Histoire de l'éducation en France

Histoire de l'éducation en France

Le système éducatif français a connu d'importantes évolutions à travers l'histoire. Ces évolutions n'ont pas été continues, mais cette histoire est marquée par un accès de plus en plus large à l'enseignement, depuis l'Ancien Régime jusqu'à nos jours. Longtemps réservé à une certaine élite, l'enseignement a connu une démocratisation importante. La question de l'enseignement est soumise à des enjeux politiques, idéologiques et économiques qui contribuent à nourrir son histoire. Citoyens, familles, État et institutions (religieuses, économiques...) constituent les groupes de pression qui vont permettre l'aboutissement de l'école généralisée, notamment au travers des lois Ferry. L'histoire de l'éducation en France est donc marquée par des considérations économiques (coût de l'école, valeur économique des enfants) et sociales, mais aussi par des débats sur la liberté d'enseignement et sur la laïcité.

Sommaire

Moyen Âge

Charlemagne est traditionnellement considéré en France comme ayant « inventé l'école ». Il est vrai que, conseillé sur ce point par Alcuin, il crée l'école du palais à Aix-la-Chapelle : les enseignements sont structurés autour des sept arts libéraux (quadrivium et trivium) qui avaient été définis au VIe siècle.

Au XIIe siècle se produit un progrès dans l'instruction, l'apparition des universités, avec l'organisation unifiée de l'enseignement de tous les collèges des villes importantes et l'approfondissement de la connaissance des auteurs grecs (Aristote, et aussi Thalès, Euclide, Archimède, etc.).

Les universités étaient structurées en quatre facultés, dont l'enseignement commence par celui des collèges de la faculté des arts qui continuent d'enseigner le quadrivium et le trivium, et qui jouent le rôle de propédeutique, et se poursuit dans l'une des trois autres facultés: (théologie, médecine, droit), selon le secteur d'activité auquel se destine l'écolier.

Ancien Régime

Article détaillé : Éducation à l'Époque moderne.

L'époque moderne voit se développer les « petites écoles » destinées à donner une instruction de base aux enfants (lire, écrire, compter). Le pouvoir royal encourage ces écoles, mais sans s'impliquer, ni pour l'organisation, ni pour le financement. Les petites écoles sont donc sous la dépendance des évêques et des communautés locales. Le financement vient uniquement des familles, ce qui n'est pas très favorable à un enseignement suivi. Ces petites écoles sont donc présentes surtout dans les villes et dans certaines régions, et sont généralement réservées aux garçons.

Dans les grandes villes sont créés des Collèges tenus par des ordres religieux. Ils s'émancipent avec plus ou moins de difficultés des universités. Les Jésuites fondent et dirigent notamment du XVIe au XVIIIe siècle de nombreux établissements prestigieux dans lesquels l'enseignement est gratuit (le plus célèbre étant l'actuel lycée Louis-le-Grand à Paris). Tous ces collèges forment une part importante des enfants de la bourgeoisie, même s'ils ne rejoignent pas l'université. Ces dernières se maintiennent, la détention de diplômes étant indispensable pour l'exercice de certaines fonctions, notamment des offices judiciaires ou de la prêtrise.

C'est aussi avant la Révolution que sont créés les premiers établissements de formation supérieure spécialisée, notamment pour le génie, et qui préfigurent les grandes écoles.

L'œuvre de la Révolution

Au début de la Révolution, l'éducation n'apparaît pas comme une question prioritaire et l'enseignement d'Ancien Régime perdure. En l'an II la Convention vote un texte fondateur, l'enseignement sera laïc et gratuit, Louis Joseph Charlier propose un amendement qui sera voté, rendant l'enseignement obligatoire en France, la loi est définitivement votée le 5 nivôse an II. En France pour la première fois l'enseignement sera laïc, gratuit et obligatoire. La situation change avec les restrictions opposées à l'enseignement religieux. Les pouvoirs publics envisagent l'organisation d'un enseignement d'État. La réforme aboutit à la loi Daunou du 3 brumaire an IV. Celle-ci organise un enseignement primaire, mais supprime l'obligation, et des écoles centrales pour le secondaire. Les enjeux de l'éducation selon les révolutionnaires sont :

  • de donner une culture à l'ensemble des citoyens, qui une fois éclairés, ne tomberont pas dans le piège d'une vie entièrement orientée vers la satisfaction des besoins énormes de main d'œuvre du système de production ou vers le culte ;
  • de légitimer et d'assurer la survie du nouveau système politique français qui émerge, la démocratie.

