Le nom de la rose

Le nom de la rose

Le Nom de la rose

Page d'aide sur l'homonymie Cet article concerne le roman d'Umberto Eco. Pour le film qui en a été tiré, voir le Nom de la rose (film, 1986).
Le Nom de la rose
Auteur Umberto Eco
Genre Roman
Version originale
Titre original Il nome della rosa
Éditeur original Fabbri-Bompiani
Langue originale Italien
Pays d'origine Italie Italie
Lieu de parution original Milan
Date de parution originale 1980
Version française
Traducteur Jean-Noël Schifano
Éditeur Grasset et Fasquelle
Date de parution 1982

Le Nom de la rose (Il nome della rosa) est un roman de l'Italien Umberto Eco, paru en 1980 (traduit en français en 1982 par Jean-Noël Schifano). Ce roman peut être qualifié comme étant un policier médiéval. Il reçoit le prix Médicis étranger en 1982.

Sommaire

L'intrigue

En 1327, alors que la chrétienté est divisée entre l'autorité du pape Jean XXII et celle de l'Empereur Louis IV du Saint-Empire, l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville se rend dans une abbaye bénédictine, située entre Provence et Ligurie, accompagné par son novice Adso qui est le narrateur de l'intrigue. Dans un climat de conflit théologique entre les franciscains et l'autorité pontificale au sujet de la pauvreté du Christ – servant avant tout de façade au conflit politique entre le pape et l'empereur – l'ancien inquisiteur doit reprendre sa charge à la demande de l'abbé, à la suite de la mort suspecte d'un des moines. Rapidement, ce que beaucoup semblaient considérer comme un suicide prend des allures de plus en plus inquiétantes. Lorsque l'inquisiteur dominicain Bernardo Gui se rend à l'abbaye à la demande du pape, et commence à se mêler à l'enquête, cela est loin d'arranger les choses.

Le nom de la rose est une histoire en sept chapitres, chiffre symbolique qui représente le nombre de jours, de morts et d'étapes de l'enquête. L'histoire est bornée par le récit de la découverte du manuscrit que l'auteur prétend traduire, et par les conclusions du narrateur devenu vieillard.

Personnages

Guillaume de Baskerville

Guillaume de Baskerville est un moine franciscain, chargé d'une mission diplomatique mais dont le rôle dans l'intrigue sera d'enquêter sur les crimes commis au sein de l'abbaye. Ancien inquisiteur, il est finalement forcé de reprendre sa charge temporairement, ce qui mettra à nu sa faiblesse lorsqu'il ne peut plus agir par la seule logique rationnelle.

De l'aveu même d'Eco, il s'agit d'un clin d'œil à Guillaume d'Occam (Premier jour, Vêpres : « il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu'on en ait une stricte nécessité »), ainsi qu'à Sherlock Holmes (en particulier au roman d'Arthur Conan Doyle Le Chien des Baskerville). Guillaume de Baskerville est, dans ce roman, le disciple de Roger Bacon, savant anglais du XIIIe siècle, ce qui souligne encore son côté rationaliste.

Guillaume de Baskerville ressemble beaucoup au Lönnrot de la nouvelle La mort et la boussole de Jorge Luis Borges (1942). Lönnrot était également « un pur raisonneur, un Auguste Dupin, mais il y avait en lui un peu de l'aventurier et même du joueur ». Tous les deux imaginent de nombreuses hypothèses, alors que les circonstances des crimes sont dues au hasard. Le meurtrier découvre dans les deux histoires, l'hypothèse forgée par l'enquêteur, et décide de l'utiliser pour l'amener à lui.

Adso de Melk

Adso est un novice bénédictin, (franciscain dans le film) confié par son père, le baron de Melk, à Guillaume. Il est le narrateur, à la fois admiratif devant la logique de son maître et respectueux de la règle en vigueur dans son ordre monastique. Il figure donc le docteur Watson du duo.

Le nom d'Adso de Melk provient de l'abbaye bénédictine de Melk qui a fortement inspiré Eco pour son livre.

Jorge de Burgos

L'un des « vénérables » moines de l'abbaye (s'il est le doyen de l'abbaye dans le film, ce n'est pas le cas dans le roman, ce rôle étant dévolu à Alinardo de Grottaferrata) au savoir encyclopédique. Eco fait ici allusion à Jorge Luis Borges qui comme Burgos était bibliothécaire et termina sa vie aveugle. Eco explique à ce sujet dans son Apostille au Nom de la rose qu'il voulait un bibliothécaire aveugle et que Borgès s'est naturellement imposé.

