre 1766 Lieu de naissance Paris, France Date de décès 17 mai 1822 (à 55 ans) Lieu de décès Paris, France Nationalité française Parti politique Indépendant Profession Diplomate Religion catholique Présidents du Conseil des ministres français modifier Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, né à Paris le 25 septembre 1766 et mort dans la même ville le 17 mai 1822, est un officier, diplomate et homme politique français et russe.
Il est le deuxième président du Conseil des ministres en titre de l'histoire de France.
Biographie
Au service de Louis XVI
Fils de Louis-Antoine du Plessis, duc de Fronsac, et petit-fils du maréchal de Richelieu, Armand-Emmanuel de Vignerot du Plessis est né en 1766 à Paris. En 1785, il entra dans les régiments de Dragons de la reine Marie-Antoinette, puis devint premier gentilhomme de la chambre du roi Louis XVI. Titré alors comte de Chinon, il fut marié à l'âge de quinze ans à Rosalie de Rochechouart Faudoas, une enfant de douze ans qui souffrait d'une malformation. N'étant pas nubiles, les deux adolescents sont séparés après la cérémonie de mariage. Le jeune homme fit un tour de France et de Suisse avec son gouverneur-précepteur et la jeune épousée, devenue bossue à l'âge de 14 ans, redoutait que son mari, parti plusieurs années à l'étranger, prenne en horreur cette difformité.
Capitaine au sein du régiment des hussards, il était à Paris quand fut lancée la marche sur Versailles. Il émigra peu après en Russie
Gouverneur d'Odessa
À la demande de la reine, il quitta Paris en 1790 pour Vienne, afin de s'entretenir avec l'empereur Joseph II d'Autriche, frère de la souveraine française, sur les développements de la Révolution. Ce dernier mourut avant son arrivée et il se rendit à Francfort pour assister au couronnement du nouvel empereur, Léopold II. Il suivit celui-ci à Vienne, et de là, il rejoignit l'armée russe en compagnie du prince de Ligne et du comte de Langeron. Ils atteignirent à temps le quartier général de l'armée russe basé à Bender en Bessarabie[1] pour participer à la prise de la ville d'Izmaïl par le général Souvorov. Le duc de Richelieu fut décoré par Catherine II de l'Ordre de Saint-Georges, avec épée d'or.
Après un retour à Paris, pour servir Louis XVI, puis des missions de diplomate à Vienne, il s'engagea dans l'armée des émigrés menée par Condé. Après les défaites de cette dernière, Catherine II lui proposa de s'engager au sein de sa propre armée. Il accepta et devint rapidement général de corps d'armée, mais fut contraint de démissionner en raison d'intrigues menées par ses rivaux. En 1803, le tsar Alexandre Ier, qui succéda à Paul Ier, le nomma gouverneur de la ville d'Odessa, et de la Nouvelle Russie[2], région qui englobait tout le sud de la Russie et qu'il fallait coloniser et peupler. Il conserva ce poste jusqu'en 1814.
Il est reconnu comme l'artisan du développement de la ville d'Odessa, petit village qu'il a transformé en capitale de cette province conquise aux Turcs. La « perle de la mer Noire » garde encore en souvenir sa statue en haut de l'escalier qui domine le port[3]. Il reste une figure particulièrement populaire auprès de la population de cette ville, en ce début de XXI° siècle. En 1806 et 1807, il mena plusieurs expéditions dans le Caucase lors des guerres contre l'Empire ottoman et participa à la conquête de la Circassie et de la Bessarabie. En 1812, alors que la France et la Russie se déclarèrent la guerre, le duc de Richelieu était sur le point de rejoindre la Volhynie, où étaient basées ses troupes et ainsi rejoindre l'armée russe. C'est à ce moment-là que la peste fit son apparition à Odessa. Au lieu d'abandonner la ville pour prendre le commandement militaire où il était appelé par le tsar, il resta auprès de la population pour la soutenir contre le fléau qui la décimait, au péril de sa vie. Au bout de deux ans, le gouverneur parvint par ses mesures à l'éradiquer totalement. Entre-temps, l'armée russe, alliée à la Prusse et l'Autriche, repoussant les armées napoléoniennes, était entrée en France. Il décida alors de rejoindre les troupes russes et de retourner en France. Il regrettera toujours de ne pas retourner en Russie, où il était demeuré quinze ans de ses meilleures années. Il avait fait construire entre 1808 et 1811 la première villa européenne avec un jardin exotique à Oursouf[4] auquel il tenait particulièrement[5].
