- Histoire du canard enchaîné
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Histoire du Canard enchaîné
Le Canard enchaîné {{{nomorigine}}} Pays France Langue(s) Français Périodicité Hebdomadaire Genre Presse satirique Prix au numéro 1,20 € Diffusion 400 000 ex. (2004) Date de fondation 1915 Ville d’édition Paris Directeur de publication Michel Gaillard Directeur de la rédaction Michel Gaillard Rédacteur en chef Claude Angeli & Érik Emptaz Propriétaire SA Les Éditions Maréchal - Le Canard Enchaîné ISSN 0008-5405 Le Canard enchaîné Cet article traite l'histoire du Canard enchaîné.
Sommaire
Création
Le Canard enchaîné a été créé le 10 septembre 1915 en riposte à la censure de la presse, à la propagande officielle et au bourrage de crâne[1] imposés par la guerre et ses difficultés. [2]
Contrairement à une légende tenace il n'est pas un journal composé par des poilus, un journal des tranchées, comme le Crapouillot de Jean Galtier-Boissière [3]. Il ne démarrera vraiment que le 5 juillet 1916, après l'échec d'un lancement prématuré, et s'annonce comme « vivant, propre et libre ».
Il va s'attaquer « à la guerre, à la censure, aux politiciens, aux affairistes, aux curés, au pouvoir, à la guillotine » ainsi qu'au bellicisme outrageant des héros de l'arrière (académiciens, éditorialistes de la grande presse) qui se battent avec le sang des autres. L'arme choisie par le journal est le « rire ».
C'est la seule utilisable face à la censure militaire et politique avec laquelle le journal poursuit un combat homérique et rusé, illustré d'épisodes désopilants. Certaines fois, les pages du journal sont littéralement trouées de blancs. Pour échapper à « Anastasie » (personnage qui symbolise la censure) les journalistes utilisent un langage codé : antiphrases, démentis qui valent confirmations, phrases à l'envers, etc, bref tout un arsenal qui fait du lecteur un initié, presque un complice. [4]
Ils s'engagent d'ailleurs dès sa première édition à ne publier que des informations rigoureusement fausses. Bien qu'il ne soit pas un « journal de tranchées », il a du succès dans les tranchées... (quand il n'y est pas interdit).
Deux officiers, Nusillard et Gauthier, sont affectes au contrôle des articles pendant toute la guerre et jusqu'en 1919.
Au total, la majorité des articles censurés ne traitent pas de sujets militaires.
Il est pour les Poilus, un rire vengeur et consolateur, le journal des PCDF : au choix « les pauvres cons du front », « les pauvres combattants du front », « les pauvres cons de Français », « les pauvres contribuables de France ».
Lors de son lancement, une profonde communauté d'esprit existait entre Le Canard et le monde du cabaret, de la revue et du chant humoristique ou satirique « montmatrois » (Montmartre).
L'entre-deux
Des plumes comme Anatole France, Jean Galtier-Boissière, Paul Vaillant-Couturier, Henri Béraud, Raymond Radiguet[5], Tristan Bernard[6], Jean Cocteau, Pierre Mac Orlan, Lucien Descaves ou Roland Dorgelès y collaborent, ainsi que des dessinateurs aussi célèbres que Lucien Laforge et Henri-Paul Deyvaux-Gassier.
Pacifiste (quasiment « pro-munichois » en 1938), cultivant un antimilitarisme allié d'un anticléricalisme de bon aloi, Le Canard a quelques difficultés (notamment financières) à se reconvertir dans la paix, après l'armistice de 1918. Il se développe néanmoins jusqu'à atteindre 250 000 exemplaires de tirage lors du Front populaire qu'il soutient néanmoins en dénonçant la montée des régimes totalitaires.
L'Entre-Deux-Guerres est une période de déceptions et d'illusions. Il apparaît, à travers Le Canard la décomposition du régime, miné par les scandales, notamment le suicide de Stavisky, à la suite de l'affaire Stavisky (une des plus célèbres manchettes : "Stavisky s'est suicidé d'une balle qui lui a été tirée à bout portant"), puis la montée de la guerre.
En 1936, Léon Blum se prononce pour la non-intervention en Espagne. Sur cette décision, à l'instar de la gauche française, les journalistes du Canard comme Pierre Bénard, ou Jean Galtier-Boissière expriment des opinions divergentes.
L'ironie du journal se déchaine et devient souvent pamphlétaire avec la plume féroce des Henri Jeanson, Jules Rivet ou Alfred Modeste-Dieu.
La Seconde Guerre mondiale
Le journal se heurte au retour de la censure [7]. Il est l’un des rares journaux à se saborder pendant l’Occupation en 1940, refusant toute collaboration. [8]. Mais plusieurs de ses journalistes se recyclent dans la presse collaborationniste comme André Guérin, rédacteur en chef de l'Œuvre de Marcel Déat où il cotoie Auguste Nardy tandis que Pedro dessine à Je suis partout et Jules Rivet collabore au journal Le petit parisien de Gabriel Jeantet[9].
