- Creation monetaire
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Création monétaire
La monnaie a pris des formes très différentes depuis son invention en Lydie au VIIe siècle avant J.-C. et chacune a connu des méthodes de création différentes.Le monnayage métallique était assujetti à la disponibilité de la matière première. Selon les pays et les époques, cette disponibilité a beaucoup varié entraînant de grandes conséquences sur les économies.
La mise en œuvre du billet de banque a changé considérablement la problématique de la monnaie puisque les quantités créées ne dépendaient plus ni de la nature ni des procédés mécaniques et chimiques du traitement des minerais. Une longue et tumultueuse évolution a conduit à accorder le monopole de l'émission de monnaie fiduciaire à une banque particulière : l'institut d'émission qui est pratiquement toujours aujourd'hui la banque centrale. Les conditions d'émission de monnaie "banque centrale" ont beaucoup varié avec le temps, même si des règles similaires ont fini par s'imposer dans les grandes zones monétaires.
L'essentiel de la monnaie circulant aujourd'hui est constitué des dépôts bancaires. La création de monnaie par le système bancaire est encadrée par des législations strictes qui peuvent être différentes d'une zone monétaire à l'autre. C'est une opération complexe et difficile à piloter. La crise financière en cours de 2008 est largement imputée à un gonflement excessif de la création monétaire par l'activité de crédit.[réf. nécessaire]
Les autres formes de la monnaie sont la monnaie divisionnaire, dont l'approvisionnement suit des règles propres, et la monnaie électronique, que l'on charge à partir de son compte bancaire.
Comprendre la création monétaire exige donc de passer en revue ces différentes formes de monnaie.
Les proto monnaies
Les proto monnaies sont toutes les marchandises qui ont pu servir à un moment ou un autre pour assurer tout ou partie des fonctions d'une monnaie.
En général étaient choisis des objets peu faciles à se procurer, soit qu'il faille les produire soit qu'il faille les cueillir ou les pêcher, pas trop volumineux et assez solides. Les Cauris ont eu par exemple un succès mondial comme petite monnaie du fait de leur relative solidité, de leur faible encombrement et de la difficulté d'en trouver. Mais il fallait aussi que ces objets aient la confiance des parties à l'échange. Des pièces de tissus ou des objets métalliques plus ou moins indifférenciés ont été ainsi largement utilisés un peu partout à travers le monde. On obtenait ces monnaies soit par l'échange, soit par le pillage et la conquête, soit par le tribut. Pour les transactions de petites valeurs on voit parfois des objets prendre soudain valeur monétaire. Ce fut le cas après guerre en Allemagne pour les paquets de cigarettes. En Italie on vit les bonbons acidulés remplacer la petite monnaie sur les autoroutes dans les années soixante, les dévaluations successives de la Lire ayant fait disparaître les plus petites pièces.
Les monnaies métalliques d'or et d'argent
La ressource monétaire
Articles connexes : Frappe au marteau et Frappe au balancier.Le monnayage est l'opération par laquelle une quantité d'or ou d'argent est transformée en pièces de monnaie. L'atelier de monnayage fabrique alors un alliage dont l'aloi est fixé, fabrique des flans et frappe sur ces flans des images et symboles qui donnent l'identité de la pièce et garantit à l'utilisateur le poids et l'aloi.
On fabrique les pièces à partir de métaux précieux (or et argent) de différentes origines :
- d'anciennes pièces que l'on frappe autrement selon deux techniques principales : la frappe à froid au dessus de la frappe existante ; la refonte totale. Il va de soi qu'une pièce ne peut supporter plus d'un certain nombre de frappes sans être refondue. La refonte est beaucoup plus coûteuse : Innombrables exemples, chaque pouvoir cherchant à imposer sa marque.
- des pièces "étrangères" dont on interdit la circulation, les pièces locales ayant seules cours dans la zone monétaire : une pratique fréquente qui a commencé très tôt après la création des monnaies !
- du produit des mines dont le prince est propriétaire : exemple des mines du Laurion en Grèce antique pour l'argent ou celles du Mont Pangée ou de l'île de Siphnos pour l'or.
- du métal récolté par les marchands sur les marchés internationaux : exemple de Venise enrichie par l'arbitrage entre argent acquis en Europe et vendu en Extrême Orient et or acquis auprès des pays musulmans et monnayé en Europe.
