Les arts, l'architecture et le Jaïnisme

Les arts, l'architecture et le Jaïnisme

Influence du jaïnisme dans les arts et l'architecture

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Les jaïns ont également beaucoup contribué au développement des arts. Ils ont, eu égard leur nombre, accru de façon remarquable et caractéristique la réputation de l'Inde, dans plusieurs domaines artistiques.

Temple jaïna, Ranakpur, Rajasthan, Inde

Sommaire

L'architecture

Les jaïns n'ont pas créé un type d'architecture particulier, car ils ont toujours adopté les traditions des constructions indiennes locales. Par exemple, dans le nord, ils ont suivi le style vaishnava et dans le sud le style dravidien. Leurs stûpa ne se distinguent pas, par leur forme, de ceux des bouddhistes et leur flèche curvilinéaire est identique, dans sa silhouette, à celle des temples brahmaniques[1].

Bien qu'ils n'aient pas créé un style à eux, on doit cependant dire, à leur crédit, qu'ils ont produit des exemples architecturaux nombreux et des plus raffinés, dans différents endroits de l'Inde. A cet égard, il est évident qu'ils ont manifesté, plus qu'aucune autre religion du pays, leur grand amour du pittoresque, dans la sélection des sites, pour la construction de leurs édifices religieux, tels que temples, villes-temples, grottes-temples, stûpa, piliers, et tours.

Les temples

Les Jaïns ont érigé leurs temples, soit sur le haut de collines isolées, soit dans des vallées profondes et reculées et, comme ils considèrent que leur construction est un acte méritoire, ils en ont édifié un nombre inhabituellement important, dans toute l'Inde, et aujourd'hui dans le monde entier. Environ 90% de ceux-ci sont des dons de simples particuliers riches et, de ce fait, ils se distinguent par leurs détails minutieux et par leur exquise finesse.

Parmi ces innombrables temples, les deux, en marbre, du Mont Abu, au Râjasthân, sont considérés comme leurs réalisations les plus remarquables.

Ils passent pour des modèles inégalés du style occidental, ou gujarati, caractérisé par une large utilisation de colonnes ciselées, d'une richesse inimaginable, par des chapiteaux magnifiques et par des plafonds, en marbre, exquis, avec des pendentifs en saillie. La beauté et la délicatesse de leurs ciselures et la richesse de leur ornementation sont bien connus. Comme Cousens le fit remarquer: « la somme de détails ornementaux splendides que l'on trouve dans ces temples, dans la décoration, minutieusement ciselée, des plafonds, des piliers, des portails, des caissons et des niches, est tout simplement merveilleuse. Le traitement nervuré, fin, translucide comme de la coquille, du marbre, surpasse tout ce que l'on peut voir ailleurs. Certains ornements sont de véritables rêves de beauté. L'œuvre est si délicate qu'une ciselure ordinaire aurait été désastreuse. On prétend que beaucoup a été réalisé en grattant le marbre et que les sculpteurs étaient payés à la quantité de poussière ainsi enlevée. »[2]

Le temple jaïna de Ranâkpur, au Râjasthân, dans le Mewar, construit en 1440 après J.C., est le plus vaste, le plus complexe et le plus complet pour le rituel. Il couvre une superficie de 4500 mètres carrés environ et, sur la qualité de sa construction, J. Fergusson, historien d'art renommé, fait remarquer que: « Le nombre immense de parties du bâtiment et leur petitesse générale ne lui permettent pas de se réclamer d'une grandeur architecturale, mais la variété de ces parties, leur beauté dans les détails (il n'y a pas deux colonnes dans tout l’édifice qui soient exactement pareilles), la grâce avec laquelle elles ont été disposées, le mélange plein de goût des dômes de différentes hauteurs, avec des plafonds plats, et la façon dont la lumière pénètre, se combinent pour produire un effet excellent. Vraiment, je ne connais aucun édifice, en Inde, de la même classe, qui laisse une si agréable impression ou qui apporte tant de suggestions pour l'arrangement gracieux des colonnes dans un intérieur »[3].

