Kinomichi

Kinomichi
Kinomichi, calligraphie par Maître Masamichi Noro

Le Kinomichi est un Budō (méthode d'éducation issue d'un art martial japonais), fondé par Maître Masamichi Noro à Paris, France, au cours du XXe siècle, en 1979. Maître Masamichi Noro a été l’un des élèves internes, uchi deshi 内弟子, de Maître Morihei Ueshiba 植芝盛平, fondateur de l’Aïkido 合気道. C’est en tant que « Délégué pour l’Europe et l’Afrique » désigné par Maître Morihei Ueshiba lui-même qu’il débarque à Marseille le 3 septembre 1961, précédant les maîtres Nakazono et Tamura dans la construction commune d’un Aïkido européen et africain. Fort de sa maîtrise martiale et poussant plus loin sa recherche, il crée 18 ans plus tard le Kinomichi et perpétue sous une forme renouvelée l’enseignement de son maître. Le Kinomichi est affilié en France à la Fédération Française d’Aïkido, Aïkibudo et Affinitaires, FFAAA, en tant que discipline sportive non compétitive. Il entretient des relations chaleureuses avec le Centre Mondial de l’Aïkido, le Hombu Dojo de Tokyo et son représentant, l’actuel Doshu 道主, Maître Moriteru Ueshiba 植芝守央, petit-fils du fondateur de l’Aïkido.

Sommaire

Orientation

Les sources

Le Kinomichi reprend toutes les techniques de Maître Morihei Ueshiba, elles-mêmes reprises du Daïto Ryu Aïki Jujutsu 大東流合気柔術 dont les origines remontent au 12e siècle. À l’exemple de toutes les écoles traditionnelles japonaises koryu 古流 et imitant leur mode de reproduction, le Kinomichi réinterprète sous la direction d’un maître attesté les éléments fondamentaux d’une école, de son enseignement et de sa maîtrise pour explorer les techniques, prolonger l’étude des principes et vivifier la Voie, le Do en japonais ou le Tao en chinois 道. Comme son maître Morihei Ueshiba avait créé l’Aïkido à partir du Daïto Ryu Aïki Jujutsu de Maître Sokaku Takeda 武田惣角, Maître Masamichi Noro a poussé sa recherche jusqu’à la création du Kinomichi en le fondant sur la technique, les principes et la philosophie de l’Aïkido. Ce processus naturel au monde des budos japonais, tout en produisant une diversité culturelle plus grande, ne constitue pas un reniement ou une objection mais l’ouverture d’une voie nouvelle que les générations précédentes n’avaient encore défrichée.

Une Voie pour l’Homme

Considérant que l’enseignement doit s’attacher à l’essentiel et commencer par lui, Maître Masamichi Noro met l’accent sur la paix et sa réalisation. Il pose l’homme comme lien entre la Terre et le Ciel. De cette union qui tient en harmonie la Voie du Ciel Tendo 天道, celle de la Terre Jimichi 地道 et celle de l’Homme Jindo 人道, il dégage une direction ascendante de l’énergie ou ki en japonais et qi en chinois 気. Dans la compréhension extrême orientale, le ki est un souffle présent en tous lieux et en tous temps. Sa condensation crée les êtres et son évaporation les dissout.
Selon la tradition orientale, si les parents créent l'homme, le maître fait advenir l'humain en l'homme. Par l'enseignement, le Maître libère alors l'énergie en l'Elève. Chacun est orienté vers un plus grand respect de soi mais aussi de l'autre, au point de mettre en valeur le partenaire. L'élève doit de cette façon accroître ses propres qualités afin de pousser plus avant les espoirs de ses parents et de son maître. Il fait de même pour son vis-à-vis dans le face à face du mouvement. De cette entraide naissent la confiance et le sourire de la compréhension. Ainsi se conçoit la Voie de l'Homme.

