- ACMH
-
Architecte en chef des monuments historiques
L'Architecte en chef des monuments historiques nationaux est, en France, un architecte spécialisé dans la restauration d'un édifice, d'un ensemble monumental ou dans la mise en valeur d'un site, classé pour sa valeur historique, archéologique, esthétique et/ou paysagère.
Il y a en France cinquante-trois architectes en chef, parfois dénommés par le sigle ACMH.
Leur statut original[1] en fait à la fois des agents de la fonction publique et des professionnels libéraux.
Sommaire
Historique
Le service français des monuments historiques voit le jour en 1830 avec la nomination d’un inspecteur général, Ludovic Vitet, auquel succède l’écrivain et historien Prosper Mérimée ; en 1837, la Commission des monuments historiques est créée.
La commission prend, en 1840, la décision de confier la direction des travaux les plus importants à « des architectes ayant fait de l’architecture du Moyen Âge une étude toute spéciale ». Ceux-ci sont cooptés par leurs maîtres, après avoir fait leurs preuves comme collaborateurs d’agence puis comme inspecteurs des travaux.
Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, malgré son influence, avait réclamé sans succès la création d’un enseignement de l’architecture médiévale : il ne sera créé qu’en 1887 par Anatole de Baudot, au Palais du Trocadéro à Paris, suivi en 1893 du premier concours de recrutement des architectes en chef des monuments historiques (ACMH).
A la suite de la séparation des Églises et de l’État, intervenue en 1905, et la suppression du ministère des Cultes, le corps des architectes diocésains, chargé des travaux sur les cathédrales, est rattaché à celui des monuments historiques.
En 1907, un décret organise le corps des architectes en chef des monuments historiques : ceux-ci se voient attribuer une circonscription géographique, et sont un temps secondés par des architectes ordinaires qui assurent l’entretien des monuments et le suivi des chantiers de travaux. À partir de 1946, le strict entretien des monuments historiques et de leurs abords, est confié aux architectes des bâtiments de France dont le corps vient d’être créé. En 1991, la mise en extinction du corps des architectes des bâtiments civils et palais nationaux conduit à affecter, au corps des architectes en chef, les bâtiments de l’État classés au titre des monuments historiques. La mention « nationaux » (ACMHN) a été ajoutée par l’arrêté du 12 décembre 2005 (J.O.R.F. du 30).
Les missions des architectes en chef se sont adaptées à l’extension progressive de la notion de patrimoine et de monument historique à de nouvelles catégories d’immeubles (patrimoine urbain, industriel, maritime, des jardins), à des édifices qui appartiennent à des époques de plus en plus récentes et emploient de nouveau type de matériaux (constructions en fer, en ciment ou béton armé, en verre …).
Statut et missions
Les architectes en chef des monuments historiques sont recrutés par un concours d’État (catégorie A+). Ils ont un statut d’agent de l’État mais à exercice libéral au sein de leur propre agence, et sont rémunérés sous forme de vacations et d’honoraires selon une grille établie en fonction de la complexité du projet et du montant des travaux.
Les architectes en chef sont chargés des missions définies par le décret n°80-911 du 20 novembre 1980, remplacé, à compter du 1er janvier 2008, par le décret numéro 2007-1405 du 28 septembre 2007 portant statut particulier du corps des architectes en chef des monuments historiques et adaptation au droit communautaire des règles applicables à la restauration des immeubles classés : ils apportent leur concours au ministre chargé de la Culture dans l’accomplissement de sa mission de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine architectural.
Avis, conseil et assistance
À ce titre, ils remplissent une mission d’avis, de conseil et d’assistance auprès des services du ministère de la Culture pour les immeubles classés et inscrits, et en particulier :
- Avis sur les immeubles susceptibles d’être proposés pour une protection au titre du livre VI du Code du patrimoine (issu de la loi du du 31 décembre 1913, partiellement abrogée) ; à ce titre, ils participent aux commissions régionales du patrimoine et des sites et, si besoin se fait sentir, à la « Commission supérieure des monuments historiques » – CSMH - siégeant à Paris).
- Surveillance de l’état sanitaire des édifices protégés conjointement avec les architectes des bâtiments de France.
- Avis sur les propositions de travaux émises par les propriétaires d’immeubles classés, et vérification de la conformité des travaux aux projets autorisés.
- Participation à la programmation annuelle des travaux réalisés ou financés par l’État au titre des monuments historiques.
Maîtrise d’œuvre
Indépendamment de leur fonction de conseiller auprès du ministre chargé de la Culture, le statut des architectes en chef des monuments historiques prévoit l’existence d’un recours obligatoire à leur maîtrise d’œuvre pour les travaux de restauration portant sur un édifice classé (décret du 28 septembre 2007), tant pour l’élaboration des projets ou des devis que pour la direction de l’exécution des travaux.
Cette exclusivité de la maîtrise d’œuvre s’applique dès lors :
- que les services du ministère chargé de la Culture assurent la maîtrise d’ouvrage des travaux, c’est-à-dire la charge de l’organisation générale de l’opération,
- ou qu’une aide financière est apportée aux propriétaires au titre du livre VI du Code du patrimoine.
