- Achat de la Louisiane
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Vente de la Louisiane
La vente de la Louisiane (en anglais Louisiana Purchase « l'achat de la Louisiane ») est la cession par la France de plus de 2 144 476 km² (529 911 680 acres) de territoire aux États-Unis en 1803 au prix de 3 cents par acre, soit plus de 15 millions de dollars[1] ou 80 millions de francs au total[2].
Ce territoire représente 22,3% de la superficie actuelle des États-Unis. En effet, la colonie française de Louisiane comprend beaucoup plus de territoires que l'État actuel de Louisiane. Les territoires vendus incluent des parties situées à l'ouest du fleuve Mississippi dans l'Arkansas, le Missouri, l'Iowa, et le Minnesota actuels, des parties du Dakota du Nord, le Dakota du Sud, le Nebraska, des parties du Nouveau-Mexique, du nord du Texas, l'Oklahoma, le Kansas, des portions du Montana, du Wyoming, et la partie du Colorado située à l'est des montagnes Rocheuses, des portions au sud du Manitoba, au sud de la Saskatchewan et au sud de l'Alberta situées dans le bassin fluvial du fleuve Missouri, et la Louisiane actuelle de part et d'autre du Mississippi, incluant la ville de La Nouvelle-Orléans.
Sommaire
Contexte
La ville de La Nouvelle-Orléans contrôle le fleuve Mississippi, qui joue déjà un rôle important dans le transport des produits agricoles entre les régions situées à l'ouest des Appalaches et le reste du pays. Grâce au traité de Pinckney conclu avec l'Espagne le 27 octobre 1795, les marchands américains disposent déjà d'un « droit de dépôt » à la Nouvelle-Orléans, ce qui leur permet d'utiliser le port pour leurs marchandises.
Napoléon reprend la Louisiane[3] aux Espagnols en 1800, en signant avec l'Espagne le traité de San Ildefonso, mais c'est un traité secret et la Louisiane reste entre les mains des Espagnols jusqu'à une prise de possession par les Français qui reste à organiser. Des réfugiés français commencent à affluer.
Les Américains craignent de perdre leur droit d'utiliser le port de la Nouvelle-Orléans. Le gouvernement Thomas Jefferson estime que la meilleure façon d'assurer un accès à long terme au fleuve Mississippi est d'acheter la Nouvelle-Orléans ainsi que les territoires contigus à l'est du Mississipi. Jefferson envoie donc Robert Livingston et James Monroe à Paris pour en négocier l'achat.
Négociation
Jefferson prépare le terrain en envoyant Livingston à Paris en 1801 lorsqu'il apprend le transfert de la Louisiane de l'Espagne à la France. Livingston a pour mission d'acheter la Nouvelle-Orléans mais essuie un refus.
En 1802, Pierre Samuel du Pont de Nemours est appelé pour aider aux négociations. Il habite à cette époque aux États-Unis, et il est en étroites relations avec Jefferson, ainsi qu'avec les autorités françaises. Il se lance dans une diplomatie parallèle avec Napoléon, avec l'accord de Jefferson, durant une visite personnelle en France. C'est de lui que vient l'idée de l'achat beaucoup plus important de la Louisiane dans l'intention d'éviter d'éventuels conflits d'intérêt entre Napoléon et les Américains en Amérique du Nord.
Jefferson déteste cette idée. Acheter la Louisiane à la France implique de reconnaître à la France des droits sur la Louisiane. Jefferson pense également que les présidents ne sont pas compétents pour s'engager dans ce type de négociation, car ce n'est pas spécifié dans la constitution, et ceci peut entraîner un affaiblissement de la souveraineté des États. De son côté, Talleyrand est extrêmement hostile à ce projet de vente, car cela réduit à néant les plans français de colonisation de l'Amérique du Nord.
Durant toute cette période, les services secrets tiennent Jefferson au courant des activités militaires de Napoléon et de ses intentions en Amérique du Nord. Une des clés de l'évolution de sa stratégie est de donner à du Pont de Nemours des informations que Livingston ignore. Il leur donne aussi intentionnellement deux instructions contradictoires. L'un de ses coups les plus habiles est d'envoyer Monroe à Paris en 1803. Monroe a été déclaré officiellement persona non grata lors de sa dernière mission diplomatique en France et Jefferson le choisit pour signifier qu'il veut être pris au sérieux.
Napoléon est confronté à la défaite de ses armées à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti), la plus rentable des colonies françaises d'Amérique, et un corps expéditionnaire mené par son beau-frère Charles Leclerc a été chargé d'en reprendre le contrôle.
