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Café de l'Europe
Au XVIIIe siècle, et particulièrement dans sa deuxième moitié, Spa, ville d’eau en principauté de Liège, connut un succès unique en Europe. Il n’y avait pas une saison où quelques princes et têtes couronnées ne s’y rendaient. Les curistes, appelés plus communément « bobelins », de haute extraction, y venaient en nombre d’Angleterre, de France, des Pays-Bas, de Prusse, d’Italie, etc. pour ses quelques vingt sources aux vertus bienfaisantes. La source la plus connue de Spa, portera le nom de l’empereur de Russie, Pierre le Grand, en 1820, suite à son séjour à Spa en 1714. Un buste du tzar, offert par le prince Anatole Demidoff, y fut placé en 1856.
C’est le nouvel empereur du Saint Empire romain germanique, Joseph II (1780), qui en juillet 1781, en séjour à Spa dès le 19 du mois, avant de rendre visite à sa sœur, la reine Marie-Antoinette, et son beau-frère, Louis XVI, à Versailles, déclara Spa, le Café de l’Europe. On retient qu’il s’accorda en toute simplicité un menuet aux abords du pouhon de la Géronstère où il venait de prendre les eaux.
Sommaire
Histoire
À Spa, outre les cures d’eaux minérales, on s’adonnait aussi à la promenade, au jeu, à la danse et au théâtre. Dès 1761, le Magistrat décida de construire le premier casino moderne du continent européen, La Redoute, avec salles de bal, de jeux et de théâtre, pour répondre aux attentes de luxe de ses nobles bobelins. Deux promenades arborées seront aussi tracées : celle des Quatre heures et celle des Sept heures. L’élégant jardin à la française du couvent des Capucins, ouvert tant aux dames qu’aux messieurs, chose exceptionnelle, accueillait le badaud. Un visiteur anonyme de l’époque nous a laissé, par ailleurs, ses impressions consignées par écrit de cet âge d’or de Spa : « On voyait fréquemment à la Redoute deux cents personnes de toutes nations assister aux bals. Au temps où j’y étais, il y avait plus de trente princes titrés ». En 1770, un deuxième casino ouvre ses portes avec sa salle de bal et ses salons : le Waux-Hall.
La saison d’été venue, la ville d’eau connaissait une effervescence sans pareille. Dans cette petite cité, il grouillait une activité intense, notamment artistique, mais surtout Spa parvint à une incroyable mise sur orbite dans le sillage des plus grandes capitales européennes ; du hameau ardennais, berceau sidérurgique du XIVe siècle, à la ville d’eau européenne du XVIIIe siècle, que de chemin parcouru ! « À Spa, dès 7 heures du matin, les rues étaient remplies de bruits extraordinaires que causaient les cavaliers, quelques fois au nombre de cent cinquante ». Mme de Genlis nous donne un témoignage de cette époque en 1782 dans Adèle et Théodore: "Le charmant, le délicieux séjour que Spa ! Oh, je serai malade tous les ans pour y revenir ! ... on y trouve tout, du monde, du jeu, des fêtes, de la dissipation, de la solitude, de la liberté... que n' y êtes-vous ! Rien n' y manqueroit." Voltaire écrit le 6 juillet 1772 à la marquise du Deffant: "Je crois votre M. de Gleichen à Spa, où il y a grande compagnie".
Pour satisfaire pleinement au confort et plaisirs des bobelins de Spa, il s’est ouvert, à mesure des années et de l’affluence des visiteurs, des boutiques « internationales » d’horlogers, de bijoutiers, de porcelaine de Saxe, de lingerie, de librairies, etc. et autant de métiers de coiffeurs, de perruquiers , de pâtissiers, de musiciens… « Pendant une vingtaine d’années, Spa devient de plus en plus florissant ; les étrangers se disputaient la gloire de donner des fêtes très brillantes, des courses de chevaux, etc. Plus de 20 à 25 marchands de Cambrai, en batiste, en linon , autant de perruquiers et coiffeurs encombraient les rues, 4 bijoutiers, 3 horlogers avec des boutiques bien assorties en montres et pendules, des opticiens, des marchands d’estampes, un superbe magasin de Saxe ». En 1784, Robert de Limbourg rapporta dans le Pays de Liège, à Spa, le premier parapluie venu d'Angleterre. Spa était le Café de l'Europe, une capitale en miniature, l'endroit où toute innovation de luxe paraissait bien avant que tout autre agglomération des Pays-Bas. Au XVIIIe siècle, Spa exporte aussi annuellement jusqu'à 250 000 bouteilles de ses eaux médicinales partout en Europe.
