Maladie de Charcot

Maladie de Charcot

Sclérose latérale amyotrophique

Sclérose latérale amyotrophique
Classification et ressources externes
CIM-10 G12.2
CIM-9 335.20
Stephen Hawking est l'un des malades les plus célèbres de la sclérose latérale amyotrophique

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot est une neuropathie relativement fréquente, de cause inconnue, de pronostic sombre. Elle concerne les deux sexes, et son incidence augmente avec l'âge à partir de 40 ans. Aux États-Unis, on la nomme aussi maladie de Lou Gehrig, du nom d'un joueur de base-ball renommé, mort de cette maladie en 1941.

Il ne faut pas la confondre avec une maladie de nom et de symptômes voisins, mais d'évolution moins grave, la maladie de Charcot-Marie-Tooth.

Anatomiquement, elle est due à une dégénérescence progressive des neurones moteurs du cortex cérébral et de la corne antérieure de la moelle épinière, associée à une destruction du faisceau pyramidal et du faisceau géniculé.

Sommaire

Historique

La maladie a été étudiée par Guillaume Duchenne de Boulogne dans les années 1850, qui pense que celle-ci n'est que musculaire. La première démonstration d'une atteinte de la moelle épinière est faite en 1853 par Cruveilhier au cours d'une autopsie, montrant une atrophie des racines antérieures. En 1860, Duchenne décrit cliniquement la forme bulbaire de la maladie et Jean-Martin Charcot démontre l'atteinte du bulbe dans ce cas. Ce dernier publie plusieurs cas d'atrophies musculaires et d'atteinte médullaire. En 1874, il présente ses conclusions dans ses douzième et treizième leçons, décrivant avec précision les symptômes et les lésions macroscopiques et microscopiques de la moelle[1].

La maladie

Cette pathologie comprend deux principales formes cliniques : une forme dite « spinale », débutant à la distalité des membres, et une forme dite « bulbaire », concernant environ un cinquième des cas[2], débutant dans les territoires d'innervation bulbaires (déglutition, phonation, motricité de la langue). Toutefois, l'évolution des atteintes tend à se généraliser à l'ensemble des territoires moteurs, et la distinction entre ces deux types n'est pas toujours évidente lors du diagnostic. Les femmes présentent statistiquement plus de formes bulbaires que les hommes.

Quels que soient les territoires concernés, la symptomatologie initiale se manifeste par la coexistence de troubles moteurs centraux (syndrome pyramidal : hyperréflexie, spasticité) et d'atteintes neurogènes périphériques – fasciculations, crampes, perte de force musculaire, fonte musculaire (« amyotrophie »). Il n'existe aucun trouble sensitif dans cette maladie.

L'évolution est capricieuse, pouvant s'étendre de quelques mois à plusieurs années (la durée moyenne étant inférieure à quatre ans). Elle se caractérise par une paralysie d'installation progressive, accompagnée d'amyotrophie. L'atteinte de la fonction respiratoire conditionne généralement le pronostic.

Un syndrome pseudo-bulbaire (rires et pleurs spasmodiques) peut survenir. Une atteinte des fonctions cognitives, à type de démence fronto-temporale (DFT), se rencontre parfois. Dans certaines formes héréditaires, un membre de la famille peut développer soit une démence, soit une SLA.

Il faut enfin distinguer les formes dites « sporadiques » (distribution au hasard dans la population) des formes familiales. Les premiers signes d'une SLA héréditaire surviennent statistiquement plus tôt (46 ans en moyenne) que les formes sporadiques (56 ans en moyenne).

Épidémiologie

L'incidence de la maladie est d'environ 1 pour 100 000 par an. Sa prévalence est de 5 à 7 pour 100 000[2]. Le pic d'incidence se situe entre 55 et 70 ans. Le rapport hommes/femmes est entre 1,3 et 2 (il tend à s'égaliser)[3]. 5% sont des formes familiales, la plupart étant de forme autosomique dominante[2].

Une augmentation globale de l'incidence, d'environ 50 % sur les 50 dernières années, est attribuée d'une part à l'augmentation de l'espérance de vie des populations, d'autre part à de meilleurs critères diagnostiques. Cependant, une participation environnementale n'est pas exclue.

