Mouvement À Force Centrale

Mouvement À Force Centrale

Mouvement à force centrale

En mécanique du point, un mouvement à force centrale est le mouvement d'un point matériel M\, soumis uniquement à une force centrale, c'est-à-dire une force toujours dirigée vers le même point noté O\,, appelé centre de force.

Ce type de mouvement est une modélisation de certains phénomènes physiques : il n'est pas rigoureusement présent dans la nature, mais certains mouvements s'en rapprochent. Par exemple, on peut considérer que la Terre est soumise à une force centrale de la part du Soleil. Par ailleurs, lorsqu'on utilise une description classique de l'atome, on peut considérer que le mouvement des électrons est à force centrale autour du noyau.

L'étude mathématique de ce type de mouvements permet d'obtenir quelques résultats généraux. On peut montrer par exemple que la trajectoire est contenue dans un plan, que la vitesse aréolaire est constante, etc.

Sommaire

Historique

Galilée, dès 1610, pressent l'utilité de ce mouvement pour obtenir une histoire de la mesure du temps : après observation des satellites médicéens, il fait un appel d'offre en Europe pour le calcul des longitudes, mais celui-ci fut mal reçu. Cassini Ier avec ses éphémérides de Io ne sera guère plus persuasif (voir Olaüs Roemer). Ensuite, le problème de l'établissement des cartes maritimes lança la Grande Concurrence, initiée par Galilée et Huygens (Horologium en 1653), entre horloge céleste et chronomètre de marine.

Le problème du mouvement à force centrale fut résolu en premier par Isaac Newton en 1687. Newton démontre en particulier que la trajectoire est contenue dans un plan passant par le centre de force et perpendiculaire au moment cinétique, qui est alors constant. C'est d'ailleurs initialement dans le sens inverse que Newton l'a démontré : le moment cinétique étant démontré constant, cela implique que la trajectoire est plane. Cette trajectoire est décrite selon la seconde loi de Kepler dite aussi lois des aires : des aires égales sont balayées dans des temps égaux.

Robert Hooke a résolu le cas particulier dit « de Hooke », où la force centrale est proportionnelle à la distance séparant le centre de force du point en mouvement (voir ellipse de Hooke).

Jacques Binet exprima, au travers de ses formules, la vitesse et l'accélération d'un point animé d'un mouvement à force centrale. Ces formules permettent, par exemple, d'obtenir les trajectoires elliptiques des planètes, redémontrant ainsi la première loi de Kepler.

Exemples

Quelques cas particuliers ont été étudiés mathématiquement :

  • le cas d'une force de rappel élastique : voir ellipse de Hooke,
  • le cas des orbites bornées à énergie négative,
  • les cas des forces proportionnelles à rp pour p valant -5, -3, 0, 1/3, 3/2, 5/3, 7/3, 5/2, 4, 5 ou 7.

Des exemples dans la nature ont également été traités :

Définition

Un mouvement à force centrale est le mouvement d'un solide soumis à une force \scriptstyle{ \vec F} passant par un point fixe \scriptstyle O.

Il n'est pas nécessaire que cette force \scriptstyle{ \vec F} dérive d'une énergie potentielle, bien que ce soit le cas de nombreux exemples dans la nature comme la force coulombienne ou dans le mouvement des planètes. Certaines forces ont un caractère "central" sans dériver d'une énergie potentielle : par exemple la force de tension du fil dans le pendule simple.

Le fait que la force passe par un point fixe a plusieurs conséquences qui permettent de réduire le nombre de dimension du problème. D'abord, on établi que le solide reste constamment dans un plan fixe. Puis la loi des aires, qui établi une relation entre la vitesse de rotation du solide autour du point fixe et sa distance \scriptstyle r au point fixe, permet d'écrire les loi fondamentales de la mécanique en termes de \scriptstyle r uniquement. La façon la plus parlante d'étudier ce mouvement est de l'exprimer en termes d'énergie.

Planéité de la trajectoire

Le théorème du moment cinétique appliqué au centre de force \scriptstyle O dans un référentiel galiléen énonce que la variation du moment cinétique \scriptstyle{ \vec L} au point \scriptstyle{ O } est le produit vectoriel du rayon vecteur \scriptstyle{ \vec OM} et de la force \scriptstyle \vec F : \scriptstyle{ \frac{\vec{dL}}{dt}=\vec{OM}\wedge \vec{F}=\vec{0}}, puisque les deux vecteurs sont colinéaires.

Par conséquent, le moment cinétique est constant au cours du mouvement [1].

