John Law de Lauriston

John Law de Lauriston
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John Law, par Casimir Balthazar (1811-1875). Huile sur toile, 1843, musée de la Compagnie des Indes, Lorient.

Jean ou John Law de Lauriston[1], né le 21 avril 1671 à Édimbourg, mort le 21 mars 1729 à Venise, est un aventurier, banquier et économiste écossais. Le nom du banquier se prononçait Lass en français au XVIIIe siècle, car on le prononçait ainsi en Écosse (Law's [son]).

Il fut ministre des finances du royaume de France, qui lui doit l'introduction du billet de banque. Son idée économique est que l'argent est un moyen d'échange et ne constitue pas une richesse en soi. La richesse nationale dépend du commerce. Pour la France, il est le père de la finance et de l'utilisation du papier-monnaie à la place du métal et des factures. Il est aussi un acteur central de l'Histoire des bourses de valeurs pour avoir réalisé les premières grandes émissions de titres.

Sommaire

Sa vie d'avant 1715

Il était le fils d'un orfèvre d'Édimbourg très influent dans sa corporation, qui savait mener avec brio des opérations de change aussi complexes que risquées, ce qui sans doute fut à l'origine de la propre vocation de banquier et de preneur de risques de John Law. Il est aussi joueur et possède d'étonnantes capacités de calcul mental. À dix-sept ans, il hérite de la fortune de son père.

Le 9 avril 1694, lors d'un duel, il tue son adversaire, Edward Wilson, pour obtenir les faveurs d'Elizabeth Villiers, plus tard Comtesse d'Orkney. À vingt-trois ans, il est jugé coupable et condamné à mort, par pendaison. Du fait qu'il s'agit d'un homicide involontaire, la peine est commuée en amende, mais le frère de Wilson fait appel et Law est condamné à une peine de prison. Il échappe à cette nouvelle sentence en s'enfuyant à Amsterdam, où il se met à étudier la banque.

Il publie plusieurs essais théoriques sur la masse monétaire dans l'économie, mais ses écrits n'ont pas un grand retentissement. Pendant vingt ans, il va parcourir l'Europe – Amsterdam, Paris, Genève, Venise… – pour proposer ses idées, mais elles sont partout rejetées. À Venise, il étudie les jeux d'argent, et ses observations lui permettent d'accumuler méthodiquement une fortune considérable. Toujours à Venise, il s'initie aussi aux techniques bancaires les plus évoluées de l'époque. Il observa que les négociants vénitiens se séparaient facilement de leur monnaie d'or et d'argent pour prendre du papier, afin de faciliter leurs affaires et ainsi accroître leurs profits.

Il mûrit alors l'idée de créer une banque dans l'un des multiples royaumes européens qui n'en possédaient pas. Les banques commerciales qui fonctionnaient déjà à Amsterdam, à Nuremberg, à Stockholm et à Londres émettaient des billets à ordre en échange de dépôts en monnaie métallique, ce qui assurait la convertibilité des billets à tout moment, gage de sécurité pour les clients, mais interdisait à la banque de prêter à grande échelle.

Pour se différencier, il imagine de garantir ses billets par les revenus d'une certaine quantité de terres agricoles, constituant le capital de base. La convertibilité à tout moment, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, ne serait pas garantie, mais les clients auraient l'assurance que la valeur indiquée sur chaque billet émis correspondait bien à une richesse foncière existante. Ce système est une véritable révolution et un premier pas vers l'abandon de l'or et de l'argent comme unique moyen de paiement.

Son système, où une nouvelle monnaie, indépendante de l'or et de l'argent, pouvait prendre le relais, correspondait alors à un véritable besoin des économies européennes de disposer de beaucoup plus de moyens et de souplesse de paiement. L'Europe est alors à la veille de sa révolution industrielle. Or les arrivages de métaux précieux, notamment en provenance des Amériques, étaient de moins en moins abondants, la monnaie devenait rare et les économies s'ankylosaient, ce qui confirmait les théories mercantilistes selon lesquelles la prospérité est fonction de la quantité d'or et d'argent en circulation. Un autre avantage de son système était de pouvoir régler l'émission de la nouvelle monnaie en fonction des besoins de l'économie et de l'État.