Un sentier pour les enfants et les adolescents

Il découle de la perspective dégagée par l'approche orientale que le Voie de l'Homme concerne bien sûr l'homme autant que la femme, mais également l'enfant. Il y a donc un enseignement spécifique pour les enfants et les adolescents, garçons et filles. L'enseignant répond à son élève avec précision et pour un enfant, il le fait au rythme de celui-ci, à la hauteur de sa compréhension, avec le même degré de sincérité : cela s'appelle répondre et va bien au-delà de transmettre. Un adulte peut se satisfaire de la transmission, un enfant exige la réponse. Beaucoup de problèmes d'autorité viennent de ce que cette distinction n'est pas relevée. Une indication de l'importance de ces dialogues peut être perçue dans le Taigong Liu Tao, un traité de stratégie chinois[1]. L'enseignement oriental se défie de l'esprit de système. Le maître et son élève explore pas à pas le terrain, d'où l'importance du paysage et du chemin dans la peinture chinoise et japonaise. Une pédagogie qui veut que l'action devance sa représentation, une didactique qui construit l'art sur le propre des jeunes années, un fondement qui répète que l'on est pour soi-même le meilleur des soutiens[2] , telles sont les bornes qui délimitent le dojo pour les jeunes générations. On pourrait parler de "sentier" au lieu de "voie" si on le comprend comme une application particulière de la Voie à un public particulier : sensible, plein de fougue et désireux de se parfaire. Cette première étape est révérée dans le Budo sous la calligraphie de Shoshin 初心 l'"Esprit débutant" ou l'"Esprit du débutant".

Une orientation pacifique

La technique suit ce cheminement pour que les poussées voyagent du sol vers le haut, des pieds vers les mains, de l’appui vers la saisie et au-delà. La génération de l’énergie prend sa source dans le sol et l’intention. Sa conduite passe par des centres énergétiques dont le fameux hara 腹 situé dans l’abdomen. Elle est modulée par le cœur des pratiquants, shin en japonais 心. Sa manifestation est décelable par un accroissement de l’énergie, le produit final étant alors plus grand que la somme des composants initiaux. Le corps du pratiquant laisse passer cette énergie/souffle par une présence au sol, un relâchement des muscles et des tendons et une attention à l’autre. Dans le Kinomichi, l’esprit du dojo 道場, lieu où l’on étudie la Voie, ne nécessite pas le recours à un cadre conflictuel car l’étude de la paix et sa réalisation ne le requièrent pas. Si les arts martiaux sont nés de nécessités historiques tumultueuses, on ne peut pour autant dire que leur but est la guerre comme la stratégie heiho 兵法 n’a pas pour but la bataille mais la réalisation d’une volonté qui pour l’État, le Prince ou un peuple est sa prospérité, la paix étant alors reconnue comme meilleure condition de cette dernière.

Caractéristiques

L'énergie en spirale

Le mouvement de Kinomichi s'exprime selon une spirale. Elle est perçue directement dans le corps des partenaires. Elle intègre la ligne droite et le cercle. Les mouvements se font par une avancée progressive. De la statique à la dynamique, l'énergie se déploie en spirale et réalise l'unité du lent et du rapide au-delà des oppositions de surface. Les chaînes musculaires elles aussi sont sollicitées en suivant cette figure. Cette hélice répartit l’effort depuis les chevilles jusqu'aux poignets et aux cervicales. Elle dissout les tensions et prévient les contraintes articulaires notamment celles si fréquentes de la charnière dorso-lombaire.

Le contact

Le contact tel que le propose Maître Noro est une alternative à la notion d'attaque ou de défense, s'exprimant au travers de poussées ou de saisies, atemi ou dori. Le Kinomichi n'exige pas de soumission et ne recherche pas un pouvoir qui serait de domination, mais souligne plutôt l'importance tant de uke que de tori. Le contact, sous la forme d'une saisie ou d'une poussée, est l'exigence d'une sincérité mutuelle dans l'engagement ainsi que d'une perception de soi et d'autrui. Il est simple, ferme et plein d'attention. Pour dégager son orientation, Maître Noro a codifié seize formes de contact.
Lors de la pratique du Kinomichi, l'ouverture à l'autre s'exprime par une attitude bienveillante. Le sourire, constamment sollicité par Maître Noro lors de la pratique, est un élément important du contact et un des nombreux aspects de la manifestation de l'Art. La qualité du toucher, du regard et du kamae, posture, sont significatives d'un échange chaleureux. De plus, le contact ne s'arrête pas au partenaire direct et comme zanshin, présence de l'esprit, il englobe l'ensemble des pratiquants présents sur le tatami. Il permet l'expression de l'énergie et du cœur.

