Végétarisme sikh

Végétarisme sikh

Le végétarisme sikh est une pratique alimentaire qui fait débat parmi les membres même de cette religion d'origine indienne, bien que pratiqué par la majorité de ceux qui se revendiquent du sikhisme. Des courants du sikhisme ne formulent pas de consignes particulières sur la consommation de viande[1],[2],[3],[4] et laissent la décision du régime alimentaire à chaque individu[5]. Guru Gobind Singh, dernier des dix gurus du sikhisme, cependant, a interdit absolument aux sikhs appartenant aux courants Amritdhari, ceux qui suivent le Sikh Rehat Maryada [6], l'ordre chevaleresque des Sikhs, de manger la viande Kuthha, obtenue à partir d'animaux ayant été tués selon la méthode rituelle islamique (c'est-à-dire par égorgement) ou la méthode rituelle hindoue (décapitation face à l'image d'une divinité de village). Cette prise de position a été interprétée par certaines sources [Lesquelles ?] comme un choix politique afin de préserver l'indépendance vis-à-vis de l'hégémonie musulmane de cette époque, alors que ces derniers suivaient le régime halal[1][5].

Les Amritdharis, et des membres d'autres mouvements sikhs (Akhand Kirtani Jatha, Damdami Taksal, Namdhari[7] et Rarionwalay[8] etc.) s'opposent de façon véhémente à la consommation de viandes et d'œufs (tout en encourageant la consommation de lait, de beurre et de fromage)[9]. Cette posture végétarienne date du Raj britannique[réf. nécessaire], alors qu'on assistait à l'apparition de nombreux convertis au Vaishnavisme[5].

En réponse aux divers points de vue sur les régimes alimentaires au sein de la population sikh, les gurus du sikhisme ont tenté de les clarifier en soulignant leur préférence pour la simplicité. Guru Nanak déclarait que le fait de trop manger conduisait à une surexploitation des ressources de la Terre [10][11]. Certains passages du Guru Granth Sahib (le livre sacré des Sikhs également connu sous le nom d'Adi Granth) déclare qu'il est stupide de défendre la vie animale au détriment de celle des hommes [12], parce que, bien que toutes les formes d'existence soient interconnectées, seule la vie humaine a une grande importance spirituelle [5]. Les sikhs du Langar qui offrent des repas gratuits dans leur temple sont lacto-végétariens, bien que ce choix soit perçu [Par qui ?] comme un effort pour offrir un repas respectant tous les régimes alimentaires, plus que comme un dogme qui leur serait propre[4][5].

Mais pour les sikhs amritdhari, consommer de la viande constitue une faute grave (au même titre que se couper les cheveux, violer, commettre l'adultère ou consommer du tabac) qui conduit à l'exclusion du Khalsâ (communauté sikhe) et à la rebaptisation, si celle-ci est souhaitée [13]. La nourriture « sikhe » est toujours dénué de khuthha, c'est-à-dire excluant parfaitement toute viande obtenue par égorgement islamique et par décapitation rituelle hindoue, qui était les seules pratiques pour tuer les animaux à l'époque où apparaît le sikhisme : cela implique le végétarisme pour les sikhs végétariens, la viande et le meurtre d'animaux étant condamnée par Guru Nanak [14] (la viande anéantissant ainsi le développement spirituel [14]), et non que le sikhisme invente un nouveau processus pour obtenir de la viande, tuant à la manière « hindoue » (avec décapitation) les animaux mais sans dédié cet abattage à l'adoration d'une divinité hindoue de village [14].

Les sikhs végétariens font remarqués qu'il y a une contradiction chez les sikhs zoophages qui font de la viande de poisson un tabou pour eux aussi, puisqu'il y a une impossibilité certaine à tuer un poisson en le décapitant [14]. La plupart des traducteurs et commentateurs sikhs de leur livre saint (dont Manmohan Singh, premier ministre de l'Inde) considèrent que la nourriture non kuttha exclue la consommation de viande/l'abattage des animaux, indépendamment de la manière, et non uniquement celles qui existaient à l'époque de la constitution du sikhisme et nommée khutta, où les textes condamnent formellement ces pratiques de sacrifices sanglants : ce qui serait trahir l'esprit de l' Âdi Granth et le manipuler pour légitimer ce qui doit être considéré comme un péché, la viande, le meurtre d'un animal [14]. La défense de la zoophagie à la manière « sikhe » est vue comme un moyen de dissension au sein du sikhisme : les sikhs zoophages, qui sont minoritaires, sont considérés comme des anti-sikhs et des manipulateurs subtils et intéressés des populations sikhes sans instruction pour les sikhs qui considèrent le végétarisme comme une norme et une nécessité [14].