Les missions de l’architecte en chef s’effectuent dans le cadre de la circonscription géographique qui lui est confiée par arrêté du ministre. Cette règle peut subir cependant deux exceptions :
- d’une part, les propriétaires de monuments historiques classés ont la possibilité de faire appel, après accord du ministre, à l’architecte en chef de leur choix ;
- d’autre part, les architectes en chef peuvent se voir confier par le ministre, en missions spéciales, la responsabilité de monuments d’intérêt national dits « hors circonscription » (pour exemples : le Palais du Louvre, l’hôtel national des Invalides et l’Église du Val-de-Grâce à Paris, les cathédrales d’Amiens, de Paris, de Chartres, de Rouen, de Reims…, le château de Vincennes et le domaine national de Versailles ou de Fontainebleau, etc.).
- Jusqu'en 2004, l’alinéa 1 de l’article 20 de la loi no 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite "loi MOP") prévoyait que celle-ci n’est pas applicable aux opérations de "restauration" des édifices protégés en vertu des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 modifiée sur les monuments historiques. Cette exclusion, qui concernait aussi bien les immeubles classés ou inscrits sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, assurait la continuité des dispositions de l’article 12 du décret no 73-207 du 28 février 1973.
Cette exception a été abrogée par la loi no 2004-1343 du 9 décembre 2004 - art. 9 (V) JORF 10 décembre 2004. Les travaux de restauration sont désormais soumis à la loi MOP.
- Sous réserve des travaux confiés aux Architectes des bâtiments de France, les Architectes en chef des monuments historiques sont, en application de l’article 3 du décret no 80-911 du 20 novembre 1980, chargés, en qualité de maîtres d’œuvre, d’établir les projets et les devis et de diriger l’exécution des travaux sur les immeubles classés lorsque la maîtrise d’ouvrage est assurée par les services relevant du ministre chargé de la Culture ou lorsque les propriétaires ou affectataires reçoivent une aide financière de l’État au titre de la loi du 31 décembre 1913. Les conditions de rémunération des missions des Architectes en chef et Vérificateurs des monuments historiques ont été fixées au décret no 87-312 du 5 mai 1987 modifié et ses arrêtés d’application des 5 et 30 juin 1987 modifiés. Il en résulte qu’actuellement les interventions sur les immeubles inscrits sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, tout en étant assujettis à un permis de construire, sont malheureusement très rarement effectuées sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte dans la mesure où les textes ne l’imposent pas. Pourtant un grand nombre d’immeubles inscrits sont en attente d’être classés ![2]
Maîtrise d’œuvre
Les études préliminaires et études préalables
L’objectif des études est de mettre en évidence, à la lumière des caractéristiques historiques et architecturales de l’édifice, et de son état sanitaire, les interventions nécessaires à sa conservation, sa consolidation et sa mise en valeur.
Sur proposition de l’architecte en chef, le cadre et le contenu des études sont arrêtés d’un commun accord entre le service des monuments historiques (Conservation régionale des monuments historiques placée au sein de la « Direction régionale des Affaires culturelles » - DRAC) et le propriétaire, et se concrétisent par un contrat passé avec l’architecte en chef.
Les études abordent généralement le monument dans sa globalité, mais elles peuvent également se limiter à une intervention circonscrite à un ouvrage (consolidation ponctuelle, restauration d’une couverture ou d’un vitrail…). En général, elles comportent d’abord les approches suivantes : relevé (mesures sur le site et mise au net par un ensemble de plans, coupes et façades, dessin en perspective de l’édifice), description et analyses historiques et archéologiques de l’architecture, examen de l’état sanitaire (analyse des désordres et de la pathologie du monument, diagnostic). Suivant la complexité des études, l’architecte en chef peut être amené à s’adjoindre des compétences techniques extérieures qu’il doit savoir interpréter et coordonner : documentaliste (recherches d’archives), historien de l’art (études historiques), archéologue (sondages, analyses), bureau(x) d’études, laboratoires spécialisés (pathologies des matériaux : pierre, bois, métal, vitrail, enduits, peintures murales, etc.) assistés du « Laboratoire de recherche des monuments historiques » de Champs-sur-Marne (LRMH) dépendant du ministère de la Culture.
Après les analyses nécessaires, les solutions proposées doivent prendre en compte de multiples facteurs, relevant tout autant des recherches techniques de mise en œuvre et de confortation (traditionnelles ou contemporaines) que des choix de restauration dont doctrine et déontologie sont inscrites dans la « Charte de Venise ». En découlent les principes d’intervention, le programme détaillé des travaux, l’estimation des dépenses nécessaires et le découpage ou phasage par tranches fonctionnelles et financièrement acceptables.
L’étude achevée est ensuite soumise à l’avis du service des monuments historiques : inspection, inspection générale (autre architecte en chef et/ou historien) qui peut proposer au ministre chargé de la Culture, par l’intermédiaire de la direction régionale des Affaires culturelles, l’approbation du projet éventuellement amendé ou complété. Dans le cas où ce dernier soulève des questions plus délicates du point de vue technique et déontologique, ou lorsque le montant des travaux dépasse un certain seuil, le projet est soumis à l’avis de la Commission supérieure des monuments historiques (1re section, 2e sous-section).