L’énergie et le cœur

Maître Masamichi Noro développe son enseignement dans deux directions : le ki et le shin, l’énergie/souffle et le cœur. Dans une perspective physiologique occidentale, le corps produit le mouvement en mobilisant les muscles dont l’effort est soutenu par le travail respiratoire et cardiaque. Cette compréhension de la génération d’énergie est issue des Lumières européennes comme l’a montré Georges Vigarello[3] et ne rend pas compte d’une conception extrême orientale reposant sur le ki. Afin de transférer à l’élève cette capacité à mobiliser le ki, les maîtres japonais ont élaboré une pédagogie que Maître Masamichi Noro a su adapter au corps et à la mentalité occidentale. La technique consiste en une conduite du ki : emprunter, conduire et restituer le ki. Il ne s’agit pas tant donc de générer à partir d’un centre que d’établir une circulation de la Terre vers le Ciel, de l’appui au sol vers le partenaire, au long d’un bras, d’un bâton ou d’un sabre. Cependant, si la direction est verticale, le sens donné est ascendant. À cet effet, Maître Masamichi Noro recourt au cœur, shin 心. Selon sa perspective, le shin permet non seulement de ressentir l’autre mais encore plus de dépasser l’antagonisme soi/autrui. « S’il m’est avantageux de m’élever, je dois admettre qu’il en est de même pour autrui et que l’effet de la technique ne m’appartient pas uniquement mais qu’il vaut pour nous deux ». Le shin est la condition d’une empathie, d’un mouvement vers l’autre. En ce sens, nous pouvons comprendre la parole de Morihei Ueshiba : « Mon Aïkido est amour» 合氣は愛なり. Si le ki soutient le geste, le shin en module la palpitation. Il met en harmonie deux cadences, ce qui permet aux deux partenaires de tendre vers l’Aïki, l’harmonie des souffles. Pour Maître Masamichi Noro, le couple ki - shin est primordial au point qu’il en fait l’exigence du plus haut niveau.

Ki 氣

La conception occidentale du monde repose sur une distinction entre le domaine physique qui est tangible et le champ métaphysique, au-delà du physique, son complémentaire, séparation qui correspond à celui des livres d’Aristote 384 / 322 av. J.-C. La conception chinoise et par extension japonaise perçoit le ki (en japonais, qi en chinois) comme « un souffle (qi 氣), influx ou énergie vitale qui anime l’univers entier. […] A la fois esprit et matière, le souffle assure la cohérence organique de l’ordre des vivants à tous les niveaux. »[4]. On ne peut parler de ki du Kinomichi car le ki n’appartient à personne ni ne repose en quiconque ni en quelque lieu. Il circule et nous en sommes les supports, les canaux, les conducteurs. Le Kinomichi crée une circulation particulière qui permet à chacun de s’élever, de la Terre vers le Ciel, du Chi 地 vers le Ten 天 en passant par l’homme. Maître Masamichi Noro reprend à son compte la vision de son maître, Morihei Ueshiba, qui utilisait ses techniques pour parfaire la juste circulation du ki en lui-même et vers son partenaire (en japonais uke 受け) - voir les articles dans la bibliographie.

Shin 心

Le shin ou cœur/esprit est indissociable du ki. Pour reprendre le texte d’Anne Cheng, « L’homme est non seulement animé [de qi] dans tous ses aspects, il y puise ses critères de valeur, qu’ils soient d’ordre moral ou artistique. Source de l’énergie morale, le qi, loin de représenter une notion abstraite, est ressenti jusqu’au plus profond d’un être et de sa chair. » Le shin en tant que cœur est à la fois organe et espace de perception. Organe, le shin nous convie à ressentir l’autre, à éprouver son ki, à contacter le partenaire par son énergie. Il est espace par la continuité d’expérience, de sensation et d’émotion que chacun éprouve devant l’humanité de celui ou celle qui nous fait face. Le shin est un signe de santé de notre énergie : un shin perverti est indicateur de ki faible, un shin généreux est témoin de ki fort. Le shin du Kinomichi répond à l’invitation de Confucius de vivre la joie de l’étude, le plaisir de la rencontre et le bonheur du partage « avec l’ami qui vient de loin »[5]. Il continue la recherche de Morihei Ueshiba de faire de son art un pont entre les hommes. Maître Masamichi Noro se fait un devoir de transmettre au cœur de la technique le cœur de son maître.