Extérieur du temple jaïna de Ranakpur

Les autres temples superbes sont ceux de Parshvanâtha à Khajurâho dans le Bundelkhand au Madhya Pradesh, de Lakkundi dans le nord du Karnâtaka, de Jinanâthapura Basadi près de Shravanabelgola dans le sud du Karnâtaka, de Seth Hathisinghi à Ahmedabad et de Hose Vasadi à Mûdabidri, dans le Karnâtaka également.

Pour ce qui est du nombre de ces très beaux temples, on peut signaler qu'il a été considérablement réduit, car leur structure était telle qu'ils pouvaient être facilement convertis en mosquées. Leur style à colonnes, très lumineux, a non seulement permis de fournir aux musulmans les matériaux le plus souvent adoptés pour cela, mais a aussi donné, à leurs architectes, des idées dont ils ne tardèrent pas à se servir. Ainsi, les grandes mosquées, très belles, d'Ajmer, de Delhi, de Kanauj et d'Ahmedabad, sont de simples reconstructions sur des temples hindous ou jaïna.

les villes-temples

Le fait de regrouper leurs sanctuaires dans ce que l'on peut qualifier de « villes-temples » est une particularité que les jaïns ont pratiquée, à un degré plus étendu qu'aucune autre religion, en Inde.

On trouve, parmi d'autres, de telles villes-temples à Shatrunjaya ou Palitânâ et Girnâr au Gujarat, à Sammed-Shikkar au Bihar, à Sonâgiri au Madhya Pradesh, à Muktâgiri dans le Vidarbha, à Kunthalgiri au Mahârâshtra, à Shravanabelgola dans le district d'Hassan et à Mûdabidri dans le district du Kanara sud au Karnâtaka.

Les grottes-temples

Comme les bouddhistes, les jaïns ont construit plusieurs temples creusés dans des grottes, depuis des époques très anciennes, mais leurs dimensions sont plus petites que celles des bouddhistes, car ceux-ci ont donné une prééminence au rite collectif sur le rite individuel. Les grottes-temples les plus nombreuses sont dans les monts Udayagiri et Khandagiri, dans l'Orissa. Le pittoresque de leurs formes, le style de leurs sculptures et leurs détails architecturaux, joints à leur grande ancienneté, font de ces temples les plus importants de l'Inde. Ils datent, avec ceux de Junagadh dans le Gujarat, du IIe siècle avant J.C. Les autres sont plus tardifs. Parmi ces derniers, les plus importants se trouvent à Aihole et à Bâdâmi dans le district de Bijapur au Karnâtaka, à Ankâi et à Pâtna dans le district de Khandesh au Mahârâshtra, à Ellora et à Oosmanabad dans le Marathwada, à Chamâr Lenâ près de la ville de Nasik au Mahârâshtra et à Kalugumalai dans le district de Tinnevelly au Tamil Nadu.

Les stûpa

Comme les bouddhistes, les jaïns ont aussi érigé des stûpa en l'honneur de leurs saints, avec leurs accessoires de clôtures, de portes décorées d'ombrelles en pierre, de piliers finement sculptés et d'abondantes statues. Des restes anciens de stûpa ont été découverts dans le tertre de Kankâlî, près de Mathura, dans l'Uttar Pradesh. On pense qu'ils remontent au Ier siècle avant J.C.

Les piliers

Un autre apport remarquable des jaïns, sur le plan architectural, est constitué par l'érection de nombreux piliers (stambha), de forme agréable et d'une grâce particulière, que l'on trouve accolés à beaucoup de leurs temples.

Colonnes de marbre

James Fergusson a dit, à propos de ces piliers, qu'il semble que c'est la cause des propensions iconoclastes des musulmans qu'on ne les trouve pas souvent là où ils s'élevaient autrefois, mais, que ce soit pour cette raison ou pour une autre, on les voit, le plus fréquemment, dans le sud de l'Inde.

Au sujet de ceux qui se trouvent dans le district du Kanara sud au Karnâtaka, le chercheur, Mr. Walhouse, fait remarquer que « l'ensemble du faîte et du baldaquin sont une merveille de lumière, une œuvre élégante de pierre très décorée que rien ne peut surpasser ». Il ajoute que « la grâce de ces beaux piliers, leurs proportions, leur adaptation parfaite à l'environnement, et leur riche décoration ne heurtent jamais »[4].

