Guerre De La Triple Alliance

Guerre De La Triple Alliance

Guerre de la Triple Alliance

Conflits de l'Histoire du Brésil
Empire (1822-1889)
Premier Empire (1822-1831)
Régence (1831-1841)
Second Empire (1841-1889)

La guerre de la Triple Alliance a opposé de 1865 à 1870 une coalition de trois pays (Brésil, Argentine et Uruguay) au Paraguay.

Il y a deux interprétations différentes de ce conflit. Les historiens paraguayens, aussi bien que les "révisionnistes" argentins et quelques Brésiliens, affirment que l'objectif de la guerre fut la destruction de la puissance industrielle naissante du Paraguay, qui attirait les investissements britanniques et les détournait, en partie, des autres pays. Mais la recherche la plus récente menée au Brésil, surtout par l'historien Francisco Doratioto, et par des Américains, impute la responsabilité du conflit au dictateur du Paraguay, Francisco Solano Lopez. Ce conflit a été très meurtrier pour les Paraguayens.

Sommaire

Antécédents immédiats

Après les indépendances, les frontières entre les États étaient souvent contestées et l'unité argentine fragile : de nombreuses incursions se produisaient dans les zones frontières entre les quatre pays. L'Argentine avait dû se résoudre à reconnaître l'indépendance du Paraguay, État stable, autarcique en matière économique et en plein essor industriel après les gouvernements du docteur Francia et de Carlos Lopez. Il était relié à l'Uruguay par une "troisième voie" informelle, dans la région d'Entre Rios et de Corrientes, dans des zones en théorie argentines, mais presque indépendantes de fait et que le Paraguay convoitait. L'Uruguay (zone successivement incluse dans le Vice-Royaume espagnol de la Plata ou soumise à la tutelle portugaise puis brésilienne pendant une quinzaine d'années) s'opposait également à ses voisins ; des incursions uruguayennes continuelles en territoire brésilien avaient lieu, sans réaction de la part du pouvoir de Montevideo.

Devant les protestations brésiliennes, le président de l’Uruguay fit appel à l’arbitrage de Francisco Solano López, le nouveau président du Paraguay. Celui-ci, impressionné par un bruit qui courait selon lequel l’Argentine et le Brésil devaient s’entendre pour absorber la première le Paraguay et le second l’Uruguay, donna son appui total à Montevideo. En réaction, l’armée brésilienne envahit l’Uruguay, tandis que la flotte bloquait les ports. Le Brésil profita de l'arrivée au pouvoir en Argentine de Bartolomé Mitre, ami du Brésil pour vaincre avec les Argentins les troupes uruguayennes. Cela provoqua un changement politique et le nouveau pouvoir uruguayen reconnut le bien fondé des réclamations brésiliennes.

Cette accession au pouvoir dans les deux autres pays de langue espagnole d'hommes politiques amis du Brésil provoqua les appréhensions du Paraguay. Du point de vue de Rio de Janeiro et de Buenos Aires, ce rapprochement, c'était la paix, du point de vue d'Asunción, c'était une menace d'isolement, voire de déstabilisation. Brésil et Argentine semblaient en effet disposés à s'accommoder d'un modus vivendi. D'un côté, Rio renonçait à annexer l'Uruguay convoitée par l'Argentine. De l'autre, Buenos Aires acceptait de ne pas rattacher le Paraguay, dont elle avait beaucoup tardé à reconnaître l'indépendance, ce qui pouvait signifier que le Brésil y aurait les mains libres.
Il convient d'ajouter que d'une part, Francisco Solano Lopez possédait une personnalité mégalomane, probablement quelque peu paranoïaque et était grand admirateur de Napoléon, d'autre part, que les fluctuations constantes de l'attitude argentine envers le Paraguay, les pressions sporadiques du Brésil dans la région de Guaira et sur la frontière au sud de Cuaiba et le souvenir de l'intervention américaine qui s'était produite quelques années plus tôt par le fleuve Parana puis Paraguay, constituaient un cocktail propice à sa suspicion et à une explosion.