Les Ministères Richelieu
Soutenir la restauration en combattant la réaction
Quand il rentra en 1814, Louis XVIII était monté sur le trône de France en 1814. Le duc de Richelieu fut accueilli par le roi qui le rétablit dans ses anciennes charges : il fut nommé pair de France et premier gentilhomme de la Chambre. Quand Napoléon revint de l'île d'Elbe, le duc de Richelieu accompagna Louis XVIII, sur le chemin de Gand, jusqu'à Lille, puis rejoignit le tsar Alexandre au Congrès de Vienne, afin de défendre la cause du roi auprès des princes étrangers. Ami personnel du tsar, il exerça sur lui une grande influence au sein du Conseil des Alliés. Après Waterloo, il retourna au service du roi. Bien que ses biens aient été confisqués sous la Révolution, il n'en gardait aucun ressentiment à l'égard des précédents régimes, contrairement à une grande majorité des émigrés. Il refusa cependant d'entrer dans le cabinet de Talleyrand, nommé Premier ministre en dépit de son passé bonapartiste, arguant que son long éloignement du territoire français ne lui donnait pas les connaissances nécessaires pour assumer de hautes responsabilités.
La Nomination
Après la démission de Talleyrand, le duc de Richelieu accepta finalement, sous l'insistance du roi et du tsar, de devenir chef du gouvernement, bien qu'il reconnût lui-même ne connaître aucun des visages qui le composaient. Le 24 septembre 1815, lors de la Seconde Restauration, il fut nommé président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Talleyrand persiffla : « Bon choix assurément, c'est l'homme en France qui connaît le mieux la Crimée ! ».
Ceci rentre effectivement en compte dans les raisons de sa nomination, c'est dès lors la carte russe qui remplacera l'alliance anglaise symbolisée par Talleyrand. Le duc de Richelieu bénéficie de plus d'une réputation d'intégrité qui faisait défaut à son prédécesseur. Enfin comme Louis-Philippe, cet émigré n'a "jamais porté les armes contre son pays".
La mission immédiate qui incombe à ce président du conseil inexpérimenté est pourtant loin d'être aisée. Le traumatisme laissé par les Cent-Jours incite les royalistes à l'intransigeance, sinon à la violence, alors que le personnel politique formé ces 25 dernières années est contraint de disparaitre. Dans un tel climat, la stabilisation intérieure, comme le redressement diplomatique de la France, s'avèrent autant de tâches délicates pour Richelieu.
Son premier ministère marque un tournant à droite en comparaison du précédent. À l'exception du génois Corvetto aux finances, il est exclusivement composé de victimes de l'arbitraire révolutionnaire ou impérial, comme du Bouchage à la marine, Vaublanc à l'intérieur et Barbé-Marbois à la justice, ou de fidèles des Cent-Jours, comme Clarke à la guerre et Decazes à la police.
Le second traité de Paris
La première tâche du duc de Richelieu est donc la négociation du traité de paix avec les Alliés, dont les 100 jours ont raffermi les positions face à une France décidément incorrigible. Les puissances victorieuses tiennent absolument à mettre la grande nation sous la tutelle de la récente Quadruple Alliance.
L'appui de l'empereur de Russie Alexandre Ier lui permettra d'obtenir quelques concessions, bien maigres face la sévérité du traité, signé le 20 novembre 1815 : La France est ramenée à ses frontières de 1790, doit subir une occupation militaire d'au moins trois ans, et acquitter une indemnité de guerre de 700 millions de francs. Sera également mise sur pied une conférence des ambassadeurs, 2 fois par semaine, durant laquelle les représentants de la Quadruple Alliance à Paris statueront de la progression de la situation intérieure française et en référeront à leurs cours : la libération du territoire dépendra donc en partie de la politique intérieure menée par le président du conseil. Cette mesure, comme le reste du traité, est perçue comme particulièrement humiliante par le duc de Richelieu.