Certaines localités du Pacifique sont connues pour avoir une très forte sur-incidence de SLA (île américaine de Guam, péninsule japonaise de Kii), associées à des syndromes démentiels et à la maladie de Parkinson. Elles ont engendré de nombreuses études, mais les intrications entre génotype, environnement et mode de vie ne sont toujours pas élucidées, pas plus que ne l'est le lien entre la SLA et les autres pathologies neurodégénératives.

Étiologie

Plusieurs mécanismes sont suspectés être à l'origine de l'atteinte spécifique des motoneurones :

  • une dérégulation cellulaire de la gestion du stress oxydatif, comme le montrent l'implication des gènes codant la superoxyde dysmutase (SOD) dans les formes familiales ;
  • un phénomène d'excito-toxicité : soit par excès de glutamate, soit par la présence de molécules « glutamate-like », soit par des mutations modifiant les récepteurs au glutamate ;
  • une dérégulation des mécanismes d'apoptose (mort programmée de la cellule).

Aucune cause n'a été cependant formellement établie.

SLA sporadiques

Elles concernent 90 % des personnes atteintes par cette maladie. Si de nombreuses études ont été réalisées à ce jour, aucun facteur de risque ne peut être retenu avec suffisamment de certitude pour permettre d'en affirmer la causalité.

Parmi ceux les plus fréquemment cités :

  • le métier d'agriculteur et/ou l'exposition aux pesticides ;
  • les traumatismes physiques importants et/ou le sport à haut niveau ;
  • l'exposition aux métaux lourds (hypothèse très discutée) ;
  • le tabac, une alimentation grasse ;

La plupart de ces facteurs de risque ont été mis en évidence grâce à des études cas/témoins basées sur de très faibles effectifs.
Suivant l'hypothèse d'une exposition environnementale, les anciens combattants de la guerre du Golfe atteints de SLA sont indemnisés (Veterans' Administration).

D'autre part, quelques hypothèses sont avancées :

  • rôle possible de l'entérovirus (cousin du poliovirus), dont une réactivation tardive expliquerait la maladie (plusieurs cas de SLA régressives après régénérescence de l'immunité ont été décrits chez des patients atteints du SIDA) ;
  • rôle possible d'une intoxication alimentaire par un acide aminé glutamate-like, la BMAA (bêta-N-méthylamino-L-alanine), qui est produite par la plupart des cyanobactéries, et dont l'ingestion à hautes doses chez des primates provoque un ensemble de neurodégénérescences compatibles avec la SLA ;
  • existence de gènes de susceptibilité à l'environnement, comme l'a montré une équipe ayant isolé un gène ne permettant pas une détoxification cellulaire adéquate.

Il est donc très difficile de faire la part des choses entre « cas sporadiques », « cas héréditaires à pénétrance incomplète » et « terrain de susceptibilité génétique », d'autant plus que les gènes responsables des formes familiales reconnues comme telles ne sont, pour la plupart, pas encore isolés.

SLA familiales

Environ 5% des personnes atteintes par cette maladie ont un membre de leur famille atteint permettant de parler de sclérose latérale amyotrophique héréditaire. On classe dans ce cas la sclérose latérale amyotrophique en fonction du mode de transmission et du gène impliqué.

Transmission autosomique dominante

Il s'agit de la forme la plus fréquente. Des mutations sur le gène SOD1 d'une dismutase, située sur le chromosome 21 ont été retrouvée dans 10 à 20% des cas.

Transmission autosomique récessive

Elle est plus rare, concernant surtout certaines populations de l'Afrique du Nord[4] La transmission autosomique récessive comprend actuellement trois gènes identifiés :

Fréquence Gène Chromosome Protéine
Rare ALS2 15q15.1-q21.1 Alsine
Rare 2q33
Rare SPG20 13q12.3 Spartine

Transmission liée à l'X

  • Une S.L.A à transmission liée à l' X a été trouvée dans une famille [5].

Diagnostic

Des critères de diagnostic stricts ont été établis principalement pour la recherche [6] :

  • preuves évidentes cliniques, électriques ou anatomo-pathologiques d'atteinte du neurone moteur périphérique et preuves cliniques d'atteinte du neurone moteur central et apparition progressive de signe clinique dans d'autres régions avec
  • l'absence de signes électriques ou anatomo-pathologiques pouvant expliquer une atteinte du neurone moteur périphérique et/ou central et une imagerie cérébrale ne permettant pas d'expliquer les signes cliniques ou électriques.