Guru Nanak, fondateur du sikhismevaishnava (donc forcément végétarien), lié sur le plan doctrinal au poète (hindou et musulman) Kabir[15] et dont il fut l'élève selon la tradition [16], composa ce chant :

« Mon saint inspirateur enseigne la clémence./ Le cœur s'éveille à ses paroles. / Le chapelet dont chaque grain / est un soupir / est admirable. / Le sage laisse cours à la pitié. / Homme sans pitié, tu es un boucher. / Tu tiens le couteau, et crie impitoyable : / “Qu'est-ce qu'une chèvre ? Qu'est-ce qu'une vache ? / Que me font les autres bêtes ? ” / Or, le maître a dit : / “Nulle différence entre les différents meurtres. / Ô Nânak, ne détruis pas l'esprit pour conserver le corps ! / Réprime, ô frère, ce grand élan né dans ton cœur. / Et cherche refuge en Hari »

— Traduction de G. de Tassy, dans Trésor de la poésie universelle, Roger Caillois/Jean-Clarence Lambert, Gallimard (6e édition)[17].

Les sikhs akhand kirtani jatha (et les sikhs considérant que le végétarisme est bien une nécessité pour un sikh), contestent avec véhémence l'interprétation de leur texte sacré par les sikhs qui considèrent que la viande obtenue selon des principes « sikhs » (décapitation sans adoration de divinités) est tolérable ;

« Seigneur (...), fais que cesse le massacre du pauvre et de la vache, étends la vraie foi sur toute la terre, libère tous ceux qui sont méchants, et exalte ton vrai Khalsâ »

— Namdhari Nitnem, Namdhari Sarbar, Sri Bhaini Sahib, 1978.[18]

Cela prend sa source dans les textes sacrés sikhs de l' Âdi Granth eux-mêmes qui déclarent :

« Ayez de la pitié pour toute créature vivante[19]. »

« Ne donnez aucune douleur à aucun être vivant[19]. »

« Plus que d'aller aux 78 lieux de pèlerinage, il y a un mérite plus grand et c'est celui d'accepter d'être compatissant envers les êtres vivants[19]. »

Selon les membre sikhs du Gurdwara Tapoban Sahib, le sikhisme a rejeté la mise à mort des animaux par égorgement (islamique), ou par décapitation (pratiquée par des prêtres pour des divinités hindoues des villages) ; mais pour les sikhs opposés à la zoophagie, cela ne veut pas dire que, pour le sikhisme, ce soient essentiellement les aspects formels de la mise à mort qui soient rejetés, mais bien plutôt la source : la mise à mort d'un animal en elle-même [20]. Selon les membres sikhs du Gurdwara Tapoban Sahib, les textes sacrés du sikhisme rejette le végétarisme comme une fin en soi (il ne suffit pas d'être végétarien pour se libérer du cycle des réincarnations [19]), mais non comme pratique absolue en tant que telle [19]. Des sikhs déclarent que les animaux et les plantes sont mis au même niveau dans certaines parties de leurs textes sacrés, mais les sikhs végétariens rappellent que ce nivellement par le bas est induit par le fait qu'il sagit de souligner que seule l'humanité a un devoir de spiritualité envers Dieu, non que les animaux ne possèdent aucune émotion ou aucun système nerveux pour autant, car les plantes, elles, ont au contraire une forme corporelle qui ne leur permet pas de ressentir la douleur (et il est inutile de déraciner ou d'abattre un arbre ou un végétal pour manger les fruits ou légumes qu'ils donnent)[19].