Suite à sa signature, il aurait confié à Barante, alors directeur général des contributions indirectes, cette phrase qui illustre le calvaire que fut pour lui ces négociations : « On mérite de porter sa tête à l'échafaud quand on est Français et qu'on a mis son nom au bas d'un pareil traité ».
L'épuration
Richelieu comme Decazes n'apprécient guère les ultras de la chambre introuvable. Tous deux ont servi des empires autoritaires, et voient celle-ci comme une entrave potentielle à la bonne marche de leur gouvernement, dont les prétentions aristocratiques ne sont pas sans leur rappeler la fronde ou le parlement du XVIIIe siècle. Le gouvernement et la chambre se trouvent toutefois provisoirement en accord en ce qui concerne la répression des partisans des Cent-Jours.
Ainsi, le 29 octobre 1815, la loi de sûreté générale, suspendant provisoirement les libertés individuelles, présentée par Decazes, est acceptée sans modification.
Le 9 novembre, et cette fois-ci après moult modifications de la part de la chambre, c'est la loi sur les cris et écrits séditieux, présentée originairement par Barbé-Marbois, qui est votée.
Ce dispositif, qualifié de "terreur légale", se poursuit, et 70 000 arrestations sont effectuées, ainsi que 9 000 condamnations politiques et 60 000 fonctionnaires destitués.
Brusqué par les ultras, Richelieu décide même d'intervenir dans l'affaire du maréchal Ney, remettant à la pairie le soin de condamner à mort ce symbole du Bonapartisme, réclamant une "éclatante réparation"
La loi d'amnistie et l'opposition ultra
Le lendemain même de l'exécution du maréchal Ney, jugeant l'occasion propice d'entamer une période de paix civile, le duc de Richelieu porte sa loi d'amnistie à la Chambre des députés. C'est probablement la discussion et le vote de cette loi qui marquent la rupture définitive entre le conseil et la chambre, pour qui la chasse aux comploteurs des Cent-Jours reste prioritaire.
Dès lors, de plus en plus organisée derrière Villèle, Corbière ou le comte d'Artois, les parlementaires entament une véritable guerre de popularité contre le ministère Richelieu. Le président du conseil est rapidement perçu comme inconscient de la situation réelle de la France après 25 années d'exil et manipulé par son ministre de la police.
Le projet de loi de Richelieu, reprenant la liste de coupables de Fouché, ne prévoit le maintien des poursuites que pour 19 personnes, et le bannissement de 38 ainsi que de la famille Bonaparte. La majorité ultra le rejette et entend mener à la place le procès public des 100 jours, seule façon d'achever selon eux l'épuration de la France révolutionnaire. Ils choisissent de remplacer cette liste nominative par des catégories de coupables à excepter de l'amnistie. Le vote final, le 12 janvier, rejettera les catégories mais adoptera d'autres mesures de la chambre, comme le bannissement des régicides relaps.
La loi électorale et le budget
Le combat entre la majorité et le conseil se poursuit sur les autres projets de loi présentés dans cette période.
Corvetto, ministre des finances, propose le 22 décembre sa loi sur le budget, qui vise, sans trop augmenter les recettes, à acquitter les frais et verser l'indemnité d'occupation ainsi qu'à indemniser les créanciers de la Révolution et de l'Empire. Il propose l'émission d'obligations gagées sur la vente d'anciens bois du clergé, idée bien évidemment scandaleuse pour la chambre. Celle-ci fait traîner les choses afin de faire pression sur Richelieu, impatient d'acquitter les frais d'occupation, sur la question de la loi électorale.
Les articles de la charte relatifs aux élections ont en effet été soumis à révision par Talleyrand en été 1815. Ils concernent la définition de l'assiette du corps électoral (cens d'élection et d'éligibilité), le mode de scrutin et la durée de la législature.