Organisation

Techniques et initiations

Les techniques sont étudiées mains nue, avec bâton (, ?) , sabre en bois (木剣, bokken?) et sabre (居合刀, iaito?), debout ou à genoux, avec un partenaire ou plusieurs, de manière codifiée ou librement. La richesse technique de cet art et la profusion des variations peuvent faire croire à une complexité. Cependant, une étude approfondie et soutenue par la présence d’un maître permet d’entrevoir une simplicité que dévoile la compréhension des principes. Ainsi, chaque variation ouvre une porte vers ses consœurs. Reprenant l’approche didactique de son maître Morihei Ueshiba, Maître Masamichi Noro a retenu 10 techniques comme bases. L’apprentissage se fait par niveaux d’étude ou initiations.

  • Initiation 1 : 6 premières techniques de base, 3 de Terre (Ichi, Nichi, Sanchi) et 3 de Ciel (Iten, Niten, Santen). L'initiation 1 s'ouvre sur l'étude de l'étirement, de l'énergie dirigée en spirale et d'une impulsion partant du sol vers le haut, selon la relation Terre-Ciel. Schématiquement, les techniques dites de Terre poussent vers le bas et celles de Ciel poussent vers le haut.
  • Initiation 2 : 19 mouvements avec les 6 premières techniques de base
  • Initiation 3 : 33 mouvements sur toutes les techniques de base et sur les deux premières formes d’approche
  • Initiation 4 : 111 mouvements et 8 formes d’approche
  • Initiation 5 : tous les mouvements sur les 16 formes d’approche, avec un ou plusieurs partenaires
  • Initiation 6 : formes d’approche avancées, réservée à quelques étudiants avancés, utilisation de nouveaux outils tels que tanto, tessen, etc.
  • Initiation 7

À partir de l’initiation 5, sont au programme des formes d’approche avancées et un travail avec plusieurs partenaires. Si la base des premières initiations est centrée sur le ki et l'apprentissage des techniques, les niveaux 5 et 6 orientent le pratiquant vers une sollicitation du shin et le poussent vers une expertise technique. Il s’agit d’une exigence qui parachève le travail sur le ki. Elle donne tout son sens à la conduite du ki. Elle est la caractéristique et la recherche du plus haut niveau. Cette manière de découvrir l'art du Kinomichi est sans doute ce qui caractérise proprement le chemin dégagé par Maître Masamichi Noro. Si le sentier signe la démarche d'un maître, la montagne, cependant, est le bien de tous.

Non compétition

Comme dans les anciennes écoles traditionnelles japonaises ou koryu 古流, il n’y a pas de grade ou dan en Kinomichi. Des titres distinguent le niveau d’étude et non l’étudiant. Il n’y a pas non plus de compétition. La compétition avait été introduite dans le monde des arts martiaux japonais vers 1880 par Maître Jigoro Kano 嘉納 治五郎 pour faire connaître son art, le Judo 柔道 car durant cette époque, l’ère Meiji 明治, les budos voyaient leur avenir radicalement compromis par une désaffection du public pour cette richesse culturelle du Japon. La compétition permettait à ses élèves de tester leur niveau et non d’exacerber leur volonté de domination. La compétition est donc un phénomène récent et son utilité a été définie par Maître Jigoro Kano.