D'après une autre éminente autorité en matière d'architecture, le Dr. Vincent Smith, « dans tout l'art indien, il n'y a rien qui puisse égaler ces piliers, dans le district de Kanara, en matière de bon goût.[5] »

les tours

Les jaïns, spécialement ceux du nord de L'Inde, ont construit un grand nombre de belles tours qui sont dédiées à leurs Tîrthankara. Il y en a encore une qui orne Chittor, dans le Mewar, au Râjasthân. Elle est considérée comme l'un des monuments les mieux préservés du pays. C'est un spécimen, particulièrement élégant, de 23 mètres de hauteur environ. Elle est ornée de sculptures et de profilés de la base au sommet. Construite au XIIe siècle, elle est dédiée à Adinâtha, le premier Tîrthankara. Des représentations nues de lui sont répétées cent fois, sur le devant de cette tour.

La sculpture

L'innombrable quantité de sculptures jaïna, que l'on trouve pratiquement dans toute l'Inde, prouve qu'elles ont été réalisées à une époque très ancienne. Les plus courantes, jusqu'à nos jours, sont constituées de statues de Tîrthankara. Toutefois, aucune place n'a été laissée au libre cours de l'imagination des sculpteurs, d'une façon générale, pour ce qui est de la forme et de la pose, qui sont prescrites depuis l'origine par la religion jaïna. Toutes sont pratiquement semblables. On ne peut, de ce fait, les distinguer par leur style, quelle que soit l'époque à laquelle elles remontent, et l'endroit où on les trouve.

Ces statues sont réalisées dans toutes les tailles et en toutes sortes de matériaux. Elles ont, presque toujours, la même attitude debout ou assise; les petites sont en cristal, en albâtre, en stéatite, en sanguine, et en diverses autres matières précieuses ou semi-précieuses, les grandes étant taillées dans les différentes sortes de pierres trouvées localement.

Statue de « Bahubali » à Shravanabelagola

Les statues jaïna les plus remarquables sont incontestablement les célèbres colosses de l'Inde du sud. Ce sont les plus grandes de toute l'Asie. Il y en a trois, dans l'État du Karnâtaka, respectivement à Shravanabelgola, érigé en 981 après J.C., qui mesure 18 mètres de haut, à Kârkala, érigé en 1432, qui mesure 13 mètres de haut, et à Yenûra ou Venûra, érigé en 1604, qui mesure 11 mètres de haut. Ces trois colosses représentent le Seigneur Bâhubali, le fils du premier Tîrthankara Âdinâtha, ils sont placés sur des endroits élevés et on les voit à des kilomètres à la ronde. Malgré leur formalisme, ils provoquent le respect, en raison de leur masse énorme et de leur expression de sérénité digne. Ces trois statues sont considérées, par James Fergusson et Vincent Smith, comme les œuvres les plus remarquables de l'art en Inde du sud.

La sculpture décorative

Vincent Smith juge inégalées les réalisations des jaïns dans le domaine de la sculpture décorative, distincte de la sculpture individuelle. Il dit: « Les Jaïns ont encouragé un travail d'un niveau élevé en excellence et en beauté pour orner, de façon absolument magnifique, les pièces à colonnes qui constituent leur forme d'architecture favorite. Rien au monde ne peut surpasser, en finesse et en richesse dans les détails, les colonnes de marbre et les plafonds des Monts Abu. On pourrait remplir un gros livre de reproductions de leurs œuvres, plus ou moins semblables, et aussi exquises, qui se trouvent dans de nombreuses localités »[6].

La peinture

Les jaïns ont, comme pour l'architecture et la sculpture, contribué, dans une large mesure, au développement de l'art pictural en Inde. Leur tradition en la matière est aussi ancienne que celle de la peinture bouddhique. On peut trouver une quantité innombrable de leurs œuvres, d'une qualité extraordinaire, sur des murs, sur des feuilles de palmier, sur du tissu, sur du bois, etc. Ils possèdent un très important trésor de peintures à la main, dans le style indien occidental, quelquefois appelé « style du Gujarat », ou plus spécifiquement « style jaïna ».