Pour Richelieu, il s'agit de "la brèche où il faut vaincre ou mourir" (écrira-t-il à Decazes). En effet, le déplacement du cens de quelques centaines de francs peut ajouter ou exclure du scrutin la moyenne bourgeoisie (censitaires de 300 à 500 francs) et dont le nombre dépasse largement celui des électeurs au-dessus de 500 francs, principal foyer de l'ultracisme.
Les ultras voient bien évidemment là le moyen du ministère pour se débarrasser de la chambre introuvable. Loin de demander une augmentation du cens, mesure logique mais impopulaire, Villèle préconise au contraire son abaissement à 50 francs, permettant à la paysannerie aisée, autre soutien aux ultras, l'accession au vote.
De cette lutte paradoxale, où les ministres progressistes défendent les droits historiques de l'ancienne dynastie et les nobles les plus réactionnaires ceux d'un parlementarisme qu'ils ont toujours combattu, aboutira le 6 mars un vote de la chambre des députés immédiatement cassé à la demande du ministère par la chambre des pairs.
La majorité refuse de s'incliner, de même que Richelieu, et l'assiette électorale reste au statu quo de 1815.
La dissolution de la "Chambre Introuvable"
C'est Decazes qui, le premier, préconise la dissolution de la Chambre. Celui-ci, après avoir fédéré une "majorité de rechange" autour du ministère parmi la minorité parlementaire, s'attèle à convaincre les autres ministres. Richelieu a récemment remplacé Vaublanc, trop proche des ultras, par Lainé, tout en sacrifiant en contrepartie Barbé-Marbois remplacé par Dambray. La tâche est donc facilitée pour Decazes, les ultras ayant perdu leur principal appui ministériel. Richelieu et ses ministres se laissent rapidement convaincre durant l'été 1816.
Après avoir refusé puis hésité, Louis XVIII lui-même accepte et signe le 5 septembre 1816 l'ordonnance annonçant l'élection d'une nouvelle chambre des députés.
"Royaliser la Nation, nationaliser la Royauté" (septembre 1816 - décembre 1818)
L'élimination des ultras et la réaffirmation du pouvoir royal
Dès lors le ministère s'attèle à maintenir l'alliance entre "la volonté royale et l'opinion nationale". C'est dans la Charte qu'elles se rencontrent et c'est bien par elle que Richelieu et ses ministres veulent gouverner.
Pour ce faire, il convient d'en finir avec les ultras. Ayant perdu leur majorité à la chambre, qui se compose dorénavant de 150 députés royalistes dévoués, dans l'immédiat, au ministère contre seulement 100 sièges pour Villèle et ses partisans, ils occupent toujours des places importantes dans l'administration du nouveau régime. C'est une politique de "fermeture à droite" que va donc opérer le ministère.
En son sein même tout d'abord, excluant les derniers ministres proches de l'ultracisme au profit d'hommes de la France nouvelle, issus le plus souvent de la hiérarchie napoléonienne. Ainsi Pasquier, ancien préfet de police de l'Empire, remplace-t-il en janvier 1817 Dambray à la justice, coupable d'avoir critiqué à la chambre le projet de loi d'élection. Le 13 juin, le maréchal de Gouvion-Saint-Cyr devient ministre de la Marine à la place de Dubouchage, puis, le 12 septembre, succède à Clarke à la guerre, lui aussi proche des ultras, laissant la marine à Molé. Ainsi tous les ministres, à l'exception de Richelieu, ont servi sous l'Empire. Rien d'étonnant dès lors à ce que les habitudes centralisatrices et autoritaires de ceux-ci soient mises au profit d'une "épuration administrative" du parti ultra.
