Cardiomyopathie dilatée

Cardiomyopathie dilatée

Une cardiomyopathie dilatée (CMD) est une forme de cardiomyopathie (littéralement, maladie du muscle cardiaque) dans laquelle les cavités cardiaques (principalement les ventricules) sont dilatées (à différents degrés), diminuant de façon significative la capacité du muscle cardiaque à assurer sa fonction de "pompe", conduisant ainsi à l'insuffisance cardiaque et couplé à un risque de mort subite, quel que soit le stade de la maladie.

Une cause ischémique (séquelles d'un infarctus du myocarde ou conséquence d'atteintes sévères des artères coronaires est habituellement exclue de cette entité.

Cette dernière est la forme la plus courante de cardiomyopathie.

Sommaire

Épidémiologie

La cardiomyopathie dilatée touche plus fréquemment les hommes que les femmes, entre 20 et 60 ans, avec un pic de fréquence entre 20 et 40. Mais elle peut également être rencontrée chez les enfants. Sa prévalence est de un cas sur 2500 personnes avec des formes familiales dans presqu'un cas sur deux[1].

La cause des cardiomyopathies dilatées dites "secondaires" la plus fréquemment rencontrée en France est l'alcoolisme chronique.

Physiopathologie

L'atteinte du muscle cardiaque diminue sa force contractile et entraîne, à terme, une diminution du débit cardiaque avec ses conséquences sur l'organisme (tableau d'insuffisance cardiaque).

Il existe un certain nombre de mécanismes compensateurs à cet état qui aboutit à un « remodelage » des cavités cardiaques dont le ventricule gauche. Celui-ci augmente son volume maximal (en fin de diastole, ou télédiastolique, là où il est le plus rempli) et son volume télésystolique (en fin de systole ; volume minimum quand le ventricule gauche a éjecté le sang dans l'aorte). La différence entre volume télédiastolique et télésystolique correspond au volume d'éjection systolique (VES), qui conditionne le débit cardiaque. On l'apprécie par la fraction d'éjection (rapport du volume d'éjection sur le volume télédiastolique).

Cette augmentation des volumes sanguins va compenser, dans un premier temps, selon une loi dite « loi de Starling » la diminution de la contractilité myocardique permettant ainsi une conservation du débit cardiaque. Ce remodelage va s'accompagner d'une modification de ses parois, habituellement un amincissement, d'une modification de la forme du ventricule qui devient plus sphérique et moins allongé. Ce processus va aboutir à un déclin progressif de la fraction d'éjection..

Ce concept de remodelage cardiaque a initialement été développé pour décrire les modifications intervenant dans les jours et les mois suivant un infarctus du myocarde. Il a été étendu aux cardiomyopathies non ischémiques, telles que la cardiomyopathie dilatée idiopathique ou la myocardite chronique, suggérant des mécanismes communs dans la progression du dysfonctionnement cardiaque.

Anatomiquement, le cœur est plus gros, ses cavités (principalement le ventricule gauche) sont dilatées, les anneaux valvulaires sont eux aussi dilatés.

Causes

Dans la majorité des cas, la cause de la cardiomyopathie dilatée n'est pas connue : on parle alors de forme idiopathique ou primitive.

Les lésions myocardiaques peuvent être d'origine génétique (formes familiales), toxique (drogues (cocaïne), alcool, chimiothérapie anticancéreuse, imipraminiques), métabolique (hyperthyroïdie), infectieux (infection à virus: Coxsackie B, Rickettiose, mononucléose,.. parasitoses : maladie de Chagas.), auto-immune (lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, périartérite noueuse,...), sarcoïdose, liée à une cardiomyopathie extrinsèque (ischémique, hypertensive,...).

Une forme particulière est le syndrome de tako-tsubo, consistant à une sidération du muscle cardiaque après un stress émotionnel.

La cardiomyopathie du peripartum survient typiquement un mois avant l'accouchement et jusqu'à cinq mois après[2]. Son mécanisme n'est pas clair.

Environ 20 à 40% des formes sont dites familiales, liées à des mutations de gènes codant diverses protéines présentes dans les cellules musculaires myocardiques. La maladie est génétiquement hétérogène, mais le plus souvent, il s'agit d'une transmission autosomique dominante (comme par exemple dans le Syndrome d'Alström). Des formes autosomiques récessives, à transmission liée à l'X (dominante ou récessive) ou à transmission mitochondriale ont également été décrites.

Cardiomyopathies génétiques

Les formes familiales constitueraient entre 30 et 50% des cas[3]. Les mutations responsables concernent les gènes intervenant dans la synthèse du cytosquelette ou de la fibre musculaire sarcomère).