La guerre

Lopez réagit, ferma le fleuve Paraguay au trafic brésilien et fit prendre un navire brésilien qui transportait le président du Mato Grosso dans sa province. Il rompit les relations diplomatiques avec le Brésil. Il lança un coup de main sur plusieurs fortins brésiliens isolés du Sud du Mato Grosso et s'en replia avec le butin militaire dès décembre 1864. En effet, la Triple Alliance ne fut formalisée que par le Traité du 1er mai 1865, dont l'un des principaux buts de guerre était de contraindre le Paraguay à accepter les frontières selon les termes revendiqués par le Brésil et l'Argentine (article XVI). Les hostilités avec le Brésil commencèrent en fin 1864, car le facteur déclenchant, pour le Paraguay, fut l'invasion de l'Uruguay et le renversement du gouvernement qui lui était allié par le Brésil. La traversée de territoire argentin en partie revendiqué par le Paraguay, pour lequel autorisation avait été demandée à Egusquiza (homme fort d'Entre Rios), qui avait renvoyé sur Mitre, qui ne répondit pas par la négative mais renvoya la réponse à une décision officielle du gouvernement qu'il dominait, ce qui avait pour effet de faire perde du temps à Solano Lopez dans la conduite des hostilités, a donné un prétexte légal à l'Argentine pour engager les provinces dans la guerre. En avril 1865, les Paraguayens occupent Corrientes, préparant une avancée en vue de maintenir le contact avec leurs alliés uruguayens, qui venaient d'être défaits par les pro-Brésiliens et le Brésil dans la guerre civile. Le nouveau gouvernement uruguayen imposé par le Brésil et proche de Mitre refermait le piège sur le Paraguay (Ce qui constitue aujourd'hui la province de Misiones et une partie de Corrientes, était considéré officiellement ou officieusement suivant les périodes, par les gouvernants successifs paraguayens, comme faisant partie du territoire paraguayen, ce que la versatilité des gouvernements argentins ne contribuait pas à éclaircir).

Les principales batailles de la guerre.

Interprétations et controverse

D'abord victorieux (coup de main sur le sud du Mato Grosso, décembre 1864, Curupayty, septembre 1866), le Paraguay s'effondra à la suite d'une erreur stratégique de Francisco Solano Lopez : l'envoi d'une importante colonne vers Uruguayana sur le fleuve Uruguay, allongeant les lignes de communication au-delà des capacités logistiques de son armée. Les événements tournant mal, au lieu de commander la retraite, Francisco Solano Lopez s'enferra, scellant la perte d'une partie importante de ses forces. Ce ne fut pas le seul cas d'entêtement destructeur (bataille navale de Riachuelo sur le Paraguay, juin 1865) et la terreur de ses généraux face à lui les paralysait, même quand ils étaient conscients de ce qu'il aurait fallu faire. Cependant, le déséquilibre des forces en présence ne laissait pas d'espoir, en dépit du fait qu'à l'époque ce déséquilibre était moins net qu'il paraît aujourd'hui. Même sans ce revers, le Paraguay était perdant à terme. Le Paraguay avait une population non négligeable, homogène, compacte, relativement éduquée, alors que les provinces argentines n'en finissaient pas de s'opposer et leur population était dispersée et peu éduquée. Par ailleurs, les centres économiques du Brésil, qui employait des esclaves dans son armée, étaient éloignés. Il fallut d'ailleurs quatre ans aux alliés pour écraser non seulement l'armée paraguayenne, mais le pays dont les pertes humaines ont été inouïes.