La vie politique

Les jaïns se sont aussi distingués en apportant leur soutien actif à la vie politique et économique, en Inde. Ils ont donné, plus particulièrement dans le sud et dans l'ouest du pays, un très grand nombre d'éminents et d'efficaces monarques, ministres, généraux, et ils ont ainsi contribué à soutenir et à améliorer l'importance politique du peuple. Ainsi, au Bihar, Vaishali, ville qui vit naître et grandir Mahâvîra, accueillit dès le VIe siècle av. J.-C. l'une des premières républiques démocratiques de l'histoire de l'humanité. Non seulement, les jaïns ordinaires, mais aussi les Âchârya, les maîtres, ont matériellement aidé à créer l'environnement particulier, fondé sur la culture de la non-violence, indispensable à l'essor de la vie politique.

D'une façon générale, les ascètes jaïna n'ont jamais été indifférents aux questions qui concernent le monde. Si le jaïnisme occupe une large place, dans l'histoire de l'Inde, c'est en raison, pour une grande partie, de l'intérêt considérable manifesté par les saints Âchârya pour les questions politiques. Nous savons, par Mégasthène, que déjà, au IVe siècle avant J.C., les communautés d'ascètes jaïna, qui vivaient dans les bois, étaient fréquemment consultées sur la cause des choses, par les messagers des rois. Dans le Karnâtaka, le jaïnisme est l'exemple d'une religion qui montre que les principes religieux (dans le cadre du jaïnisme, la non-violence) peuvent être appliqués, sans sacrifier les exigences politiques, lorsque la revitalisation du pays le nécessite. Les Âchârya jaïna ont été, dans cette région, des créateurs de royaumes, notamment celui des Ganga, au IIe siècle après J.C., et celui des Hoysala, au XIe siècle[7].

Il est certain qu'en raison de l'action des jaïns, depuis tant de siècles, la non-violence constitue le substrat du caractère indien dans son ensemble. Le Mahâtmâ Gandhî, comme nous le verrons, fut particulièrement influencé par le jaïnisme et ses enseignements, et cela est une preuve supplémentaire du « poids » politique des jaïns.

Références/Sources/Bibliographie

  • P. Amiel " Les Jaïns aujourd"hui dans le monde", L'Harmattan (2003) ISBN 2-7475-5354-X.
  • Dayanand Bhargave, Jaïna Ethics.
  • Colette Caillat, Les Expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna, De Boccard (1965).
  • C. et Kumar Caillat, La Cosmologie jaïna, Chêne/Hachette (1981) ISBN 2 85108 290 6.
  • Bool Chand, Mahâvîra, le Grand Héros des Jaïns, Maisonneuve et Larose ( 1998) 2 7068 1326 1.
  • A. Chakravarti, The Religion of Ahimsâ.
  • A. Guérinot, La Religion Djaïna, Paul Geuthner, (1926), ASIN : B0000DY141.
  • P. Letty-Mourroux, Une nouvelle approche du Jaïnisme.
  • P. Letty-Mourroux, Cosmologie Numérique Teerthankara.
  • J.P. Reymond, L'Inde des Jaïns.
  • N. Tiffen, Le Jaïnisme en Inde, Weber, Genève, (1990), ISBN : 7047440631.
  • Vilas Adinath Sangave, Le Jaïnisme, Maisnie, Tredaniel, (1999), ISBN : 2844450784.
  • N. Shanta, La Voie jaina, Œil, (1990), ISBN : 2868390269.

Références

  1. dans une nouvelle approche du Jaïnisme de P.Letty-Mourroux
  2. dans le Jaïnisme de Vilas Adinath Sangave
  3. dans le Jaïnisme de V.A.Sangave
  4. dans la religion Djaïna de A.Guérinot
  5. dans le jaïnisme de V.Sangave
  6. dans le Jaïnisme de Vilas Adinath Sangave
  7. dans Le Jaïnisme de Vilas Adinath Sangave
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