Par définition du moment cinétique, cela signifie que \scriptstyle{ \vec {OM} \wedge \vec p = \vec L } est constant, donc que le vecteur position \scriptstyle \vec{OM} et la quantité de mouvement \scriptstyle{ \vec{p} = m \cdot \vec v} du point M sont à tout instant perpendiculaires au vecteur \scriptstyle \vec L de direction constante. La trajectoire est donc plane : Elle est entièrement contenue dans le plan qui contient le point fixe \scriptstyle O, le point mobile \scriptstyle M et sa vitesse \scriptstyle \vec v à un instant \scriptstyle t_0. De plus, le moment cinétique \scriptstyle \vec L est perpendiculaire à ce plan.

Loi des aires

On vient de voir que que la trajectoire du solide restait dans un plan fixe d'origine \scriptstyle O. En passant aux coordonnées polaires \scriptstyle r et \scriptstyle \theta , dans ce plan, on peut écrire

  • \scriptstyle{ \vec {OM} = \vec{r} = r \vec {e_r}},
  • donc  \scriptstyle{ \vec{v} = \frac{d \vec r}{dt} = \dot{r} \vec{e_r} + r \dot\theta \vec{e_\theta}}, où \scriptstyle{ \vec{e_\theta}} est un vecteur unitaire tangent à la trajectoire
  • puis, \scriptstyle{ \vec{L}=\vec{r}\wedge m\vec{v} = mr\dot{r}\vec{e_r}\wedge\vec{e_r}  + m r^2 \dot{\theta} \vec{e_r}\wedge\vec{e_\theta} = m r^2 \dot{\theta} \vec{e_z}}, dans laquelle \scriptstyle{ \vec e_z = \vec{e_r}\wedge\vec{e_\theta} } est un vecteur unitaire orthogonal à la trajectoire.


De cette dernière relation, on tire la valeur de la norme, constante, du moment cinétique : \scriptstyle{ L = mr^{2}\dot{\theta}}. Or, l'aire balayée par le rayon vecteur \scriptstyle \vec{r}, pendant un temps \scriptstyle {dt} infinitésimal est \scriptstyle{ \frac {1}{2} r^2 \dot \theta dt = \frac L {2m} = \frac C 2}.

Cette loi, sous la forme \scriptstyle{ r^2 \dot \theta = C}, qui exprime que la vitesse aérolaire est constante est appelée loi des aires. Enoncée sur constation empirique en 1609 par Johannes Kepler au sujet du mouvement des planètes autour du Soleil (Cf. lois de Kepler), c'est en réalité une propriété générale de tout mouvement à force centrale.

Equation du temps

la loi des aires implique notamment que \dot \theta garde un signe constant, i.e que le solide tourne toujours dans le même sens. EN particulier θ = f(t) est fonction strictement monotone du temps. Il existe donc une fonction réciproque t = f − 1(θ). C'est-à-dire qu'il est possible de déterminer le temps mis par le solide pour tourner d'une angle donné autour du point central[2]. Cette équation du mouvement, la fonction réciproque de l'équation du temps de Kepler, se calcule très bien lorsque la force dérive d'un potentiel ainsi que l'on constatés Legendre et Cauchy.

Coordonnées cartésiennes

En coordonnées polaires l'accélération a pour expression:

\frac{\mathrm{d}^2\vec{r}}{\mathrm{d}t^2} = (\ddot{r}-r\dot{\theta}^2)\vec{u} + \left(r\ddot{\theta}+2(\dot{r}\dot{\theta})\right)\vec{v}

\vec{u} et \vec{v} forment une base tournante, c'est à dire \vec{u}\triangleq \cos\theta\vec{e_x} + \sin\theta\vec{e_y} et \vec{v}\triangleq -\sin\theta\vec{e_x} + \cos\theta\vec{e_y} et où \vec{e_x} et \vec{e_y} forment une base orthonormée cartésienne du plan de la trajectoire.

Du fait que l'accéleration est radiale, la projection de \frac{\mathrm{d}^2\vec{r}}{\mathrm{d}t^2} sur \vec{v} est nulle, on a donc r\ddot{\theta}+2\dot{r}\dot{\theta} = 0. En notant que \frac{\mathrm{d}r^2\dot{\theta}}{\mathrm{d}t} = r\cdot\left(r\ddot{\theta}+2\dot{r}\dot{\theta}\right), et donc que \frac{\mathrm{d}r^2\dot{\theta}}{\mathrm{d}t} = 0, on conclut que la constante des aires r^2\dot{\theta} est bien une constante.