Les conflits politiques en Guadeloupe et à Saint-Domingue même culminent avec le rétablissement de l'esclavage, le 20 mai 1802, l'apparition d'une guérilla et une vague de démissions d'officiers français comme le général noir Jean-Jacques Dessalines et l'officier mulâtre Alexandre Pétion en octobre 1802. Les Français déportent Toussaint Louverture en France en juin 1802, mais la fièvre jaune décime les soldats européens. Leclerc lui-même y succombe en novembre.
Ne disposant pas de moyens militaires suffisants en Amérique, Napoléon a besoin d'être en paix avec le Royaume-Uni pour mettre en application le traité de San Ildefonso et prendre possession de la Louisiane, sans quoi les Britanniques, ou même les Américains s'en empareraient. Le Royaume-Uni rompt sa promesse, contractée lors de la paix d'Amiens en mars 1802, d'évacuer Malte au plus tard en septembre 1802, et au début de l'année 1803 la reprise du conflit franco-britannique semble de plus en plus difficile à éviter. Le 11 mars 1803, Napoléon entreprend de construire une flottille en prévision de l'invasion du Royaume-Uni.
Ces circonstances conduisent finalement Napoléon à abandonner ses projets de reconstruction de l'empire français au Nouveau Monde, et le 11 avril 1803, à peine deux jours avant l'arrivée de Monroe, le ministre français du trésor, le marquis de Barbé-Marbois, propose à Livingston la vente de toute la Louisiane au lieu de la seule Nouvelle-Orléans.
Les négociateurs américains, prêts à payer deux millions de dollars pour la Nouvelle-Orléans, sont abasourdis en apprenant l'offre française de vendre l'entière région, depuis le golfe du Mexique jusqu'à la Terre de Rupert et du Mississippi aux Rocheuses, doublant ainsi la surface des États-Unis de cette époque, pour 22 millions de dollars.
Le prix du kilomètre carré est ainsi de 7 dollars (ou 3 cents par acre). Bien que non mandatés pour effectuer un tel achat, Monroe et Livingston reconnaissent là une chance historique et acceptent l'offre de Napoléon.
Du point de vue américain, l'accord permet d'éviter une implication dans le conflit franco-britannique et d'écarter la France de l'Amérique. De son côté, Napoléon, qui dispose de la plus puissante armée d'Europe, conçoit cette vente comme un geste de bonne volonté à l'égard des Américains entrant dans sa stratégie pour contrer le Royaume-Uni : une Amérique forte est un tampon utile lors d'une épreuve de force possible avec les Britanniques. Il est probable aussi qu'il veuille encourager les Américains à participer au Blocus continental. De plus, si Napoléon attaque la Grande-Bretagne en Europe, celle-ci, maîtresse des mers, s'emparera aussitôt de la Louisiane, accroissant ainsi considérablement sa richesse et sa puissance. La vente du territoire aux États-Unis est le moyen de prévenir cette annexion.
Le traité de vente de la Louisiane financé par la Barings prévoit la signature de deux conventions réglant les aspects financiers. La première, du 30 avril 1803, organise le paiement de 60 millions de francs (11 250 000 dollars). La seconde dédommage pour un montant de 20 millions de francs (3 750 000 dollars) les citoyens américains victimes des corsaires français, par la perte de vaisseaux ou de cargaisons entre 1798 et 1800. C’est une conséquence du traité de Mortefontaine.
Cette manne conforte la puissance française en permettant à Napoléon de lever des troupes importantes, ce qui va lui permettre, dans les années 1805-1807, d'acquérir la suprématie sur la majeure partie de l'Europe, l'Autriche et la Prusse étant battues.
L'opposition américaine
Les fédéralistes s'opposent vigoureusement à l'achat de la Louisiane, marquant ainsi leur préférence pour un rapprochement avec le Royaume-Uni plutôt qu'avec Napoléon.
Pour eux, l'achat est anticonstitutionnel, et cette énorme dépense n'évite pas un conflit avec l'Espagne. La crainte existe aussi de voir le pouvoir des États du littoral atlantique menacé par l'entrée dans l'Union de nouveaux citoyens, provoquant un conflit entre les agriculteurs de l'Ouest ou les réfugiés français et les banquiers et marchands de Nouvelle-Angleterre.
Un groupe de fédéralistes mené par le sénateur Timothy Pickering avance même l'idée d'une confédération du Nord et en propose la présidence au vice-président Aaron Burr pourvu que New York se joigne à la sécession.
Alexander Hamilton participe à l'opposition contre ce projet et l'hostilité entre Burr et lui, qui s'accroît encore lors des élections de 1801, aboutit au duel au cours duquel il perd la vie.