Il fait une première proposition au roi de Sicile, qui est rejetée, ce qui l'incite à venir en France. En 1708, une première proposition est rejetée par le vieux roi Louis XIV, qui se méfia de lui car John Law n'était pas catholique.

Le système de Law (1715-1720)

Article détaillé : Système de Law.

En 1715, l'année de la mort de Louis XIV, Law revint en France pour offrir ses services en tant qu'économiste à Philippe d'Orléans. La situation financière du pays était dramatique. La dette de l'État français était considérable, car l'ancien roi avait énormément dépensé dans les guerres et les constructions ; de plus, quelques dizaines de financiers s'étaient fortement enrichis aux dépens du royaume et étaient toujours à l'affût de quelque bonne affaire. Les ministres et les personnalités influentes ne proposaient que des solutions de replâtrage. Le Régent se décida alors à suivre les audacieuses théories de Law, qui semblaient lui permettre de régler le problème de l'endettement et de relancer vigoureusement l'activité économique du pays. John Law est autorisé à créer en 1716 la Banque générale et à émettre du papier-monnaie contre de l'or. Le Régent lui-même participe à la souscription des actions de la nouvelle banque. Il ne s'agissait pas d'une banque foncière, mais d'une banque ordinaire, sur le modèle hollandais, qui échangeait des dépôts de monnaie métallique contre des billets, sans frais de courtage, les bénéfices étant obtenus grâce au change et aux opérations d'escompte. Le succès fut rapidement au rendez-vous, car la monnaie émise était plus pratique pour les négociants. La banque commença à accroître le volume de ses émissions, imprimant plus de papier-monnaie qu'elle n'avait réellement d'or et d'argent en dépôt. À ce niveau, la création monétaire était garantie par divers revenus que la banque pouvait s'assurer grâce à l'appui du Régent.

En 1717, pour se lancer lui-même dans le grand commerce avec l'outre-mer, John Law crée la Compagnie d'Occident, après avoir racheté la Compagnie du Mississippi, créée en 1713 par le financier Antoine Crozat et responsable de la mise en valeur de la grande Louisiane française. Une vaste opération de propagande en faveur de la colonisation est lancée. John Law fait valoir auprès du grand public qu'il a lui-même investi dans un immense domaine en Louisiane, juste pour donner confiance, car il n'a l'intention de développer rien que ce soit là-bas.

En 1718, la Banque générale devint Banque Royale, garantie par le roi. En 1719, la Compagnie d'Occident absorbe d'autres compagnies coloniales françaises, dont la Compagnie du Sénégal, la Compagnie de Chine et la Compagnie française des Indes orientales, et devint la Compagnie perpétuelle des Indes. La nouvelle compagnie dispose d'une souveraineté de fait sur le port de Lorient, qui connaît alors une activité commerciale sans précédent. Cette même année, la Compagnie renégocia pour le compte du Royaume la multitude de rentes dont il était redevable, qu'elle obtint aux meilleurs taux. Elle offrit au Royaume de lui prêter 1 200 millions de livres, nécessaires à cette vaste opération de rachat, contre une annuité égale à 3 % du total. Quant aux règlements, ils se firent en billets de banques. Les nouvelles souscriptions furent très bien accueillies, alors que les nouveaux billets avaient une valeur supérieure à leur équivalent en monnaie métallique, ce qui engendra un début d'inflation, cachée par l'appréciation des billets-papier. Seuls les plus importants possesseurs de ces billets commencèrent à avoir des craintes.

