- Congrégation de Saint-Maur
-
La congrégation de Saint-Maur, souvent connue sous le nom de Mauristes, était une congrégation de moines bénédictins français, créée en 1621, et connue pour le haut niveau de son érudition. La congrégation et ses membres tirent leur nom de saint Maur (décédé en 565), disciple de saint Benoît auquel on attribue l'introduction en Gaule de la règle et de la vie bénédictines.
Elle a été supprimée en 1790 par l'Assemblée constituante.
Sommaire
Histoire
À la fin du XVIe siècle, les monastères bénédictins de France étaient tombés dans la désorganisation et le laxisme. Dans l'abbaye de Saint-Vanne, près de Verdun, une réforme fut initiée par dom Didier de La Cour, et elle s'étendit à d'autres maisons en Lorraine ; 1604 vit l'établissement de la congrégation réformée de Saint-Vanne, dont les membres les plus distingués furent Ceillier et Calmet. Un certain nombre de maisons françaises rejoignirent la nouvelle congrégation, mais comme la Lorraine était alors encore indépendante de la couronne de France, on jugea souhaitable de créer sur le même modèle une autre congrégation pour la France et c'est ainsi qu'en 1621 fut érigée par le pape Grégoire XV la fameuse Congrégation française de Saint-Maur.
La plupart des monastères bénédictins de France, à l'exception de ceux qui appartenaient à Cluny, rejoignirent peu à peu la nouvelle congrégation, qui atteindra son apogée dans les années 1690-1700 avec 190 monastères répartis en 6 provinces (France, Normandie, Bretagne, Gascogne, Chezal-Benoît et Bourgogne). La maison mère était à Saint-Germain-des-Prés, à Paris, c'était la résidence du Supérieur général et le centre de l'activité littéraire de la congrégation. Le Chapitre général (réuni tous les trois ans) désignait l'ensemble des prieurs locaux (pour au maximum deux mandats triennaux successifs dans le même monastère), les six visiteurs provinciaux, le Supérieur général et ses deux assistants. Chaque province avait son noviciat et ses maisons d'études.
Au départ, l'idée principale n'était pas d'entreprendre des travaux littéraires et historiques, mais de revenir à un régime monastique strict et à l'accomplissement fidèle de la vie bénédictine ; et tout au long de la période la plus glorieuse de l'histoire des Mauristes on n'autorisa pas le travail d'érudition à gêner l'exécution obligatoire de l'office du chœur et les autres devoirs de la vie monastique. Vers la fin du XVIIIe siècle une tendance s'insinua quelquefois à desserrer l'observance monastique en faveur de l'étude, mais les constitutions de 1770 montrent qu'un régime monastique strict fut maintenu jusqu'au bout.
L'histoire des Mauristes et leurs travaux furent traversés par les controverses ecclésiastiques qui déchirèrent l'Église de France au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Certains de ses membres s'identifièrent à la cause janséniste, mais la plupart, y compris presque tous les plus grands noms, suivirent une voie moyenne, s'opposant à la théologie morale relâchée, condamnée en 1679 par le pape Innocent XI, et adhérant à des opinions bien fermes sur la grâce et la prédestination associées aux écoles augustinienne et thomiste de la théologie catholique romaine ; en même temps, comme toutes les écoles et les facultés de théologie sur le sol français, ils étaient tenus d'enseigner les quatre articles gallicans.
Vers la fin du XVIIIe siècle, rationalisme et libre-pensée semblent avoir envahi quelques-unes des maisons. La congrégation fut supprimée en 1790 et les moines dispersés lors de la Révolution, le dernier supérieur général (dom Ambroise Chevreux) avec quarante de ses moines mourant à Paris sur l'échafaud.
