Budô

Budô

Budō

Les budō (武道?) sont les arts martiaux japonais apparus entre le milieu du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle. En japonais, bu (?) signifie la guerre et (?) la voie (en chinois : dao ou tao, cf. le taoïsme). Les budō les plus connus en Occident sont le judo, le karaté et l’aïkido. Ce sont les héritiers des techniques guerrières médiévales, les bujutsu.

Le kanji bu désigne la guerre mais montre en fait une main qui arrête une lance. Si le terme français « art martial » se comprend comme « art guerrier », le terme budō peut se comprendre comme « la voie pour arrêter la lance », interrompre l'agression, donc un art de défense, donc (?) de paix.[réf. nécessaire]

Sommaire

Historique des Budō

Les techniques guerrières (武術, bujutsu?) développées durant le Moyen Âge japonais se sont transformées à la suite de trois phénomènes :

  • l’arrivée des armes à feu, rendant caduques un certain nombre de conceptions de la guerre ; les armes à feu (teppō) sont arrivées vers la fin du XIVe siècle de Chine mais leur utilisation est restée très limitée (essentiellement utilisées par les clans Hōjō et Takeda) ; ce sont les Portugais, arrivés au milieu du XVIe siècle, qui vont répandre les fusils, de bien meilleure qualité ;
  • deux siècles de paix interne de l’ère Edo (16001868), durant lesquels les techniques guerrières se détournent du combat de masse et évoluent vers le raffinement et les duels ; les guerriers (bushi) deviennent des fonctionnaires (samouraïs) ;
  • l’ère Meiji (à partir de 1868), qui vit la disparition du système féodal, et notamment de la caste des guerriers (samouraïs).

À partir du milieu du XIXe siècle, certaines personnes (notamment Jigoro Kano, Morihei Ueshiba et Gichin Funakoshi) prennent conscience que, loin d’être devenues inutiles, les techniques guerrières avaient encore un rôle éducatif et de promotion internationale. C’est ainsi que les jutsu (? techniques) sont devenus des (? voies) : le kenjutsu (escrime) laissa sa place au kendo, le jujutsu (techniques de souplesse) donna naissance au judo et à l’aïkido, le kyujutsu donna naissance au kyūdō (tir à l’arc), (le karaté fut créé du kenpo bien avant)…

Les anciens bujutsu sont parfois nommés koryu, « ancienne école », tandis que les arts martiaux modernes sont qualifiés de gendai budō.

L'origine des Budō

Le Budo est un concept développé au Japon au cours des siècles par la classe guerrière des Bushi. Le terme Bushi s'applique au guerrier japonais du 9e au 19e siècle. Jusqu’à la fin du 19e siècle, devenir Bushi était un acte qui engageait sa vie tout entière, pratiquement sans retour possible vers d’autres modes de vie. Le Bushi maîtrisait les techniques de plusieurs disciplines martiales, à mains nues et aux armes, à pied ou à cheval grâce à une formation s’étalant sur de nombreuses années. Le Bushi reste dans la conscience japonaise le modèle de l’homme parfait, accompli, éduqué au point de mépriser la mort, d’une fidélité totale à ses engagements personnels et vis-à-vis du clan dans lequel il s’insérait. Du 8e au 16e siècle, l'histoire du Japon n'a été qu'une interminable guerre civile. C'est sans doute la raison pour laquelle les traditions martiales et le culte du guerrier ont marqué si profondément la culture et la psychologie du peuple japonais.

La classe des Bushi comprenait divers rangs attribués d'une part, en fonction du mérite, d'autre part en fonction de la faveur dont le guerrier jouissait auprès du Shogun (chef militaire du Japon). Le Bushi, connu en Occident sous le nom de Samurai, était le guerrier le plus noble. Il était au service du Shogun et plus spécifiquement attaché à un Daimyo (chef d'un fief ou Han en japonais). Le Bushi, combattant rude, rompu à la souffrance physique, résigné devant le sort, devait être préparé à mourir pour accomplir son devoir, car de lui dépendait la survie du fief (Han) et du Daimyo. C'est pourquoi il devait se conformer à un code de conduite non écrit. Le Bushido () - La voie du guerrier - signifiait l'obéissance à ce code et l'acquisition des vertus en vigueur dans la classe des Bushi : le courage, la loyauté, l'abnégation, etc. S'il transgressait le code, la sanction était la mort. Le mot Budo est également utilisé aujourd'hui pour désigner les arts martiaux traditionnels japonais.