L'examen neurologique doit mettre en évidence des signes d'atteinte du neurone moteur périphérique et /ou central dans au mois quatre régions : tronc cérébral, cervical, thoracique et lombaire.

Parmi les signes cliniques, on constate l'aspect des mains en mains de singe, correspondant à une amyotrophie des muscles interosseux, sans que l'agilité soit altérée.

Examens complémentaires

Les examens complémentaires servent surtout à éliminer un éventuel diagnostic différentiel.

  • Électromyogramme : il retrouve un syndrome neurogène périphérique diffus, sans ralentissement des vitesses de conduction ni bloc proximal. Il confirme la clinique, détecte des atteintes infracliniques et écarte d'autres neuropathies périphériques.
  • IRM de la moelle : normale (ce qui permet d'éliminer les atteintes mécaniques de la moelle épinière).
  • Analyse du liquide céphalo-rachidien par ponction lombaire : normale.
  • Les CPK sont augmentées.
  • Les enzymes hépatiques sont perturbées.
  • Le scanner montre une absence de compression médullaire.

Évolution

Elle se fait vers une dégradation inexorable, aboutissant dans 50% des cas au décès dans les trois ans après le début de la maladie[3], même si des survies prolongées sont possibles.

Traitement

Le riluzole est le seul traitement dont l'efficacité est reconnue à ce jour. Etudiée depuis 1996, elle reste cependant modérée avec une prolongation de la vie de l'ordre de quelques mois[7]. Cependant, d'autres molécules sont actuellement à l'essai.

Le traitement est donc essentiellement symptomatique :

  • kinésithérapie et ergothérapie (appareillage spécifique pour ralentir la progression du déficit moteur),
  • orthophonie pour les troubles dysarthriques (troubles moteurs affectant la réalisation de la parole) et de déglutition,
  • lutte contre les infections bronchiques par antibiothérapie (afin d'éviter l'aggravation d'une altération de la fonction respiratoire),
  • traitement médicamenteux symptomatique des crampes et de la spasticité liée au syndrome pyramidal,
  • gastrostomie en cas de troubles sévères de la déglutition, voire pose d'une sonde gastrique à demeure,
  • ventilation mécanique en cas d'atteinte du muscle de la respiration, le diaphragme. La mise en place d'une ventilation non invasive (par masque) permet un confort plus important et une durée de vie substantiellement allongée[8].
  • prise en charge du syndrome dépressif fréquent.

Voir aussi

Divers

Outre Lou Gehrig, le physicien Stephen Hawking, le mathématicien Fokko du Cloux, le médecin Roy Walford, l'acteur David Niven et le guitariste Jason Becker sont (ou ont été) atteints de la maladie. C'est aussi le cas de l'écrivaine française Florence Bouhier et de l'écrivain Bernard Lenteric, ainsi que de l'Historien de l'Art Daniel Arasse.

Sources

Références

  1. Dupont JC, La fondation de la neurologie, Les Génies de la science, 2008;7:42-51
  2. a , b  et c McDermott CJ, Diagnosis and management of motor neurone disease, Shaw PJ, BMJ, 2008;336:658-662
  3. a  et b Mitchell JD, Borasio GD, Amyotrophic lateral sclerosis, Lancet, 2007;369:2031-2041
  4. Figlewicz DA, Orrell RW, The genetics of motor neuron diseases, Amyotroph Lateral Scler Other Motor Neuron Disord 2003;4:225–231
  5. Hong S, Brooks BR, Hung WY, et al (1998) X-linked dominant locus for late-onset familial amyotrophic lateral sclerosis. Abstr Soc Neurosci 24:478
  6. Brooks BR, Miller RG, Swash M, Munsat TL (2000) El Escorial revisited: revised criteria for the diagnosis of amyotrophic lateral sclerosis. Amyotroph Lateral Scler Other Motor Neuron Disord 1:293-9
  7. Miller RG, Mitchell JD, Lyon M, Moore DH Riluzole for amyotrophic lateral sclerosis (ALS)/motor neuron disease (MND), Cochrane Database Syst Rev 2007(1):CD001447
  8. Bourke SC, Tomlinson M, Williams TL, Bullock RE, Shaw PJ, Gibson GJ, Effects of non-invasive ventilation on survival and quality of life in patients with amyotrophic lateral sclerosis: a randomised controlled trial, Lancet Neurology, 2006;5:140-7

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