Anabaptisme

Anabaptisme
Une illustration de Miroir de Martyrs.

L'anabaptisme est le courant protestant qui prône un baptême volontaire et conscient, à un âge où la personne est en mesure de comprendre l'engagement qu'elle prend. Le mot vient du grec ecclésiastique anabaptizein signifiant « baptiser à nouveau ». Cette pensée est un point essentiel de la Réforme radicale protestante.

Le terme a pris historiquement un sens politique, dans le sens où ce mouvement s'opposa au pouvoir politique et religieux en place dans le canton de Berne au XVIe siècle.

Sommaire

Historique

Diffusion de l'anabaptisme 1525-1550

Origine

Selon l'évangile selon Marc, « Celui qui croit et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné[1] ». À partir de quoi, certains réformateurs du XVIe siècle dénient toute valeur au baptême imposé aux jeunes enfants. Ils estiment que ce sacrement ne doit être reçu qu'en pleine connaissance de cause par les candidats. Ainsi, ceux qui ont été baptisés avant l'âge de raison se faisaient rebaptiser.

Selon la confession de Schleitheim regroupant un certain nombre de communautés autour de Schaffhouse, 7 traits de la théologie illustrent l'anabaptisme :

  1. Le baptême est réservé aux consentants de la foi, c'est-à-dire aux adultes sûrs de la rédemption et qui veulent vivre fidèlement au message du Christ.
  2. La cène n'est que symbolique. C'est une cérémonie du souvenir faite avec du pain sans levain et du vin mais il n'y a ni consubstantiation ni transsubstantiation.
  3. Le pasteur est élu librement par la communauté et n'est pas investi du sacerdoce.
  4. Sont exclus de la cène tous les fidèles tombés dans l'erreur ou le péché.
  5. La séparation du monde est totale aussi bien religieusement que politiquement. Il s'agit de se séparer de toutes les institutions n'étant pas dans l'Évangile.
  6. Un anabaptiste ne peut pas remplir de charge civile (droit de glaive).
  7. Il ne doit jamais prêter serment.

Dans les faits, de petites communautés de croyants sont réunies dans des conventicules, le plus souvent clandestins, afin de lire la Bible. Les chefs des communautés sont des laïcs qui officient en habit civil. La discipline est importante pour maintenir une pureté éthique et doctrinale.

La progression de l'anabaptisme en Europe centrale est un véritable problème pour les autorités religieuses catholiques en place puisqu'il incite les personnes à ne pas faire baptiser leur enfant avant leur prise de conscience, ce qui risque de les priver du salut selon la doctrine catholique. Par ailleurs, sur le plan politico-religieux, les anabaptistes refusent la soumission de la religion au prince.

Le terme anabaptiste provient, à l'origine, des adversaires de ce courant de pensée. Ainsi, certain groupes tels les mennonites refusaient cette étiquette, alors qu'ils la revendiquent aujourd'hui.

Les différents anabaptistes

Le terme « anabaptiste » regroupe des communautés différentes, qui n'ont parfois rien à voir les unes avec les autres. Bullinger, successeur de Zwingli à Zurich, a dressé une typologie des anabaptistes où apparaissent une dizaine de communautés dont :

  • Les Frères suisses se sont formés dans l'entourage de Zwingli à Zurich. À l'inverse de ce dernier, ils pensent que la religion ne doit pas être institutionnalisée et réclament la liberté de choisir les pasteurs. De plus, ils pensent que le caractère obligatoire du baptême le disqualifie. Zwingli les expulse de la ville tandis que le même jour Grebel autorise le rebaptême.
  • Les anabaptistes autour de Melchior Hoffman pensent que la cène est un acte symbolique. Melchior Hoffman se retrouve à Strasbourg où il se lie d'amitié avec Martin Bucer. Comme il pense que la fin du monde est proche (1538), il s'empresse de procéder au rebaptême. S'entendant bien avec le magistrat de la ville, il peut procéder au rebaptême de ses amis. Ses disciples iront jusqu'à Munster où Jean de Leyde gagne les élections et fonde un règne eschatologique du Christ.
  • Les Huttérites vivent en communauté, repliés sur eux-mêmes. En 1650, on en comptait 10 000. Vivant groupés, ils considèrent que l'individu doit une obéissance totale aux lois de sa communauté, celui qui les transgresse devenant immédiatement un paria.
  • Les Brethren (Frères), apparus dans le Palatinat allemand vers 1708, où Alexander Mack et ses partisans se baptisent dans le fleuve Eder. Appelés d'abord Frères baptistes allemands, ils émigrent en Amérique du Nord où ils fondent différentes églises qui perdurent aujourd'hui.

Les sociétés anabaptistes sont surtout urbaines et pacifistes mais, devant l'horreur qu'inspire le non-baptême chez les autres chrétiens, elles se réfugient vers la campagne où elles espèrent éviter les répressions. Entre 1525 et 1529, il n'y en a que 29 à Zurich et 10 à Schaffhouse. Vers 1630, on les estime au nombre de 4 000[réf. nécessaire].

Le « munzerisme », dissidence de l'anabaptisme

Le munzerisme n'est pas représentatif de l'anabaptisme[2], mais il s'appuie sur cette idée pour développer une approche plus poussée de la préparation du règne eschatologique du Christ.