Koryu Bujutsu (Bujutsu) et Gendai Budo (Budo)

- "La jeunesse d'aujourd'hui est pourrie jusqu'au tréfonds, mauvaise, irréligieuse et paresseuse. Elle ne sera jamais comme la jeunesse du passé, et sera incapable de préserver notre civilisation." -

Tablette d'argile babylonienne, 3 000 ans av. J.-C.

Le Gendai Budo ou le Budo et le Koryu Bujutsu ou Bujutsu sont les deux grands courants d'arts martiaux provenant du Japon. Le terme Koryu Bujutsu signifie "Arts martiaux de l'ancienne école". On fait souvent référence au Koryu Bujutsu en simplifiant par le terme Bujutsu. Le terme Gendai Budo fait référence aux "Art martiaux actuels". On désigne plus fréquemment les arts martiaux actuels par le terme Budo.


Koryu Bujutsu ou Bujutsu - "Se distingue généralement par les arts martiaux antérieurs à 1868." -

En général, mais ce n'est pas toujours le cas, les différentes écoles de Koryu Bujutsu, les Ryu Ha, portent le nom de "Ryu". Voici un exemple de quelques une de ces écoles: Shinto Muso Ryu, Yoshin Ryu, Kukishin Ryu, etc. Les Koryu Bujutsu utilisent le système des Menkyo, sorte de brevets, en guise de certifications ou de grades. Le Menkyo est souvent référé en tant que "système honorable" et est transmis par le biais d'un diplôme de transmission, le Densho. La grande majorité de ces systèmes comportent cinq degrés de transmission portants différents nom selon les systèmes. Voici un exemple de progression de l'un de ces systèmes:

  • 1- Shoden,
  • 2- Chuden,
  • 3- Okuden,
  • 4- Shinan Menkyo,
  • 5- Menkyo Kaiden.

En plus de l'attribution de Menkyo, on attribuait différents titres honorables dans les Koryu Bujutsu. Ces titres faisaient autrefois références à la maîtrise dans l'art du sabre, le Kenjutsu, un peu comme le baccalauréat, la maîtrise et le doctorat de nos universités modernes. Ces titres honoraires sont dans l'ordre:

  • "Renshi" (maîtrise externe, assistant, expert),
  • "Kyoshi" (maîtrise interne, instructeur complet),
  • "Hanshi" (maîtrise interne et externe unifiée, maître) et
  • "Meijin" (être de lumière, grand maître).

On utilise également d'autres titres qui font un peu exception, c'est-à-dire, qui n'appartiennent pas à la suite ci-haut:

  • "Shihan" (maître modèle, homme à imité),
  • "Soke" (grand maître d'une tradition martiale familiale).

Les Koryu Bujutsu se distinguent par leurs applications purement pratiques, ils ne recherchent que l'efficacité absolue. On ne parle ici que de situations où la vie et la mort est le seul enjeu. Les techniques sont très dangereuses et ne s'appliquent pas dans un contexte sportif. On ne recherche pas à perfectionner l'individu sur le plan humain par le biais de la pratique martial. On recherche à parfaire son efficacité à tuer au combat et à survivre.


Gendai Budo ou Budo - "Se distingue généralement par les arts martiaux postérieurs à 1868." -


En général, mais ce n'est pas toujours le cas, les différentes écoles de Gendai Budo porte le nom de "Kan" ou "Kai". Voici un exemple de quelques une de ces écoles:

  • Shotokan,
  • Kyokushinkai,
  • Kodokan,
  • Aikikai,
  • Yoseikan, etc.

Les Gendai Budo utilisent le système des Dan, les degrés supérieurs, et des Kyu, les degrés inférieurs, ainsi que le port de ceintures de couleurs différentes pour l'attribution de grades. Exemple de progression d'un de ces systèmes:

  • ceinture blanche 6e Kyu,
  • ceinture jaune 5e Kyu,
  • ceinture orange 4e Kyu,
  • ceinture verte 3e Kyu,
  • ceinture bleue 2e Kyu,
  • ceinture marron 1er Kyu,
  • ceinture noire 1er Dan,
  • ceinture noire 2e Dan,
  • ceinture noire 3e Dan,
  • ceinture noire 4e Dan,
  • ceinture noire 5e Dan,
  • ceinture rouge et blanche 6e Dan,
  • ceinture rouge et blanche 7e Dan,
  • ceinture rouge et blanche 8e Dan,
  • ceinture rouge 9e Dan,
  • ceinture rouge 10e Dan.