Travaux
Leur école historique et critique a produit un certain nombre d'ouvrages d'érudition dont la valeur est permanente. Les fondements de cette école ont été posés par Dom Tarisse, le premier supérieur général, qui en 1632 a donné pour instructions aux supérieurs des monastères d'entraîner les jeunes moines à des habitudes de recherche et de travail organisé. Les pionniers dans cette production ont été Ménard et Luc d'Achery.
La bibliographie mauriste contient au total les noms de quelque 220 auteurs et plus de 700 œuvres. Les œuvres mineures couvrent dans une large mesure les mêmes domaines que ceux qui figurent dans la liste, mais on est frappé de voir le nombre d'œuvres de caractère purement religieux, de piété, de dévotion et d'édification. Ce qui a été produit n'est qu'une partie de ce qui avait été envisagé et préparé.
La Révolution française a mis fin brutalement à de nombreuses entreprises, et les matériaux qui en restent constituent des centaines de volumes de manuscrits de la Bibliothèque nationale de France et d'autres bibliothèques en France. On trouve à Paris 31 volumes de matériaux dus à Berthereau, à l'usage des historiens des croisades, pas un seul n'est en latin ni en grec, mais dans les langues orientales; c'est de là qu'a été tiré en grande partie le Recueil des historiens des croisades dont 15 volumes in-folio ont été publiés par l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Il existe aussi les matériaux préliminaires pour une édition de Rufin et une d'Eusèbe de Césarée, et pour la continuation des Lettres pontificales et des Concilia Galliae. Dom Cafflaux et Dom Villevielle ont laissé 236 volumes de matériaux pour un Trésor généalogique. Ajoutons les Antiquités bénédictines (37 vol.), un Monasticon Gallicanum et un Monasticon Benedictinum (54 vol.) Parmi les histoires des provinces de France c'est à peine si une demi-douzaine a été imprimée, mais tous étaient disponibles, et ce qui avait été collecté pour le reste remplirait 800 volumes de manuscrits. Les matériaux pour une géographie de la Gaule et de la France en 50 volumes ont disparu dans un incendie au cours de la Révolution.
Il s'agit d'une production prodigieuse, si l'on songe qu'elle venait d'une seule société. Les qualités qui ont rendu proverbial le travail des mauristes pour l'érudition sont leur sens critique de tact et leur rigueur.
La congrégation compta parmi ses membres Dom Mabillon, Dom Brial, Dom Liron, Dom Morice, Sainte-Marthe, Maur Dantine, Luc d'Achery, Ambroise Janvier, Dom Wartel, Dom Deschamps, Dom Thierry Ruinart et une foule d'autres savants.
Elle a exécuté les travaux les plus précieux pour l'histoire ecclésiastique et civile, entre autres :
- La Gallia Christiana. Jean Chenu, de Bourges, avocat au Parlement de Paris, fut le premier auteur qui, en 1621, entreprit de faire connaître les archevêques et évêques qui dirigèrent les églises de France depuis les origines. En 1626, l'archidiacre Claude Robert de Chalon-sur-Saône publia en latin un ouvrage plus conséquent, et engagea les frères jumeaux Scevole et Louis de Sainte-Marthe pour le parfaire. Ils présentèrent un projet à l’Assemblée du Clergé en 1645. Après leur mort, Pierre, Abel et Nicolas de Sainte-Marthe achevèrent ce projet présenté à l’Assemblée de 1656 en quatre volumes. En 1710, l’Assemblée du Clergé chargea le Père Denis de Sainte-Marthe de reprendre l’ouvrage[1]. Ce dernier recruta des collaborateurs avec pour mission de collationner les informations. Interrompue au volume XIII, elle fut reprise par Jean-Barthélemy Hauréau qui, entre 1856 et 1870, y rajouta 3 volumes, rédigés en latin comme les précédents ;
- les Acta Sanctorum ;
- la Collection des Historiens de France ;
- le Spicilegium ;
- L'Art de vérifier les dates ;
- le Diplomatique ;
- l'Histoire littéraire de la France ;
- les Annales de l'ordre des Bénédictins ;
- l'Histoire générale de Languedoc ;
- de magnifiques éditions des Pères de l'Église.
