N-butyl lithium

N-butyl lithium

n-Butyl lithium

n-Butyl lithium
modèle 3D boules et bâtons d'un héxamère de n-butyl lithium (haut) et formule plane du butyl lithium (bas)
modèle 3D boules et bâtons d'un héxamère de n-butyl lithium (haut) et formule plane du butyl lithium (bas)
modèle 3D boules et bâtons d'un héxamère de n-butyl lithium (haut) et formule plane du butyl lithium (bas)
Général
Nom IUPAC butyl lithium
tétra-μ3-butyl-tétralithium
Synonymes Buli
No CAS 109-72-8
No EINECS 203-698-7
PubChem 61028
ChEBI 51469
SMILES
InChI
Apparence solide cristallin incolore, instable et obtenu habituellement en solution légèrement jaune
Propriétés chimiques
Formule brute C4H9Li  [Isomères]
Masse molaire 64,055 gmol-1
C 75 %, H 14,16 %, Li 10,84 %,
Propriétés physiques
T° fusion -76 °C
T° ébullition 69 °C
Masse volumique 0,68 gcm-3 à 20 °C
Point d’éclair -22 °C
Pression de vapeur saturante 163 mbar à 20 °C
Précautions
Directive 67/548/EEC
Corrosif
C
Facilement inflammable
F
Dangereux pour l`environnement
N
Phrases R : 11, 14/15, 17, 34, 48/20, 51/53, 62, 65, 67,
Phrases S : 7/8, 16, 26, 36/37/39, 45, 61,
Transport
X333
   3394   
SIMDUT[1]
B6 : Matière réactive inflammable
B6,
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.
bouteilles de n-butyl lithium dans l'heptane. Notez la couleur jaune et le précipité banc.

Le n-butyl lithium (en abrégé n-BuLi) est le plus important des réactifs organolithiens[réf. nécessaire]. Il est d'un très large emploi comme initiateur de polymérisation dans la production d'élastomères comme le polybutadiène ou le styrène-butadiène (SBS) et comme une base forte (superbase) en synthèse organique aussi bien à une échelle industrielle que dans les laboratoires.

Le n-butyl lithium est commercialement disponible en solution (15%, 25%, 2 M, 2.5 M, 10 M, etc.) dans des alcanes comme le pentane, les hexanes et les heptanes, ou dans des éthers comme le diéthyl éther et le THF. La production mondiale annuelle et la consommation de butyl lithium et des autres composés organolithiens sont estimées à 1 800 tonnes[réf. nécessaire].

Malgré le fait qu'il soit un solide incolore, la n-butyl lithium est usuellement trouvé comme une solution jaune pâle (alcane). De telles solutions sont stables indéfiniment si elles sont correctement stockées[2] mais en pratique, elles se dégradent avec l'âge. Un fin précipité blanc (hydroxyde de lithium) se dépose et la couleur vire à l'orange.

Sommaire

Structure et liaison

Article principal : Organolithien.

Le n-BuLi est sous forme de cluster à l'état solide et en solution dans la plupart des solvants. Cette tendance à s'agréger est commune aux composés organolithiens. Ces agrégats sont maintenus compacts par les liaisons covalentes délocalisées entre le lithium et le carbone terminal des chaînes butyle[3]. Dans le cas du n-BuLi, les clusters sont tétramériques (dans le diéthyl éther) ou hexamériques (dans l'hexane). Les clusters tétramériques ont une structure de cubane distordu avec les lithiums et des groupes CH2 alternativement disposés sur les sommets. Une description équivalente est de voir le tétramère comme un tétraèdre Li4 interpénétré par un autre tétraèdre [CH2]4. Les liaisons à l'intérieur du cluster sont du même type que celles utilisées pour décrire le diborane, mais sont plus complexes puisqu'elles impliquent huit atomes. Reflétant son caractère déficitaire en électron, le n-butyl lithium est très réactif vis-à-vis des bases de Lewis.

Du fait de la grande différence d'électronégativité entre le carbone (2,55) et le lithium (0,98), la liaison Li-C est fortement polarisée. La séparation des charges a été estimée vers 55-95%. Ainsi, même si pour des raisons pratiques, n-BuLi est souvent considéré comme un réactif qui agit via l'anion butyl, n-Bu, avec le cation Li+, ce modèle est incorrect, n-BuLi n'est pas ionique.

Préparation

La préparation standard pour n-BuLi est la réaction du bromobutane ou du chlorobutane avec le lithium métallique[2] :

2 Li + C4H9X → C4H9Li + LiX
où X = Cl, Br

Le lithium pour cette réaction contient habituellement 1-3% de sodium. Les solvants utilisés pour cette préparation incluent le benzène, le cyclohexane et l'éther diéthylique. Quand BuBr est le précurseur, le produit est une solution homogène, consistant en des clusters mêlant LiBr et BuLi. BuLi formant un complexe moins stable avec LiCl, la réaction avec BuCl produit un précipité blanc de LiCl.