Parfois, les titres honoraires sont utilisés en plus du système des ceintures, d'autres fois non. Exemple: Renshi, Kyoshi, Hanshi, Meijin. Shihan et Soke.

Une grande partie des Gendai Budo ont été créés par des gens qui n'avaient pas de certification (ie. Gichin Funakoshi-père du Karaté, Jigoro Kano-fondateur du Judo), dans le but de perpétuer une tradition martiale inaccessible, de la rendre accessible à tous en tant que méthode éducative.

Les Gendai Budo se distinguent par leurs applications sportives et éducatives. Ils ont pour but de former l'homme et ses qualités humaines (respect, confiance, patience, etc) par le moyen d'une pratique martiale. Les techniques véritablement efficaces ont été retirées des Gendai Budo ce qui ne veut pas dire qu'ils sont totalement inefficace en situation réelle mais ils en sont amoindris. Exemple de Budo: Karaté (Karatédo), Judo, Aikido, Kendo, Kyudo, Iaido, etc.


Sogo Bujutsu ou Sobujutsu


C'est l'intégration de toutes les formes de combat du guerrier véritable, provenant des Koryu Bujutsu dans une seule pratique martiale.


Sogobudo ou Sobudo


C'est l'intégration des formes de combats modernes provenant des Gendai Budo avec l'ajout de l’essence et de l'efficacité des Koryu Bujutsu. Par exemple:

  • Ishinkan: système intégré d'arts martiaux, tendance Budo-Bujutsu
  • Shindokan: système intégré d'arts martiaux, tendance Budo
  • Seishinkan: système d'enseignement individuel de plusieurs arts martiaux
  • Yoseikan: système d'enseignement individuel de plusieurs arts martiaux et/ou système intégré d'arts martiaux, tendance Aikido
  • Takeda Ryu: système intégré d'arts martiaux, tendance Aikido-Kenjutsu-Sojutsu

Efficacité, Arts Martiaux et Budō

Tous les arts martiaux que l'on connaît aujourd'hui, proviennent à la base, d’écoles ancestrales traditionnelles. Le Japon possède une histoire particulièrement remplie de grandes périodes guerrières et de guerres civiles. C'est en ces temps troubles du passé, que ces différentes écoles martiales traditionnelles ont été créées. Elles ne se fondaient que sur le pragmatisme, l'efficacité accrue. À cette époque comme aujourd'hui, il n'y avait pas de place pour le superflu, car toutes fioritures sur le champ de bataille signifiaient la Mort. Donc, tous les arts martiaux de cette époque qui n'étaient pas efficients, n'ont pas eu de descendance, car leur créateur ont péri sur le champ de bataille sans pouvoir transmettre leur savoir. Ceux qui ont survécu, ont su mettre en pratique de manière effective leur art et ont pu transmettre aux générations suivantes, le savoir acquis au péril de leur vie sur les champs de bataille. Pour pouvoir bien comprendre la perspective de l'évolution martiale du Japon, il faut mettre en relief quelques grandes périodes.


Temps préhistoriques

  • Culture de non poterie: date inconnue
  • Culture Jomon Shiki: précédant 300 avant J-C.
  • Culture Yayoi Shiki: précédant 200 avant J-C.

Temps anciens

  • Période des états tribaux: 57 après J-C - VIe siècle
  • Période Yamato: VIe siècle-645
  • Période de l'adoption de la Chine: 645-784
  • Période de réforme Taika: 645-710
  • Période Nara: 710-784
  • Période Heian: 784-1184
  • Période Fujiwara: 866-1160
  • Période Taira: 1169-1184

Temps médiévaux

  • Période Kamakura: 1184-1333
  • Période du règne Minamoto: 1199-1219
  • Période de transition (Minamoto au règne Hojo): 1199-1219
  • Période du règne Hojo: 1219-1333
  • Période de restauration Kemmu: 1334-1336
  • Période Ashikaga (Muromachi): 1336-1568
  • Période Azuchi-Momoyama: 1568-1600
  • Période Tokugawa: 1600-1868

Temps modernes

  • L'ère Meiji: 1868-1912
  • L'ère Taisho: 1912-1926
  • L'ère Showa:1926-au présent


  • La période Heian (784 à 1184).

C'est le balbutiement des arts martiaux japonais. Ce sont des techniques barbares. Il n'y a pas de structure ni de nomenclature à ces arts. C'est la période d'essais et erreurs sur les champs de batailles. La fin justifie les moyens, et tout est bon pour ne pas être tué.