C'est sous l'impulsion de Decazes que les préfets ultras sont progressivement déplacés ou destitués. Il rencontre toutefois les scrupules de Richelieu et de Lainé, ce dernier surtout perturbé par les agissements du ministre de la police sur son propre domaine. Decazes, bénéficiant de l'appui royal, arrive rapidement à ses fins et, lorsqu'il n'y parvient pas, peut contrôler, via son vaste réseau d'agents, les préfets suspects. Une fois la réappropriation des préfets effectuée, le ministère en renforce les pouvoirs dans une série d'ordonnances, s'étalant de 1817 à 1818. Ces mesures sont défendues par les ministres comme l'extension et la réaffirmation de l'autorité royale, bénéfiques aux communes, contre les différents corps qui tentent de s'interposer entre le Roi et elles.
Naturellement la censure de la presse est maintenue jusqu'en 1818, retirant là encore un terrain d'expression et de pouvoir à leurs ennemis.
Enfin, c'est au parlement qu'il faut consolider le pouvoir. Le ministère s'assure une majorité de manœuvre via les pressions qu'il exerce. Ainsi en 1816, plus de la moitié des présidents de collège électoraux nommés par le Roi sont élus, ceux-ci étant par ailleurs, le cumul autorisé, le plus souvent fonctionnaires, ils savent qu'ils dépendent totalement du gouvernement. Le ministère va également de plus en plus tenter de séduire la minorité libérale, bourgeoise, de l'assemblée, qualifiée de "doctrinaires" dès 1816, composée alors d'une douzaine de membres dont Guizot, Royer-Collard, Barante ou Camille Jourdan.
Gouverner avec les libéraux
Deux lois vont alors symboliser la tournure "libérale" du ministère, les lois d'élection et de recrutement.
La première, que Rémusat qualifie d'"acte d'investiture de la classe moyenne comme classe gouvernante", est présentée par Lainé le 28 novembre 1816. Le projet rassemble plusieurs idées déjà avancées par le ministère en février 1816, avant que l'opposition ultra ne le contraigne à l'abandon. Elle prévoit la réunion en un collège unique, chef-lieu de département, des contribuables âgés de plus de 30 ans et payant plus de 300 francs de contribution pour une élection directe (le cens).
Là encore, évidemment, les ministres se heurtent à l'opposition ultra, cette fois-ci devenue minoritaire à l'assemblée. Face à eux, les doctrinaires et les modérés défendent la nouvelle notion de l'électeur "capacitaire", qui, par sa fortune, preuve de ses compétences, garantit la qualité de son choix. Les ultras, tout en conservant la ligne qui était leur quelques mois plus tôt, proposent tout d'abord un suffrage universel à deux degrés, hérité de l'Empire, où le peuple tout entier est invité à choisir parmi les 600 plus imposés du département, solution selon eux à la fois plus démocratique et plus aristocratique. Puis Bonald propose à chaque commune de désigner un grand électeur (qui seraient donc au nombre de 40 200), élisant eux-mêmes les députés, sans tenir compte de la taille des communes. Rapidement et paradoxalement, ceux-ci sont accusés, en vantant le suffrage universel, d'amener le retour au désordre et à la violence révolutionnaire.
La loi sera finalement votée telle quelle à la chambre des députés, par 132 voix contre 100, puis à la chambre des pairs par 92 voix contre 81. S'il se réjouit du coup porté aux ultras, Richelieu ne tardera pas à regretter cette mesure, trop libérale, trop révolutionnaire à son goût.
La loi du recrutement est quant à elle présentée le 29 novembre 1817 par Gouvion-Saint-Cyr. À ce moment, le ministère est en pleine négociation avec les puissances alliées et le retrait des troupes d'occupation s'annonce proche. Il est donc nécessaire, dans ces conditions, de reconstruire au plus vite une armée, aux effectifs réellement insuffisants depuis le licenciement de l'armée de la Loire (on compte 117 000 hommes fin 1817, contre les 250 000 de l'armée impériale). L'article de la charte au sujet du recrutement reste, de plus, incomplet.