Réactions

Le butyl lithium est une base forte (pKa ≈ 40) mais aussi un nucléophile puissant et un agent réducteur, son caractère dépend des autres réactifs. En outre, en plus d'être un fort nucléophile, n-BuLi se lie aux bases de Lewis aprotiques comme les éthers et les amines tertiaires qui dissocient les clusters en se liant directement aux centres Li. Cet usage d'acide de Lewis correspond à ce qui est appelé métallation(en). Les réactions sont typiquement faites dans le THF ou le diéthyl éther qui sont de bons solvants pour les dérivés organolithiens résultant de la réaction de BuLi. (voir ci-dessous)

Métallation

Article principal : Organolithien.

Une des plus utiles propriétés chimiques de BuLi est son habilité à déprotoner une large gamme d'acides de Bronsted faibles. Le tert-butyl lithium et le sec-butyl lithium sont encore un peu plus basiques. BuLi peut déprotoner (dans ce sens, métaller) beaucoup de types de liaisons C-H, spécialement quand la base conjuguée est stabilisée par délocalisation électronique ou par un ou plusieurs hétéroatomes. Les exemples incluent les alcynes (H-C≡CR), les sulfures de méthyles (H-CH2SR), les thioacétals (H-CH(SR)2) comme le dithiane, les méthylphosphines (H-CH2PR2), les furanes, les thiophènes et les ferrocènes, (Fe(H-C5H4)(C5H5))[4]. En plus de ces composés, il peut aussi déprotoner des composés plus acides, comme les alcools, les amines, les composés carbonylés énolisables et tout composé ouvertement acide pour former alcoolates, aminures, énolates et autres -ates ou -ures de lithium, respectivement. La stabilité et la volatilité du butane résultant de ces réactions de déprotonation est pratique et commode, mais peut aussi être un problème dans des réactions à grande échelle car un important volume d'un gaz facilement inflammable est produit.

LiC4H9 + R-H → C4H10 + R-Li

La basicité cinétique du n-BuLi est affectée par le solvant de réaction ou par un cosolvant. Des solvants qui complexent Li+ comme le tétrahydrofurane (THF), le tétra-méthyl-éthylènediamine (TMEDA), l'hexaméthylphosphoramide (HMPA) et le 1,4-diazabicyclo[2.2.2]octane (DABCO) polarisent en plus la liaison Li-C et accélèrent la métallation. De tels ligands peuvent aussi aider à isoler les produits lithiés, un exemple fameux est celui du dilithioferrocène.

Fe(C5H5)2 + 2 LiC4H9 + 2 TMEDA → 2 C4H10 + Fe(C5H4Li)2(TMEDA)2

La base de Schlosser est une superbase produite en traitant le butyl lithium avec du ter-butanolate de potassium. Elle est cinétiquement plus réactive que le BuLi et est souvent utilisée pour réussir des métallations difficiles. L'anion butanolate complexe le lithium et produit effectivement du butyl potassium qui est plus réactif que le composé lithié correspondant.

Un autre exemple de l'emploi du n-butyl lithium comme base est l'addition d'une amine sur un carbonate méthylé pour former une amide où n-BuLi sert à déprotoner l'amine :

n-BuLi + R2NH + (MeO)2CO → R2N-CO2Me + LiOMe + BuH

Échange lithium-halogène

Le butyl lithium réagit avec certains bromures et iodures dans des réactions qui forment les dérivés organolithiens correspondants. Cette réaction est normalement inopérante avec les chlorures et les fluorures organiques.

C4H9Li + RX → C4H9X + RLi (X = Br, I)

Cette réaction est une méthode pratique pour la préparation de nombreux types de composés RLi, particulièrement les réactifs aryl lithium et certains vinyl lithium. L'utilité de cette méthode est toute fois limitée par la présence dans le mélange réactionnel de n-bromobutane ou de n-iodobutane qui peut réagir avec le dérivé RLi formé ou par des réactions de deshydrohalogénation où n-BuLi sert de base :

C4H9Br + RLi → C4H9R + LiBr
C4H9Li + R'CH=CHBr → C4H10 + R'C≡CLi + LiBr

Ces réactions secondaires sont significativement moins importantes avec RI que pour RBr car la vitesse de l'échange Li-I est plus rapide, de plusieurs ordres de grandeur, que la vitesse de l'échange Li-Br. Pour cette raison, on préfère utiliser les iodures d'aryle, de vinyle et d'alkyle primaires, et utiliser t-BuLi plutôt que n-BuLi, car le t-iodobutane formé est immédiatement détruit par le t-BuLi dans une réaction de deshydrohalogénation qui requiert 2 équivalents de t-BuLi. Alternativement, les composés vinyl lithium peuvent être préparés par réaction d'échange directe entre l'halovinyle et le lithium métal ou par un échange lithium-étain[2](Voir la section suivante).