  • Les périodes Kamakura (1184 à 1333), Kemmu (1334 à 1336), Ashikaga - Muromachi (1336 à 1558) et Azuchi - Momoyama (1568 à 1600).

C'est l'explosion des arts martiaux. C'est le temps des grandes guerres, une guerre civile n'attend pas l'autre. Différents clans se disputent la suprématie du territoire. Pour pouvoir dominer son adversaire, il faut être mieux préparé que lui, mieux entraîné. Donc dans le but de favoriser l'entraînement des troupes guerrières et facilité l'enseignement, les techniques sont regroupée par écoles (Ryu Ha), puis par familles techniques (Jutsu et Waza). C'est le début d'une structure partielle. Plusieurs expérimentations sont également effectuées, certaines sur les champs de batailles d'autres sur les prisonniers de guerre: techniques de coupes de sabre, bris d'articulations, d'os, etc. C'est une période particulièrement sanglante et meurtrière. Mais cette période à grandement contribué à l'efficience des arts martiaux japonais. À cette époque, on ne parle pas de la philosophie que les arts martiaux apportent. Ces derniers n'enseignent que des méthodes guerrières. Les arts martiaux de cette époque sont nommés Koryu Bujutsu (Techniques de guerre des écoles anciennes).

  • La période d'Edo - Tokugawa (1600 à 1868).

Un dictateur militaire (Shogun), le général de toutes les armées finit par unifier tous les clans autour du clan Tokugawa et élimine tous ceux qui refusent de se rallier à lui. C'est maintenant au Shogun ainsi qu'au clan Tokugawa qu'est attribuée la suprématie totale du Japon. L'empereur n'a pas de pouvoir réel sans l’appui du Shogun et de ses armées. C'est une paix fragile qui est instaurée. À cette époque, il y a beaucoup de jeux politiques d'arrière scène. C'est aussi à cette époque que le système des castes prend le plus d'importance. Au sommet de la pyramide il y a le Samurai (guerrier), puis vient le fermier, ensuite l'artisan, le marchand et les non personnes. C'est à cette époque que les samurais se dotent d'un code de conduite, le Bushido. Parce que la paix est précaire, les Samurais doivent garder leurs techniques martiales bien aiguisées. Mais, par ce qu'ils ne sont plus en guerre constamment, les Samurais profitent de cette période pour raffiner, développer et codifier leurs techniques. Ce raffinement technique, avec l'apport du Bushido, de la méditation Zen ainsi que du Shintoïsme et du Bouddhisme, établira les bases futures du Gendai Budo (Voie martiale moderne) ou simplement Budo (Voie martiale). En effet, les guerriers de ce temps, se serviront de leurs arts martiaux pour développer bien plus qu'une méthode guerrière, mais également un raffinement de soi. L'art martial devient une entité propre, une manière de vivre et de s'épanouir. C'est une voie que l'on suit. C'est d'ailleurs pourquoi le terme Do (Voie) fait son apparition durant cette époque. Mais pendant ce temps, à l'extérieur du Japon, le monde extérieur évolue. Bientôt c'est l'apparition de la vapeur, de l'automobile, de l'électricité. C'est l'ère de l'industrialisation. Le Japon, qui vit fermé sur lui-même, est toujours au moyen age. Il rejette alors toutes ses traditions ancestrales, arts martiaux compris, pour pouvoir s'actualiser à l'ère moderne.

  • La période Meiji (1868 à 1912).

C'est la révolution culturelle au Japon. Le régime féodal est abolit. Le système des castes est démantelé. Les guerriers (Samurai) qui sont au sommet de l'échelon social, se retrouvent sans rien. Plusieurs se révoltent mais seront matés. D'autres se suicident dans une cérémonie rituelle, le Sépuku. Les Samurais restant, acceptant de perdre leur statut, prendront part à cette révolution culturelle et joindront les rangs d'une police moderne. Sans l'apport de quelques individus, les arts martiaux tombés en désuétude, auraient disparu complètement ainsi que près de 1000 ans de tradition martiale. En pleine révolution, tandis que la société japonaise rejette ses propre valeurs pour s'accorder à celles de l'occident, certains hommes, de grands hommes, on vu une opportunité de changement. Plutôt que de détruire leurs traditions, il fallait les faire évoluer avec ce vent de modernité. Ainsi, les valeurs de la tradition martiale pouvant se perpétuer dans un monde moderne ne seraient pas perdues. Modernisme assuré et traditionalisme conservé. Les deux parties y trouvent leur compte. Ces grands hommes, ceux que l'on nomme parfois "les Trois Grands", ont jeté les bases des arts martiaux modernes: le Gendai Budo. Il s'agit de Jigoro Kano, fondateur du Judo (Kodokan), Gichin Funakoshi, père du Karatédo (Shotokan) et de Morihei Ueshiba, fondateur de l'Aikido (Aikikai). Sans ces trois hommes, particulièrement Jigoro Kano qui joua un rôle chef, les arts martiaux japonais auraient probablement disparus.

