Littérature acadienne

Littérature acadienne

On appelle littérature acadienne la littérature produite par les Acadiens, principalement en Acadie[note 1].

Sommaire

Origines

Régime français

Article connexe : Acadie (Nouvelle-France).

L'Acadie fut fondée en 1604 par Pierre Dugua de Mons. Jean de Poutrincourt s'est par la suite vu confier le titre de lieutenant-gouverneur de l'Acadie, avec certaines exigences dont apporter des colons. C'est ainsi qu'en 1606 il apporte des dizaines d'artisans, quelques notables ainsi que l'avocat Marc Lescarbot. Lors de son séjour d'un an, ce dernier donnera naissance à la littérature acadienne à Port-Royal[1]. Dans ses textes, Lescarbot tente d'expliquer l'insuccès des expéditions précédentes et en profite aussi pour démolir plusieurs mythes tenaces sur l'Amérique, alors qu'il crée lui-même le mythe de l'Acadie en tant que Terre promise[2].

Pour Nicolas Denys, le mythe de se résume à l'abondance: il compare l'Acadie au pays de Cocagne[1]. En 1672, ruiné et âgé de 74 ans, il publie Description géographique et historique des costes de l'Amérique Septentrionale. Avec l'histoire naturelle du Païs., où il critique ceux qui l'ont empêché à réaliser son rêve tout en incitant à reprendre le flambeau et concluant en expliquant que l'Acadie ne se développera et sera abandonnée aux ennemis de la France si les querelles ne cessent pas[1]. Dière de Dièreville visite Port-Royal en 1699 et est déçu de son état et de la pauvreté de la population, contrastant avec la « fausse représentation » qu'on lui a fait de l'Acadie[3]. Bien qu'il soit écrit à l'origine en vers, son texte Relation du Voyage du Port Royal de l'Acadie (1708) donne une vision généralement juste de la faune, de la flore mais surtout de la vie quotidienne en Acadie[3]. De son texte, il ressort l'insouciance et la belle humeur de la colonie, bien que l'auteur s'interroge sur le désintéressement du roi face à sa colonie même si la population lui reste fidèle[3]. Dans ses Mémoires (1716), Robert Charles, défenseur des moins nantis aux idées avant-gardistes, dénonce lui aussi cette situation et propose une politique qui transformerait la Nouvelle-France « en une espèce de royaume aussi florissant que la vieille France européenne »[4]. Son style rapide et incisif reprend à la fois l'enthousiasme de Lescarbot et la confiance de Denys[4].

En 1616, le jésuite Pierre Biard publie Relation de la Nouvelle-France. Faisant probablement référence à Lescarbot, il désire détruire les illusions créées par les récits antérieurs; il dépeint pourtant une belle colonie offrant de grande possibilités, dont la France doit continuer la colonisation et l'évangélisation[4]. Ce texte fournit des informations précieuses sur son désaccord avec les seigneurs de Port-Royal, sur les débuts de la lutte entre la France et l'Angleterre pour la domination de l'Amérique du Nord ainsi que sur les difficultés et espoirs de l'évangélisation des Amérindiens[4]. Plusieurs missionnaires partageront par la suite sa conviction de l'importance de bien connaître les langues amérindiennes. Chrétien Le Clercq aurait même inventé les hiéroglyphes micmacs durant sa mission de 10 ans en Gaspésie[5],[réf. insuffisante]. Dans Nouvelle Relations de la Gaspésie (1691), il dépeint ensuite de façon imagée et avec beaucoup de sensibilité les coutumes des Micmacs[5].

Régime britannique

Article connexe : Nouvelle-Écosse.

Après la cession de l'Acadie à l'Angleterre en 1713, aucun Français ne publie sur la colonie[5]. Par contre, l'île Royale et l'île Saint-Jean (les actuelles île du Prince-Édouard et île du Cap-Breton) restent possessions française et des missionnaires et des administrateurs écrivent aux Acadiens et au gouvernement pour leur proposer des solutions[5]. Malgré les observations perspicaces de Louis Franquet dans ses comptes rendus de voyages aux îles Royale et Saint-Jean (1751) et au Canada (1752 et 1753), le gouvernement ne change pas d'attitude envers ses colonies[5]. La situation politique trouble et la lente croissance de la population depuis la fondation de la colonie expliquent le faible nombre de textes produits par les Acadiens durant cette période[6].

Grand Dérangement

Article connexe : Déportation des Acadiens.