Le personnage de Jorge de Burgos est rendu caricatural dans le film tiré du livre. Ce dernier lui donne une personnalité plus dense, complexe. Jorge incarne la bibliothèque et s'avère le véritable maître de l'abbaye.

Il développe un argumentaire sur le danger que peut représenter le recours au rire dans les attitudes humaines.

Messer l'Abbé (ou Abbon)

Peut-être l'un des personnages qui connaît le plus grand changement entre le roman et le film. Dans le long métrage, il n'apparaît que comme un être faible, indécis et presque lâche, cherchant uniquement à éviter un scandale qui pourrait entacher sa réputation et celle de son abbaye. Dans le roman, ses motivations sont beaucoup plus ambiguës et étoffées, de même que sa personnalité. S'il cherche là aussi à étouffer les affaires de meurtres qui ensanglantent son abbaye, c'est avant tout un opportuniste qui soutient l'Empereur car ce dernier est, à ses yeux, le garant d'un ordre social strict qui assure le maintien des privilèges du clergé régulier (ordres monastiques, et notamment celui des bénédictins dont est issu l'Abbé) face à un pape qui soutient les droits du clergé séculier (évêques et prêtres, notamment). À plusieurs reprises, Abbon montre un caractère vaniteux et presque cupide. Attaché aux choses terrestres, il est fier de sa richesse et de celle de son abbaye et n'hésite pas à s'opposer aux idées des franciscains (qui ont fait vœu de pauvreté), rappelant parfois perfidement que certaines hérésies sont nées au sein de cet ordre.

Le roman suggère que l'Abbé serait le bâtard d'un puissant seigneur italien, ne devant sa place qu'à sa prestigieuse filiation. Dans l'ouvrage, il meurt dans la bibliothèque par asphyxie, assassiné par Jorge de Burgos. Dans le film, son sort est inconnu.

Bernardo Gui

Seul personnage historique à intervenir directement et personnellement dans le récit, l'inquisiteur Bernado Gui (ou Bernard Gui, ou Bernardo Guidoni) est un ancien évêque dominicain envoyé par Jean XXII pour commander le régiment d'archers français chargés d'escorter les représentants de la Papauté. Soutenant inconditionnellement le Souverain Pontife dans le conflit qui l'oppose à l'Empereur, Bernardo Gui use de son rang d'inquisiteur pour nuire à la réputation de l'abbaye et, par extension, de l'Abbé qui soutient le camp impérial. Ancien rival de Guillaume de Baskerville au sein de l'Inquisition, il l'a jadis fait accuser d'hérésie et cherchera à le confondre à nouveau. Dans le roman, le fanatisme religieux qu'il affiche semble n'être qu'une couverture pour son opportunisme politique et son cynisme, détail moins évident dans le film où il est présenté comme un authentique chasseur de sorcières assuré du bien-fondé de sa mission inquisitoriale. Sa manière de mener le procès de Salvatore et de Rémigio de Varragine démontre son caractère excessif ne s'encombrant pas de charité ou de pitié, ni même de sens de la justice.

Dans le film, il meurt empalé sur ses propres instruments de torture. Le roman, plus fidèle à la réalité historique, le voit repartir en Avignon, une fois sa mission de sabotage de la rencontre accomplie, accompagné de ses prisonniers et des représentants de la Papauté.

Autres personnages

Les moines de l'abbaye

  • Adelme d'Otrante - Frère enlumineur et première victime.
  • Venantius de Salvemec - Frère copiste et traducteur de grec. Deuxième victime.
  • Alinardo de Grottaferrata - Doyen des moines, gâteux.
  • Malachie de Hildesheim - Frère bibliothécaire, sombre et sévère. Cinquième victime.
  • Bérenger d'Arundel - Assistant bibliothécaire. Troisième victime.
  • Bence d'Upsala - Copiste. Assoiffé de savoir.
  • Aymaro d'Alexandrie - Copiste. Moqueur et cynique.
  • Nicolas de Morimonde - Frère verrier.
  • Séverin de Sant'Emmerano - Frère herboriste. Quatrième victime.
  • Rémigio de Varragine - Frère cellérier, ancien hérétique dolcinien.
  • Salvatore - Assistant du cellérier, ancien hérétique dolcinien. Difforme, rustre mais rusé.
  • Patrice de Clonmacnoise - Enlumineur.
  • Raban de Tolède - Enlumineur.
  • Magnus de Iona - Enlumineur.
  • Walde de Hereford - Enlumineur.