- du métal confisqué par l'État à des organisations ou des particuliers : fonte des statues en or du Parthénon (par un tyran en mal de liquidités, pillage des temples païens (Dioclétien), destruction des templiers, réquisitions du temps de guerre (en Angleterre pendant les guerres napoléoniennes, en France et beaucoup d'autres pays pendant la guerre de 1914)...
- du métal acquis par la victoire militaire, la conquête ou le pillage. Ici encore d'innombrables exemples, commençant par la Victoire de Darius sur le roi Pausole puis les guerres alexandrines. Le sac de Constantinople apporte aux commanditaires des tonnes d'or ! La conquête de l'Amérique du sud est un exemple très connu ainsi que la ruée vers l'or du Klondike. On sait moins que le système monétaire de la Prusse sera établi à partir de la rançon en or versée par la France à Bismark après la défaite de 1870.
- du métal présenté à la fonte par des particuliers (bijoux, objets en or etc.).
Le progrès technique est aussi source d'un renouveau de la production et d'une plus grande disponibilité de métal. C'est lui qui permet par exemple d'accéder à l'or australien au milieu du 19ième siècle et qui permettra une hausse massive de la quantité d'or disponible.
Toutes ces techniques ont été utilisées pendant près de deux millénaires pour satisfaire les besoins monétaires.
En sens inverse un pays peut perdre des ressources soit par perte de l'accès à des mines (cas des conquêtes musulmanes qui coupent l'accès à l'or nubien), soit par épuisement des mines, soit par les défaites qui entraînent rançons et pillages (exemple frappant du Franc à cheval créé pour libérer Jean le Bon !), soit même par des victoires qui ont exigé pour l'achat des armes et fournitures à l'étranger la mobilisation de l'essentiel de l'or disponible (cas de la France en 1914). La thésaurisation pendant les périodes troublées est aussi une raison de la diminution de la disponibilité de métal monétaire (cas du haut Moyen Âge).
Le seigneuriage et les manipulations monétaires
Article détaillé : monnaie d'ancien régime.La création monétaire en système métallique implique le monnayage dans un atelier qui a l'onction des pouvoirs publics quelle qu'en soit la forme. Cette onction n'a jamais été gratuite. Le pouvoir a toujours cherché à taxer la transformation du métal brut en métal monétaire et l'a fait dès les temps antiques. Sous le nom de seigneuriage, ce prélèvement a été considéré notamment en France pendant tout le Moyen Âge comme un mode de financement commode du Royaume à une époque où les impôts étaient difficiles à collecter. Le seigneuriage avec les manipulations monétaires ont été les moyens privilégiés de collecter des ressources nouvelles rapidement. Ils ont été aussi à la source de la réflexion économique, les premiers ouvrages monétaires concernant pratiquement toujours les excès commis par les pouvoirs en ce domaine.
Les différences de coût du seigneuriage entre les différents pays ont entraîné également de larges compétitions et tensions pendant toute la période où les métaux ont été monnayés. Un seigneuriage trop élevé pouvait entraîner la fuite du métal concerné vers des zones plus compétitives et l'utilisation du monnayage étranger dans la circulation intérieure, avec des réactions plus ou moins brutales de la part des autorités comme l'interdiction de conserver et d'utiliser des pièces étrangères avec des sanctions parfois très lourdes. La création monétaire des monnaies métalliques n'a jamais été sans difficultés.
Il est à noter que le coût du seigneuriage des monnaies métalliques a été une des forces qui ont poussé les banques à créer des billets qui eux n'étaient pas soumis à ces droits. L'État se rattrapera en monopolisant l'émission des billets au sein des banques centrales et en les nationalisant, récupérant ainsi la rente d'émission. En revanche elle laissera aux banques le privilège du seigneuriage des dépôts qui est la forme de monnaie principale et de loin aujourd'hui, ce qui explique qu'à nouveau les banques cherchent à diminuer leurs en cours en billets au profit de la monnaie électronique qui elle même n'est pas soumise à un seigneuriage public.
La manipulation des monnaies métalliques a été une autre caractéristique majeure de leur mise en circulation. Par exemple la modification du cours légal de la livre tournois en métal précieux pouvait être opérée de 14 façons différentes, selon que la dévaluation ou la réévaluation était recherchée. Une dévaluation ou une réévaluation pouvait donc être théoriquement obtenue de 7 façons différentes :
- Type 1 : Variation de la valeur tournois exclusivement.
Les dévaluations de ce type étaient en fait appelées des augmentations. Typiquement, les 6 réformations de 1690, 1693, 1701, 1704, 1715 et 1720, ont utilisé ce procédé. Les réévaluations étaient à l'inverse, appelées des diminutions. Après le dénouement de la crise de Law, plusieurs réévaluations sont intervenues (3 en 1720, 1723 et 1726).
