Végétarisme bouddhique

Végétarisme bouddhique

Sommaire

Bouddha historique

Édit à la fois en grec et araméen par le roi Ashoka de Kandahar. Anciennement au Musée national afghan de Kaboul, désormais détruit. Traduction : « Dix ans du règne ayant été achevé, le roi Piodasses (Ashoka) a fait connaître la Piété (εὐσεβεστέρους) aux hommes, et à partir de ce moment, il a rendu les hommes plus pieux, ainsi que tout ce qui vit dans le monde entier. Et le roi s'abstient de tuer les êtres vivants, et d'autres hommes qui sont chasseurs et pêcheurs du roi ont renoncé à leur chasse. Et si certains étaient intempérants, ils ont cessé l'intempérance qui était en leur pouvoir, et obéissant à leurs père et mère et aux anciens, en opposition au passé aussi dans l'avenir, en agissant ainsi en toute occasion, ils vont vivre mieux et plus heureux. »

Il est peu probable que le Bouddha (historique) ait considéré l'ensemble de ses enseignements philosophiques comme une religion proprement dite[1]. Bien qu'il ait mis sur pied un ashram, tel n'importe quel Goûroû hindou qui accepte d'offrir ses enseignements, le dernier message qu'il adressa à ses disciples fut de « rechercher avec diligence leur Salut[1] ».

À l'époque du Bouddha, comme d'ailleurs dans le reste du monde antique (en Grèce par exemple), manger de la viande découlait exclusivement d'un processus rituel selon lequel on sacrifie à une divinité une créature (l'homme figurant en tête de la liste des animaux dignes d'être offerts dans un sacrifice védique[2])[3] : jamais la viande n'était consommée en dehors de la sphère sacrée[3] : ce faisant, comme le Bouddha s'oppose absolument aux sacrifices sanglants, en s'adressant à des brâhmanes qui le pratiquaient, on peut comprendre que sa vision de l'alimentation était végétarienne, du fait même qu'il était inimaginable pour l'époque de tuer une créature pour se nourrir seulement (il serait spécieux de voir que, dans son refus du sacrifice sanglant, le Bouddha historique autorise ainsi l'alimentation carnée sur un plan profane, comme c'est le cas généralement dans le monde chrétien), la consommation de viande correspondant dans l'Antiquité (hindoue ou non) à un sacrifice sanglant, un rituel, non à un désir personnel (profane)[3] :

« [Verset 2.19.] Et encore, ô brahmane, même avant que le sacrifice ne commence, celui qui prépare le feu du sacrifice et qui érige le poteau sacrificiel met en marche lui-même toute l'affaire, en disant : “ Que l'on abatte les taureaux, pour sacrifier ! Que l'on abatte les jeunes bœufs pour sacrifier ! Que l'on abatte les génisses pour sacrifier ! Que l'on abatte les béliers pour sacrifier ! ” [Verset 2.20.] De cette façon, il fait des démérites, mais en pensant acquérir des mérites. Il fait une chose mauvaise, mais en pensant faire une chose bonne. Il prépare la voie conduisant à une destination malheureuse, mais en pensant préparer la voie conduisant à une destination heureuse. [réponses du brâhmane :] (...) [Verset 2.35] Je laisse, ô vénérable Gotama, en liberté ces cinq cents taureaux, je leur donne la vie. Je laisse en liberté ces cinq cents jeunes bœufs, je leur donne la vie. [Verset 2.36] Je laisse en liberté ces cinq cents génisses. Je leur donne la vie. Je laisse en liberté ces cinq cents béliers, je leur donne la vie. [Verset 2.37] Que ces animaux mangent de l'herbe comme ils veulent. Qu'ils boivent l'eau fraîche comme ils veulent. Que la douceur du vent souffle sur leur corps. »

— Sermons du Bouddha, le principe d'Ahimsâ[4].

Il faut savoir que, selon la maxime védique, « sacrifier n'est pas tuer[5] », et que l'Ahimsâ est le devoir premier du brâhmane (du sacrificateur-enseignant donc)[5] ; mais, selon certaines interprétations du Véda, le sacrifice sanglant peut être considéré comme un rite nécessaire au fonctionnement du cosmos, et il n'est pas vu comme une violence (himsâ), un meurtre, mais comme un sacrifice uniquement (le sacrifice sanglant est ainsi vu comme respectueux de l'Ahimsâ, de la non-violence universelle). Cependant, avec le Bouddha, considéré par les Hindous comme un Dieu incarné, le Dieu Vishnou, un Avatâr, le sacrifice sanglant perd cette valeur rituelle, et est vu aussi comme une violence, si ce n'est une hypocrisie. Ce qui fait que la pratique du sacrifice sanglant est absente en presque totalité chez les brâhmanes aujourd'hui, en Inde[5].

Le Bouddha historique est donc un des personnages majeurs de la diffusion (ou consolidation) du végétarisme en Inde (avec le jaïn Mahavira et l'hindou Shankara) ; beaucoup de brâhmanes, sans adhérer à sa philosophie, apprécièrent cette doctrine qui consolidait leur principe de vie majeur, – l'Ahimsâ[5]. Cela est confirmé par la politique menée par l'empereur Ashoka, qui fut un fervent admirateur (pour ne pas dire disciple) du Bouddha et de sa philosophie, et qui, en plus d'envoyer des missionnaires jusqu'à l'île de Ceylan (Sri Lanka), fut aussi un grand propagateur de l'Ahimsâ (donc, du végétarisme) sur tout le territoire indien : « Ce don (le dharma) consiste à traiter équitablement esclaves et serviteurs, à obéir à la mère et au père, à user de libéralité envers les amis, connaissances, parents, brâhmanes et ascètes et à ne pas tuer les animaux. » (Ashoka, édit 10).