Influence et expansion en France
- Abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris, abbaye-mère de la congrégation;
- Abbaye de Saint-Maur à Saint-Maur-des-Fossés;
- Abbaye des Blancs-Manteaux à Paris; à partir de 1618;
- Abbaye Saint-Corneille à Compiègne, à partir de 1626;
- Notre-Dame en Saint-Melaine à Rennes, à partir de 1627;
- Abbaye de Saint-Faron, diocèse de Meaux;
- Abbaye Saint-Ouen à Rouen;
- Abbaye Notre-Dame de la Daurade à Toulouse;
- Abbaye Saint-Sauveur de Redon à partir de 1628;
- Abbaye Saint-Martin de Sées en 1636;
- Abbaye Saint-Germer-de-Fly à partir de 1644;
- Abbaye Notre-Dame de Breteuil, diocèse de Beauvais, à partir de 1645
- Abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe à partir de 1640;
- Abbaye Saint-Junien de Nouaillé
- Abbaye Notre-Dame du Bec, diocèse d'Evreux;
- Abbaye de Saint-Fuscien, diocèse d'Amiens en 1648;
- Abbaye de Saint-Sever dans les Landes;
- Abbaye de Montmajour près d'Arles, à partir de 1639;
- Abbaye Saint-Pierre de Chezal-Benoît dans le diocèse de Bourges, à partir de 1645;
- Abbaye de Saint-Maurin, dans le diocèse d'Agen;
- Abbaye Saint-Pierre de Brantôme, en Dordogne.
- Abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre dans le Finistère à partir de 1655;
- Abbaye Saint-Pierre de la Couture au Mans à partir de 1657;
- Abbaye Notre Dame de Noyers en Touraine à partir de 1659;
- Abbaye Saint-Jouin de Marnes dans le département des Deux-Sèvres;
- Abbaye Saint-Florentin de Bonneval dans le diocèse de Chartres à partir de 1660;
- Abbaye d'Aniane dans le département de l’Hérault.
- Abbaye Saint-Lucien de Beauvais;
- Abbaye Saint-Magloire de Léhon à partir de 1628;
- Abbaye de Caune située dans l'Aude, à partir de 1663;
- Abbatiale Sainte-Trinité de Lessay dans la Manche, à partir de 1707;
- Abbaye de la Trinité de Fécamp dans le diocèse de Rouen.
- Abbaye de Saint-Wandrille de Fontenelle dans le diocèse de Rouen à partir de 1636.
- Abbaye Saint-Pierre d'Hautvillers, diocèse de Reims.
- Abbaye Notre-Dame de Blanche-Couronne, diocèse de Nantes à partir de 1652.
- Abbaye Notre-Dame d'Ambronay, département Ain, à partir de 1652
- Abbaye aux Hommes à Caen, à partir de 1663.
- Abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert, dans le département de l’Hérault.
- Abbaye Sainte-Marie de Lagrasse, diocèse de Carcassonne, à partir de 1663.
- Abbaye Sainte-Croix de Bordeaux, à partir de 1664.
- Abbaye de Saint-Thibéry, diocèse d'Agde,
- Abbaye de Bourgueil, diocèse d'Angers,à partir de 1630.
- Abbaye de Villemagne, à Villemagne-l'Argentière, à partir de 1660.
- Abbaye Sainte-Marie de Souillac, département du Lot.
- Abbaye Saint-Taurin, diocèse d'Evreux, à partir de 1642.
- Abbaye de Solignac, diocèse de Limoges, à partir de 1619.
- Abbaye Saint-Jean de Sorde, à Sorde-l'Abbaye, département des Landes.
- Abbaye Notre-Dame du Tronchet, près de Saint-Malo.