En 1521, Thomas Münzer tout d'abord pasteur luthérien rompt avec Luther alors qu'il réside à Prague. Avec Nicolas Stork, il prêche les idées anabaptistes en Bohême et en Silésie, tout en prônant une réforme plus radicale des institutions sociales. Les idées de Münzer et de Stork remettaient en cause la propriété privée du sol. Elles eurent beaucoup de succès parmi les paysans. Logiquement, Münzer soutint les paysans révoltés contre leurs seigneurs. Münzer rêvait de fonder une nouvelle monarchie théocratique en Allemagne. Il fut fait prisonnier au cours d'une déroute de son armée et fut exécuté. La guerre des Paysans ou guerre des gueux s'éteignit en 1525 : elle a été noyée dans le sang.

L'anabaptisme n'en était pas mort pour autant. Le rêve caressé par Münzer subsistait dans le cœur de certains. Ainsi Jan Matthijs et Jean de Leyde (Jan van Leiden) prirent la tête de l'insurrection pour établir une théocratie dans la ville de Münster. L'armée coalisée des princes ne tarda pas à mettre le siège devant la ville révoltée. Les assiégés, fanatisés par leur propre résistance, donnèrent libre cours à leur imagination religieuse : Jean de Leyde, par exemple, comme d'ailleurs David Joris (un autre chef anabaptiste pacifiste quant à lui), alla jusqu'à se proclamer successeur de David et, à l'instar de ce roi, s'unit à plusieurs femmes.

Quand, en 1535, après une année de siège et de résistance opiniâtre, la ville fut prise d'assaut, Jean de Leyde et ses lieutenants succombèrent sous la torture. Les anabaptistes dits conquérants furent traqués et poursuivis dans toute l'Allemagne et jusqu'en Suisse.

Ceux d'entre eux qui en réchappèrent se rallièrent aux anabaptistes dits pacifiques, communion strictement religieuse, mettant l'accent sur le baptême des adultes et sur l'inspiration personnelle dans l'interprétation de la Bible.

L'anabaptisme aujourd'hui

Ils sont à l'origine de certaines dénominations religieuses comme les mennonites auxquels sont apparentés les Amish, et indirectement autres églises protestantes telles que les baptistes, les évangéliques, les adventistes ou les pentecôtistes. D'autres, sous la conduite de Hutter, disciple de Nicolas Stork, se retirèrent en Moravie et se firent appeler les Habani. Leurs céramiques et faïences (habánska keramika) sont très notablement connues entre autres en Slovaquie pour leur style raffiné et inspiré. Des communautés huttérites subsistent en Amérique du Nord.

En Suisse, les anabaptistes se sont établis principalement dans le Jura bernois, principalement en tant que cultivateurs. Ils parlent encore le Suisse-allemand en famille, bien que leurs enfants fréquentent les écoles de la région en français.

La dissidence Amish est née en 1693 à Sainte Marie-aux-Mines sous l'impulsion de Jacob Amman. Cette communauté est très présente aux États-Unis. La remise en question du baptême des enfants ou pédobaptisme est une réflexion constante des Églises protestantes en Europe. On a assisté dans les années 1950, puis dans les années 1970, à la croissance d'un mouvement en faveur du report du baptême à un âge de pleine conscience.

Voir aussi

Sources et références

  1. Mc 16, 16
  2. Confession et Pacification conclue à Dordrecht, l'année 1632 : quatorzième point

Article connexe

  • Guy de Brès, auteur de La racine, source et fondement des anabaptistes (1565) : texte critique.
  • Menno Simon
  • Censes anabaptistes
  • Brethren, sur le groupe des Brethren (Frères), un groupe minoritaire issu de l'anabaptisme allemand du XVIIIe siècle.

Bibliographie

  • Mathiot Charles & Boigeol Roger, Recherches historiques sur les Anabaptistes de l'ancienne principauté de Montbéliard, d'Alsace et du territoire de Belfort, Editions Le Phare, Flavion, 1969.
  • Séguy Jean, Les Assemblées Anabaptistes-Mennonites de France, Mouton & Co, Paris et La Haye, 1977 (ISBN 2713200032).
  • Auteurs divers: "Saisons d'Alsace N°76 - Les Anabaptistes Mennonites d'Alsace", Librairie Istra 1981.
  • Baecher Claude, L'affaire SATTLER", Editions Sator-Mennonites 1990.
  • Erlach Host, Mein Reich ist nicht von dieser Welt, Im Selbstverlag Verfassers 1993.
  • Cohn, Norman, Les fanatiques de l'Apocalypse, Payot, 1996.
  • Hege Lydie et Wiebe Christophe, Les Amish Origine et particularismes 1693-1993 editions AFHAM 1996.
  • Snyder Arnold, Graines d'anabaptisme - Éléments fondamentaux de l'identité anabaptiste, Éditions Mennonites, Montbéliard, 2000 (ISBN 2904214615).
  • Luther Blissett, L'Œil de Carafa, Seuil, 2001, 743 p. (ISBN 2020400669) 

Liens externes

Anecdote

Marguerite Yourcenar a consacré un des chapitres (La mort à Münster) de L'Œuvre au noir au siège de la Münster anabaptiste par les armées catholiques et luthériennes coalisées.


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