Entre 1755 et 1763, la population acadienne est déportée. Contrairement à la période précédente, plusieurs auteurs français écrivent alors sur l'Acadie. L'abbé François Le Guerne, qui sera le seul prêtre catholique en territoire britannique durant deux ans, décrit avec émotion l'entêtement des Acadiens à vouloir rester dans un endroit qui était, jusque-là, « un paradis sur terre »[7]. Après la Déportation, la littérature prend du temps à réapparaître mais la tradition orale reste florissante[6]. Par contre, le thème de la Déportation et de l'exil est peu présent dans les contes, les légendes, les complaintes et les chansons[7]. Les lettres de Vénérande Robichaud à son frère Otho, dont toute la famille fut déportée à Boston, témoignent du tiraillement des exilés entre leur familles éparpillées et leur conditions de vie[7]. D'autres lettres, celles de Mathurin Bourg et des missionnaires canadiens français nous informent sur le travail difficile des prêtres, sur les mauvaises conditions de vie mais aussi sur la lente réorganisation de la société acadienne[7]. Durant leurs exil, les Acadiens envoient de nombreuses pétitions aux gouvernements, qui peuvent être considérées comme le début de la littérature acadienne[8]. Ces pétitions contribuent à la survie du mythe de l'Acadie comme Terre promise, plus tard remplacée par la Louisiane comme destination mais nom dans la conscience collective des premières générations[8].

Ce sont des auteurs étrangers qui les premiers créent le mythe de l'Acadie perdue ainsi que d'un peuple martyr, résigné et fidèle[7]. La première œuvre importante est Évangéline de l'Américain Henry Longfellow, publiée en 1847. Longfellow décrit les Acadiens d'une façon qui rappelle Dièreville à ceci près qu'ils sont devenus propriétaires terriens et possèdent un vaste cheptel[9]. Le texte débute par les fiançailles d'Évangéline et de Gabriel. Le lendemain, les Britanniques annoncent la Déportation, mettant à l'âge d'or du peuple acadien et séparant les deux amoureux. Évangéline part alors à la recherche de Gabriel tandis que ce dernier ère pour oublier sa peine. Ils se manquent de justesse en Louisiane, où de nombreux Acadiens ont trouvé refuge. À un âge avancé, Évangéline met fin à ses recherches et devient religieuse dans un hôpital de Philadelphie, où elle retrouve finalement Gabriel, qui est mourant. Le poème est un succès immédiat et suscite des discussions sur la véracité des faits décrits, ce qui attire l'attention des Européens et des Américains sur le sort des Acadiens[9].

Le roman Jacques et Marie de Napoléon Bourassa fut publié sous la forme d'un feuilleton l'année même de la publication de la version française d’Évangéline, en 1865, et il est probable qu'il ait été plus lu en Acadie que le poème de Longfellow[9]. Quoi qu'il en soit, l'influence de Longfellow et de Bourrassa sur la littérature acadienne est indéniable[10]. L'importance d'Évangéline est telle que le poème contribue à la renaissance acadienne et est adoptée par les Acadiens comme un symbole national[9]. De nombreux autres auteurs ont entretemps publié des romans sur le sujet de la Déportation[7]. En 1859, le Français François-Edme Rameau de Saint-Père écrit La France aux colonies: Acadiens et Canadiens. Il y exprime sa foi dans un réveil du peuple acadien et propose en quelque sorte un plan qui en assurerait la survie[10]. Rameau suscite tant d'intérêt en Acadie qu'il y fait deux voyages, alors que ses textes sont publiés dans les journaux locaux, qui le qualifient par ailleurs de bienfaiteur et de grand ami des Acadiens[10]. L'influence de Rameau dans la littérature acadienne perdurera jusqu'au milieu du XXe siècle[10]. Par ailleurs, le programme qu'il propose influence toute une génération, qui culmine par les Conventions nationales acadiennes[10].

Renaissance acadienne

Avec la fondation d'écoles et de collèges au XIXe siècle, puis les Conventions nationales acadiennes, les Acadiens et leur clergé commencent à redécouvrir leur identité et leurs aspirations dans un monde d'anglophones[6]. C'est à cette époque que commencent à publier des prêtres écrivains tels que : Philéas-Frédéric Bourgeois, Alexandre Braud et André-Thaddée Bourque. La redécouverte de l'histoire de l'Acadie a donné lieu à un nombre important de textes, en particulier ceux de Placide Gaudet, de Joseph-Fidèle Raîche et de Pascal Poirier[6]. Jusqu'aux années 1960, la littérature acadienne est dominée par le débat nationaliste[6].

Époque nationaliste

Au XXe siècle, le nationalisme devient moins important et plusieurs auteurs dont Antonine Maillet se penchent sur d'autres sujets[6].

Antonine Maillet, l'auteur acadienne la plus populaire, lauréate du prix Goncourt en 1979 pour son roman Pélagie-la-charrette.