La pratique des Koryu Bujutsu était effectuée au moyen de Kata (forme codifiée) et de tests réels sur les prisonniers. Par ce que la pratique de ces techniques étaient dangereuses, il n’existait pas de forme de combat libre (sparing) comme aujourd'hui. Parfois, pour pouvoir appliquer certaines techniques, il fallait tuer ou blesser gravement son adversaire, le contrôle de ces techniques étant impossible. Ce qui serait impensable de réaliser avec un partenaire d'entraînement dans notre société d'aujourd'hui. C'est pourquoi le Gendai Budo d'aujourd'hui, auquel appartiennent le Karaté, le Judo et l'Aikido par exemple, a été modifié, de manière à minimiser cette pratique dangereuse. Ce qui a eu pour effet de rapprocher la pratique martiale à une pratique sportive. La pratique sportive en effet, ne vise pas de blesser son adversaire, mais plutôt de le dominer, souvent par un système de points. C'est pourquoi il existe une grande différence entre sport de combat et art martial. Les sports de combats ont permis de développer une pratique beaucoup plus poussée en éliminant la crainte de blessure potentielle et par l'apport de nouvelle méthodes d'entraînement. Mais cependant, un piège subsiste. Plusieurs pratiquants de sports de combats ou de pratiquants d'arts martiaux à saveur sportive, croient faussement, qu'ils seraient efficaces dans un vrai combat. Dans un vrai combat, il n'y a pas de règle, il n'y a pas de "fair play". Dans un vrai combat on est parfois blessé avant l'affrontement et il faut se battre coûte que coûte. Parfois on ne sait pas quand il y aura un affrontement. C'est tout le contraire d'une pratique sportive. Lors d'un affrontement entre la vie et la mort, dans des conditions défavorables, la force de l'Esprit est un élément crucial. C'est la pratique martiale véritable qui forme cet Esprit authentique, pas la pratique sportive. Sur le champ de bataille il n'y aura pas d'arbitre pour arrêter le combat si ce dernier tourne en votre défaveur. Et il est faux de dire que l'on peut adapter rapidement notre pratique sportive en pratique martiale lors d'une situation réelle. Une pratique assidue de plusieurs années ne peut se change en quelques secondes, et le but n'est pas non plus de démontrer que certains arts martiaux sont supérieurs à d'autres car, en pratique réelle, les arts martiaux inefficaces se sont éliminés de manière naturelle.

Concepts communs aux budō

Chaque budō est différent. Toutefois, ils sont tous globalement issus de la même culture (même s'il y a des métissages, comme pour le karaté), et ils ont tous en commun la recherche de l'efficacité martiale ; les mêmes causes entraînant les mêmes effets, mêmes si les formes varient. On retrouve donc des concepts communs à tous les budo :

  • bun bu ichi, « les arts le guerrier ne font qu'un » : durant la période Edo, les shoguns Tokugawa ont promu les arts (calligraphie, ikebana…) afin de canaliser la violence des guerriers et d'introduire du raffinement ; les arts sont depuis considérés comme faisant partie de la formation des guerriers ;
« [L'Occidental moyen] s'était habitué à considérer le Japon comme une contrée barbare tant qu'il se consacrait aux arts délicats de la paix ; il le tient aujourd'hui pour un pays civilisé depuis qu'il massacre allègrement sur les champs de bataille de Mandchourie. Combien de commentaires n'a-t-on pas consacrés au code des samouraïs, à cet art de la Mort pur lequel nos guerriers se sacrifient avec tant d'exaltation ! Alors que la voie du thé, laquelle incarne au mieux notre art de la Vie n'a guère suscité d'intérêt »

— Okakura Kakuzō, Le Livre du thé (The Book Of Tea) (1906), Picquier poche, ISBN 978-2-87730-851-9, p. 26-27