Les universités sont supprimées en 1793 et remplacées à partir de 1794 par des écoles professionnelles : écoles de droit et de médecine. La Révolution[1] développe aussi le système des grandes écoles, comme l'École polytechnique, fondée en 1794. C'est à la même période que Condorcet lance le mouvement de l'éducation permanente qui doit permettre à tout citoyen de se former tout au long de sa vie. Le Conservatoire national des arts et métiers est créé à cette époque.

De Napoléon à Jules Ferry

Sous le Consulat, sont fondés les premiers lycées (en 1802), à côté desquels subsistent des collèges considérés comme secondaires. La grande réforme de Napoléon Ier est celle de la constitution de l'Université impériale, avec la loi du 10 mai 1806 et surtout le décret du 17 mars 1808. Ce dernier inscrit, sous le nom de « logique », la philosophie parmi les matières nécessaires de l'enseignement secondaire[2]. L'année suivante, un règlement remplace ce mot par celui de philosophie, et un arrêté de 1810 étendit à tous les lycées cette disposition[2].


Outre les dispositions institutionnelles, ces textes organisent le monopole de l'enseignement d'État. Selon le décret, les différents ordres d'enseignement sont les facultés, les lycées, les collèges, les institutions, les pensionnats et les écoles primaires.
Les écoles de médecine et de droit reprennent le nom de facultés, pendant que sont créées des facultés des lettres et des sciences.

Sous la Restauration, l'ordonnance du 29 février 1816 marque un tournant dans l'enseignement. Elle établit un comité cantonal chargé de la surveillance des écoles. Elle oblige, dans son article 14, les communes à « pourvoir à ce que les enfants qui l'habitent reçoivent l'instruction primaire, et à ce que les enfants indigents la reçoivent gratuitement », celles-ci pouvant se regrouper pour remplir cette obligation[3].

L'administration de l’évêque d'Hermopolis Denis Frayssinous (ministre de l'Instruction publique en 1824-1827), institua une agrégation spéciale de philosophie (1825) [2]. Le même ministre fit dresser la liste des questions qui devaient être traitées devant les élèves et sur lesquelles devait porter l'examen du baccalauréat. Ce programme, qui date de 1823, comprend la morale, la métaphysique et la logique, qui comprenait elle-même une bonne partie de la psychologie. Selon le sociologue Émile Durkheim:

« Si donc on s'en tient à l'organisation purement extérieure et matérielle [de la philosophie], les innovations de Cousin [ Ministre de l'Instruction publique en 1840] se réduisirent à substituer le français au latin comme langue usuelle de la philosophie, et à donner au programme un peu scolastique qui existait avant lui un caractère plus moderne. Mais s'il n'eut pas à créer de toutes pièces cet enseignement, il en transforma complètement l'esprit, en lui assignant pour la première fois une fonction sociale et pédagogique de la plus haute importance[2]. »

Au cours du XIXe siècle, les gouvernements successifs s'efforcent d'améliorer l'enseignement primaire, tout en devant accepter ou lutter contre la volonté de l'Église catholique de contrôler la formation intellectuelle et morale des jeunes Français. Avec la loi Guizot de 1833, les communes de plus de 500 habitants sont tenues d'avoir une école de garçons. Guizot encourage aussi la fondation d'écoles primaires supérieures destinées à améliorer la formation générale et professionnelle des élèves de l'école primaire issus de familles modestes et qui ne pourraient accéder aux collèges et lycées.
La Loi Falloux (1850) cherche à développer l'enseignement primaire en fixant le principe d'une école de garçon dans toutes les communes et d'une école de filles pour « celles qui en ont les moyens ». Elle officialise la dualité des systèmes d'enseignement, à côté d'un enseignement public financé par l'État peut se développer un enseignement "libre" essentiellement formé d'écoles catholiques. De plus, elle confère à l'Église catholique, un droit de contrôle très important sur l'organisation, les programmes et la nominations des maitres de l'enseignement public. L'enseignement secondaire des jeunes filles est relancé avec la création, en 1867, des lycées de jeunes filles, auxquelles toutefois seules les plus fortunées accèdent.
Cependant, malgré des projets en ce sens après la Révolution de 1848, aucun gouvernement jusqu'en 1880 n'instaure l'obligation d'éducation. C'est là que va résider l'une des grandes nouveautés de Jules Ferry.