- Type 2 : Variation du titre du métal.
Ce type de dévaluation a été fréquemment utilisé durant la guerre de Cent Ans. En particulier sous les règnes de Philippe VI et Jean II, où l'aloi des monnaies d'or passe de 24 à 18 carats entre 1345 et 1355. C'est à cette époque, d'ailleurs, que la Loi de Gresham est formulée. Les réévaluations par hausse de l'aloi auront pour but de restaurer la confiance en l'autorité monétaire (1355, 1429), taxée d'émettre de la "monnaie de mauvais aloi". C'est la raison pour laquelle, l'aloi ne sera plus que rarement utilisé comme variable d'ajustement. Entre 1430 et 1640, il se stabilisera à 23 carats. Et, à partir du passage au système Louis d'or, en 1640, l'aloi des monnaies restera fixé à 22 carats.
- Type 3 : Variation du poids en métal (dévaluation de 1785)
- Type 4 : combinaison d'augmentation de la valeur tournois avec baisse du titre (1349-1354 et 1519)
- Type 5 : combinaison d'augmentation de la valeur tournois avec baisse du poids (1436, 1450 et dévaluation de 1718)
- Type 6 : combinaison de baisse du titre et de baisse du poids
- Type 7 : combinaison d'augmentation de la valeur tournois avec baisse du titre et baisse du poids
Les combinaisons utilisées étaient en réalité encore plus sophistiquées pour rendre les manipulations monétaires moins transparentes aux yeux du public :
- Type 5a : combinaison d'augmentation de la valeur tournois sur-compensant la hausse du poids (dévaluation de 1339)
- Type 6a : combinaison de baisse du titre sur-compensant la hausse du poids
- Type 7a : combinaison d'augmentation de la valeur tournois avec baisse du titre sur-compensant la hausse du poids (réforme de 1640.
Les effets de l'abondance et de la rareté des métaux précieux sur le monnayage
Compte tenu des conditions variables d'approvisionnement en métal, des pratiques en matière de seigneuriage et des manipulations monétaires, le destin des peuples et l'état de l'économie réelle subiront les lourdes conséquences des aléas de la création de monnaies métalliques .
L'abondance monétaire conduit le Roi lydien Pausole à se lancer dans la conquête de la Perse. Il est vaincu. Et le vainqueur met en place le Darique une monnaie d'or qui lui assurera longtemps la prédominance politique et monétaire.
Les succès de Philippe de Macédoine et surtout d'Alexandre La Grand sont largement fondés sur l'or des monts Pangée puis sur la mise en œuvre d'ateliers monétaires en Asie Mineure au fur et à mesure des conquêtes.
L'Empire Romain s'est largement appuyé sur la monopolisation des ressources minières en or et en argent. La rareté du métal conduira à de nombreuses manipulations dont la responsabilité est évoquée par certains comme cause de son déclin.
La conquête par l'Islam des principaux territoires où se trouvent les mines d'or, explique nombre des difficultés de la création monétaire en Europe et l'importance de l'argent au détriment de l'or comme base monétaire. La découverte d'argent dans les pays germaniques permet une alimentation régulière et fera la richesse des marchands de la Hanse. Venise pour sa part établit sa fortune sur la maîtrise du commerce vers l'est, c'est à dire vers l'or musulman. Le sac de Constantinople lui permet de mettre la main sur ses réserves d'or : plusieurs dizaines de tonnes. En même temps elle exploite la très forte demande d'argent de la Chine en trafiquant avec les Moghols. Le ducat d'or vénitien devient une des pièces principales de la circulation en Europe. Florence connait également la richesse comme financier international de l'Église, autant que comme banquier du commerce. Le succès de Gênes vient également de sa domination commerciale et de l'accès aux ressources métalliques de l'Espagne.
Le XIII ème siècle voit un développement économique extrêmement fort fondé largement sur l'abondance monétaire.
La conquête de l'Amérique dont une des motivations est la recherche de l'Eldorado révolutionne l'accès au métal. Ce n'est pas tant le vol des objets en or des pays conquis que la découverte de mines très productives qui conduit à une élévation massive de la circulation monétaire en Europe. L'inflation et les querelles sur la nécessité ou non de conserver le numéraire à l'intérieur du pays, feront naître la science économique.