  • dojo : le lieu où se pratique la voie ; au Japon, les dojo sont dans des temples ; dans tous les cas, même s'il est situé dans un gymnase, un dojo n'est pas considéré comme une salle de sport ni d'entraînement, mais comme le lieu où est transmis l'enseignement du budo ;
  • kata : un kata est une forme, un enchaînement de mouvements seul ou à deux, permettant de travailler certaines techniques dangereuses ou certains savoir-êtres (postures, mouvements…) ;
  • ki : on peut imager le ki comme étant la concentration ; il s'agit en fait d'un concept ésotérique plus vaste (cf. infra) ;
    • kiai : cri permettant l'« unification du ki » ; d'un point de vue rationnel, ce cri permet la gestion du souffle au cours de l'effort et aide à la coordination des mouvements ; d'un point de vue ésotérique, cela consiste à « frapper l'adversaire » de son ki ;
  • kihon : un kihon est mouvement de base de la pratique ; par exemple, au karaté, les kihon sont les postures et les frappes, au judo ce sont les prises… Les kihon sont mis en œuvre dans les kata, dans des entraînements à deux (kumi-) ainsi que dans des « applications » (le mouvement est transposé à une situation proche du réel) ;
  • kumi- : le kanji kumi () signifie « groupe », « classe » ; il est utilisé comme préfixe pour indiquer un entraînement à deux, en général sous la forme d'assauts : kumite (assaut à main nues) au karaté, kumijo (technique de bâton contre bâton) et kumitachi (technique de sabre contre sabre) à l'aïkido…
  • ma ai : gestion du rythme et de la distance :
    • rythme : s'accorder au rythme de l'adversaire, être « dans son mouvement », permet de le déséquilibrer ou de le frapper au moment opportun ;
    • distance : être suffisamment loin pour ne pas être atteint (distance de sécurité), être suffisamment près pour pouvoir atteindre l'adversaire ; la distance « juste » varie selon la discipline (contact en judo, distance d'un coup de pied en karaté, distance des sabres croisés en kendo) et selon les circonstances (si l'on se place dans un « angle mort », shikaku, on peut être très près sans rien risquer) ;
  • omote et ura : les écoles d'arts martiaux (ryū) avaient une partie publique, dite omote, et une partie privée, dite ura ; il y avait des techniques omote qui étaient démontrées en public ou aux personnes de passage, les techniques les moins efficaces, les plus directes, et des techniques ura qui n'étaient enseignées qu'aux élèves fidèles et avancés, les techniques les plus fines ;
    omote est souvent devenu un synonyme de « de face » tandis que ura a souvent pris le sens de « par derrière » ;
  • rei : salut traditionnel en inclinant le buste, voir Salut en budo ;
  • reishiki : étiquette, conventions garantes du respect entre partenaires, de l'intégrité physique et psychologique lors de la pratique ;
  • sen : pourrait se traduire par « initiative » [1] ;
    • go no sen : le défenseur riposte à l'attaque, mais avant que l'attaquant ait complètement développé son mouvement ;
    • sen no sen : anticipation de l'attaque adverse, contre-attaque simultanée à l'attaque ;
    • sensen no sen : anticipation de l'attaque, similaire à une « attaque préventive » ; l'adversaire est déjà concentré sur l'attaque qu'il veut faire et peut donc difficilement riposter à l'attaque préventive, contrairement à une situation de go no sen où la personne attaquée est en état de vigilance et peut riposter à l'attaque ;
  • shisei : « position juste », on cherche à toujours rester équilibré, ce qui impose de maintenir le dos droit et de travailler avec les jambes (on parle souvent de mouvement de hanches, koshi sabaki) ;
  • zanshin : attention, vigilance, le fait de ne jamais se relâcher, de prendre en compte l'environnement.

Les grades dans les budō

Comme tous les arts japonais — théâtre ou kabuki, ikebana (arrangement floral), cérémonie du thé (cha do ou cha no yu) — la voie vers la perfection dans les budō passe par trois étapes :

  1. la simplification : supprimer les gestes inutiles, parasites ; ceux-ci peuvent renseigner l'adversaire sur les intentions, constituent une perte de temps, sont une source de fatigue ;
  2. l'esthétique : un mouvement efficace et précis est un beau mouvement ;
  3. l'efficacité : la puissance.

Il serait vain de vouloir mettre de la force si l'on n'a pas d'abord un geste pur et beau. Ces trois étapes correspondant à trois niveaux :

  1. shoden : niveau débutant ;
  2. chuden : niveau moyen ;
  3. okuden : niveau avancé.