Il reparaît le 6 septembre 1944. ("Pour les Français, la guerre sera finie quand ils pourront lire le Canard enchaîné...." affirme Pierre Brossolette à Jean-Pierre Melville [1], repris par Luc Jardy, personnage interprété par Paul Meurisse dans le film "L'Armée des ombres"). Son premier numéro eut un succès sans précédent. [10]
Maurice Maréchal est décédé en 1942.
Son épouse, Jeanne Maréchal, reprend la direction de l’hebdomadaire avec : Ernest Reynaud, Gabriel Macé, Roger Fressoz, Yvan Audouard, l'ancien national socialiste breton Morvan Lebesque, et les dessinateurs : Lap, Escaro, Moisan[11].
La guerre d'Algérie
Lors de la guerre d'Algérie, le journal s'oriente vers le journalisme d'investigation. Il n'a pas les moyens d'entretenir un correspondant permanent sur place, mais dispose de deux sources d'informations : des militaires du contingent qui le renseignent directement et les sources militaires, politiques et administratives en métropole. Les autorités, en particulier, cherchent à identifier le ou les rédacteurs des carnets de route de l'ami Bidasse. Cette rubrique dépeint sans rien cacher depuis août 1956 le quotidien de soldats engagés dans la guerre. Dans son numéro du 6 mai 1959[12], le journal prend plaisir à relater les investigations du service psychologique de la Xe région militaire. Les officiers chargés des recherches classent les suspects en tant que « BE » (« bidasse éventuel »), ou « BP » (« bidasse probable »).
La ligne éditoriale du journal s'oriente vers la dénonciation de tous les extrêmes. Le Canard est favorable à une Algérie indépendante (il soutiendra même de Gaulle à chaque fois que celui-ci fait un pas vers l'indépendance), et n'hésite pas à s'en prendre aux grands propriétaires terriens, à ces « grands colons » qui connaissent une grande prospérité dans l'Algérie coloniale. Cependant, à partir de divers témoignages reçus à la rédaction, il organise dans ses colonnes des débats fictifs où chacun, quelle que soit sa position, a sa place. De même, « La rédaction prise dans son ensemble éprouvait une grande résistance pour la résistance algérienne »[12]. Le journal prend ainsi ses distances avec des initiatives telles que le Manifeste des 121.
Cette indépendance ne garantit cependant pas au journal une protection vis-à-vis des pressions venant du gouvernement. Il doit user alors de subterfuges. C'est ainsi qu'en mars 1958, il contourne malicieusement les entraves administratives à sa liberté éditoriale. Au début de ce mois, le gouvernement de Félix Gaillard, sous la pression de Jean Dides, faisait saisir deux hebdomadaires : France Observateur, pour un article d'André Philip sur le bombardement par l'aviation française du village tunisien de Sakiet, et l'Express, pour un article de Jean-Paul Sartre sur la torture (à propos du livre d'Henri Alleg, la Question). Les deux journaux durent, pour reparaître, éliminer ces deux articles. Le Canard les publie sous forme de photocopie aux caractères minuscules, mais lisibles. Les deux articles sont simplement rayés d'une croix et précédés d'un chapeau qui avait l'air de désapprouver.
Cette politique habile lui permet de ne connaître que deux saisies administratives avant le 13 mai 1958. Robert Lacoste, proconsul à Alger, explique les raisons de cette clémence : « Je ne veux pas passer pour un con »[12]. Cependant, les numéros du 13 au 30 juillet 1958 sont saisis, de même que ceux parus du 27 août et du 10 septembre.
Cette orientation nouvelle permet au journal de voir sa diffusion atteindre 300 000 exemplaires en 1962.
Les années 1960
Le journal s'étoffe et augmente sa pagination à partir des années 1960. Il conserve sa ligne directrice et pour répondre aux aspirations du public, il s'efforce de développer un style différent du conformisme et du peu de curiosité de la presse de l'époque.
L’arrivée du général de Gaulle en 1958 donne un nouvel élan au journal avec la création de la rubrique «la Cour», par Roger Fressoz (André Ribaud), représentant le Palais de l’Elysée de Charles de Gaulle comme un nouveau Versailles monarchiste.
Les années 1970, 1980, 1990
Dans les années 1970, le journal va évoluer vers le journalisme d'investigation en dénonçant les scandales politiques et économiques. L'hebdomadaire a dévoilé nombre de ces scandales, fidèle à sa formule « fou du roi et garde-fou de la République » (Roger Fressoz) : affaire des « micros », diamants de Giscard, feuilles d'impôt de Chaban-Delmas, de Jacques Calvet (PDG de Peugeot), vrai-faux rapport de Xavière Tiberi, scandale des HLM, Carrefour du développement, Urba-Gracco, Péchiney et Patrice Pelat ...
Les années 1990
Le journal évolue dans les années 1990. Des changements d'importance interviennent à la tête du journal à la suite du décès de Gabriel Macé.[13] En 1992, Roger Fressoz quitte la direction et laisse la main à Michel Gaillard[14]. Jean Clémentin, Roland Bacri, Alain Grandremy s'éloignent progressivement du journal pour laisser places à de nouvelles signatures : Nicolas Beau, Jean-Luc Porquet, Hervé Martin, Hervé Liffran… L'équipe accueille aussi de nouveaux dessinateurs : Brito, Lefred-Thouron, Pétillon.