Après leur approbation, les études débouchent sur la programmation pluriannuelle des travaux.
Le projet détaillé d’exécution
Dans la seconde phase de sa mission, l’architecte en chef élabore le projet détaillé d’exécution qui constitue le dossier de consultation des entreprises. Suivant l’importance des travaux et les possibilités financières des intervenants, les opérations peuvent s’articuler en une ou plusieurs tranches.
L’exécution des travaux
Après désignation des entreprises par la procédure habituelle d’appel d'offres, la troisième phase est évidemment consacrée au chantier, dont l’architecte en chef assure la direction, alors qu’en parallèle les dépenses sont contrôlées par un vérificateur des monuments historiques, en vue du paiement ultérieur des entreprises.
Le chantier est, par nature, l’opération la plus délicate, car elle doit assurer la meilleure adaptation possible des prévisions du projet avec la réalité du monument, dans tous ses détails. C’est alors, entre les corps de métiers et l’architecte en chef, une collaboration nécessaire qui passe par une indispensable relation de compréhension et de confiance, seule garante d’une opération réussie. Durant les travaux, des découvertes fortuites peuvent conforter, ou au contraire infirmer plus ou moins profondément le programme prévu ; c’est alors à l’architecte en chef, s’appuyant sur les capacités des différents corps de métiers, de définir les adaptations nécessaires pour préserver dans tous les détails les caractères du monument, tout en s’appliquant à contrôler les délais d’exécution, les coûts, et à respecter le cadre réglementaire du code des marchés publics.
Enfin, à l’achèvement du chantier, l’architecte en chef remet le dossier documentaire des ouvrages exécutés (DDOE), document de synthèse dans lequel sont consignés le détail des travaux, les imprévus et découvertes survenus en cours de chantier, et les modifications que ceux-ci ont pu éventuellement induire.
Devoirs et charges
Dans tous les cas, l’architecte en chef des monuments historiques a une obligation de service sur l’ensemble des monuments de sa circonscription.
Responsable du monument qu’on lui confie et qu’il a pour mission de conserver et de transmettre, le maître d’œuvre doit en acquérir une vision prospective, et s’attacher à en comprendre les caractères, la logique qui a présidé à sa conception, son rapport avec son environnement, sa géométrie, l’ordonnancement de ses matériaux, son écriture architecturale, son originalité.
Une connaissance complète du territoire qui entoure le monument, des facteurs géographiques, climatiques, géologiques, historiques, culturels, qui sont à l’origine des différences et des ressemblances entre édifices, est indispensable. Une présence fréquente de l’architecte en chef dans sa circonscription, la connaissance des terroirs qui la composent, des visites renouvelées, des relations suivies avec ceux qui sur place détiennent des compétences spécifiques et de haut niveau (artisans, entreprises, institutions, universitaires, chercheurs …) y contribuent fortement.
Formation et recrutement
Le concours est ouvert irrégulièrement en fonction des besoins de renouvellement liés aux départs. Il s'étend sur près d’une année mais sa préparation peut durer plusieurs années. La plupart des candidats suivent les cours de l'École de Chaillot, institués par Anatole de Baudot (voir plus haut) et dispensés au Palais de Chaillot, à Paris. Les cours durent deux années après sélection sur concours.
Quelques architectes en chef
- Charles-Henri Besnard
- Paul Boeswillwald
- Patrice Bonnet
- Robert Camelot
- Henri Deneux
- Frédéric Didier
- Georges Duval
- Henri Enguehard
- Jean Camille Formigé
- Jules Formigé
- Yves-Marie Froidevaux
- Charles Genuys
- Lucien Magne
- Jacques Moulin
- Pierre Paquet
- Henri Antoine Révoil
- Pierre-Yves Caillault
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Documentations du ministère de la Culture (France).
- Les dossiers d'archéologie. Comment construisait-on au Moyen Âge ?, no 251, mars 2000
Liens externes
- (fr) Biographies d'Architectes ACMH sur le site de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.
- (fr) Décret n° 2009-749 du 22 juin 2009 relatif à la maîtrise d'œuvre sur les immeubles classés au titre des monuments historiques
Notes et références
- ↑ Les Architectes en chef des monuments historiques de 1893 à 1993. Éditions du Centre des monuments nationaux, Paris 1994.
- ↑ René Dinkel, L'Encyclopédie du patrimoine (Monuments historiques, Patrimoine bâti et naturel - Protection, restauration, réglementation - Doctrines - Techniques - Pratiques). Notices : Architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux (p. 395); Architecte en chef des monuments historiques (p. 396) ; Architecte maître d'œuvre p. 397); Maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments historiques classés ou inscrits sur l'inventaire supplémentaire (p. 903). Paris (éditions Les Encyclopédies du patrimoine), septembre 1997 (ISBN 2-911200-00-4)
- Portail de l’architecture et de l’urbanisme
Catégorie : Architecte en chef des monuments historiques
Wikimedia Foundation. 2010.