Une organisation internationale, la KIIA

Les personnes qui pratiquent le Kinomichi se retrouvent dans un dojo et avancent sous la direction d’un enseignant certifié par Maître Masamichi Noro. Pour ce dernier, seule une fréquentation régulière permet de se prévaloir d’une capacité à divulguer son art. Cette exigence réunit l’ensemble des enseignants lors de stages de perfectionnement et de stages pédagogiques et renforce la communauté des pratiquants, assure un certain niveau technique et permet à chacun de s’appuyer sur l’autre. La Kinomichi Instructors International Association, KIIA, qui rassemble les instructeurs, est une organisation qui a été voulue par Maître Masamichi Noro pour aider au développement international de l’art tant quantitativement que qualitativement. Cette institution est seule habilitée à administrer, réguler et promouvoir le Kinomichi au niveau international. Elle délègue les capacités au niveau national. Le Kinomichi est présent dans de nombreux pays et sur 4 continents : Europe, Afrique, Amérique du Sud et Amérique du Nord.

Principes

Une pratique qui unit

Obéissant à un désir d’harmonie des forces, aïki en japonais 合気, la technique est orientée vers une préservation de l’autre et de soi, une prolongation des gestes et non leur obstruction, un étirement des membres et non une contrainte articulaire. Elle est mise en œuvre par des enfants, des adolescents, des adultes jusqu’au troisième âge. Sa richesse est explorée par les femmes et les hommes, à chacun(e) selon sa sensibilité. Les différences, souvent source de conflits, sont au cœur de l’écoute, du regard et du toucher. Elles sont l’opportunité d’un dépassement, d’une rencontre, de retrouvailles. Alliant confort et exigence, plaisir de l’ouverture du corps et effort physique, activité de loisir et pratique de haut niveau, le Kinomichi dépasse ce que d’aucuns nomment paradoxe. Il fusionne dans le foyer de la pratique les antagonismes qui causent tant d’opposition et de conflits. Les arts orientaux se comprennent si l’on met ses pas dans ceux des maîtres.

Le geste gratuit, l’action désintéressée

À la question que lui posait Arnaud Desjardins sur son art, Maître Masamichi Noro répondit : « Si je pouvais expliquer mon art, je n’aurais plus besoin de l’étudier. » Le Kinomichi est un art traditionnel dans son mode de formation, de transmission et d’évolution. Ce qui s’en dit aujourd’hui annule ce qui appartient à un temps passé et ce qui s’écrit maintenant s’efface devant l’art qui perce dans l’instant qui vient. En tant que budo relevant d’une conception extrême orientale, le Kinomichi est sans profit, mushotoku 無所得[6] selon la terminologie du Zen 禅. À l’évidence, il est bénéfique pour le corps au point de pouvoir prétendre être un art de longue vie, bénéfique pour l’esprit par la clarté de compréhension que procure le discernement des principes, bénéfique pour la capacité d’agir par l’aptitude à s’insérer dans la chaîne des devenirs. Mais il ne doit pas se dévoyer à hisser les moyens à l’altitude de la Voie. Le développement personnel, pour nécessaire qu’il soit à une vie sociale heureuse, ne peut usurper la primauté qui revient à la Voie et sa Vertu, au Tao et son en chinois 道德. Accéder au geste gratuit est pour notre modernité soit une contre-valeur, soit un luxe, parfois une libération. Pour le Kinomichi, il est une illustration de l’attitude des maîtres actuels et anciens.

Un budo

Le Kinomichi est un budo japonais, littéralement Voie (do) qui arrête la lance (bu). Il est une discipline qui vise à l'établissement de la paix et la recherche des conditions de paix. Dans ce sens, le Kinomichi comprend les 2 idéogrammes bu et do selon leur acception la plus large, à savoir une Voie visant à établir la Paix. En effet, à sa manière, le budo fait écho à la préoccupation fondatrice de la pensée extrême-orientale qui tend vers la paix entre les hommes.
En tant que tradition générale, le budo signifie que le Kinomichi, tradition particulière, prend son sens au sein d’un ensemble d’écoles qui prennent tout leur sens … ensemble. Indépendant et interdépendant, il interroge la Voie, le Do, le Tao.
Extrême oriental, il dit son identité sans s’opposer ; humain, il se refuse à toute exclusion ; pratique, il se conçoit par le corps. Un maître disait : « Pas sans le corps, pas uniquement par le corps. »
Le Kinomichi est certainement une pratique dont le cadre par excellence est le dojo. Il ne peut s’affranchir sans s’étioler d’une transmission et d’une reconnaissance par Maître Masamichi Noro. Il est un lien entre ce dernier, son enseignement et la communauté de ses élèves et se vit par la présence dans le dojo. Le Kinomichi repose sur une double liaison envers l’ensemble des budos et envers son créateur. Il est une fidélité à ses origines qui impose d’approfondir le sens de la pratique et donc d’avancer en allant des techniques vers les principes pour illustrer la Voie.