Expression de l'énergie cinétique, effet centrifuge

Le calcul de l'énergie cinétique du point matériel M donne son expression :

E_c=\frac{1}{2}m\dot{r}^{2}+\frac{L^{2}}{2mr^{2}}.

qui se décompose en deux termes :

  • le premier est celui d'une particule de masse m effectuant un mouvement unidimensionnel (selon la direction de r),
  • le second est analogue à une énergie potentielle coulombienne répulsive qui agit comme une force centrifuge.

Cas d'une force centrale conservative

Pour simplifier le problème, on peut choisir une force centrale conservative, c'est-à-dire qu'elle dérive d'une énergie potentielle[3] V par la formule :

\vec F=-\vec{grad}(V).

C'est le cas, par exemple, du mouvement des planètes autour du soleil.

Énergie potentielle effective

D'après la loi de conservation de l'énergie, l'énergie totale E = Ec + V est une constante. Compte tenu de l'expression précédente de l'énergie cinétique, cette énergie totale se met sous la forme :

E=\frac{1}{2}m\dot{r}^{2}+U_{eff}(r)\quad\quad U_{eff}(r)= V(r)+\frac{L^{2}}{2mr^{2}} est appelée l'énergie potentielle effective.

Le phénomène est donc analogue à un mouvement unidimensionnel d'une particule fictive de masse m dans un potentiel Ueff(r). Ce potentiel fait apparaître, en plus de V, la force centrifuge introduite plus haut. Cela correspond donc à une compétition entre deux forces : par exemple, dans le cas du mouvement d'une planète, il y a compétition entre l'attraction vers le soleil, et la force centrifuge.

Cas d'un champ attractif

Dans le cas d'un champ attractif, le potentiel effectif Ueff(r) présente un puits de potentiel : il est fortement répulsif à courte distance d'après la "barrière centrifuge", et attractif à longue distance. Et comme r2 est toujours positif, on a nécessairement l'inégalité suivante :

E \ge U_{min},

Umin est la valeur minimale prise par le potentiel effectif (à la distance rm).

Le mouvement est alors différent selon les valeurs de Em.

  • Si E \ge 0, le corps peut s'éloigner à l'infini (mouvement non-borné)[4].
  • Si  U_{min} < E \le 0, le mouvement est borné entre les positions rmin et rmax. Le mouvement radial (selon r) est alors périodique : il présente une oscillation entre rmin et rmax.
  • Si E = Umin, la trajectoire est circulaire de rayon rm quelle que soit V(r).
  • Si E < Umin, le mouvement est impossible. En fait, dans le cas du champ coulombien attracteur, cette situation correspondrait à une énergie mécanique initiale insuffisante pour "satelliser" la particule.

Expressions générales des équations horaire et polaire

Le mouvement à force centrale conservative possède trois degrés de liberté : les coordonnées r et θ dans le plan du mouvement, et le temps t. De plus il existe deux constantes du mouvement : le moment cinétique \vec{L_{O}} et l'énergie mécanique E. Le problème possède alors une solution exacte qu'il est possible d'obtenir[5].

La solution peut s'écrire, soit par une équation horaire (r(t)), soit par une équation polaire (r(θ)). En effet, la loi des aires vue plus haut montre qu'il est possible d'interchanger t et θ. On étudie brièvement ces deux possibilités :

t-t_{0}=\int_{r\left (t_{0}\right )}^{r}{\frac{dr'}{\sqrt{\frac{2}{m}\left (E_{m}-U_{eff}\left (r' \right ) \right )}}}\,.
Par inversion il est possible d'obtenir la forme analytique de r(t). On peut alors utiliser cette valeur pour calculer θ(t) grâce à la constante des aires. Finalement, les lois horaires r(t) et θ(t) donnent l'équation paramétrée de la trajectoire en coordonnées polaires.
  • Si l'on ne cherche que la trajectoire, et pas l'évolution du mouvement dans le temps, on peut éliminer le temps t pour le remplacer par θ en utilisant la loi des aires. On obtient alors une autre équation différentielle de Newton dont l'on peut aussi trouver la solution :
\theta-\theta_{0} =\int_{r\left (\theta_{0} \right )}^{r}{\frac{Cdr'}{r'^{2}\sqrt{\frac{2}{m}\left (E_{m}-U_{eff}\left (r' \right ) \right )}}}.
On obtient ainsi l'équation polaire r(θ), c’est-à-dire l'équation de la trajectoire en coordonnées polaires.