C'est donc une "armée nationale", qui est proposée au grand dam, encore une fois, des ultras. Il est question de recruter 40 000 hommes par an, via le tirage au sort (avec possibilité d'achat d'un remplaçant), pour atteindre un complet de paix de 240 000 soldats, renouant avec l'ancien système napoléonien. Gouvion Saint Cyr cherche aussi à recruter les anciens combattants de l'armée de la Loire, passant l'éponge sur les événements de 1815. Enfin ce n'est plus au Roi de nommer les officiers, mais un système d'avancement à l'ancienneté est mis en place du grade de lieutenant à celui de colonel.
Malgré la dénonciation par les ultras d'une loi "scélérate", favorisant le passage "d'une armée du Roi à une armée de la loi", le projet est voté et accepté le 12 mars 1818.
Ce tournant libéral est toutefois arrêté par les lois sur la presse. Si les doctrinaires avaient accepté face à la menace ultra la reconduite de la censure pour un an en février 1817, ils s'opposent vivement à sa prolongation passé ce délai. Leur soutien envers le ministère et un Richelieu qui ne parvient pas à comprendre leurs principes "inapplicables dans la pratique" s'atténue dès lors.
L'affaire du Concordat
L'Église de France est, depuis 1815, gravement désorganisée, malgré le concordat de 1801. Si elle obtient de nombreuses concessions durant les premières années de la Restauration, son statut reste ambigu. Louis XVIII juge nulles et non avenues les négociations de l'Empereur avec le Pape, tandis que Pie VII reconnaît le concordat de 1801, signé avec son total consentement. Après de difficiles tractations avec le Saint-Siège, Louis XVIII obtient gain de cause, un traité, négocié secrètement par Talleyrand, puis Richelieu et Lainé, remettant partiellement en vigueur le concordat de 1517. Les autres ministres, une fois mis au courant, le voient toutefois d'un mauvais œil. Les libertés gallicanes de 1802 sont en effet menacées. Pasquier insiste pour que le traité soit soumis à la chambre sous forme d'un projet de loi.
Le gouvernement y rencontre naturellement l'opposition des doctrinaires, gagnant à eux une partie des députés gallicans. C'est pour une fois sur les députés ultras que comptent les ministres. Ceux-ci semblent dans un premier temps favorables, mais un bref du Pape déclarant déplacé de soumettre au vote une décision de Rome et appelant à s'opposer à la loi les fait changer de camp et le projet est annulé. Le gouvernement se met définitivement à dos avec cette affaire l'opposition des doctrinaires.
La libération du territoire
Depuis le traité de paix du 20 novembre 1815, la France est soumise au contrôle militaire et politique des puissances européennes. Si Richelieu s'efforce de contenter tous ses voisins aux desseins divers, il conçoit l'occupation du territoire comme gage de paiement des indemnités de guerre plus que comme moyen de surveillance de la France.
Aussi la question financière joue-t-elle le rôle le plus important. Depuis 1815, les récoltes sont compromises par les guerres, les sécheresses ou les pluies continuelles, et l'incapacité d'une partie de la population de subvenir à ses propres besoins, la hausse des prix, entretiennent la faible consommation. À cela s'ajoutent les funestes conséquences de la pauvreté, vols, pillages des marchés, attaques des convois de blés, etc.
Face à cette situation, le gouvernement se lance à partir de 1817 dans une large politique d'emprunt. Dès 1817 sont créés 26 millions de rentes à 5%, qui produisent 315 millions de francs. Ce sont ces emprunts qui, à eux seuls, vont payer les 3/5 des indemnités de guerres et acquitter ce qui reste des frais d'occupation. Pour la première fois, devant la réticence de la banque parisienne, des emprunts sont souscrits à l'étranger (Londres, Amsterdam). Ceux-ci sont alors revendus dans toute l'Europe, multipliant le nombre de particuliers intéressés au rétablissement du crédit en France et susceptibles de faire pression sur leur gouvernement.
Une première phase de retrait est alors opérée en février 1817, avec le départ de 30 000 hommes de l'armée d'occupation.