Références

Citations de Maître Noro

Création du Kinomichi
"Le premier jour de cours que j'ai suivi dans le dojo de mon maître [Ueshiba Morihei sensei], j'étais assis, très fier et très heureux, attendant son entrée. Je me souviens qu'il a commencé par Iten [Shiho Nage à l'époque], alors que le premier exercice du matin était invariablement Santen [Irimi Nage]. Je le vis ensuite, le temps d'une courte pause, ressentir son corps et insatisfait de ce qu'il venait de percevoir, retourner à sa chambre. Il revint peu de temps après et nous exécutâmes une série de techniques jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Manifestement, il utilisait les waza, techniques, pour équilibrer l'énergie de son corps. Ce nouvel usage des techniques à ouvert un nouveau champ d'utilisation de son art. Ce que j'ai vu ce premier jour auprès de mon maître marque le début véritable du Kinomichi." Parole de Maître Noro lors du stage de Salins Juillet 2008
Sabre et technique
« Le sabre est d'une beauté parfaite. Il est le miroir de l'âme. Il faut le tenir fermement pour qu'il ne tombe pas des mains mais en même temps, il faut sentir toute la lame et au-delà. » Parole souvent répétée en cours par Maître Noro dans son dojo.
« [Ni le sabre, ni la technique ni le mouvement ne comptent autant que] votre sentiment intérieur, [il faut] que vous vous donniez complètement, que votre participation soit totale. C’est alors qu’on peut commencer à prendre conscience du Ki. La sincérité est atteinte lorsque le Ki est perçu par et dans le sabre, la technique et le mouvement même.»
« Il faut connaître la technique car une technique juste est un trésor que l'on partage avec l'élève. Le débutant est d'une grande sensibilité. Il faut lui montrer des mouvements avancés car il goûte la merveille qu'on lui dévoile comme j'ai moi-même goûté au premier jour les techniques de mon maître, Morihei Ueshiba sensei. » Parole souvent répétée en cours par Maître Noro (juillet 2007)
« Pour devenir hakama [équivalent ceinture noire], il faut connaître les 111 mouvements. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui soit devenu bon en se restreignant à l'initiation 1 et 2 uniquement. Il faut connaître l'initiation 5 et 6 pour que les mouvements de l'initiation 1 et 2 en soient transformés et enrichis. » Parole de Maître Noro lors d'un stage pour enseignants européens (juillet 2007)
Spiritualité de la Voie
« Un maître de Zen m'a dit un jour en voyant mon cours : "Le Kinomichi est du Zen en mouvement." J'ai pu en concevoir une grande fierté ... [Rire du maître] » Parole de Maître Noro lors d'un stage pour enseignants européens (juillet 2007)
« Le Do, qui est le Tao en chinois, est très profond. Il est la Voie et son étude demande plus que le Michi qui est le Chemin. Au début de mon enseignement, on approchait l'enseignement de mon maître [Ueshiba sensei] par l'étude technique, Jutsu Waza en japonais. J'ai voulu que mes élèves suivent la direction du Ki (énergie/souffle) alors j'ai crée le Kinomichi. Aujourd'hui, c'est une nouvelle étape : je veux qu'ils abordent le Shin (cœur) et à partir de l'initiation 5, ils étudient ce que je nomme maintenant le Kishindo, la Voie du souffle et du cœur. Le moyen de cette étude est le grand ensemble des techniques. Les techniques sont la porte du cœur et doivent porter le cœur avec énergie ! Je n'ai jamais trahi l'enseignement de mon maître. La fidélité est la tradition japonaise. » Parole de Maître Noro dans son dojo en 2007
Sourire
« Le sourire est le signe du remerciement, de l'accueil et d'une énergie de construction. Avec le sourire, on se présente devant le maître et le partenaire. Avec le sourire, on rencontre l'autre.» Parole de Maître Noro dans son dojo en 2007
« Le sourire est le contraire de la concentration, de la crispation, de la fermeture. »
Souplesse et force
« La force naît d'une ouverture totale et de la décontraction. Au lieu de cristalliser, il s'agit de rendre souple … Il y a deux écueils à éviter : la rigidité et la mollesse. »
« Il faut sentir le rythme de l'autre et pousser sur son souffle en y posant le sien, Ki Awase. De là vient la force d'une technique. C'est le kokyu. » Parole de Maître Noro dans son dojo en 2007
« La souplesse, c’est la circulation du Ki, la libre circulation de l’énergie. »
« La souplesse ne concerne pas seulement les muscles et les articulations. Ce n’est pas une faculté physique mais l’expression d’une harmonie entre l’extérieur et l’intérieur. »
« Trois notions sont liées à la souplesse : adaptation, expiration et " sentir l’énergie et la laisser couler " »
« Il faut laisser passer le Ki. Le Ki donne la forme et la forme est l'habit du mouvement. » Parole de Maître Noro dans son dojo en 2007
Dualité et unité harmonieuse
« La dualité doit disparaître. »
« L'unité nait de la rencontre des deux. Par l'écoute et l'intention, les deux sont libres dans un mouvement libre. Pour l'harmonie, il faut beaucoup travailler ! » Parole de Maître Noro dans son dojo en 2007
« [Il faut] harmoniser deux, pour que de ces deux naisse un troisième qui ne les aliène pas . »
« L'agression ou l'affrontement n'ont jamais conduit à la sérénité. Je n'en ai jamais vu aucun exemple ».

