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Cardiomyopathie hypertrophique
Une cardiomyopathie hypertrophique est une forme de cardiomyopathie (littéralement, maladie du muscle cardiaque) dans laquelle il existe une hypertrophie d'une partie plus ou moins importante du muscle cardiaque, c'est-à-dire, une augmentation globale du poids de ce dernier.
Dans cette maladie, la structure normale du tissu musculaire cardiaque est perturbée et va pouvoir également, outre les perturbations liées à l'hypertrophie myocardique, entraîner des perturbations des fonctions électriques du cœur.
Il existe quatre grands types de cardiomyopathies : la cardiomyopathie dilatée, la cardiomyopathie restrictive, la cardimyopathie ventriculaire droite arythmogène et la cardiomyopathie hypertrophique.
La cardiomyopathie hypertrophique peut être d'origine génétique, secondaire à des mutations sur certains gènes codant des protéines musculaires. Elle peut être également conséquence d'un travail en pression trop élevée durant une longue période, comme cela peut se voir lors d'une hypertension artérielle ou d'un rétrécissement aortique (maladie de la valve formant un obstacle à l'éjection du sang vers l'aorte).
En fonction du degré d'obstruction à l'écoulement du flux sanguin venant du ventricule gauche, la cardiomyopathie hypertrophique sera définie avec ou sans obstruction. En présence d'un obstacle, on parle alors de sténose sous-aortique ou de cardiomyopathie obstructive.
Sommaire
Historique
L'anomalie a été décrite notamment par Jean-Baptiste Morgagni[1]. En 1705 Giovanni Maria Lancisi suspecte une liaison entre gros cœur et mort subite[2].
Laennec (1781–1826) emploie le terme d' « hypertrophie » en parlant du cœur[2].
La forme obstructive est reconnue en 1842 par Norman Chevers en Grande-Bretagne[3] et, plus de vingt années plus tard, par Alfred Vulpian en France[4].
Le rôle de l'hypertension et des maladies rénales est suspecté par Richard Bright en 1836[5]. Les formes familiales ont été décrites par William Evans en 1947[6].
En 1957, Russell Claude Brock décrit une forme obstructive lors d'une intervention chirurgicale du cœur. Une tentative de levée d'obstacle par dilatation conduit au décès rapide de la patiente[7].
Robert Donald Teare fait, à la fin des années 1950 les autopsies de plusieurs personnes mortes subitement et décrit un aspect d'hypertrophie du myocarde localisée essentiellement au niveau du septum inter-ventriculaire[8]. Son article est considéré comme le début de l'ère moderne de la cardiopathie hypertrophique[2].
La première myectomie (ablation chirurgicale d'une partie du muscle cardiaque) avec succès est réalisé en 1958 par Cleland à Londres[9].
En 1989, la première mutation, sur le chromosome 14, a été identifié comme cause[10].
Épidémiologie
La cardiomyopathie hypertrophique est rencontrée chez tous les groupes ethniques. Sa prévalence est de 1/500[11].
La forme sporadique atteint plus souvent les hommes que les femmes, vers l'âge de 30-40 ans. La forme familiale atteint quant à elle plus fréquemment les femmes et survient plus précocement.
Les facteurs de risque de mort subite sont : un âge jeune au moment du diagnostic (moins de 30 ans), une histoire familiale de cardiomyopathie hypertrophique avec mort subite, des mutations spécifiques sur les gènes codant la Troponine T et la myosine, une tachycardie supra-ventriculaire ou ventriculaire soutenue, des syncopes à répétition, un septum inter-ventriculaire épaissi au-delà de trois centimètres, une désadaptation à l'effort.
La forme obstructive concerne environ un quart des cardiomyopathies hypertrophiques[12].
Physiopathologie
Mécanismes physiologiques et anatomopathologie
En microscopie, on assiste à une désorganisation des fibres myocardiques, qui ne sont plus disposées en parallèles mais de façon anarchique, avec des cellules musculaires très hypertrophiées. Le tissu amorphe situé entre les fibres musculaires prolifère, ce qui augmente progressivement la rigidité du muscle cardiaque.
Anatomiquement, les sujets atteint d'une cardiomyopathie hypertrophique présentent, à des degrés divers, une hypertrophie du ventricule gauche. cette hypertrophie peut être asymétrique, intéressant le septum inter-ventriculaire (on parle d'hypertrophie septale asymétrique) ; mais elle peut être globale. Cette hypertrophie asymétrique contraste avec l'hypertrophie concentrique que l'on rencontre dans la sténose aortique ou l'hypertension artérielle.
En cas d'hypertrophie asymétrique, Le septum est généralement plus épaissi au niveau de sa partie supérieure, créant un bourrelet faisant saillie dans le ventricule gauche. Le muscle hypertrophié se contracte normalement. Cependant, le bourrelet va être responsable d'une obstruction à l'éjection du sang à partir du ventricule gauche. Le degré d'obstruction est variable est dépend de la quantité de sang présent dans le ventricule gauche juste avant la contraction (systole) ventriculaire. La fonction systolique va ainsi être atteinte par l'obstruction systolique ventriculaire gauche (principalement dans la forme obstructive). Ce degré d'obstruction est quantifié par la différence de pression entre le ventricule gauche et l'aorte, qui est normalement minime, voire inexistant, en systole.