La responsabilité de la division probable de la population par deux ou trois (les estimations sont très variables) revient à la fois à l'obstination de Francisco Solano Lopez qui contraignit la population à résister jusqu'à la dernière extrémité et à la volonté des Alliés qui décidèrent, guerre gagnée depuis le 5 janvier 1868 avec l'occupation d'Asuncion, de poursuivre Solano Lopez sans tenter de le séparer de la population jusqu'à son élimination, ce qui arriva à Cerro Corà où il fut achevé au combat (1er mars 1870). Notons que le 18 janvier 1868, le commandant en chef allié, Brésilien, le Marquis de Caxias, se retira pour signifier son désaccord avec la volonté de l'Empereur du Brésil et celle des autres chefs alliés brésiliens (le Comte d'Eu, un Français gendre de l'Empereur qui succéda à Caxias), argentins et uruguayens de poursuivre la guerre. Celle-ci se transforma, après la déroute du Paraguay, en une chasse à l'homme sans intérêt stratégique. Contrairement à ce qui a pu être écrit, il n'y a pas eu de guerre civile à cette époque. Solano Lopez était un "dictateur" devenu d'une brutalité mortifère sans limite avec la défaite et toute opposition était physiquement éliminée. Un complot, dangereux ou non pour son pouvoir, en 1868 (conspiration dite "de San Fernando" et ramifications), qui réunissait ceux qui s'interrogeaient sur l'intérêt de poursuivre la retraite armée, a donné lieu à une répression cruelle portant sur quelques dizaines d'individus importants du régime, du clergé - mais il dépendait de lui - et des membres de sa famille. Il existait au sein des forces alliées une "Légion paraguayenne" de quelques dizaines d'hommes, composée essentiellement d'exilés en Argentine, appartenant à des familles aisées ou "intellectuelles", qui se placeront pour prendre les rênes du pouvoir une fois la guerre achevée. Les chiffres des pertes sont terribles et sans précédant à l'ère moderne et font que quelques-uns dénoncent une guerre d'extermination : ce fut en tout cas une catastrophe démographique pour ce pays, qui perdit une grande partie de ses habitants, quelques-uns la chiffrant à deux tiers, surtout du sexe masculin, passant - mais les bases des estimations sont extrêmement fragmentaires - de l'ordre de probablement 5 ou 600 000 habitants avant la guerre à quelques 230 000 habitants en 1871. Cette année-là eut lieu un recensement - mais dans quelles conditions pouvait-il être réalisé ? - qui donna 221 079 survivants dont 106 254 femmes, 86 079 enfants et 28 746 hommes (Marcel Niedergang : Les Vingt Amériques latines, écrit qu'il aurait subsisté un homme pour 28 femmes, sans le moindre fondement). Compte tenu des conditions de la fin de la guerre, nombreux sont les adolescents et les hommes qui se sont cachés dans la campagne et les forêts. Occupé jusqu'en 1876 par ses voisins, le territoire du Paraguay aurait été selon les "révisionnistes" amputé de 140 000 km², annexés par le Brésil et l'Argentine qui se seraient entendus pour briser ainsi son essor économique et lui imposer le libre échange voulu par les Britanniques.

Sur ces deux thèmes, le traité de la Triple Alliance est explicite : si l'article VII proclamait que la guerre n'était pas dirigée contre le peuple paraguayen mais contre son tyran, les alliés prévoyaient le paiement des dépenses de la guerre alors que le tyran aurait été défait (article XIV) et l'article X prévoyait que les concessions et privilèges économiques qu'obtiendraient les alliés seraient dues aux autres. L'ouverture économique forcée du pays était donc bien un but de guerre. Quant aux territoires enlevés (Chaco dit aujourd'hui "argentin", sud du Mato Grosso et région de Guaira), il s'ajoutaient à la clôture définitive de la revendication paraguayenne sur l'entre Parana-Uruguay (Misiones et Est de Corrientes). Chaque pays d'Amérique latine revendiquait, et il reste quelques zones contestées aujourd'hui, des territoires à la suite du démantèlement de l'Empire espagnol. L'imposition de l'ouverture économique du pays a été, elle, bien réelle, et le pays est devenu une colonie économique des intérêts anglo-argentins surtout, progressivement brésiliens beaucoup plus tard. Le pays de Francia et des Lopez devait son développement, incontestable par rapport à celui de ses voisins, précisément à son protectionnisme ombrageux, ce qui n'a rien d'original : il en est allé de même des États-Unis au XIXe siècle (les témoignages d'Européens de l'époque attestent que la quasi-totalité de la population était alphabétisée, que pauvreté n'y était pas misère, que le pays disposait de voies ferrées, de chantiers navals, etc).

Si le déclenchement de la guerre a été matériellement le fait de Solano Lopez, lequel était un dictateur sans aucun doute tenté par les exploits militaires, contrairement à son père Carlos Lopez, ses raisons d'agir étaient vraisemblables et l'on sait que ce n'est pas nécessairement celui qui commence les opérations qui est le provocateur. Le Traité de la Triple Alliance n'a fait que formaliser ce qui s'envisageait depuis longtemps au Brésil et en Argentine et, pour cette dernière, depuis l'Indépendance. L'Uruguay pro-Alliés ne joua en réalité qu'un rôle de comparse.

Lien interne

Lire

L'Eglise et les partis dans la vie politique du Paraguay depuis l'Indépendance de François Chartrain - Thèse de doctorat d'État de science politique, Paris I Panthéon, 1972.

La Retraite de Laguna d'Alfredro de Taunay, aux Éditions Phébus, Paris, 1995.

Alfredo de Taunay (1843-1899) est un officier brésilien de vieille souche française. Il retrace dans son livre, écrit en français, la retraite d'une colonne brésilienne décimée par les forces paraguayennes et par les fièvres à travers l'enfer du Mato Grosso. Un excellent ouvrage, une très belle écriture de la part du "Xénophon brésilien".

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