Cela est aussi illustré dans le livre saint du sikhisme, l' Âdi Granth :

« Regarde le forgeron avec sa hache jetée sur son épaule, une cruche d'eau sur la tête. Il est en quête d'un arbre à abattre. Farid te dit : ami forgeron, épargne l'arbre que voici. C'est sous cet arbre-ci que je suis en quête du bien-aimé Seigneur. Pour toi, cet arbre ne peut fournir rien de plus que du charbon de bois »

— Shalok Farid 43, Âdi Granth, 1380 [18]

Le poète saint Kabir (musulman et hindou à la fois), dont nombre de ses poèmes se trouvent dans l' Adi Granth, livre saint du sikhisme, et qui considérait que le prophète Mahomet était lui aussi végétarien [21], a promus avec véhémence l'ahimsâ, la compassion envers toute créature, le végétarisme (la consommation de viande menant en enfer pour Kabir[21]), parmi ses contemporains.

Références

  1. a et b "Misconceptions About Eating Meat", Sikhism Home Page
  2. I.J. Singh, Sikhs and Sikhism, Manohar, Delhi ISBN 978-81-7304-058-0: "Throughout Sikh history, there have been movements or subsects of Sikhism which have espoused vegetarianism. I think there is no basis for such dogma or practice in Sikhism."
  3. Surindar Singh Kohli, Guru Granth Sahib, An Analytical Study, Singh Bros. Amritsar ISBN 81-7205-060-7: "The ideas of devotion and service in Vaishnavism have been accepted by Adi Granth, but the insistence of Vaishnavas on vegetarian diet has been rejected."
  4. a et b Gopal Singh, History of the Sikh People, World Sikh Univ. Press, Delhi, ISBN 978-81-7023-139-4: "Nowadays in the Community Kitchen attached to the Sikh temples, and called the Guru's Kitchen (or Guru-ka-langar), meat dishes are not served at all. Maybe it is on account of its being, perhaps, expensive or not easy to keep for long. Or perhaps the Vaishnava tradition is too strong to be shaken off."
  5. a, b, c, d et e Randip Singh, Fools Who Wrangle Over Flesh, Sikh Philosophy Network, 7 December 2006. Retrieved 15 January 2010.
  6. Sikh Reht Maryada, The Definition of Sikh, Sikh Conduct & Conventions, Sikh Religion Living, India, www.sgpc.net. Consulté le 2009-08-29
  7. Jane Srivastava, "Vegetarianism and Meat-Eating in 8 Religions", Hinduism Today, Spring 2007. Retrieved 9 January 2010.
  8. Gyani Sher Singh, Philosophy of Sikhism, Shiromani Gurdwara Parbandhak Committee, Amritsar: "As a true Vaisnavite, Kabir remained a strict vegetarian. Kabir, far from defying Brahmanical tradition as to the eating of meat, would not permit so much as the plucking of a flower (G.G.S. p. 479), whereas Nanak deemed all such scruples to be superstitions."
  9. Harjinder Singh, "Guru ka Langar". Retrieved 2010-12-28.
  10. Sikhism Home Page, Sikhs.org. Consulté le 2009-08-09
  11. (en) Prithi Pal Singh, The History of Sikh Gurus, New Delhi, Lotus Press, 2006 (ISBN 8183820751) [lire en ligne], « 3 Guru Amar Das », p. 38 
  12. http://www.sikhs.org/meat_gn.htm
  13. http://sikhs.nl/Main_french/DefinitionDunSikh_Amrit.htm
  14. a, b, c, d, e et f http://www.panthkhalsa.org/rahit/rahit_kuthha.php
  15. Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, éditions le Livre de Poche.ISBN:2253131113, p.465
  16. Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, éditions le Livre de Poche.ISBN:2253131113, p.709
  17. G. de Tassy, Allégories, Leroux, 1876, dans Trésor de la poésie universelle, Roger Caillois/Jean-Clarence Lambert, Gallimard (6e édition)
  18. a et b Les Sikhs, Michel Delahoutre, éditions Brepols.
  19. a, b, c, d, e et f http://www.tapoban.org/meat.html
  20. tapoban.org
  21. a et b http://www.spiritual.comuv.com/kabir-dohe-vegetarian.html

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