Le développement du billet à partir de la fin du XVIIème siècle ouvre un nouveau chapitre de l'histoire monétaire mais elle est encore largement conditionnée par l'abondance et la rareté des métaux précieux. L'or du Klondike et les découvertes techniques qui permettent d'exploiter l'or australien portent un coup fatal à l'argent comme base monétaire. Il sera démonétisé en Europe et dans le Nouveau Monde à partir des années 1870. Il ne restera vivace qu'en Extrême-Orient sous forme de d'argent-lingot.
La guerre de 1914 en concentrant l'or d'abord entre les mains des États belligérants puis dans celles des États fournisseurs, notamment les États-Unis rend impossible le maintien de l'étalon or. L'or est progressivement retiré de la circulation nationale et continue à jouer un rôle comme étalon monétaire international dans des systèmes d'étalon de change or. Le dernier de ces systèmes, basé sur les accords de Bretton Woods disparait en 1971 quand les États-Unis refusent de payer en or leurs déficits de paiements. L'or n'a plus de rôle monétaire officiel depuis 1973, les accords de la Jamaïque organisant un système de flottements généralisées de monnaie administrative sans référence à un quelconque étalon métallique.
L'un des arguments les plus souvent avancés pour refuser un retour à l'étalon or, qui serait techniquement possible compte tenu des progrès de l'extraction et du raffinage, est le caractère saugrenu de faire dépendre la croissance mondiale des aléas de la production d'un métal quel qu'il soit. L'ampleur de la crise monétaire et financière actuelles met l'accent sur les aléas que recèlent également les monnaies totalement administratives non gagées sur un métal précieux dont la valeur ne dépend pas des pratiques étatiques et financières.
L'émission des billets
L'émission des billets jusqu'à la nationalisation des instituts d'émission
Le billet de banque apparait à la fin du XVIIème siècle et se généralise ensuite selon plusieurs modalités.
Le billet peut être un certificat de dépôt d'espèces métalliques émis par une banque privée et qui circule à la place des pièces. Il porte au départ un droit de remboursement de la quantité spécifiée de métal monétaire déposé. Son utilisation est entièrement liée à la confiance qu'ont les usagers dans ce remboursement par la banque concernée. Sinon c'est un moyen pratique : il prend peu de place ; la contrepartie est en sécurité à la banque ; on peut faire des paiements importants sans se transporter avec des sacs volumineux facilement repérables. La coexistence de nombreuses monnaies métalliques n'en rend pas l'usage facile : il faut expertiser chaque monnaie en fonction du risque de faux monnayage, de l'usure, etc. Le billet connait vite le succès. Le billet de banque émis par des banques privées persistera très longtemps notamment en Écosse et au Canada.
Il peut être également un instrument émis par une banque spéciale, dotée d'un monopole par l'État et en liaison intime avec l'État. C'est le cas par exemple de la Banque d'Angleterre.
Il peut être aussi émis directement par une autorité publique. C'est par exemple le cas des billets du congrès émis par les jeunes États-Unis d'Amérique pour financer la guerre d'indépendance de l'Angleterre et les "greenbacks" destinés eux à financer la guerre de Sécession.
Les règles d'émission des billets dans chacun de ces trois canaux ont connu de fortes variations d'une période à l'autre et d'un système à l'autre.
La facilité d'utilisation de la "planche à billets" a conduit à de nombreuses difficultés. Le premier billet de banque européen, suédois, sera retiré en catastrophe de la circulation à peine deux ans après son introduction. La faillite du système de Law et plus tard des assignats renforcera la méfiance en France vis-à-vis du billet de banque. Aux États-Unis, les émissions un tant soit peu fantaisistes de l'ouest américain aboutissent à de nombreuses faillites de banques.
Des tentatives d'élaboration de règles rationnelles d'émission de billets de banque ont lieu au rythme des ruées sur les comptes bancaires des déposants paniqués. La Banque d'Angleterre adopte au milieu du XIXème siècle le "Currency principle" qui veut qu'on ne crée de monnaie fiduciaire qu'à concurrence des dépôts en monnaie métalliques, 1 pour 1. D'autres proposaient un "banking principle" selon lesquels les billets devaient être émis en tant que de besoin.
Dans la pratique, on vit coexister de nombreuses pratiques discordantes d'un pays à l'autre malgré la domination progressive d'une certaine orthodoxie monétaire, jusqu'à ce que l'émission de monnaie de papier soit monopolisée par des banques centrales.