La signature du traité
Le 30 avril 1803, le traité est signé à Paris par Robert Livingston, James Monroe, Barbé Marbois et Michael Ryan Toussaint. Jefferson annonce officiellement cette signature aux Américains le 4 juillet (Independence day, date anniversaire de la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique).
Les États-Unis ratifient le traité le 20 octobre, et le 31 octobre, ils autorisent le président Jefferson à prendre possession du territoire et à y établir un gouvernement militaire provisoire. On décide également d'organiser une mission d'exploration et de cartographie : l'expédition Lewis et Clark. Le 30 novembre 1803, la France prend officiellement possession de la Louisiane après rétrocession des Espagnols[4]. Puis la France remet la Nouvelle-Orléans aux USA le 20 décembre 1803[5]. Le 10 mars, la cérémonie officielle de transfert de souveraineté a lieu à Saint Louis. Les lois du 31 octobre 1803 établissent la continuité de l'administration locale civile en prolongeant les usages acquis durant les périodes de souverainetés française et espagnole et autorisent le président à utiliser l'armée pour le maintien de l'ordre. À compter du 1er octobre 1804, le territoire acquis devient officiellement un « territoire organisé » des États-Unis constitué du territoire d'Orléans (dont la majeure partie forme la Louisiane actuelle) et du district de Louisiane placé temporairement sous l'administration du territoire de l'Indiana. C'est en 1804 qu'est lancée l'expédition Lewis et Clark chargée d'explorer l'intérieur du continent et de trouver un passage vers l'océan Pacifique.
Le conflit avec l'Espagne
L'achat de la Louisiane entraîne entre les États-Unis et l'Espagne une querelle portant sur les frontières du territoire acquis par les États-Unis. Pour les Espagnols, la Louisiane ne va pas au-delà de la moitié occidentale des États actuels de Louisiane, Arkansas et Missouri.
De leur côté, les États-Unis revendiquent un territoire s'étendant jusqu'au Río Grande et aux Rocheuses, ce que l'Espagne ne peut accepter, puisque cela englobe le Texas et la moitié du Nouveau-Mexique, tous deux colonies espagnoles. S'ajoutent à ce différend des désaccords sur une bande de terre de Floride occidentale, entre les fleuves Mississippi et Perdido. Les États-Unis affirment qu'elle fait partie de l'achat, tandis que l'Espagne estime qu'à l'ouest du Mississippi, seule la ville de la Nouvelle-Orléans est américaine.
L'Espagne conclut également à l'illégalité de la vente, parce que le traité de San Ildefonso interdit à la France la revente à un État tiers, et parce que Napoléon n'a pas tenu son engagement de donner un royaume en Italie au beau-frère de Charles IV.
En 1810, après une révolte en Floride occidentale, les États-Unis annexent la région qu'on appelle aujourd'hui les paroisses floridiennes située entre le Mississippi et la rivière aux Perles. En 1812, le district de Mobile, correspondant à la région entre les rivières des Perles et Perdido, est annexé : il forme aujourd'hui les extrémités méridionales de l'Alabama et du Mississippi.
Le différend n'est résolu qu'en 1819 avec la signature du traité d'Adams-Onís, par lequel l'Espagne cède aux États-Unis la totalité de la Floride et reconnaît comme frontières de la Louisiane la Sabine, la Rivière Rouge, l'Arkansas et le 42eparallèle.
Notes
- ↑ Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Le livre de poche, Paris, 2002 (ISBN 2253905933), p.176
- ↑ ce qui équivaut à 390 milliards de dollars en 2003, en extrapolant en termes de pourcentage de produit intérieur brut [1])
- ↑ La Louisiane est espagnole depuis 1762.
- ↑ Havard Gilles, Vidal Cécile, Histoire de l'Amérique française, Flammarion, 2003, page 716.
- ↑ Havard Gilles, Vidal Cécile, Histoire de l'Amérique française, Flammarion, 2003, page 717.
Bibliographie
- Duke, Marc The du Ponts: Portrait of a Dynasty, Saturday Review Press 1976 ISBN 08-41504296
Voir aussi
- Histoire des États-Unis
- Louisiane (Nouvelle-France)
- en:Historic regions of the United States (en anglais)
- Fulwar Skipwith
Liens externes
- (fr) (en) Histoire de la Louisiane française (1682-1803)
- (fr) Traités et convention de vente
- (en) Texte du traité de vente
- (en) Collection de documents relatifs à l'achat de la Louisiane à la bibliothèque du Congrès
- (en) Documents pédagogiques
- (en) Site officiel du bicentenaire 1803-2003
- Portail des États-Unis
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