Les franciscains

  • Ubertin de Casale - Théologien en fuite aux thèses sur l'extatisme à la limite de l'hérésie. Bénédictin dans le roman, devenu franciscain dans le film.
  • Michel de Césène - théologien réfugié à la cour de Louis de Bavière après son excommunication par le pape. Chef de la délégation franciscaine.
  • Arnaud d'Aquitaine - Frère franciscain.
  • Hugues de Newcastle - Frère franciscain.
  • Guillaume Anlwick - Frère franciscain.
  • Bonagrazia de Bergame - Frère franciscain.
  • Bérenger Talloni - Frère franciscain et théologien.
  • Jérôme de Caffa - Evêque de Caffa.

Les représentants de la Papauté

  • Bertrand du Pogetto - Cardinal de Rome et chef de la délégation papale.
  • Laurent Décoalcon - bachelier d'Avignon
  • L'évêque de Padoue - identité exacte inconnue
  • Jean d'Anneaux - Docteur en théologie à Paris.
  • Jean de Baune (alias Giovanni Dalbena): ancien inquisiteur de Narbonne.
  • L'évêque d'Alborea -identité exacte inconnue, dominicain.

La bibliothèque

La bibliothèque est un des endroits les plus importants du roman. Son projet est de représenter le monde, tout comme la bibliothèque de Babel.

Origines théoriques de la bibliothèque

Umberto Eco a tenu une conférence le 10 mars 1981 pour célébrer le 25° anniversaire de l'installation de la bibliothèque communale de Milan dans le palais Sormani. Il proposait de « parler du présent et de l'avenir des bibliothèques existantes en élaborant des modèles purement futuristes »[1]. Ce projet primitif, transcrit dans le fascicule de biblioteca, en 1986, contient une dialectique entre la bibliothèque idéale de Toronto et une bibliothèque cauchemardesque, qui a donné naissance à celle du Nom de la rose.

Sa topographie, décrite par Eco, ressemble en de nombreux points à la « bibliothèque de Babel » décrite par Borges dans Fictions, notamment par sa structure labyrinthique et l'objet de quête qu'elle représente pour tous ceux qui s'y aventurent. Cette bibliothèque de Borges avait déjà été cité auparavant dans l'essai de Umberto Eco : De biblioteca. Le thème du labyrinthe est également présent dans La mort et la boussole. La demeure de Triste-le-Roy où Red Scherlach conduit Lönnrat ressemble beaucoup à celui de l'abbaye, « agrandie par la pénombre, la symétrie des miroirs, l'âge, [le] dépaysement, la solitude ».

Organisation interne de la bibliothèque

Les critères de classement associent le pays de l'auteur et le thème du livre. Les lettres inscrites dans chaque ensemble de salles forment le nom du pays concerné. La bibliothèque est donc divisée en zones correspondant à des espaces géographiques aux différentes connotations intellectuelles.

La première zone visitée est le Fons Adae, le paradis terrestre. Il contient des « quantités de bibles, et des commentaires à la bible, rien que des livres d'écritures saintes ». La deuxième est Hibernia : « on y trouve les ouvrages des auteurs de la dernière Thulé, et les grammairiens aussi et les rhéteurs ». La troisième Leones, Midi, c'est-à-dire l'Afrique, regroupe les textes des musulmans. La quatrième est Yspania, « peuplée de recueils de l'Apocalypse ». D'autres ensembles sont encore énumérés rapidement.

Il n'y a aucune tentative de fusion, de mixité. Les espaces géographiques sont hermétiques.

La bibliothèque n'est pas uniquement un ensemble de livres. Elle est aussi « l'objet qui les contient », en ce cas un labyrinthe physique. Umberto Eco met en relation le labyrinthe du monde, celui de la spiritualité, des connaissances, avec le labyrinthe matériel qui en serait le signe perceptible. La correspondance géographique est retranscrite dans la répartition des salles.

La bibliothèque veut posséder la totalité des connaissances humaines.

La structure de la bibliothèque traduit l'ethnocentrisme géographique mais également culturel de ses constructeurs. Le christianisme en est l'axe central. Les écrits des musulmans sont tous classés dans l'espace du mensonge, sans volonté de sous-classement.

Une bibliothèque cauchemardesque

La bibliothèque du Nom de la rose a plusieurs points communs avec la bibliothèque cauchemardesque décrite dans le fascicule De bibliotheca.