Les techniques okuden étaient en général enseignées uniquement aux élèves internes (uchi deshi). Un élève ayant suivi l'enseignement complet se voyait délivrer le menkyo kaiden, certificat lui permettant d'enseigner, soit en succédant au maître, soit en fondant sa propre école. L'évolution des budō et leur modernisation a rendu nécessaire l'adaptation de ce système. En effet, les techniques okuden sont maintenant enseignées à tous niveaux, puisqu'il n'y a plus de nécessité de confidentialité ni de concurrence guerrière entre les écoles ; d'autre part, les pratiquants contemporains, et notamment les non-japonais, ont besoin d'étapes intermédiaires. Jigoro Kano créa donc les grades kyu et dan.

Budō et spiritualité

Dans leur forme originelle, les budō sont empreints de bouddhisme zen, de taoïsme et de shintoïsme (religion animiste traditionnelle),

  • à la fois en raison de leurs origines : les écoles, ou ryu, basaient sur des principes secrets mystiques (mikkyo), notamment pour les techniques secrètes (okuden) enseignées uniquement aux étudiants les plus fidèles : importance de l’énergie vitale (ki), de la respiration (kokyu), du ventre (hara) qui est le siège du centre des énergies (seika tanden, équivalent du dantian chinois, ou « champ du cinabre »)…
  • mais aussi en raison de la volonté de leurs créateurs d’éduquer les jeunes aux valeurs traditionnelles et de respect.

Le recours à la spiritualité était également un moyen de coder les descriptions des techniques afin que les écrits (sous forme de rouleaux) soient incompréhensibles par les non-initiés. Les écrits n'étaient ainsi en apparence que des élans mystiques mais étaient en fait des métaphores : le « reflet de la lune sur le lac » pouvait désigner la distance entre les combattants, les « deux sommets » pouvaient désigner les coudes…

Enfin, dans l'idéal, le samouraï devait renoncer à la vie. C'était à la fois une preuve de l'engagement total au service de son maître, mais aussi une garantie de garder son calme et donc son efficacité en combat, n'ayant rien à perdre. Cette dimension métaphysique forte s'accompagnait bien évidemment d'une grande religiosité.

Le concept le plus difficile à saisir pour un européen est sans doute celui de vide (le vide est un des cinq éléments de la tradition japonaise). La vacuité dans les budō peut se vulgariser par les notions suivantes :

  • non-pensée : ne pas se troubler l’esprit pour ne pas déformer sa perception du monde, oublier la peur pour combattre efficacement ; l’esprit est similaire à un lac reflétant le ciel, s’il est agité (par les émotions), il déforme l’image perçue (d’où l’expression mizu no kokoro, le « cœur semblable à l’eau ») ;
    le combattant qui a un but, celui de frapper son adversaire, restreint sa liberté ; à l'inverse, celui qui n'a pas de but, et notamment celui qui ne veut pas nuire, est libre d'agir à sa guise, il est donc vainqueur ; c'est un autre sens de la non-pensée ;
  • non-action (équivalent du wei wu wei, « agir-sans-agir », des arts martiaux chinois) : ne pas s’opposer à l’attaque mais la guider, percevoir l’intention de l’adversaire sans laisser paraître ses propres intentions ; ainsi l’attaque est maîtrisée au moment même où l’adversaire la formule dans son esprit, l’action se termine avant d’avoir commencé ;
  • non-être : agir non pas en opposition avec l'adversaire et l'environnement, mais au contraire en s'unissant à eux, c'est-à-dire ne pas s'opposer à l'attaque mais la guider, et prendre en compte les contraintes de l'environnement ; d'un point de vue mystique, on ne peut vaincre l'univers ni se vaincre soi-même ! Mais en s'unissant à à l'adversaire et à l'univers, on perd son identité (non-être) ;
  • le vide est une métaphore de l'esprit, car comme lui, il est immatériel, insaisissable ; « frapper le vide » signifie donc frapper l'esprit ;
    prenons par exemple le cas d'une coupe de sabre qui s'effectuerait non pas sur l'adversaire, mais devant lui ; cette coupe provoque un réflexe de recul, un effroi, le sabre a donc frappé le vide au sens propre (fendu l'air) comme au sens figuré (intimidation) ; c'est un des sens de l'expression « sabre instrument de vie » (par opposition à l'instrument de mort) ;
  • en bouddhisme, l'existence et la non-existence sont la même chose, ce qui est caché relève de la non-existence alors que ce qui est apparent relève de l'existence ; ainsi, dans la croyance de la réincarnation, l'être avant la naissance est de la non-existence, et la naissance est la révélation cette non-existence, qui devient alors existence ;
    dans le budo, on peut dire que l'intention est non-existence et que le geste est existence, c'est une seule et unique chose qui est d'abord cachée puis révélée ; le combattant doit donc tenter de percevoir l'existence (les mouvements de l'adversaire), mais aussi la non-existence (l'intention qui précède les mouvements) ;