Reste à payer, entre autres, les dettes de guerres laissées par l'armée Française à l'étranger. Richelieu, avec l'appui du tsar Alexandre, réussit à les limiter à 265 millions contre un milliard 600 millions de francs jusqu'ici exigés. L'emprunt est cette fois-ci effectué en France, auprès d'un consortium issu de la banque française (Laffite, Pereire, Casimir Perier à sa tête). L'opération est là encore un véritable succès, mais insuffisant aux yeux des puissances alliées, d'où la décision de placer le reste de l'emprunt auprès de la banque londonienne.
En novembre 1818, les trois ans minimum d'occupation exigés par le traité de 1815 seront écoulés, aussi s'ouvre dès le mois de septembre le congrès d'Aix-la-Chapelle. Le 9 octobre, les 5 puissances signent la convention de libération de la France et le départ des troupes est fixé pour le 30 novembre, malgré quelques inquiétudes de celles-ci envers la poussée libérale qui gagne alors la France. Le duc de Richelieu sort victorieux de ce traité, admirablement bien négocié.
La chute du ministère
Loin de calmer la situation politique intérieure, la réussite d'Aix-la-Chapelle signifie, pour les oppositions libérale et ultra, le début d'une ère nouvelle déployant d'autres possibilités sur le plan intérieur. Celles-ci se sont fortement développées et organisées durant l'année 1818. La première, sous le nom d'indépendants, à travers le journal la Minerve, passe rapidement de l'attaque des ultras à l'attaque du pouvoir, et récolte près de 40 sièges aux élections de 1818. Si ce sont les principaux touchés par ce changement au sein de l'assemblée, les ultras obtiennent toutefois, avec leur journal le conservateur, "Minerve blanche", mené par Chateaubriand, une arme efficace dans le combat d'opinion qui se déroule alors.
À cela s'ajoute l'évolution et l'amplification des premières dissensions ministérielles. Les scrupules de Richelieu par rapport aux attaques envers les ultras, dont il partage le milieu et parfois les vues, se transforment en remords au fur et à mesure de leur affaiblissement. Decazes pourtant continue sa politique "anti ultra", utilisant pour parvenir à ses fins des méthodes particulièrement douteuses aux yeux du président du conseil. Fort de ses pouvoirs de ministre de la police, il n'hésite pas à recourir à la diffamation, amplifiant ou liant certaines affaires dans lesquelles peuvent être impliqués des individus proches de l'ultracisme (affaire de Lyon, conspiration du Bord de l'eau, etc...).
Decazes va jusqu'à priver Monsieur, le comte d'Artois, du commandement de la garde nationale via une ordonnance le 30 septembre 1818. Richelieu ne désavoue pas cette mesure mais commence à penser que la réconciliation avec les ultras est urgente pour le maintien du ministère, face à un ministre de la police qui privilégie l'alliance avec les doctrinaires. Deux tendances se dessinent alors, d'un côté les partisans d'un ministère de centre-droit, Richelieu et Lainé, de l'autre Decazes, Gouvion Saint-Cyr et Molé. Le 8 septembre, las des intrigues du ministère, le président du conseil avait annoncé au Roi son intention, une fois le territoire libéré, de quitter des fonctions qu'il n'avait jamais aimées. Bien involontairement, il laissait alors libre cours aux ambitions des uns et des autres, créant une situation d'incertitude au sein du ministère. À son retour d'Aix-la-Chapelle, il se rend compte que la gravité de la situation politique l'oblige à rester.
Pendant plus d'un mois les oppositions se manifesteront au sein du conseil des ministres et de la nouvelle session parlementaire. Après quelques divergences et intrigues autour des présidences et vice-présidences de la chambre, les deux partis s'accusent d'intrigues déloyales.
Le 21 décembre, Richelieu, Lainé et Molé (qui a alors changé de camp) déposent leur démission au Roi, immédiatement suivis par Decazes et Pasquier. Louis XVIII hésite alors entre sauver Decazes, son favori, et un Richelieu dont le prestige est encore intact. Il accepte finalement d'éloigner Decazes et laisse le soin au duc de former un nouveau ministère, plus à droite, composé de certains chefs ultras, tel Villèle. Ce nouveau ministère ne durera que quelques jours, les dissensions du centre droit avec la droite étant en fait beaucoup plus creusées que celles avec le centre gauche.