Plusieurs auteurs de la diaspora publient durant les années 1940, 1950 et 1960, dont Eddy Boudreau, Donat Coste [pseudonyme de Daniel Boudreau] et Ronald Després. Dès 1966, les plus jeunes auteurs remettent en question les valeurs traditionnelles ; ce mouvement est amplifié par la Révolution tranquille au Québec, par les réformes de Louis Robichaud au Nouveau-Brunswick, par les grèves étudiantes et par le succès phénoménal de La Sagouine d'Antonine Maillet[6]. La poésie est la première forme littéraire à suivre cette tendance[6]. Le roman est dominé par l'œuvre d'Antonine Maillet mais de nombreux autres auteurs sont à remarquer[6].

Post-nationalisme

Depuis le milieu des années 1980, la littérature acadienne se porte très bien, ce qu'illustre le nombre grandissant des maisons d'éditions et la reconnaissance dont elle jouit tant en Amérique qu'en France[6]. Les œuvres sont de genres variés et la littérature pour enfants se développe[6].

Acadieman est l'une des premières bandes dessinées acadiennes, créée par Daniel « Dano » Leblanc au début des années 2000[11]. La série est adaptée en série animée et diffusée à partir de 2005. Suite au succès important de la série, le long métrage Acadieman vs. le C.M.A. est réalisé en 2009.

Jean-François Gaudet et Hugues Poirier ont créé la collection Le tour du Québec en BD et le troisième épisode, intitulé Les Aventures de Winnyfred : La Grande virée acadienne, paraît en 2009.

Littérature cadienne francophone

Dès l'arrivée en Louisiane, les Acadiens voient leur société divisée par différents facteurs. Une minorité d'exilés adopte le capitalisme fondé sur l'esclavage, leur permettant d'amasser plus de richesse et de s'intégrer aux classes sociales plus aisées[8]. De plus en plus de personnes se considèrent alors comme des Créoles ou des Américains, et non des Cadiens[8]. Au fil des décennies, la culture cadienne devient associée à l'ignorance et à la pauvreté[8]. En 1916, une loi impose l'éducation obligatoire en anglais[8]. En 1900, 85% des habitants du sud-ouest de la Louisiane sont francophones et cette proportion passe à 50% en 1950 puis à moins de 12% en 1990, d'autant plus qu'à cette année la plupart des francophones sont âgés de plus de 60 ans[8]. La littérature cadienne francophone à proprement parler est née en 1980 lorsque Jean Arcenaux a publié Cris sur le bayou[8]. Le premier Congrès mondial acadien, en 1994, a ensuite donné un sérieux coup de pouce à la francophonie louisianaise[8]. Un organisme dédié à la promotion de la langue française en Louisiane, Action Cadienne, a été mis sur pied en 1996. Plusieurs échanges ont aussi été organisés entre la Louisiane et l'Acadie du Nord[8]. Les Éditions d'Acadie, basées au Nouveau-Brunswick, ont publié Lait à mère de David Cheramie[8]. Les Éditions Perce-Neige, aussi du Nouveau-Brunswick, ont lancé la collection « Acadie tropicale », dont le premier titre fut Faire récolte, de Zachary Richard, suivi par Suite du loup, de Jean Arceneaux et À cette heure, la louve, de Debbie Clifton[8]. Cette dernière a également écrit en créole louisianais, étant elle-même créole[8].

Notes et références

  • Notes:
  1. L'Acadie comprend grosso modo le nord et l'est de la province canadienne du Nouveau-Brunswick ainsi que des localités plus isolées à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Au sens large, l'Acadie fait aussi référence aux communautés de la diaspora acadienne situées au Québec et aux États-Unis; des personnes d'ascendance acadienne se retrouvent également en France, aux îles Malouines et dans les Antilles. L'Acadie n'est pas reconnue officiellement mais formerait une nation par sa langue, sa culture, ses institutions et ses symboles.
  • Références:
  1. a, b et c Raoul Boudreau (dir.) et Marguerite Maillet, Littérature acadienne, L'Acadie des Maritimes, Moncton, Centre d'études acadiennes, Université de Moncton, 1993, 707 p. (ISBN 978-2-921166-06-5) .
  2. Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 708.
  3. a, b et c Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 709.
  4. a, b, c et d Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 710.
  5. a, b, c, d et e Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 711.
  6. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Yves Bolduc, Léonard E. Doucette et Marc Johnson, « Culture de l'Acadie - Littérature » sur L'encyclopédie canadienne
  7. a, b, c, d, e et f Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 712.
  8. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Zachary Richard, L'émergence d'une littérature française en Louisiane,
  9. a, b, c et d Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 713.
  10. a, b, c, d et e Boudreau et Maillet (1993), op. cit., p. 714.
  11. Accueil sur Éditions Court-Circuit. Consulté le 16 novembre 2009.

Voir aussi

Bibliographie

  • Marguerite Maillet, Histoire de la littérature acadienne : de rêve en rêve, Moncton, Éditions d'Acadie, 1983 .

Articles connexes

Liens et documents externes


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