De manière synthétique, un des éléments fondamentaux du combat est d'agir en fonction des événements (en « harmonie avec l'univers »), et pour cela, il ne faut pas avoir d'a priori mais être ouvert et lucide — non-pensée, non-action et non-être.

Cette dimension a dans certains cas totalement été mise de côté, notamment avec le judo de compétition et le karate full-contact. Dans certains cas, elle est au contraire fortement mise en avant encore de nos jours, notamment dans l'aïkido et le kyūdō.

Application des budō à la vie courante

Dès le XVIIe siècle, des écrits de guerriers — notamment le Traité des cinq roues de Miyamoto Musashi — mentionnaient le fait que les principes de l'art du sabre étaient les mêmes que les principes de la stratégie, et pouvaient aussi s'appliquer à toutes les activités de la vie (artisanat, commerce…).

Le passage des jutsu vers les est l'ultime consécration de ce principe : en travaillant l'art martial, l'humain s'améliore, et cette amélioration a des répercussions sur sa vie de tous les jours. Ainsi, le budō ne s'arrête pas au portes du dojo mais doit « emplir la vie » du budōka (pratiquant de budō). Par exemple, la posture juste (shisei) — dos droit et travail avec les jambes — n'est pas différent des postures d'ergonomie (soulever une charge le dos droit en utilisant les muscles des jambes), et une bonne posture du dos permet d'éviter des douleurs dues à une posture assise prolongée. Le principe d'adaptation (« non-pensée ») est un principe très général applicable partout. Et ainsi de suite.

Bien que le budō ait abandonné la notion de confrontation, la notion d'amélioration de l'humain est intimement liée à la notion de combat. Pour faire une analogie avec la gymnastique : un mouvement de gymnastique permet de progresser que s'il est effectué correctement — placement du corps, respiration, équilibre, précision du mouvement … De même, un mouvement — mouvement de base, kihon, ou enchaînement codifié, kata — ne permet de progresser que s'il est effectué correctement, c'est-à-dire s'il est « efficace » dans le contexte d'un combat. La moindre erreur mène alors potentiellement à la mort. Ainsi, c'est bien cette notion originelle de combat à mort qui est derrière la progression dans les budo, et donc dans la vie quotidienne, même si la dimension de combat et a fortiori de mort est totalement absente de la pratique.

Dans cette logique, pour faire face aux défis contemporains, le Japon a puisé dans sa culture de la stratégie pour concevoir un modèle de création de connaissance qui fournit des pistes pour un renouveau dans la gestion des organisations. Voir : Le réveil du samourai. Culture et stratégie japonaises dans la société de la connaissance, Pierre Fayard, Ed. Dunod, Paris 2006. [2]

Dans le même ordre d'idée, on a vu un regain d'intérêt pour des textes anciens tels que L'Art de la guerre du général chinois Sun Zi (Ve siècle av. J.-C.) et son application dans la stratégie d'entreprise.


Notes et références de l'article

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Emmanuel Charlot et Patrick Denaud, Les arts martiaux, Paris, Presses universitaires de France, 1999 (Que sais-je ?, 1791) [ISBN 2-13-049706-3].
  • Miyamoto Musashi (1584-1645), Traité des cinq roues (Gorin-no-sho) (1643), Maryse et Masumi Shibata (éd. et trad.), Paris, A. Michel, 1983 (Spiritualités vivantes. Série Bouddhisme, 39) [ISBN 2-226-01852-2].
  • Yagyu Munenori (1571-1646), Le Sabre de vie : les enseignements secrets de la maison du Shôgun (Heiho Kadensho), William Scott Wilson (éd. et trad. du jap.), Josette Nickels-Grolier (trad. de l’angl.), Noisy-sur-École, Budo éd., 2005 (Arts martiaux : réflexion : stratégie) [ISBN 2-8461-7065-7].

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