En août 1719, la compagnie obtint de l'État le privilège de percevoir les impôts indirects et celui de la fabrication de la monnaie. En 1720, la Banque royale et la Compagnie perpétuelle des Indes fusionnèrent, et John Law en fut nommé Contrôleur général des finances le 5 janvier, puis surintendant général des Finances. Ce mois-là, plus d'un milliard de livres de billets de banque furent émis, et le capital de la banque se monta à 322 millions de livres. Cependant, la fin du système Law était proche ; les ennemis de John Law – parmi eux, se trouvaient le duc de Bourbon et le prince de Conti – poussèrent à une spéculation à la hausse dans le but de faire s'effondrer le système. Le prix des actions passa de 500 à 20 000 livres. Puis certains des plus gros possesseurs de billets commencèrent à demander à réaliser leurs avoirs en pièces d'or et d'argent, ce qui fit immédiatement s'écrouler la confiance dans le système. Dès le 24 mars, ce fut la banqueroute du système de Law. Les déposants se présentèrent en masse pour échanger le papier-monnaie contre des espèces métalliques, que la société ne possédait plus. Plus personne n'eut confiance ; la banqueroute du système avait ruiné les déposants. Bien qu'il eût complètement échoué à relancer l'économie et à réduire la dette de la France, 300 ans après, la théorie monétaire moderne intègre de nombreux concepts clés issus du système Law.

La fuite

En décembre 1720, John Law, ruiné, est obligé de s'enfuir du royaume. Sous la protection officieuse du Régent, Law est contraint à se réfugier à Venise.

Son système a appauvri ou ruiné 10% environ de la population française, principalement les riches actionnaires. Quelques autres par contre, bénéficiant de renseignements de première main, purent s'enrichir considérablement. Cependant, son système, s'il a fait perdre confiance dans le papier-monnaie et dans l'État, a paradoxalement assaini la dette de celui-ci en la faisant prendre en charge par de nombreux épargnants, et sauvé l'économie de la France en un moment où le pays était paralysé par l'endettement généralisé et par la pénurie de liquidités. Les agents économiques ont été en effet libérés de l'endettement chronique, et l'inflation a permis d'alléger les dettes privées d'au moins 50 %. Les grands perdants ont été les rentiers – hors immobilier – mais, a contrario, les petites gens ont vu leur situation générale s'améliorer.

Après la mort du régent en décembre 1723, John Law se retrouve sans protecteur. Il vit ses dernières années abandonné de tous et presque sans ressources. Après un séjour en Bavière, il revient à Venise, où il meurt le 21 mars 1729, d'une pneumonie. Il est inhumé dans l'église San Moisè.

Œuvres

  • Considérations sur le numéraire et le commerce (1720)
  • Traité des abeilles, ou l'on voit la véritable manière de les gouverner et d'en tirer du profit (1720)

Notes et références

  1. Law se prononce [lɑːs]. Voir Jean-Marie Pierret, Phonétique historique du français et notions de phonétique générale, Peeters, Louvain-la-Neuve, 1994, p. 103.

Voir aussi

Sources de l'article

  • Science & Vie économie n°18 du 16 juin 1986.

Articles connexes

Bibliographie

  • Arnaud de Maurepas, Antoine Boulant, Les ministres et les ministères du siècle des Lumières (1715-1789). Etude et dictionnaire, Paris, Christian-JAS, 1996, 452 p.
  • Edgar Faure, La banqueroute de Law : 17 juillet 1720, Paris, Gallimard (coll. Trente journées qui ont fait la France), 1977, 742 p.
  • Nicolas Dutot, Histoire du Système de John Law – Publication intégrale du manuscrit inédit de Poitiers, établie et introduite par Antoin E. Murphy, Paris, INED, 2000, 406 p.

Liens externes


Précédé par John Law de Lauriston Suivi par
Marc-René de Voyer de Paulmy d'Argenson (1652-1721)
contrôleur général
des finances
Félix Le Peletier de la Houssaye

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article John Law de Lauriston de Wikipédia en français (auteurs)

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