Le registre est constitué de manière à dérouter le lecteur et à le contraindre à demander l'aide du bibliothécaire. Il est classé par ordre chronologique d'acquisition.

La reproduction des ouvrages est limitée. Jorge interdit toute copie du second tome de la Poétique d'Aristote. Il n'existe donc qu'un seul exemplaire, qui sans jamais être copié, n'est pas non plus détruit. La bibliothèque veut conserver un unique exemplaire et empêcher toute diffusion. L'abbaye n'est pas totalement réfractaire à la copie, car c'est un moyen d'importer des livres. Les moines venant des autres abbayes peuvent copier certains livres, s'ils en apportent que la bibliothèque ne possède pas. L'abbaye ne permet pas ces copies par souci de diffusion du savoir, mais par volonté de s'étendre et donc de représenter au mieux le monde.

La bibliothèque cauchemardesque du Nom de la rose dresse une série d'obstacles pour dissuader le lecteur de consulter un livre. Ce n'est pas Jorge qui tue les moines, ni le livre puisque certains crimes sont commis entre moines, mais ce dessein de conservation qui est l'unique fondement à tous ces meurtres, comme le remarque justement Guillaume à la fin du roman.
Le moyen de conserver les livres les plus rares est devenu une fin en soi. Jorge ne souhaite plus conserver mais cacher cet ouvrage. C'est ce glissement qui provoque la destruction de la bibliothèque.

L'incendie

La fin de l'abbaye dans un incendie traduit cette inversion des valeurs de la conservation vers la destruction. Jorge en train de manger les pages empoisonnées représente l'essence « ogresque » de cette bibliothèque qui mange ses propres enfants.
Umberto Eco dans son Apostille au Nom de la rose écrit que les incendies étaient courants à l'époque, et qu'il ne voyait pas d'autres fins pour sa bibliothèque.

Même mutilée, la bibliothèque continue de vivre par l'intermédiaire d'Adso, qui continue à la consulter comme un oracle et raconte son histoire.

Analyse

Le Nom de la rose se présente à la fois comme mystère médiéval, pastiche du genre policier, exposé de la philosophie médiévale et de la réflexion morale. Au-delà de cette enquête, on peut retenir de ce roman le combat d'un homme contre l'obscurantisme, un plaidoyer pour la liberté et le savoir. L'auteur ajoute une série de réflexions sur les méthodes d'une enquête, symbole romanesque de la quête de la vérité. En parallèle, l'auteur donne libre cours à de nombreuses réflexions sur cette époque, le rôle de l'église et des confréries, la peinture et l'art en général, l'objectivité scientifique contre la subjectivité de la foi religieuse. Les héros se souviennent notamment des leçons de Roger Bacon, qui est considéré comme le père de la méthode scientifique. Umberto Eco était alors connu comme un médiéviste et il a utilisé ses recherches comme matière pour son roman.

Le Nom de la rose fait aussi quelque allusion à la sémiologie (profession d'Eco) qui s'interroge sur le dégagement progressif de symboles à partir de signes, symboles qui à leur tour sont interprétés par la société et la structurent. Le roman révèle des pistes à décoder pour le lecteur mais, au fur et à mesure que le lecteur s'enfonce dans les significations plus profondes, la part de mystère devient secondaire.

Par ailleurs, le professore adore multiplier les références cachées à la littérature occidentale passée et actuelle. Par exemple, l'arrivée de son héros et ses fines déductions, dignes de Sherlock Holmes, faites en voyant seulement quelques traces sur le sol, sont particulièrement calquées sur Zadig de Voltaire.

Le nom de la Rose (titre) est aussi une référence à un très grand succès littéraire du Moyen Âge dont le début est ésotérique et la suite satirique, le Roman de la Rose.

Adaptations

  • Une pièce radiophonique en deux parties a été diffusée sur BBC Radio 4 du dimanche 16 juillet 2006 au dimanche 23 juillet 2006.
  • Une parodie radiophonique du film a été diffusé dans la série la crème de la crim par Hugh Dennis et Steve Punt sur BBC Radio 4.
  • Un jeu vidéo espagnol, La Abadía del Crimen (L'abbaye du crime) a été adapté en 1987 du roman. Un remake moderne est en cours.

Notes et références

  1. Umberto Eco, De Biblioteca, L'échoppe, Caen, 1989, p.13

Voir aussi

Liens internes

Le Nom de la rose est classé à la 14e place des 100 meilleurs livres du XXe siècle.

Liens externes

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