L'émission de la monnaie de papier par les banques centrales publiques actuelles
Rejet de la planche à billet
Les abus de création de billets avec les effets désastreux sur l'économie comme par exemple les crises hyperinflations ont conduit les grands États à interdire la création de monnaie par la Banque Centrale pour satisfaire les besoins publics. Les déficits publics doivent dans beaucoup de pays et notamment dans la zone Euro être financés par l'emprunt.
La demande de billets par les banques
Les billets sont mis en circulation par la banque centrale en fonction des besoins des banques secondaires. Lorsque la création monétaire par les banques est forte la demande de billets de banque augmente. En cas de craintes sur les dépôts, les particuliers ont aussi tendance à augmenter leur stockage sous forme de billets thésaurisés.
La banque centrale a la responsabilité de la qualité des billets en circulation. Les banques remettent tous les jours les billets qu'elles encaissent à la banque centrale qui les trie, les comptes et expurge les liasses des billets abîmés. Les plus petites coupures restent dans les poches des particuliers et les fonds de caisse des commerçants et sont généralement en plus mauvais état que les grosses coupures faute d'être aussi souvent remises à la banque centrale.
La banque centrale est aussi chargée de détecter et d'éviter le faux monnayage qui malgré tous les efforts a tendance à croître avec l'arrivée des techniques informatisées de reproduction.
À chaque changement de billet, on constate qu'une importante partie de la circulation ne revient pas à l'échange et reste perdue. Le passage à l'euro a été très significatif de ce phénomène.
Il ne faut pas confondre impression des billets et émission de monnaie de papier. L'échange d'un papier usagé par un billet neuf n'est pas une création de monnaie . Le billet ancien est immédiatement détruit et la valeur de l'ensemble des billets en circulation reste la même.
Le choix des réserves des banques centrales
Les réserves des banques centrales en contrepartie desquelles elles peuvent émettre de la monnaie différent d'une zone monétaire à l'autre.
On trouve en général de l'or, des dépôts au FMI, des devises utilisées dans le commerce international comme le dollar, et différentes classes d'actifs publics et privés.
La consultation du bilan de chaque banque centrale permet de connaître le cocktail retenu.
Avec la crise actuelle, les banques centrales ont eu tendance à accepter des actifs commerciaux non traditionnels et potentiellement plus problématiques.
Un mécanisme central : le gonflement de la création monétaire par les soldes de balance des paiements
Un des mécanismes les plus importants pour la compréhension de la création monétaire par les banques centrales est celui lié à la gestion des soldes de balance des paiements.
Si un pays accumule un excédent vis-à-vis par exemple des États-Unis, la quantité de dollars qui s'accumule à l'actif de la banque centrale tend à gonfler. La banque centrale crée alors de la monnaie nationale à due concurrence. Ces mécanismes peuvent provoquer une inflation induite dans le pays excédentaire, l'impact dépendant du système monétaire international en vigueur. Dans le cadre des accords de Bretton-Woods, l'Allemagne a été ainsi contrainte au début des années 70 à créer trop de monnaie nationale en contrepartie des déficits américains. Ils ont fini par refuser de respecter les règles de l'accord et les États-Unis ont fini par ne plus assurer le change des dollars en or. Toutes les monnaies se mirent bientôt à flotter.
La création de monnaie par le Fonds monétaire international : les droits de tirages spéciaux
Pour faire face à une pénurie alléguée de monnaie internationale, le Fonds monétaire international a été autorisé à émettre des droits de tirages spéciaux (DTS), pour venir en aide aux pays en graves difficultés de change. Le flottement général des monnaies a rendu ces mécanismes un peu décalés par rapport aux nouvelles pratiques. La crise actuelle fait redécouvrir le besoin de financement en monnaie internationale de certains pays en déroute. On parle d'augmenter les ressources propres du FMI et éventuellement les DTS.
La création de monnaie par le système bancaire
Historique
C’est vers le milieu du XVIIe siècle à Londres, avec la transformation progressive des orfèvres en banquiers qu’est apparu le processus de création monétaire bancaire
En 1640, Charles Ier fait saisir les lingots d'or et d'argent déposés à la Tour de Londres. Les marchands de la cité réagissent immédiatement en transférant leurs métaux précieux et autres objets de valeur, dans des refuges considérés comme plus sûrs, les boutiques d'orfèvres, et reçoivent alors en contrepartie un reçu nominatif et détaillé. Ce reçu leur permet de récupérer à tout moment (à vue, c'est-à-dire sans échéance de retrait), les objets mêmes qu'ils avaient déposés. La boutique de l'orfèvre n'est alors qu'une simple consigne protégée.