Transmétallation

Une famille de réactions apparentées est la transmétallation, où deux composés métallo-organiques échange leur métal. Beaucoup d'exemples de telles réactions mettent en jeu l'échange Li-Sn (lithium-étain):

C4H9Li + Me3SnAr → C4H9SnMe3 + LiAr
où Ar est un aryl et Me, méthyl

Les réactions d'échange lithium-étain ont un avantage majeur sur les échanges lithium-halogène pour la préparation des dérivés organolithiens car le composé d'étain produit, (C4H9SnMe3 dans l'exemple ci-dessus) est beaucoup moins réactif vis à vis de BuLi que ne le sont les produits halogénés de la réaction d'échange Li-halogène correspondante (C4H9Br ou C4H9I). D'autres métaux et métalloïdes dont les composés organiques peuvent intervenir dans de telles réactions d'échange sont le mercure, le sélénium et le tellure.

Synthèse de composés carbonyle

les organolithiens, n-Buli inclus, sont utilisés dans la synthèse d'aldéhydes et de cétones spécifiques. Une de ces voies de synthèse est la réaction d'un organolithien avec une amide disubstituée :

R1Li + R2CONMe2 → LiNMe2 + R2C(O)R1

Carbolithiation

Le butyl lithium peut s'additionner sur certains alcènes activés comme le styrène ou le butadiène et même sur l'éthylène lui-même pour former de nouveaux réactifs organolithiens. Cette réaction est la base d'une utilisation commerciale importante du BuLi pour la production de polystyrène et de polybutadiène.

C4H9Li + CH2=CH-C6H5 → C4H9-CH2-CH(Li)-C6H5

Dégradation du THF

Le THF est déprotoné par le butyl lithium, spécialement en présence de TMEDA, par perte d'un des quatre atomes d'hydrogène liés à un carbone adjacent à l'atome d'oxygène. Ce processus qui consomme du BuLi en générant du butane, induit une cycloaddition inverse qui donne de l'énolate d'éthanal et de l'éthylène. Cependant, les réactions avec BuLi dans le THF sont conduites à base température, typiquement à -78 °C, température convenablement tenue par un bain de carboglace (CO2 solide) dans l'acétone. Des températures plus hautes (-25 °C ou même -15 °C) sont aussi utilisées.

Décomposition thermique

Quand il est chauffé, le n-butyl lithium, de manière analogue aux autres alkyl lithium avec des hydrogène en β -i.e. des hydrogènes sur le carbone β adjacent au carbone α qui est lié au Li-, subit une β-hydro élimination qui produit du butène-1 et LiH :

C4H9Li → LiH + CH3CH2CH=CH2

Sécurité

Il est important de stocker et de manipuler tout alkyl lithium sous atmosphère inerte pour prévenir toute perte d'activité et surtout pour des raisons de sécurité. BuLi réagit très violemment avec l'eau :

C4H9Li + H2O → C4H10 + LiOH

BuLi réagit avec l'oxygène et aussi avec le CO2 pour former du pentanoate de lithium :

C4H9Li + CO2 → C4H9CO2Li

Le butyl lithium – et plus particulièrement le ter-butyl lithium – est extrêmement réactif vis-à-vis de l'air et de l'humidité, son hydrolyse est suffisamment exothermique pour enflammer le solvant qui le dissout (les sources commerciales utilisent typiquement du THF, de l'éther diéthylique ou des hexanes) ainsi une exposition à l'atmosphère suffit à une inflammation. Dans certaines circonstances, par exemple dans des aiguilles, il peut s'auto-sceller en formant une barrière d'oxydes et d"hydroxydes qui prévient une poursuite de l'accès à l'air. Tous les isomères et formes de BuLi étant classé R17 (spontanément inflammable à l'air), BuLi est toujours manipulé sous atmosphére d'azote ou d'argon parfaitement anhydre.

essentiellement dû à BuLi :

  • R11 : facilement inflammable.
  • R14/15 : réagit violemment au contact de l'eau en dégageant des gaz extrêmement inflammables.
  • R17 : spontanément inflammable à l'air.
  • R34 : provoque des brûlures.

essentiellement dû au solvant :

  • R48/20 : nocif : risque d'effets graves pour la santé en cas d'exposition prolongée par inhalation.
  • R51/53 : toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique.
  • R62 : risque possible d'altération de la fertilité.
  • R65 : nocif : peut provoquer une atteinte des poumons en cas d'ingestion.
  • R67 : l'inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « n-Butyllithium ».

  • Ovaska, T. V.; Encyclopedia of Reagents for Organic Synthesis, "n-butyllithium", Wiley and sons. 2006. DOI:10.1002/047084289X.rb395
  • Greenwood, N. N.; Earnshaw, A.; Chemistry of the Éléments, 2e éd. 1997, Butterworth-Heinemann, Boston.
  1. « Butyllithium normal » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme canadien responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 24 avril 2009
  2. a , b  et c Preparative Polar Organometallic Chemistry I, Brandsma, L.; Verkraijsse, H. D.; Springer-Verlag, Berlin, 1987. ISBN 3-540-16916-4
  3. Organometallics, Elschenbroich, C.; Wiley-VCH, Weinheim, 2006. ISBN 978-3-29390-6
  4. The Lithiation of Ferrocene and Ruthenocene - A Retraction and an Improvement; Sanders, R.; Mueller-Westerhoff, U. T.; Journal of Organometallic Chemistry, 1996, vol. 512, pp 219–224. DOI:10.1016/0022-328X(95)05914-B
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