Les citations sans référence sont de 1992 et tirées du livre de Roumanof La pratique du Kinomichi avec Maître Noro voir ci-dessous dans Médias.

Médias

  • 2006 « Dans la spirale du Kinomichi » article de Nguyen Thanh Thiên paru dans Dragon n°16 Juillet/Août
  • 2005 « Une rencontre de l’Aïkido et du Kinomichi » animée par Maître Masamichi Noro et Maître Christian Tissier, DVD, Gabriel Turkieh, Production Altomedia,
  • 2003 « Le mouvement universel du ki » interview de Masamichi Noro sensei paru dans Aikido Magazine Décembre 2003
  • 1996 « Le Kinomichi, du mouvement à la création. Rencontre avec Masamichi Noro. » Raymond Murcia, Editeur Dervy-Livres , Collection Chemins De L'harmonie (ISBN 978-2-85076-806-4)
  • 1992 « La pratique du Kinomichi avec maître Noro » Daniel Roumanoff Éditeur Criterion Collection L'homme relié (ISBN 978-2-7413-0040-3)
  • 1963 Video du 1er stage d'Aïkido de Maître Masamichi Noro à Cannes en août 1963 [1]
  • 1960 Quelques photographies de Maître Masamichi Noro au Japon avec son maître, Morihei Ueshiba.[2].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes

  1. Liu Tao et (en) Six Secret Teachings in The Seven Military Classics of Ancient China, translated by Ralph D. Sawyer, Westview, Oxford 1993 (ISBN 0-8133-1228-0)
  2. Dhammapada ou "Les vers du Dharma" verset 160 : "Your own self is your own mainstay, for who else could your mainstay be? With you yourself well-trained you obtain the mainstay hard to obtain." Traduction : "Votre soi est votre propre refuge : à quelle autre personne votre refuge serait-il voué ? Avec votre soi par vous-même bien entrainé, vous atteignez alors le refuge difficile d'atteinte."
  3. Histoire du corps : Volume 1, De la Renaissance aux Lumières, Georges Vigarello, pp.286-302, éditions Seuil, Paris, 2005 (ISBN 978-2-02-022452-9)
  4. « Histoire de la pensée chinoise », Anne Cheng éditions Seuil, Paris, 1997 (ISBN 978-2-02-054009-4)
  5. Dans les Entretiens de Confucius
  6. Voir ce lien

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Kinomichi de Wikipédia en français (auteurs)

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