Point de vue des différentes écoles

Manger de la viande et tuer

Theravada

Dans le Theravada, comme dans d'autres traditions bouddhistes, le végétarisme n'est pas obligatoire, mais est souvent recommandé[6]. Les moines et les laïcs peuvent manger de la viande et du poisson, à condition que l'animal n'ait pas été tué spécialement pour eux (pour les moines, un certain nombre d'espèces d'animaux sont cependant interdites dans tous les cas). Dans les règles monastiques du Vinaya, tuer intentionnellement un animal constitue une faute (pacittiya 61)[7].

L'empereur Ashoka, après sa conversion, recommanda le végétarisme mais ne le rendit pas obligatoire. Par ailleurs, la tentative de schisme de Devadatta, rapportée par le canon pali, expose clairement le refus du Bouddha de rendre obligatoire le végétarisme (une des cinq règles que voulait précisément imposer Devadatta).

Le commerce de viande n'est cependant pas conforme au Noble Chemin Octuple, il fait partie des cinq métiers qui ne sont pas des "moyens d'existence justes"[8].

Mahayana

Préface du Sūtra Lankāvatāra provenant de Dunhuang

Le Bouddha, dans certains sûtra du Mahâyâna, dénonce vigoureusement la consommation de viande. Dans les sûtra du Mahâyâna Mahaparinirvana, Le Bouddha déclare que « la consommation de viande éteint le germe de la suprême compassion », ajoutant que toutes les sortes de viandes et la consommation de poisson (même d'animaux déjà trouvés morts) est interdite pour ses disciples. Le Bouddha souligne ensuite que la consommation de viande ne peut pas coexister avec une réelle compassion et demande non seulement d'être végétarien, mais de suivre un mode de vie végan[9]. Le Bouddha prédit également dans ces sûtra que les moines, dans le futur, « réaliseront des écrits faux face à l'authentique Dharma » et concocteront leurs propres sûtra pour pouvoir créer le mensonge selon lequel le Bouddha a permis de manger de la viande, alors qu'en fait l'Éveillé ne le fit jamais[10].

Le Sutra Lankavatara (un texte du Mahâyâna), en particulier, consacre un chapitre entier à la réponse du Bouddha à la demande d'un disciple nommé Mahamati, qui lui demande : « apprends-nous le mérite et le vice au sujet de la consommation de viande. » Un long passage dans le Sutra Lankavatara montre le Bouddha argumentant fortement en faveur du végétarisme, puisque la consommation de la chair des êtres vivants est selon lui incompatible avec la compassion qu'un Bodhisattva cultive[11]. Plusieurs autres sûtra mahâyâna interdisent aussi catégoriquement la consommation de viande.

Vajrayana

Le 14e Dalaï-Lama et le 17e Karmapa Orgyen Trinley Dorje, ont donné en 2007 et 2008 des instructions sur les bienfaits de ne pas manger de viande afin de ne pas faire souffrir les animaux[12],[13]. Suivant ces conseils, les Tibétains modifient profondément leurs habitudes alimentaires et deviennent de plus en plus végétariens, et dans la Région autonome du Tibet, ainsi que dans le Kham, et l'Amdo, des restaurants végétariens s'ouvrent[14].

Vues bouddhistes actuelles


Références

  1. a et b d'après L'ART INDIEN, Roy C. Craven, ISBN 2878112547
  2. http://www.sofrphilo.fr/?idPage=37
  3. a, b et c Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, éd. le livre de poche.
  4. http://fr.wikisource.org/wiki/Sermons_du_Bouddha/Chapitre_2_:_Le_principe_de_non-violence_(AGGI-SUTTA)
  5. a, b, c et d l'hindouisme, anthropologie d'une civilisation, Madeleine Biardeau, éd. Flammarion.
  6. Are Buddhists vegetarian?
  7. Ajahn Brahm's Vinaya notes, [1]
  8. Vanijja Sutta, AN 5:177
  9. Phelps, Norm. The Great Compassion: Buddhism & Animal Rights. Lantern Books. New York, 2004. p.XIII, 31, 32, 34, 49, 61, 62, 65, 85, 147. ISBN 1-59056-069-8.
  10. Nirvana Sutra: Appreciation of the "Mahayana Mahaparinirvana Sutra"
  11. Lankavatara Sutra & The Faults of Eating Meat - 1/8
  12. Dalaï-Lama et Végétarisme - Vidéo
  13. Instructions données par Sa Sainteté le XVIIe Karmapa sur « ne pas manger de viande »
  14. Récit du périple d'un Français à travers le Tibet, Nouvel Obs, Carlo Blanco, 13 décembre 2008

Voir aussi

Bibliographie

  • Bodhipaksa (2004). Vegetarianism. Windhorse Publications, Living a Buddhist Life Series. Traduction en ligne ici.
  • Releasing life (chapter 4: 'The Debate'): publié par The Corporate Body of the Buddha Educational Foundation, Taipei, Taïwan.
  • Phelps, Norm. (2004). The Great Compassion: Buddhism and Animal Rights. Lantern Books.
  • Page, Tony (1998), Buddhism and Animals (Nirvana Publications, London)
  • Rangdrol, Shabkar Natshok. (traduit par le Comité de traduction Padmakara) Food of Bodhisattvas: Buddhist Teachings on Abstaining from Meat. Shambhala Publications, 2004.

Liens externes


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