Progressivement les orfèvres établiront leurs reçus en valeur en livres sterling plutôt qu’en liste d’objets. Cet anonymat permettra le remboursement par prélèvement sur l'ensemble de l'encaisse détenue, « réserve » composée d'éléments interchangeables. De plus ces certificats de dépôts sont de plus en plus souvent créés pour des sommes rondes et au porteur. Le déposant peut alors remettre en paiement directement le certificat, au lieu d'être obligé de venir retirer les pièces avant de les transmettre au créancier qui pourra soit à son tour utiliser ce certificat en tant que moyen de paiement, soit se faire rembourser en espèces au moment et à l'endroit désirés (réseau de correspondants dans tout le royaume et à l'étranger). L'utilisation et la circulation des certificats est facilitée et ils contribuent à retarder les demandes de remboursement à l’orfèvre, devenu « banquier ».
Les certificats de dépôts ne font cependant que compenser exactement le montant de la valeur des objets précieux ou de la monnaie présents dans les coffres et retirées de la circulation active. La masse monétaire demeure strictement inchangée, la circulation de papiers se substituant partiellement à la circulation de métal précieux.
Dans le bilan de l’orfèvre, les certificats émis (au passif) sont donc intégralement couverts par une encaisse métallique ou précieuse (à l’actif).
Mais les orfèvres banquiers vont s'apercevoir que le stock de métaux précieux ne descend jamais en dessous d'un certain seuil car des dépôts nouveaux tendant à équilibrer les retraits et les détenteurs des certificats demandent rarement la conversion. Tous les billets ne seront pas présentés à la fois pour être convertis.
Plutôt que de conserver cet or et cet argent qui dorment, mieux vaut dès lors les faire fructifier. Face à ce constat, vers 1665, les orfèvres vont alors commencer à émettre des certificats en échange d'un titre de dette et non d'un dépôt d'or ou d'argent. L'orfèvre remet à son client emprunteur, privé ou public, des billets en tout point identiques aux autres.
La valeur faciale de l'ensemble des certificats émis est désormais supérieure à la valeur du stock métallique détenu, la différence représentant la valeur du portefeuille d'effets escomptés (qui figurent dans les actifs puisque la banque conserve dans ses coffres ces reconnaissances de dettes). Il y a bien là création monétaire puisque le volume de moyens de paiement disponibles s'est accru et progressivement la création résulte seulement de demandes de financement. La monnaie peut alors être définie comme la dette des banques qui circule.
Le principe fondamental de la création monétaire par les banques - émettre une créance sur elles-mêmes qui est acceptée par le public comme moyen de paiement - est donc en place dès la fin du XVIIe siècle, et très vite l'État prends le relai puis s'octroie le monopole d'émission des billets. Plus tard les billets deviennent inconvertibles (cours forcé). La création monétaire n'a ainsi plus besoin de « l'alibi » d'une couverture or, même partielle, et est devenue très majoritairement de nature scripturale. Aujourd'hui pour prêter, une banque n'a plus besoin de sommes préalablement déposées.
La création monétaire aujourd'hui est une simple double écriture au bilan d'une banque commerciale
La nature du dépôt
Lorsqu’un particulier dépose une somme en billets (monnaie fiduciaire, émise par la seule banque centrale) dans une banque de dépôts, la banque passe l’écriture comptable :
Crédit du compte du déposant à débit du compte de trésorerie.[2]
Cela signifie que le déposant a fait un prêt à la banque. Ce prêt est sans intérêt et peut être révoqué à tout moment, en tout ou en partie, soit en retirant les sommes déposées soit en utilisant le compte pour effectuer des paiements.
Pour la banque, les montants des comptes de dépôts de ses clients sont des dettes inscrites à son passif. Comme il s’agit d’une dette, si la banque fait faillite, le déposant devient un simple créancier qui sera indemnisé à hauteur de ce qui reste après la liquidation. Des garanties données par les États ont été accordées et notablement étendues en 2008 pour éviter les retraits par panique (70 000 € par compte).
Le détenteur peut également, concernant cette monnaie fiduciaire :
- la garder chez lui. Mais se pose la question de la sécurité en cas de vol.
- La déposer dans un coffre à la banque. La sécurité est meilleure, mais elle a un coût : celui de la location du coffre.
