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École mutuelle
L'École mutuelle est le nom générique donné à la méthode d'enseignement apparue en France à partir de 1815 sur un modèle importé de Grande-Bretagne.
Sommaire
Contexte historique
C'est l'écossais Andrew Bell qui fut, vers 1795, l'initiateur en Europe du concept d'enseignement mutuel. Il l'avait découvert lors d'un séjour à Madras en Inde.
Dès 1815 et le retour de la paix, un climat favorable se présente en France pour réaliser les exigences naissantes de l'instruction publique populaire que les idées de la Révolution française avaient promues mais pas réalisées pour des raisons matérielles et ébauchées pendant le Premier Empire.
Les congrégations religieuses ayant été à nouveau autorisées à organiser l'enseignement, elles prennent un rapide essor qui inquiète les milieux libéraux et anti-cléricaux. Afin d'apporter une alternative à cette nouvelle mainmise idéologique revancharde de l'Église, une volonté d'instruction publique laïque et d'émancipation sociale se développe, ces idéaux se concrétisent dans la création d'une association puissante, la Société pour l’instruction élémentaire (SIE), qui essaime rapidement dans la plupart des départements.
Mais le programme de création d'écoles engagé par la SIE se heurte à une grave pénurie de maîtres. Afin de pallier ces difficultés, une nouvelle méthode d'enseignement, l'enseignement mutuel, dont le modèle est importé d'Angleterre, est promue. Les écoles pratiquant cette méthode sont appelées Écoles mutuelles.
Explication de la méthode mutuelle
Jusque là, les méthodes d'enseignement étaient restées très traditionnelles, à l'instar des règles dites de la "méthode simultanée" édictées dès 1684 par Jean-Baptiste de la Salle pour les Frères des Écoles chrétiennes : division par niveau, place fixe et individuelle, discipline stricte, travail répétitif et simultané surveillé par un maître inflexible. Pour faire fonctionner ce système organisé, un personnel important et des locaux adaptés sont nécessaires.
Dans l’école mutuelle, l'organisation est totalement différente : un seul maître est nécessaire pour faire fonctionner une école jusqu'aux limites d'ordre architectural concernant la capacité d'accueil du bâtiment (jusqu'à plus de 800 élèves). Ce système peut fonctionner à plusieurs étages, avec des moniteurs généraux, des moniteurs intermédiaires etc., jusqu'au niveau le plus bas des élèves débutants, tout le monde apprenant à son niveau et enseignant au niveau inférieur. Ainsi «Un enfant y trouve par définition toujours une place qui correspond à son niveau ... Les moniteurs ne sont que provisoirement les premiers dans le précédent exercice de la même matière », [1] et non pas les meilleurs élèves ou les plus âgés comme il sera de règle par la suite.
Le maître unique, juché sur son pupitre commande toute cette organisation, les élèves étant installés sur de longs pupitres mobiles, organisés en configuration variables suivant les matières et les groupes de niveau. La méthode introduit une innovation capitale : l'apprentissage concomitant de la lecture et de l'écriture, et fait appel à des outils pédagogiques encore peu usités, comme l'ardoise qui économise le papier ou les tableaux muraux autour desquels les groupes font cercle au moment prescrit.
Cette pédagogie active et coopérative fonctionne assez bien et permet d'apprendre à lire et à écrire en deux ans, au lieu des cinq ou six ans requis dans l'enseignement reposant sur la méthode des Frères. Dans les années qui suivent la révolution de 1830, plus de 2 000 écoles mutuelles existent, principalement dans les villes, en concurrence avec les écoles confessionnelles. En 1828, un ministère de l'Instruction publique est créé. En 1833, François Guizot, ministre de Louis-Philippe Ier, promeut une nouvelle loi visant à organiser l'éducation primaire, et à contrôler la formation des maîtres par la création d'écoles normales. Il tranche aussi, sur les méthodes pédagogiques, pour l'enseignement simultané des écoles Lasalliennes, au détriment de l'enseignement mutuel qui dès lors entame un recul qui le mène en quelques années à la marginalisation.
Comparaison entre méthode simultanée et méthode mutuelle
Tableau réalisé à partir de l'œuvre citée en référence.
N° ASPECTS METHODE SIMULTANEE METHODE MUTUELLE 1 L'enseignement est réservé à un corps d'adultes enseignants OUI NON 2 L’enseignant a un rôle d’autorité exclusif OUI NON 3 Le maître indique ce qu’il faut lire, écrire, compter OUI NON 4 Les tâches du maître ne sont pas cantonnées à l’organisation et à la surveillance OUI NON 5 Le maître corrige sur des cahiers de devoirs OUI NON 6 Il n’y a pas d’autocorrection systématique et exclusive OUI NON 7 La discipline est imposée et l’autorité non partagée OUI NON 8 Une surveillance constante est recommandée, et favorisée par l’architecture OUI NON 9 L’enseignement est uniforme, les programmes sont normalisés OUI NON 10 Les élèves ont même maître, même livre, même leçon, même correction OUI NON 11 Les élèves ont une place fixe, dans une classe déterminée par le niveau scolaire OUI NON 12 L’architecture et le fonctionnement sont normalisés OUI NON 13 L’homogénéité des élèves (âge, aptitudes) est un facteur d’efficacité OUI NON 14 Le silence et l’immobilité sont requis avec insistance OUI NON 15 Le nombre maximal d’enfants par enseignant est plutôt limité OUI NON 16 Le niveau individuel ne coïncide pas nécessairement avec le niveau du groupe OUI NON 17 L’attention spontanée de l’élève est peu ou pas courante OUI NON 18 L’apprentissage est fondé sur l’effort, l’enfant quitte la classe sans regret OUI NON 19 L’élève apprend l’obéissance pour travailler, non pour commander OUI NON 20 La soumission à l’autorité du maître est un facteur d’efficacité OUI NON 21 L’esprit contestataire et militant est découragé OUI NON 22 Le désir de travailler par obéissance est encouragé OUI NON 23 Le collectif est contrôlé, la coopération brisée, les comportements uniformisés OUI NON Héritier de l'enseignement mutuel: Lernen durch Lehren (LdL)
Article détaillé : Lernen durch Lehren.Sans que les auteurs se soient appuyés sur la tradition décrite ci-dessus, le principe de l'enseignement mutuel a été "redécouvert" dans les années 80 en Allemagne dans le cadre du français langue étrangère. La méthode, posée sur des bases psychologiques et pédagogiques modernes est largement répandue en Allemagne sous le nom de Lernen durch Lehren (LdL) (apprendre en enseignant) et est appliquée dans toutes les matières et à tous les niveaux d'enseignement, de l'école élémentaire à l'université. [2]
Note
- ↑ L'école mutuelle, une pédagogie trop efficace ?, Anne Querrien, Les Empêcheurs de penser en rond, 2005
- ↑ Jean-Pol Martin (1989): Quand les élèves font la classe, in Le Français dans le monde, n° 224 (1989), 51-55 Jean-Pol Martin (1991): Elèves dans un monde complexe. Pour un cursus fondé sur la psychologie de la cognition, in: Albert Barrera-Vidal (1991): Actes du Colloque international "Enseigner le français langue seconde. 26 et 27 avril 1988. Château de Colonster, 55-68; Jean-Pol Martin (2004): Lernen durch Lehren: quand les apprenants font la classe, in: Les Cahiers de l'APLIUT, vol. XXIII, n° 1, février 2004, 45-56. PDF
Articles connexes
Liens externes
- Histoire de l'école mutuelle de Guingamp
- Enseignement mutuel en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
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