L'ère Ferry

Les années 1880 sont marquées par des changements fondamentaux dans le système éducatif français, mouvement essentiellement porté, du moins au début, par Jules Ferry et son principal conseiller Ferdinand Buisson. Ces lois Ferry de la fin du XIXe siècle qui rendent l'école laïque, obligatoire et gratuite sont l'aboutissement d'un mouvement de démocratisation de l'école. La loi instaure un enseignement obligatoire de 6 à 13 ans les enfants pouvant toutefois quitter l'école avant cet âge s'ils ont obtenu le certificat d'études primaires. La laïcité, proclamée dès 1881 avec la suppression de l'éducation religieuse dans l'enseignement public, est renforcée par la loi Goblet (1886), qui interdit aux religieux d'enseigner dans le public.

L'école devient alors un ascenseur social pour tous les enfants d'ouvriers et d'agriculteurs qui accèdent à l'éducation. Les instituteurs[4] sont la cheville ouvrière de ce système, qui tient grâce à cette croyance dans un progrès social grâce à l'école, dont ils se font le relais.

L'entre-deux-guerres et Vichy

L'entre-deux-guerres est marqué par l'essor de l'enseignement technique avec l'adoption de la loi Astier (1919) qui crée des établissements spécialisés. Dans les années 1930, pour les dirigeants, la finalité de l'école est l'égalité de la société. Ils en arrivent même à concevoir que c'est à la société de créer les emplois qui accueilleront les jeunes adultes ainsi formés par le dispositif scolaire. La politique de Vichy innove assez peu en matière scolaire, la période se traduisant plutôt par une forme de réaction. En effet, le secondaire devenu gratuit en 1933 redevient payant, les écoles normales sont supprimées car porteuses des valeurs républicaines. Parallèlement le Conseil national de la Résistance émet le souhait d'une éducation plus intégrée. Le latin perd de l'importance dans l'enseignement pour devenir facultatif.

De la Libération à mai 1968

Pendant la Libération, le gouvernement provisoire institue une commission de réflexion sur l'éducation. Le rapport Langevin-Wallon qui en est issu propose de nombreuses mesures de modernisation de l'enseignement, pour faire face à la massification de l'enseignement qui se profile. Il était proposé de démocratiser l'enseignement en allongeant la scolarité à 18 ans, en généralisant les expériences mouvements de l'éducation nouvelle et en élaborant une école unique. Ce projet sera enterré faute de moyens et en raison de divergences politiques mais il sera source d'inspiration pour de nombreuses réformes scolaires par la suite. En 1959, avec la réforme Berthouin, la scolarité obligatoire passe officiellement à 16 ans, bien que son application ne soit achevée qu'en 1971. Les collèges deviennent des collèges d'enseignement général (CEG). La loi Debré de 1959 instaure aussi des contrats avec les écoles privées, dont les enseignants sont rémunérées par l'Etat à condition que celles-ci enseignent le même programme scolaire que dans le public (écoles dites sous contrat), tandis que le catéchisme devient une option (les écoles privées sont en effet majoritairement catholiques).

Faute d'avoir su se moderniser, pour faire à sa massification, l'enseignement français sera au bord de la rupture dans les années 1960 jusqu'à la révolte de mai 1968. La démocratisation de l'enseignement se fera tout d'abord dans l'enseignement technique et professionnel[5] puis dans le secondaire et à l'université. Les universités françaises, mal préparées à de tels effectifs, manquant cruellement de locaux, tentent de se rénover, notamment avec la construction de centres secondaires. Cependant, ces efforts sont insuffisants et le mécontentement de mai 1968 a pour causes entre autres ces mauvaises conditions d'études.