De plus, s'y associent des difficultés au remplissage du ventricule car le myocarde est plus rigide et se relache mal après la systole. Les conséquences de ce phénomène apparaissent lors d'efforts importants, puisque le cœur ne peut augmenter la quantité de sang nécessaire à l'activité musculaire. Si ce défaut de remplissage est trop important, le sang stagne dans les vaisseaux pulmonaires et fait augmenter la pression dans les tissus. Si la pression est trop élevée, l'eau envahit les poumons, c'est l'œdème pulmonaire.
Les fibres musculaires sont disposées de manières plus anarchiques par rapport à un cœur normal, la contraction ayant un rendement moindre. Cette désorganisation entraîne des modifications des propriétés électrophysiologiques (dispersion des périodes réfractaires, création de voies de réentrée) qui sont le substract aux troubles du rythme ventriculaire potentiellement dangereux.
Causes
La cardiopathie hypertrophique peut être secondaire à une hypertension artérielle ou à un rétrécissement aortique. Elle peut se voir chez le sujet sportif, comme adaptation à la demande d'augmentation du débit cardiaque. Elle n'est jamais majeure dans ce dernier cas.
En dehors de ces cas, elle se présente sous deux formes : une forme sporadique et une forme familiale. Elle se transmet sur le mode autosomique dominant et est liée à des mutations d'un certain nombre de gènes codant des protéines musculaires telles, par exemples, la chaîne lourde de bêta-myosine (environ 45% des mutations), l'actine cardiaque, la troponine T cardiaque, l'alpha-tropomyosine, la troponine I cardiaque. Chez les sujets n'ayant pas d'histoire familiale de cardiomyopathie hypertrophique, la cause la plus courante de cette maladie est la survenue d'une mutation de novo du gène codant la chaîne lourde de la bêta-myosine. Près de 500 types de mutations ont été identifiées, sans qu'il existe de corrélation forte entre le type d'anomalie génétique et le pronostic de la maladie[13]. Le diagnostic génétique peut cependant être utile, lors d'une enquête familiale, car il permet de détecter les sujets à risque de développer une hypertrophie cardiaque et de proposer une surveillance régulière à ces derniers.
Diagnostic
La symptomatologie clinique est variable. Beaucoup de sujets ne se plaignent de rien.
Signes fonctionnels
Les signes fonctionnels incluent dyspnée d'effort (essoufflement), douleurs thoraciques (typiques ou atypiques), palpitations, asthénie, lipothymies (malaise), syncopes et mort subite. Ils ne sont pas spécifiques de cette maladie.
Examen clinique
A l'auscultation, dans la forme obstructive, il existe un souffle systolique similaire à celui entendu dans la sténose aortique, avec cependant, une conservation du deuxième bruit. Cependant, ce bruit augmente d'intensité avec toute manœuvre tendant à diminuer le volume de sang dans le ventricule gauche (exemple lors de la manœuvre de Valsalva) ou à augmenter le débit. Un souffle d'insuffisance mitrale est fréquent.
Examens complémentaires
L'électrocardiogramme est généralement anormal. On peut retrouver des signes d'hypertrophie ventriculaire gauche, des ondes Q (dit « aspect de pseudo-nécrose », car elles peuvent mimer l'aspect d'un ECG d'un patient ayant une séquelle d'infarctus du myocarde), des troubles de la conduction et de la repolarisation. Ces anomalies ne sont cependant pas spécifiques.
Un Holter-ECG (enregistrement ECG sur 24 heures) pourra être réalisé en cas de doute sur une arythmie paroxystique.
Sur la radiographie pulmonaire, la cardiomégalie (augmentation de taille de la silhouette cardiaque) est généralement modérée.
Echocardiographie
L'échographie cardiaque est le meilleur examen pour le diagnostic. Elle permet de visualiser le muscle cardiaque, d'étudier son mouvement lors du cycle cardiaque, ainsi que les valves et permet la mesure de l'épaisseur des parois et la taille des cavités cardiaques. Elle permet de calculer la masse du ventricule gauche, indexé sur la surface corporelle (c'est-à-dire, en tenant compte de la morphologie du sujet). Cet Indice de masse ventriculaire gauche, s'il est élevé, permet d'affirmer le diagnostic de cardiopathie hypertrophique.
L'échocardiographie permet également de voir s'il est type asymétrique ou non en mesurant le rapport épaisseur septum/paroi postérieur supérieur à 1,3.
Avec le doppler, il va être possible de mesurer la vitesse du flux sanguin à travers les valves cardiaques et d'évaluer les pressions dans les cavités cardiaques, déterminant ainsi le caractère obstructif ou non de la cardiopathie hypertrophique. L'étanchéité des valves cardiaques va également pouvoir être étudiée. Il pourra ainsi être mis en évidence une fermeture partielle prématurée des valves aortiques. La recherche d'une obstruction peut être sensibilisée par la réalisation d'une échographie après un effort ou après administration d'une dose de trinitrine sous la langue.