S’il transfère la monnaie fiduciaire dont il dispose sous forme de monnaie scripturale (dépôt à vue) à la banque, c’est que cette opération :
- Lui facilite la vie : il va pouvoir effectuer des paiements par chèques, virements et cartes de paiements.
- Lui est imposée par l'État : un certain nombre de règlements doivent être fait impérativement par chèque. La traçabilité des mouvements en compte est appréciée par le fisc. La surveillance de l’argent sale est également une préoccupation de l’État (voir en France le dispositif Tracfin).
Le dépôt correspond donc à un service et à une contrainte. Le service est partiellement payant : les virements comme la carte de paiement sont facturés. Le paiement par chèque ne l’est pas en France. On pourrait naturellement imaginer que le chèque soit payant et le dépôt rémunéré. C’est une source de débats récurrents.
Les billets que la banque reçoit dans son compte de trésorerie n’ont pas vocation d’y rester : l’excédent des billets est centralisé tous les jours à la banque centrale où ils seront comptés et vérifiés.
Les faux billets sont retirés de la circulation lors du contrôle par la succursale concernée de la banque centrale et constituent une perte pour la banque remettante : c’est pour cela que les billets sont vérifiés lors des remises aux guichets des banques. Les billets en mauvais état sont retirés de la circulation et remplacés par des neufs. Cet échange ne correspond à aucune émission nouvelle de monnaie fiduciaire. C’est juste un échange.
Mécanisme de création de la monnaie scripturale
Le mécanisme fondamental est l’effet multiplicateur du crédit dans le cadre du système de réserves fractionnaires.
La création de monnaie de crédit (monnaie scripturale) par les banques commerciales nécessite initialement une demande des agents non bancaires (ménages, entreprises, administrations publiques). Mais même si cette demande est assurée, les possibilités de création monétaire ne sont pas sans limite.
- les banques centrales imposent le plus souvent une réserve obligatoire sur les dépôts.
- les banques commerciales sont tenues à fournir le public de la monnaie fiduciaire qu'il demande en échange de la monnaie scripturale ou d'un débit de son compte: les banques commerciales doivent donc acheter cette monnaie à la banque centrale.
- les banques doivent compenser en monnaie centrale les soldes négatifs des échanges journaliers auprès de leurs concurrentes
- des règles prudentielles sont imposées aux banques afin que les crédits qu’elles accordent ne dépassent pas différents ratios (déterminés par les règles dites de Bâle 2 ).
- de plus la banque centrale peut agir pour réduire la quantité de monnaie centrale disponible.
- dans certains cas les autorités peuvent aussi agir directement sur la quantité de crédit offerte par les banques. C’était par exemple le cas en France dans le cadre des lois Debré dans les années soixante.
Mais même en l’absence de tout contrôle ou tout dépôt fractionnaire, la création monétaire ne serait pas infinie. Les crédits doivent être remboursés. Lorsqu’ils le sont la destruction monétaire suit exactement les mêmes règles que la création dans le sens contraire. L’activité monétaire de crédit joue donc dans les deux sens. Si globalement les banquiers freinent puis réduisent leurs crédits il y aura diminution de la masse monétaire. Néanmoins si le montant du capital du prêt est détruit par le remboursement du crédit, il n'en est pas de même pour les intérêts qui s'ajoutent à la dette de l'emprunteur.
Régulation de la création de monnaie scripturale
Les banques centrales ne créent que la monnaie banque centrale. La fonction de création de la monnaie scripturale est déléguée aux établissements de crédit, dits « de second rang ».
Toutefois, les banques centrales supervisent et régulent l’ensemble de la création monétaire :
- en jouant sur les taux directeurs : les établissements de crédit empruntent sur le marché interbancaire ou empruntent aux banques centrales à un taux d'intérêt défini par la banque centrale, le taux de refinancement, la monnaie banque centrale dont elles ont besoin [1]. En augmentant (respectivement en baissant) ses taux d'intérêt, la banque centrale rend plus difficile (respect. plus facile) l'accès au refinancement par les banques commerciales, et induit un renchérissement du coût d'un crédit pour l'emprunteur (ménage ou entreprise). De ce fait, une hausse du taux d'intérêt entraîne (toutes choses égales par ailleurs) une baisse de demande de crédit. Une diminution du taux de refinancement à évidemment un effet contraire.
- en faisant varier le ratio de réserves obligatoires des établissements de crédit : ceux-ci sont obligés de placer sur un compte de dépôts auprès de la banque centrale un certain montant de monnaie banque centrale dont la valeur est proportionnelle à l'ensemble des dépôts à vue qu'ils ont reçus de leurs clients. Une hausse de ce ratio augmente le coût pour les banques commerciales à émettre des crédits, et donc réduit leurs émissions de crédit. C'est pour cette raison que l'on parle de système de réserves fractionnaires.