Ces expressions intégrales peuvent être très complexes à évaluer directement. Dans certains cas, notamment celui du problème à deux corps, des techniques de résolutions plus simples que celle de l'évaluation explicite de l'intégrale peuvent être utilisées.

Possibilités d'orbites fermées

Dans le cas d'un mouvement borné, le mouvement radial (r(t)) est périodique, de période Tr. D'après le paragraphe précédent, l'équation horaire donne l'expression suivante :

T_{r}=2\int_{r_{min}}^{r_{max}}{\frac{dr}{\sqrt{\frac{2}{m}\left (E_{m}-U_{eff}\left (r \right ) \right )}}}\,,

rmin et rmax sont les rayons minimum et maximum accessibles.

Cela ne signifie pas que le mouvement global est périodique, donc que la trajectoire est une courbe fermée. En effet il faudrait pour cela qu'au bout d'un nombre entier n de périodes radiales Tr, l'angle θ ait effectué un nombre entier p de tours complets. On dit aussi que la période angulaire Tang doit être commensurable avec la période radiale Tr[6].

Or la variation Δθ de l'angle polaire θ pendant la période radiale Tr s'exprime par :

\Delta\theta =2\int_{r_{min}}^{r_{max}}{\frac{Cdr}{r^{2}\sqrt{\frac{2}{m}\left (E_{m}-U_{eff}\left (r \right ) \right )}}}.

D'après ce qui précède, la trajectoire sera fermée si et seulement si on a \Delta\theta=2\pi\frac{p}{n}. Ceci n'est vérifié, pour les champs conservatifs, que par deux types de forces centrales : la force en 1/r² (de type coulombien) et la force de rappel élastique (ce résultat constitue le théorème de Bertrand).

Remarques techniques 
  • L'existence de trajectoires fermées est associée à une symétrie, ce qui se manifeste par l'existence d'une constante du mouvement additionnelle. Par exemple, pour le champ coulombien, il s'agit du vecteur de Runge-Lenz.
  • En mécanique quantique, les champs présentant classiquement des orbites fermées exhibent une dégénérescence accidentelle de leurs niveaux d'énergie. Par exemple, pour le champ coulombien, alors que la théorie générale prévoit des niveau En,l, on obtient des niveau En ne dépendant que d'un seul nombre quantique. L'origine est une symétrie additionnelle du champ coulombien vis-à-vis des rotations de l'espace à 4 dimensions (groupe O(4))[7].
  • Soit P la projection de O sur la tangente à la trajectoire de M. La trajectoire de P est appelée la podaire de O. L'inverse de la podaire donne, à une rotation près, ce que l'on appelle l'hodographe. Réciproquement, l'antipodaire de l'inverse de la podaire redonne la trajectoire. Ainsi, l'orbite de l'espace des phases, dont la projection sur (O, x, y) est la trajectoire et dont la projection sur l'espace des vitesses (O, Vx, Vy) est l'hodographe, est donc très particulier. Newton accordant une attention toute particulière aux podaires et antipodaires. À cette époque, tout le monde savait que l'inverse d'un cercle était un cercle et l'antipodaire d'un cercle une ellipse. À une trajectoire elliptique de Kepler correspondait donc un hodographe circulaire. D'une manière ou d'une autre, les lois de Kepler ont été démontrées via cet hodographe circulaire. Plusieurs scientifiques pourraient être à l'origine de cette découverte : Newton dans ses brouillons perdus, comme il l'affirme en août 1684 à Halley, Hermann (1678 - 1733) dont on voit la démonstration dans la troisième édition des Principia, etc.

Notes et références

  1. Fondamentalement, le fait que le moment cinétique soit constant vient du fait que le problème est invariant sous l'action d'une rotation autour de \scriptstyle O et que l'on peut appliquer le théorème de Noether au groupe SO(3).
  2. C'est empiriquement ce que fait un cadran solaire analemmatique.
  3. Cette énergie potentiel ne dépend que de r car la force est centrale, et tend souvent vers 0 à l'infini.
  4. Cela exclut tout potentiel attractif qui ne tend pas vers une constante à l'infini.
  5. Voir Landau et Lifchitz, Physique théorique T1: Mécanique, 5ème édition Française, Ellipses-Marketing, 1994.
  6. On a alors dégénerescence du mouvement, voir Landau, op. cit., paragraphe 52.
  7. Voir Landau et Lifchitz, Physique théorique T3: Mécanique quantique, Mir, Moscou, 1988.

Voir aussi

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