Cathétérisme cardiaque
La réalisation d'un cathétérisme cardiaque est proposé dans les cas litigieux mais est rarement nécessaire. Chez les individus sains, au cours de la systole ventriculaire, les pressions dans l'aorte et le ventricule gauche s'égalisent, et les valves aortiques vont s'ouvrir. Chez les sujets atteints de cardiomyopathie hypertrophiques obstructive (ou de sténose aortique, le phénomène étant le même), il va se créer un gradient (une différence) de pression entre le ventricule gauche et l'aorte, les pressions au niveau du ventricule étant plus élevées que les pressions aortiques. Ce gradient représente le degré d'obstruction qui doit être surmontée pour que le ventricule éjecte le sang qu'il contient vers l'aorte.
Formes cliniques
La forme obstructive est caractérisée par un souffle systolique d'éjection, une cavité ventriculaire gauche très déformée, une hypertrophie septale asymétrique et la présence d'un gradient de pression intra-ventriculaire.
Dans la forme non obstructive, il n'y a pas de souffle éjectionnel et l'hypertrophie est plus diffuse.Évolution et complications
L'évolution de la cardiomyopathie hypertrophique est lente et progressive, avec installation d'une insuffisance cardiaque. Elle est variable car elle peut rester pendant de longues années bien tolérée. Le pronostic vital sur le long terme reste comparable avec celui de la population générale[14].
Les complications sont les embolies systémiques, l'endocardite bactérienne (essentiellement de la valve mitrale), les troubles du rythme (fibrillation auriculaire et autres tachycardies supra-ventriculaires, tachycardie ventriculaire voire fibrillation ventriculaire).
La mort subite
La mort subite reste le risque majeur de cette maladie que ce soit pour la forme obstructive ou la forme non obstructive. Son incidence est inférieure à 1% par an[15]. La cardiopathie hypertrophique est la cause principale des morts subites chez le sportif jeunes aux États-Unis[16].
Quantifier ce risque reste difficile. Il semble augmenté pour des degrés d'hypertrophie importante[17], et surtout, s'il existe des antécédants de syncope chez le sujet ou de morts subites dans la famille de ce dernier[18]. La corrélation entre degré d'obstruction et risque de mort subite reste discutée. La présence d'accès de tachycardie ventriculaire non soutenue sur l'enregistrement électrocardiographique de 24 h (holter) est un critère péjoratif[18].
Traitement
La traitement a pour but de diminuer le gradient de pression entre le ventricule gauche et l'aorte, et les symptômes tels que la dyspnée, les douleurs thoraciques et syncopes.
Le traitement médicamenteux est efficace chez la majorité des patients. Sont utilisés les bêta-bloquants, le vérapamil (un inhibiteur calcique), les diurétiques, des antiarythmiques, voire un traitement anticoagulant en cas d'arythmie cardiaque auriculaire.
La prévention de la mort subite repose sur la mise en place d'un défibrillateur automatique implantable qui va délivrer un choc électrique de faible amplitude en cas de détection d'un trouble du rythme ventriculaire potentiellement grave. Ce type de traitement n'est proposé qu'aux patients considérés comme à risques importants de faire cette complication.
Cas particulier de la cardiopathie obstructive
Chez les sujets porteurs d'une forme obstructive sévère et qui restent symptomatiques et très gênés malgré un traitement médical maximal, deux techniques peuvent être proposées :
- la myotomie-myectomie septale. Il s'agit d'une intervention chirurgicale. Elle consiste à creuser une tranchée dans la paroi hypertrophiée du septum pour réduire la masse musculaire. Cette technique a été développée à la fin des années 1950. Elle a démontrée son efficacité, tant en terme pronostique (diminution du nombre de morts subites) qu'en termes d'amélioration des symptômes[19].
- l'alcoolisation septale, introduite par Sigwart en 1994[20] en alternative à la chirurgie. Elle correspond à la destruction chimique d'une partie du septum par l'injection locale d'alcool à 95 degrés dans une branche perforante d'une artère coronaire lors d'une coronarographie, le but étant de provoquer un infarctus myocardique localisé au sein du septum. Cette technique prend le pas progressivement sur la myectomie septale même s'il n'existe pas de comparaison directe entre ces deux traitements[12]. Les résultats de l'alcoolisation dépendent, entre autres, de la manière dont est vascularisé le septum et sont parfois inconstants.
Certains patients bénéficie de l'implantation d'un stimulateur cardiaque, avec cependant des résultats mitigés[21], voire d'un défibrillateur automatique implantable.
Pour les patients réfractaires au traitement médical, une transplantation cardiaque est à discuter.
Chez les animaux
La cardiomyopathie hypertrophique féline est la cardiomyopathie la plus fréquente chez le chat. La progression de la maladie et son origine génétique semblent être similaires à la pathologie humaine.
Notes et références de l'article
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- Pr Pony. Les myocardiopathies (Site médical Réseau pédagogique de la Faculté de Médecine de Rennes) - Site visité le 18/03/2007.
Voir aussi
Articles connexes
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