- en imposant des règles à l’ensemble des banques, afin que ces dernières présentent des garanties au regard des risques qu’elles prennent (voir banque – rôle et directives Bâle II notamment). En effet, si une banque commerciales prend trop de risques dans les prêts accordés, elle risque de rencontrer des défauts de paiement de la part de ses emprunteurs, et ensuite de restreindre de façon drastique les prêts accordés à d'autres acteurs économiques. Il y a un alors un risque de credit crunch.
Une banque ne peut pas créer de monnaie fiduciaire (billets). En ce qui concerne la monnaie scripturale, tous les crédits qu'elle accorde doivent être couverts par un pourcentage de monnaie centrale (réserves obligatoires, demande en billets du public, soldes de compensation)
Critiques des méthodes actuelles de création monétaire
Murray Rothbard, élève de Ludwig von Mises et également membre de l'école autrichienne d'économie a dénoncé le système de réserves fractionnaires, en visant particulièrement Milton Friedman, comme dans Milton Friedman unraveled en 1971[2]. Il critique le processus de création de monnaie par le système de réserves fractionnaires pour ses effets inflationnistes et assimile la création de monnaie ainsi faite à de la « magie »[3].
Plus récemment, Maurice Allais considérait en 1999, dans La Crise mondiale aujourd'hui comme « inappropriée » la structure de création monétaire actuelle[4]. Il considère le système actuel comme instable et risqué, les engagements et les créances n'étant pas nécessairement au même horizon et le risque d'un retrait massif de liquidités par les épargnants étant toujours possible. Ainsi, selon Allais, « L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile ». Il appelle de ses vœux un système où la création monétaire ne relève que de l'État, dans un cadre de régime de change fixe.
James Robertson et d'autres auteurs altermondialistes souhaitent ramener le processus de création monétaire sous le contrôle de l'État et jugent que le système actuel n'est pas aligné « sur des principes de justice économique et sur les réalités de l’ère de l’information, à tel point que la confiance dans la démocratie même en est sérieusement ébranlée »[5] Et d'ajouter : « Le fait que ces banques commerciales créent toujours ces fonds libellés en devises officielles et que cette création de monnaie génère des bénéfices revenant au privé constitue un anachronisme flagrant ». Il préconise également que les banques centrales soient seules créatrices de monnaie et que la monnaie créée soit affectée aux dépenses publiques. Les banques de second rang n'auraient plus la possibilité de créer de la monnaie par l'emprunt, le tout dans un système contrôlé par une banque centrale mondiale qui « devrait rendre compte aux gouvernements membres ».
Une solution appelée crédit social ou dividende monétaire préconisée par certains libéraux démocrates et historiquement due à C.H Douglas est que toute création de monnaie libre de dette (augmentation de la masse monétaire centrale) soit distribuée à l'ensemble des citoyens de façon parfaitement équitable, et que la monnaie créée par l'emprunt (monnaie temporaire) soit mécaniquement limitée à deux fois la masse monétaire centrale (monnaie permanente).
Voir aussi
- Inflation
- Banque centrale
- Masse monétaire
- Monnaie
- Monnaie privée
- Monnaie fiduciaire
- Autorité des marchés financiers (France)
- Réserves obligatoires
- Théorie quantitative de la monnaie
- Seigneuriage
- Monétarisme
Sources
- Banque de France, « Le concept de banque centrale », bulletin n°70 d’octobre 1999
- « argent dette », argent dette de Paul Grignon, livre et reportage vidéo sur la création monétaire
Notes et références
- ↑ L’écart entre le taux d'emprunt sur le marché interbancaire (l’Eonia par exemple) et le taux de la banque centrale est généralement faible (exceptions faites des périodes de crise de liquidité), mais il est légèrement positif
- ↑ (en)Milton Friedman unraveled, 1971, paru dans The individualist et repris sur le site de Lew Rockwell
- ↑ Fractional Reserve Banking, Murray Rothbard in The Freeman, 1995
- ↑ Maurice Allais, La crise mondiale d’aujourd’hui - Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires, Éditions Clément Juglar
- ↑ James Robertson & John Bunzl, en anglais Monetary Reform - Making it Happen, et traduction française La réforme monétaire – Bientôt une réalité !
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