Cardiomyopathies dilatées à transmission dominante
Gène Protéine Pourcentage OMIM Pathologies en rapport
ACTC1 Actine < 1% 102540 Cardiomyopathie hypertrophique
DES Desmine < 1% 1125660 Myopathie avec surcharge en desmine
LMNA Lamine 7%-8% 150330 Dystrophie musculaire d'Emery-Dreifuss
Maladie de Charcot-Marie-Tooth type 2
Progéria
SGCD Delta-sarcoglycane  ? 601411 élément
MYH7 Myosine 7 5%-8% 160760 Myopathie distale de type Laing
TNNT2 Troponine T 2%-4% 191045 élément
TPM1 Tropomyosine alpha-1  ? 191010 élément
TTN Titine  ? 188440 Myopathie tibiale de Udd
VCL Vinculine  ? 193065
MYBPC3 élément élément élément élément
PLN élément élément élément élément
LDB3 élément élément élément élément
ACTN2 élément élément élément élément
CSRP3 élément élément élément élément
MYH6 élément élément élément élément
ABCC9 élément élément élément élément
TNNC1 élément élément élément élément
TCAP élément élément élément élément
SCN5A élément élément élément élément
EYA4 élément élément élément élément
TMPO élément élément élément élément
PSEN1 élément élément élément élément
PSEN2 élément élément élément élément
FCMD Fukutine  ? 607440 Dystrophie musculaire de Fukuyama


Cardiomyopathies génétiques liées à l'X
Gène Protéine OMIM Pourcentage Pathologies en rapport
DMD Desmine < 1% 300377 Myopathie de Duchenne de Boulogne
TAZ Tafazine < 1% 300394 Syndrome de Barth
Fibroélastose de type 2

Diagnostic

Signes fonctionnels

Pour certains sujets, la cardiomyopathie dilatée ne va pas entraîner de signes fonctionnels majeurs (voire pas de signes du tout) et donc ne pas ou peu retentir sur la qualité de vie, ni sur la durée de vie. La maladie peut donc être découverte de façon fortuite, lors de la réalisation de certains examens (électrocardiogramme, radiographie pulmonaire).

Cependant, il va pouvoir exister un certain nombre de symptômes. Le symptôme majeur est la dyspnée d'effort (essoufflement lors de la réalisation d'efforts plus ou moins importants). Peuvent s'y associer une asthénie, des palpitations, de vagues douleurs thoraciques insensibles à la trinitrine (Des douleurs typiques d'angine de poitrine sont inhabituelles et doivent, dans ce cas, suggérer la co-existence d'une cardiopathie ischémique), des malaises et syncopes, des manifestations thrombo-emboliques et parfois un risque de mort subite.

Des signes d'insuffisance cardiaque droite et gauche vont pouvoir se développer progressivement. A noter qu'une dilatation du ventricule gauche peut être présente depuis des mois (parfois même des années) avant qu'un sujet ne devienne symptomatique.

Examen clinique

L'examen clinique va pouvoir retrouver une tachycardie, un bruit de galop, un souffle cardiaque d'insuffisance mitrale ou tricuspide fonctionnel (qui n'est pas dû à une lésion organique des valves cardiaques), des signes d'insuffisance cardiaque.

A un stade avancé de la maladie, la pression artérielle est basse.

Examens complémentaires

Une radiographie pulmonaire va pouvoir mettre en évidence, dans les formes déjà évoluées, une augmentation de taille de la silhouette cardiaque (cardiomégalie) importante (index cardio-thoracique supérieur à 0.60 dans 30% des cas). La dilatation cardiaque apparaît globale (bien qu'intéressant principalement le ventricule gauche). Elle peut également découvrir des anomalies liées au bas débit cardiaque (œdème pulmonaire), épanchement pleural, .....

L'électrocardiogramme ne montre pas d'anomalie spécifique. Il sert à éliminer un infarctus du myocarde et à dépister des complications comme des troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire, arythmies ventriculaires, ...) ou de la conduction. Il peut cependant être normal.

L'échographie cardiaque est l'examen essentiel au diagnostic. Il montre une dilatation cardiaque globale avec une épaisseur de paroi normale ou amincie, des diamètres télédiastoliques augmentés, une diminution globale de la contraction cardiaque qui peut être quantifier par la mesure de la fraction d'éjection, plus ou moins diminuée (inférieure à 60-75%). Cet examen permet en outre de suivre l'évolution de la maladie.

Une coronarographie (examen radiologique d'opacification des artère coronaires) peut être réalisée afin d'éliminer une cardiopathie ischémique. L'injection du produit de contraste dans le ventricule gauche permet également de calculer la fraction d'éjection. Cet examen peut être couplée avec la mesure des pressions intracardiaques et pulmonaires : Il existe une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche et une augmentation des pressions capillaires et artérielles pulmonaires. Le débit cardiaque et le volume d'éjection systolique sont altérés (sauf au début de la maladie).

Des explorations isotopiques (gamma-scintigraphie au Technétium, scintigraphie myocardique au Thallium, IRM) peuvent apporter des renseignements sur les volumes des cavités cardiaques, la contractilité cardiaque et la fraction d'éjection.

