- Tabula rasa (philosophie)
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Tabula rasa (littéralement : table rase) est un concept philosophique épistémologique selon lequel l'esprit humain naîtrait vierge et serait marqué, formé, « impressionné » (au sens d'« impression sensible ») par la seule expérience. La principale caractéristique de l'esprit serait sa passivité face à l'expérience sensible. Il s'agit donc d'un concept opposé à l'innéisme des idées, et à l'activité de l'esprit.
La métaphore est forte puisque la tabula était la tablette sur laquelle les écoliers écrivaient et qu'ils rendaient vierge pour la rendre réutilisable.[réf. nécessaire]
Selon cette théorie développée notamment par Aristote[1] et John Locke[2], l'esprit serait dépourvu d'idées innées, toute connaissance dérivant de l'expérience. Chez Aristote néanmoins, toutes les idées sont contenues dans l'esprit en puissance ou comme des possibles. L'expérience a pour rôle d'actualiser ces idées, de les rendre effectives dans l'esprit qui pense. Chez Locke au contraire, il n'y a pas même d'idées en puissance dans l'entendement humain : même le principe de contradiction dérive a posteriori de la sensation.
La plus grande critique purement philosophique de la table rase fut réalisée par Emmanuel Kant dans la Critique de la raison pure, à la suite de Leibniz et ses Nouveaux Essais sur l'entendement humain. Kant y démontre la nécessité de l'existence de formes a priori de l'entendement (espace et temps, et catégories). Konrad Lorenz, en digne successeur de la chaire de Kant, corrigea dans L'envers du miroir (1975) la théorie de Kant à la lumière de la biologie évolutive.
La métaphore de la tabula rasa a été également développée par Descartes dans un autre sens[3]: il s'agit alors du doute méthodique visant à se défaire des préjugés. Il faut abandonner toutes les choses apprises qui sont fausses et qui ne sont pas assez « stables » pour repartir sur d'autres bases plus stables que l'on construirait nous-mêmes. Il conviendrait ainsi de faire table rase, de pousser toutes nos connaissances de côté et de se reconstruire soi-même une connaissance personnelle, stable et vraie.
La métaphore et la théorie qu'elle illustre a surtout été reprise au XVIIIe siècle après Locke par les sensualistes dont Condorcet[4].[réf. nécessaire]
La théorie a eu de l'influence en psychiatrie puisque Pinel pensait que les perturbations de l'esprit étaient liées au fait qu'il avait été mal formé et que l'on devait donc proposer un traitement par l'esprit[réf. nécessaire].
Notes
- Aristote, De l'âme, III, 4 : « Et il doit en être comme d’une tablette où il n’y a rien a d’écrit en entéléchie : c’est exactement ce qui se passe pour l’intellect. » Cf.
- John Locke, Essai sur l'entendement humain, 1689. Cf.
- René Descartes, Méditations métaphysiques, 1641. Cf.
- Nicolas de Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, VIII, 1795 : « Bacon a révélé la véritable méthode d'étudier la nature, d'employer les trois instruments qu'elle nous a donnés pour pénétrer ses secrets, l'observation, l'expérience et le calcul. Il veut que le philosophe, jeté au milieu de l'univers, commence par renoncer à toutes les croyances qu'il a reçues, et même à toutes les notions qu'il s'est formées, pour se recréer, en quelque sorte, un entendement nouveau, dans lequel il ne doit plus admettre que des idées précises, des notions justes, des vérités dont le degré de certitude ou de probabilité ait été rigoureusement pesé. »
Voir aussi
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