Les Jolités de Spa, ou ouvrages de Spa, font aussi le bonheur des bobelins ; on achetait de magnifiques nécessaires de toilette, des boîtes de Spa, des lavis représentants les environs, des objets décoratifs en ivoire finement tourné, etc. Les dynasties des Dagly, Leloup et Xhrouet en sont représentatives. Lorsque Gustave III de Suède, séjourna à Spa, il alla rendre visite au fameux tourneur, Lambert Xhrouet ; celui-ci tourna devant le souverain, en un instant, dans un bloc de glace, une coupe à champagne admirablement ciselée, dans laquelle le roi but à la santé et au succès de l’habile artisan.
Autre aspect de ce « Café de l’Europe », on y croisait à peu près toutes les langues. Les Anglais étaient friands de séjours à Spa et y étaient nombreux à représenter les anglophones. Par ailleurs, Spa, la francophone, se trouvait aux confins de la Rhénanie, germanophone, des Pays-Bas du Sud, néerlandophone à sa frontière, et était voisine, par sa principauté de Liège, du royaume de France. Chaque visiteur y apportait un peu de sa culture, sans oublier que les spadois parlaient, entre eux, le wallon liégeois.
Il s’y mélange aussi, sur le modèle des salons parisiens des Lumières, les artistes, les intellectuels, les aristocrates, les hommes d’église, etc., de toute l’Europe, le tout dans une ambiance décontractée, loin de l’étiquette rigide de certaines cours de l’époque. Les différents cultes, ou la loge maçonnique, y étaient aussi représentés et pratiqués, dans un respect et une neutralité garantie.
La richesse de la diversité culturelle et linguistique si caractéristique de l’Europe, étant magnifiée à Spa au XVIIIe siècle, il n’est étonnant que Joseph II, monarque se voulant éclairé, et pour cela il l’a été, l’ait stigmatisé par ce label de « Café de l’Europe ».
Deux monuments de Spa, du milieu du XIXe siècle, témoignent des personnages prestigieux qui y ont séjourné : Le tableau monumental, Le Livre d'Or de Spa (1852), du peintre Antoine Fontaine exposé dans le jardin d’hiver du pouhon Pierre le Grand reprenant 94 personnalités et la fontaine monumentale (1862) réalisée par le sculpteur Jacques Jacquet, rue de la Sauvenière, reprenant les noms gravés dans la pierre de 170 illustres visiteurs. La Liste des seigneurs et des dames en séjour à Spa, sorte de premier journal de Spa, était publiée chaque saison et les Amusemens des eaux de Spa livre publié pour la première fois en 1734, décrivait la vie à Spa, ses distractions, ses plaisirs, bref, les amusements de Spa.
Voir aussi
- Spa
- Histoire du sport équestre et hippique à Spa
- Famille Dagly
- Famille Leloup
- Famille Xhrouet
- Journal général de l'Europe
- Histoire de la Wallonie
Liens externes
- Site officiel de la ville de Spa
- Spahistoire, Georges Heuse
- Le Livre d'Or de Spa, Guy Peeters
- Le Waux-Hall de Spa.
Notes
- La convention sur la diversité linguistique et culturelle a été signée au siège de l’UNESCO à Paris, octobre 2005.
Bibliographie
- Ivan Dethier, ‘’Spa rendez-vous de l’Europe’’, in La Wallonie, le Pays et les Hommes (dir. J.Stiennon, et R. Lejeune, Tome II, La Renaissance du Libre, Bruxelles, 1978, pp. 103-110.
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