Une biopsie myocardique est exceptionnellement réalisée. Elle permet le diagnostic des cardiopathies de surcharge, causes rares de cardiomyopathies, telles que la sarcoïdose ou l'hémochromatose. Dans ces cas, un traitement spécifique peut être proposé. Dans d'autre cas, elle peut retrouver le virus en cause d'une myocardite dont le cardiomyopathie constitue la séquelle.

Il n'existe pas à ce jour de test génétique prédictif pour cette maladie.

Prise en charge

Il est souvent prescrit le traitement standard de l'insuffisance cardiaque : régime pauvre en sel, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, diurétiques, bêta-bloquants, digitaliques ou amiodarone en cas d'arythmie.
Les anticoagulants sont parfois également utilisés en cas de manifestations thrombo-emboliques, surtout si une fibrillation auriculaire est associée.

Certains patients bénéficient de l'implantation d'un stimulateur cardiaque multi site, voire de défibrillateurs implantables en cas de risque d'arythmie ventriculaire.

Pour les patients à un stade avancé et qui deviennent réfractaires au traitement médical, une transplantation cardiaque est à discuter.

Évolution et complications

L'évolution est variable et se fait classiquement vers l'insuffisance cardiaque (incapacité du cœur à assurer un débit cardiaque efficace pour des efforts de plus en plus restreints), que le sujet tente de compenser en réduisant son activité physique (réduction délétère).

Elle est très souvent émaillée de poussées aiguës d'insuffisance cardiaque (œdème aigu du poumon).

Ces poussées, pratiquement constantes dans l'évolution peuvent être liées à "des facteurs déclenchants" : existence de troubles du rythme (passage en tachy-arytmie complète par fibrillation auriculaire), surcharge sodée (non-respect du régime sans sel, excès accidentels des repas de fins d'années...), maladies intercurrentes (grippe, broncho-pneumopathie...), anémie... Ces poussées réagissent habituellement aux traitements habituels.

La répétition des poussées sans facteur déclenchant est un élément de mauvais pronostic, faisant redouter l'insuffisance cardiaque "terminale" (dyspnée permanente au repos empêchant de dormir en décubitus (orthopnée) - position allongée - et obligeant à vivre pratiquement sans bouger, en position demi-assise).

La survie moyenne est d'environ 7 ans après une découverte fortuite, 4 ans après les premiers symptômes et de 2 ans après le début d'insuffisance cardiaque.[réf. nécessaire]

Il existe certains cas de réversibilité en fonction de la cause de la cardiomyopathie dilatée (alcool, cocaïne, médicaments, hyperthyroïdie, syndrome de tako-tsubo…).

Les principales complications sont les manifestations thrombo-emboliques (embolie systémique ou pulmonaire), les troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire, extrasystoles ventriculaires, tachycardie ventriculaire), avec un risque non négligeable de mort subite.

Chez les animaux

La cardiomyopathie dilatée est une maladie existant également chez certaines races de chiens (Boxer, Dobermann, Dogue allemand, Saint-bernard).
Cette pathologie touche également certaines races de chats.

Elle est egalement rencontrée de temps en temps chez les rongeurs tel que les rats suite aux nombreux problèmes respiratoires qu'ils peuvent rencontrer.

Notes et références

  1. Taylor MR, Carniel E, Mestroni L, Cardiomyopathy, familial dilated, Orphanet J Rare Dis, 2006;1:27
  2. Hilfiker-Kleiner D, Sliwa K, Drexler H, Peripartum cardiomyopathy: recent insights in its pathophysiology, Trends Cardiovasc Med, 2008;18:173-179
  3. Jefferies JL, Towbin JA, Dilated cardiomyopathy, Lancet, 2010;375: 752-762
  • (en) Cet article est partiellement issu d’une traduction de l’article en anglais : "Dilated cardiomyopathy".
  • Schonberger J. Seidman C.E. Many roads leads to a broken heart : the genetics of dilated cardiomyopathy. Am J Hum Gen 2001 ; 69 : 249-60.
  • Ross J. Jr. Dilated cardiomyopathy : concepts derived from gene deficient and transgenic animal models. Circ J 2002 ; 66 : 219-224.
  • Revue Prescrire. Cardiomyopathie dilatée liée aux antidépresseurs imipraminiques ? Rev Prescrire 2003 ; 23.833.
  • Oyama M.A. Chittu S. Genomic expression patterns of cardiac tissues from dogs with dilated cardiomyopathy. Am J Vet Res 2005 ; 66 : 1140-55.
  • Site "Cardiomyopathy Association" - Cardiomyopathie dilatée (en) - Site visité le 18/03/2007.
  • Pr Pony. Les myocardiopathies (Site médical Réseau pédagogique de la Faculté de Médecine de Rennes) - Site visité le 18/03/2007.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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