La situation actuelle
Ses actuels rédacteurs en chef sont Claude Angeli et Érik Emptaz. Avec 406 488 exemplaires vendus en moyenne chaque semaine ("Les comptes du Canard en 2006" in Le Canard Enchaîné, 29 août 2007), le « volatile » a dégagé un exercice légèrement positif en 2004. Il coûte peu à fabriquer : huit pages grand format, avec dessins, et compte une centaine de salariés, y compris les pigistes.
Les ventes-records sont celles de l'affaire Papon (13 mai 1981) (1,2 million), celle de la feuille d'impôt de Marcel Dassault (1979, 778 000), des « diamants » de Giscard (1979, 900 000) ou des « micros » (décembre 1973, 1 million).
Les dessinateurs et caricaturistes du Canard
(liste non exhaustive)
- Brito
- Cabrol
- Cabu
- Cardon
- Escaro
- H.-P. Gassier
- Ghertman
- Grove
- Henri Guilac
- Kerleroux
- Lefred-Thouron
- Moisan
- Pétillon
- Vasquez de Sola
- Jacek Woźniak
Notes et références
- ↑ Le 29 novembre 1916, Le Canard enchaîné pastichant les jeux, les concours, les référendums proposés par la presse, lance un référendum pour l'"élection du grand chef de la tribu des bourreurs de crâne". La question était "Lequel, à votre sens, parmi les journalistes qui se mettent quotidiennement en vedette, mérite, à tous égards, le titre de Grand chef ?". Publié le 20 juin 1917, le vainqueur fut Gustave Hervé, battant d'une courte tête Maurice Barrès, puis venaient Charles Humbert, un nom censuré, Bunau-Varilla, Marcel Schwob et Henri de la Ville d'Avray (pseudonyme de Maurice Maréchal).
- ↑ Dans un article du 3 janvier 1917, intitulé Nos poilus ont répondu, Paul Vaillant-Couturier:
- Leur offre de paix va bien mal ;
- Le soldat y répond : J'avance
- Ca n'est pas gentil pour le général :
- Le soldat se bat, le chef pense.
- ↑ ses deux fondateurs Maurice Maréchal et H.-P. Gassier ne seront jamais mobilisés pendant la Première Guerre mondiale
- ↑ Ainsi en 1916, à plusieurs reprises, des textes censurés dans le Canard furent publiés dans des quotidiens amis par Georges de la Fouchardière. Le journal pouvait les reprendre la semaine d'après en mettant en boîte son censeur.
- ↑ Sa première œuvre nommée Galanterie française parut dans le Canard enchaîné du 6 mai 1918 sous le pseduonyme de Rajky.
- ↑ Sonnez tambours, battez trompettes ! Le Canard enchaîné fait savoir à ses lecteurs qu'il publiera mercredi prochain un article dû à la plume de Tristan Bernard. Tout commentaire serait superflu. Le Canard enchaîné. 1917.
- ↑ Dans son numéro du 30 août 1939, André Guérin écrit C'est dans ce même esprit que nous saluerons vingt ans après le retour -enfin- aux saines traditions de la grande époque des Nusillard et des Jules Gauthier. Et tous les espoirs redeviennent permis, en quelque sorte. A l'Hôtel Continental ont tenu à fêter autour d'une table la joie qu'ils éprouvent à se trouver réunis, le plus franc optimisme est du reste le seul sentiment de mise. Au dessert, Jean Giraudoux s'est levé, dans une improvisation d'une belle venue, définir brièvement les devoirs qui incombent désormais à ses dévoués collaborateurs : - En principe, a-t-il exposé, dans un pays comme le nôtre, tout peut être dit et répété. Parmi les rares sujets à réserver, et même à interdire purement et simplement, je citerai simplement : la personne de M. Mussolini ; celle de M. Hitler ; la question de Dantzig ; l'attitude de l'Angleterre ; la guerre de Troie. C'est tout. (...).
- ↑ Un Caneton déchaîné : journal rédigé par des Français déchaînés, paraît à Londres en 1942, s'intitulant Numéro de guerre du "Canard enchainé". (1 seul numéro, une reproduction figure sur le microfilm : "Voices from wartime France, 1939-1945", London : Primary source microfilm, 2002).
- ↑ La face cachée du Canard de Karl Laske et Laurent Valdiguié, Stock, 2008, cité dans l'Express du 20 novembre 2008 p52
- ↑ Dans les semaines qui suivirent, son tirage dépassa le cap des 500 000 exemplaires, et fut néanmoins limité par la rareté du papier journal.
- ↑ Moisan fut également un caricaturiste de l'Œuvre de Marcel Déat
- ↑ a , b et c Relaté ou cité dans l'article de Laurent Martin, L'honneur du Card Enchaîné, L'Histoire, n°292, novembre 2004
- ↑ Il est remplacé par Éric Emptaz.
- ↑ Après la génération des fondateurs - celle des Maréchal - après la génération de Tréno, après celle de Fressoz, c'est la 4e génération du Canard qui prend la relève…
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