Le 26 décembre, pour la deuxième fois, Richelieu remet sa démission à Louis XVIII. Elle est cette fois-ci acceptée et c'est Decazes qui sera chargé de la formation du nouveau ministère.
Le second ministère Richelieu (1820-1821)
Après l'assassinat du duc de Berry, le duc de Richelieu est rappelé aux affaires. Il préside une deuxième fois le Conseil des ministres de 1820 à 1821, mais sous la pression des Ultras d'un côté et des libéraux de l'autre, il démissionne à nouveau en 1821. Il meurt d'apoplexie le 17 mai 1822.
Lieux et appellations à Odessa en son honneur
- Rue Richelieu à Odessa (Richelievskaïa)
- Lycée Richelieu d'Odessa
- Grand théâtre Richelieu (jusqu'en 1920)
- Jardin du duc (Dioukovski sad)
- Cinéma Le duc en or (Zolotoï diouk)
- Festival international de cinéma à Odessa Le duc en or
- Champagne brut d'Odessa, Le duc
- Cognac d'Odessa, Le duc d'or
- Boîte de nuit d'Odessa Zolotoï diouk
Notes
- Tighina, en Transnistrie région sécessionniste de la Moldavie aujourd'hui
- Novorossiya, en russe
- Le duc de Richelieu est appelé simplement en russe, le duc (en français dans le texte)
- Selon l'orthographe en usage en français de l'époque
- Pouchkine y fit un séjour de trois semaines en 1820. Elle existe toujours et se trouve dans le parc de l'établissement de cure Pouchkino à cent mètres de la mer.
- Le 2 juillet 1816, la Méduse, une frégate de la flotte française s'échoue sur un banc de sable au large de la Mauritanie. Pour le cabinet Richelieu, c'est le début de l'affaire du naufrage de la Méduse.
- Le duc de Richelieu a été nommé en 1816 membre de l'Académie française par l'ordonnance. Il occupa le fauteuil de Antoine-Vincent Arnault qui était exclu.
- En 1818, il fut nommé chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit.
Sources bibliographiques
- Léon de Crousaz-Crétet, Le duc de Richelieu en Russie et en France, 1897.
- R. de Cisternes, Le duc de Richelieu, son action aux conférences d'Aix-la-Chapelle, 1898.
- Emmanuel de Waresquiel, Le duc de Richelieu, Paris, Perrin, 1990, réédité 2009. ISBN 978-2-262-03117-6
- Emmanuel de Waresquiel, B. Yvert, Histoire de la Restauration, 1996.
- Benoît Yvert (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, 916 p.
- Général Louis-Victor-Léon de Rochechouart, Souvenirs sur la Révolution et l'Empire, Plon, 1889.
- Montcalm, marquise de, Mon journal (1815-1818) pendant le premier ministère de mon frère, publié par S. Charléty, Grasset, 1935.
- Richelieu, Ma retraite du pouvoir, Revue de Paris, 1897.
Lien externe
Hommage à l'académie française
Chronologies
Précédé par Armand Emmanuel du Plessis de Richelieu Suivi par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord Ministre français des affaires étrangères
1815-1818Jean Joseph Dessolles Précédé par
Antoine-Vincent ArnaultFauteuil 16 de l’Académie française
1816-1822Suivi par
Bon-Joseph DacierPrécédé par Armand Emmanuel du Plessis de Richelieu Suivi par Louis II de Vignerot du Plessis
(son père)
Duc de Fronsactitre éteint Duc de Richelieu Armand IV de La Chapelle de Saint-Jean de Jumilhac
(son petit-neveu)Armand Désiré de Vignerot du Plessis
(son cousin)Duc d'Aiguillon Catégories :- Pair de France sous la Restauration
- Ministre de la Restauration
- Premier ministre de France
- Ministre français des Affaires étrangères
- Maison de Richelieu
- Membre de l'Académie française
- Naissance à Paris
- Naissance en 1766
- Décès en 1822
- Duc français du XIXe siècle
- Duc d'Aiguillon
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