Depuis mai 1968

À la suite du mouvement de mai 1968, l'université est réformée, menant entre autres à plus d'autonomie et à une démocratisation de son administration (loi Faure de 1968). La mixité devient la norme à tous les niveaux d'enseignement. En 1975, la loi Haby instaure le principe du collège unique pour tous les élèves.

La pédagogie, influencée par les sciences de l'éducation, évolue et interroge la place de l'enseignant en termes de directivité ou de non-directivité. Dans les années 1970, Ivan Illitch va jusqu'à remettre en question l'existence d'un système scolaire institué par l'État. Les pédagogies nouvelles (Montessori, Freinet…), si elles suscitent un important débat, restent cependant dans les marges du système éducatif français. La loi Jospin de 1989 semble toutefois aller dans leur sens en plaçant l'élève « au centre du système éducatif ». Dans ce cadre, le pédagogue Philippe Meirieu envisage que l'École devienne un moyen de réalisation du projet de l'élève. La place de l'élève n'est plus celle du simple récipient que l'enseignant remplit (triangle pédagogique). L'idée d'une formation de l'élève à son futur statut de citoyen est portée par l'institution scolaire (« éducation à la citoyenneté »).

Même si le niveau de formation s'est élevé (avec près de 80% d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat), le rôle d'ascenseur social du système éducatif est fortement contesté. Les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ont mis en évidence dès 1964 que la proportion d'individus provenant des classes populaires et accédant aux études supérieures reste très faible. Ils ont démontré que le système scolaire reproduit le schéma social et qu'il a pour objet de conforter et légitimer la position les élèves dans la hiérarchie sociale. Seules les familles détenant un capital culturel adapté permettent à leurs enfants de réussir leur parcours scolaire[6].

Notes et références

  1. Ecoles de l'an III
  2. a, b, c et d Émile Durkheim, «L’enseignement philosophique et l’agrégation de philosophie.», 1895
  3. Françoise Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, p. 329.
  4. César Payan (1844-1894), un « hussard noir » de la République du temps de Jules Ferry dans la commune d'Entraunes. Voir sa biographie à partir du « sommaire : Personnalités liées à la commune » dans Entraunes
  5. Marcel Payan (1909-2006), un instituteur de l'Entre-Deux-Guerres devenu à la Libération fondateur d'un centre d'apprentissage public [1] qu'il transformera de 1960 à 1964 en lycée polyvalent à classes préparatoires scientifiques dont le site accueille sa biographie [2]
  6. Pour une illustration de ce constat sociologique voir le billet « Mythologie scolaire » par Alain Accardo (31 mars 2009).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Pierre Albertini, L’école en France, XIXe-XXe siècle, de la maternelle à l’université, Hachette, 1992.
  • Nathalie Brémand, "Les socialismes et l'enfance : expérimentation et utopie (1830-1870)", Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008 (Collection Histoire), 365 p.
  • Louis Grimaud. Histoire de la liberté d'enseignement en France. Arthaud. 6 volumes, de L'Ancien régime (1944) à La Monarchie de Juillet (1954).
  • Antoine Léon et Pierre Roche, Histoire de l'enseignement en France [détail des éditions].
  • François Lebrun, Jean Quéniart et Marc Venard, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, 1480-1789, tome 2, Perrin, 2003.
  • Françoise Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, 1789-1930, tome 3, Perrin, 2004.
  • Félix Ponteil, Histoire de l’enseignement en France, 1789-1965, Sirey, 1965.
  • Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Depuis 1930, tome 4, Perrin, 2004.
  • Michel Rouche, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Ve av. J.-C.- XVe siècle, tome 1, Perrin, 2003.
  • Gilles Rouet, L'invention de l'école. L'école primaire en France sous la Monarchie de Juillet, Presses Universitaires de Nancy, 1993.
  • André Payan-Passeron, Quelle Ecole et quels enseignants? - Métamorphoses françaises sur trois générations à partir des 34 normaliens d'Avignon (de 1914-18 aux années 2000), 266 p., Editions L'Harmattan, Paris, 2006, ISBN 2-296-00604-3 - Aperçu du livre sur : [3] et fiche auteur sur : [4]
  • Nathalie Bulle, L'école et son double. Essai sur l'évolution pédagogique en France", Hermann, 2009.

Liens externes



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