- Abbaye de la Sainte-Trinité de Tiron, dans le Comté du Perche, à partir de 1630.
- abbaye de Saint Gildas de Rhuys Morbihan, reconstruction des bâtiments conventuels puis de la nef de l'abbatiale de 1640 à 1702
Personnalités
Par ordre chronologique de la date de décès (à compléter)
- Dom Nicolas-Hugues Ménard (1585-1644);
- Dom Anselme Le Michel (1601-1644) ; pilier de la première érudition mauriste, mais religieux problématique.
- Dom Philbert Oudin, socius de Dom Anselme Le Michel ; "deposuit habitum" en 1650.
- Dom Germain (Claude) Espiard (1600-16??);
- Dom Ambroise Janvier (1613-1682);
- Dom Luc d'Achery (1609-1685);
- Dom Jacques Du Frische (1640-1693);
- Frère Louis Bulteau (1625-1693);
- Dom Claude Bretagne (1625-1694);
- Dom Claude Martin, né à Tours, fils de la bienheureuse Marie de l'Incarnation (2 avril 1619-1696);
- Dom Claude Estiennot de la Serrée (1639-1699);
- Dom Eustache Estiennot de la Serrée, frère du précédent, procureur de l'abbaye Saint-Bénigne à Dijon, (vers 1643-après 1700);
- Dom Paul Briois (1666-1700), socius de Dom Bernard de Montfaucon;
- Dom Jean Mabillon(1632-1707);
- Dom Thierry Ruinart (1657-1709);
- Dom Bougis, abbé et supérieur général de la Congrégation (1630-1714);
- Dom Robert Guérard (1641-1715);
- Dom Michel Félibien (1666-1719);
- Dom Pierre Coustant (1654-1721);
- Dom Denis de Sainte-Marthe, père abbé (1650-1725);
- Dom Guy Alexis Lobineau (1626-1727);
- Dom Nicolas Alexandre, médecin (1654-1728);
- Dom François Louvard (1661-1729);
- Dom de Vic (1670-1734);
- Dom Edmond Martène (1654-1739);
- Dom Charles de La Rue (1684-1740);
- Dom Bernard de Montfaucon (1655-1741);
- Dom Jacques Étienne Duval (1705-1742);
- Dom Maur Dantine (1688-1746);
- Dom Jean Liron (1665-1748);
- Dom Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois (1693-1750);
- Dom Joseph Vaissète (1685-1756);
- Dom Jean-Philippe Le Cerf de La Viéville (1677-1748);
- Dom Vincent de La Rue (1707-1762);
- Dom Pierre Carpentier (1697-1767);
- Dom Ursin Durand (1682-1771);
- Dom Léger Marie Deschamps (1716-1774);
- Dom René Prosper Tassin (1697-1777);
- Dom Charles Clémencet, professeur de rhétorique puis historien (1703-1778);
- Dom Ambroise Chevreux (1728-1792), dernier supérieur de la Congrégation, béatifié;
- Dom Louis Barreau de La Touche (+ en 1792), béatifié;
- Dom Le Noir (1720-1792);
- Dom George François Berthereau (1732-1794);
- Dom Jean-Pierre Deforis (1732-1794);
- Dom Antoine-Joseph Pernety (176?-1796);
- Dom Michel Jean Joseph Brial (1743-1828);
- Dom Charles-Joseph de Bévy, père abbé (1738-1830);
Voir aussi
Bibliographie
- René-Prosper Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint Maur, ordre de Saint Benoît, Humblot, Paris, 1770, 800 p., lire sur Google Livres
Notes et références
- Dom Tassin, « Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur », 1884.
Sources
- G. Jacquemet (dir.), Catholicisme hier aujourd’hui demain, vol 8, Paris, 1979 [détail des éditions], col. 966-980
Catégories :- Congrégation de Saint-Maur
- Religion sous l'Ancien Régime
Wikimedia Foundation. 2010.