- Bibliophilie
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La bibliophilie est, littéralement, l’amour des livres et, plus particulièrement, des livres rares ou historiquement précieux.
Sommaire
Définitions
Le bibliophile est un amateur de livres qui est souvent fier de sa bibliothèque et de sa collection, mais un érudit qui possède de nombreux livres peut ne pas être bibliophile.
On peut considérer que les bibliophiles aiment les livres pour ce qu’ils leur apprennent alors que les bibliomanes ne sont que des collectionneurs de livres. Toutefois, sur le site de l'encyclopédie Larousse, le bibliophile[1] est défini comme une « personne qui aime, qui recherche les livres rares et précieux », alors que le bibliomane[2] serait une « personne qui a la passion de collectionner les livres pour leur rareté, leur reliure, etc. ». Cette nuance laisse entendre que chez le bibliophile, l'amour du livre ne va pas obligatoirement de paire avec la collection (et la collectionite[3]).
Le bibliophile et sa collection
Les bibliophiles aiment, recherchent et conservent, avec soin et goût, les livres.
La collection de livres peut s’appliquer à un domaine particulier :- les éditions originales
- les ouvrages sur des domaines thématiques précis
- les éditions rares
- les livres anciens, manuscrits, incunables ; sur parchemin ou sur vélin
- les livres-objet
- les livres d'artiste
- les tirages restreints (sur vélin ou parchemin, sur grand papier, sur papier de Chine, du Japon, de Hollande)
- la provenance (ce livre a appartenu à ...)
- le régionalisme (Languedoc, ...)
- les illustrations
- les reliures d’art (Grolier, de Thou...)
- les reliures aux armes (livres avec armoiries)
- la qualité d’impression
- la valeur du texte (textes classiques)
- la typographie ou la maquette
- les ouvrages dédicacés
- les annotations autographes de personnes célèbres
- les ex-libris
- la notoriété de l’auteur (l’Encyclopédie Diderot d’Alembert)
- ...
Les domaines sont vastes et quasi illimités.
Histoire de la bibliophilie
Quelques repères
Avant l’invention de l’imprimerie, la bibliophilie est un domaine réservé aux gens riches. Les manuscrits sont reliés d’ivoire, d’or, d’argent, de pierres précieuses, le goût du faste n’a pas de limite. Les livres d’heures de personnages célèbres en sont la parfaite illustration.
Les plus grandes « librairies[4] » sont celles des papes d’Avignon, des rois et princes de France et à partir du XIIe siècle les bibliothèques monastiques.Au XIVe siècle apparaissent les premières « librairies » privés et relativement ouvertes au sein des universités.
Avec l’invention de Gutenberg et les influences artistiques venues d’Italie, les premiers critères de la bibliophilie se dessinent.
La reliure commerciale apparaît au XVIe siècle avec les célèbres bibliophiles français, Jean Grolier de Servières et Thomas Mahieu.La Révolution va disperser les grandes bibliothèques de France.
Bibliophiles célèbres
- Sir Thomas Philips[5] (1792-1872), « le plus grand collectionneur de livres connu à ce jour »
- John Maynard Keynes (1883-1946), « le grand économiste anglais »
- Jacques Lacan (1901-1981)
- François Le Lionnais (1901-1984) ; ouvrages sur les échecs et les mathématiques
- Louis Jouvet (1887-1951) ; très importante bibliothèque sur le théâtre
- Forrest J. Ackerman[6](1916-2009), « grand collectionneur d'ouvrages de science-fiction et fantastique »
- Henri Beraldi (1849-1931)
- le duc d'Aumale (1822-1897), à l'origine des collections de Chantilly
- Les frères Edmond et Jules de Goncourt (1822-1896/1830-1870)
- Le comte Libri (1803-1869), qui n'hésita pas à voler plusieurs bibliothèques anciennes
- Tibulle Desbarreaux-Bernard (1798-1880), historien des livres et de l'imprimerie dans le Languedoc
- Jacques Charles Brunet (1780-1867), auteur du Manuel du libraire et de l’amateur de livres
- Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), bibliophile albigeois de la fin du XVIIIe
- Jeanne Baptiste d'Albert de Luynes (1670-1736), comtesse de Verrue
- Jules Mazarin (1602-1661), dont le fonds devait former le noyau de la bibliothèque Mazarine
- Le marquis d'Argenson, dont le fonds devait former le noyau de la bibliothèque de l'Arsenal
- Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), « reliure à la "fanfare" »
- Thomas Mahieu (1520-1590)
- Niccolò Niccoli (1364-1437)
- Jean Grolier de Servières (1479-1565), « le prince des bibliophiles »
- Astruc de Sestier (ca. 1370-ca. 1439), un médecin juif d'Aix-en-Provence, célèbre bibliophile en son temps, s'intéressait aux sciences arabes
- Saint Louis (1214-1270), première « librairie » royale
- Charles II le Chauve (823-877), « grand amateur de textes et de livres enluminés »
- Louis Barthou (1862-1934), homme politique français, plusieurs fois président du conseil, et président de la société Les Amis du livre contemporain de 1914 à sa mort
Sociétés de bibliophiles
Dès le XIXe siècle, les bibliophiles ont pris l'habitude de se réunir au sein de sociétés d'amateurs. Si cette mode a connu son apogée, au XXe siècle, dans l'entre-deux-guerres[7], certaines sociétés perdurent sous la forme d'associations sans but lucratif.
Ainsi, la bibliothèque[8] du Château de Chantilly conserve environ 400 ouvrages et des archives en provenance de diverses sociétés de bibliophiles du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui :
- Les Amis bibliophiles
- Les Amis d’Édouard
- Les Amis des livres
- Les Amis du livre contemporain[9]
- Les Bibliophiles de France
- Les Bibliophiles de France et de Normandie
- Les Bibliophiles de l'Amérique Latine
- Les Bibliophiles de l'Union française
- Les Bibliophiles et Graveurs d'aujourd'hui
- Les Bibliophiles franco-suisses
- Les Cent bibliophiles
- Les Cent une (société[10] qui regroupe cent une femmes, exclusivement)
- La Compagnie des bibliophiles du livre d'art et de l'Amérique latine
- La Compagnie typographique
- Exemplaires
- Hippocrate et ses amis (société de médecins)
- Le Livre contemporain
- Le Livre d’art
- Les Médecins bibliophiles
- Nouveau cercle parisien du livre
- La Société des amis de Saint-Denys
- La Société des bibliophiles françois (fondée en 1820)
- La Société des bibliophiles liégeois
- La Société de Saint-Eloy
- La Société normande du livre illustré
Cette liste n'est pas limitative, et d'autres sociétés de bibliophiles ont existé, ou existent encore, telles les deux dernières citées ci-dessous :
- Les Bibliolâtres de France
- Les Bibliophiles de l'Automobile-Club de France
- Les Bibliophiles du Palais (société d'avocats et de magistrats)
- Les Francs Bibliophiles[11]
- Les Pharmaciens bibliophiles[12]
Parallèlement à cette multitude de sociétés a été créée, en 1963, une Association internationale de bibliophilie[13] dont l'objectif premier est « de constituer un lien permanent entre les bibliophiles des différents pays, qu'ils appartiennent ou non à des sociétés, de faciliter l'organisation de réunions internationales qu'il s'agisse d'expositions ou de congrès. » Son dernier congrès, le XXVIIe, s'est tenu en Pologne, du 18 au 25 septembre 2011[14].
Marché du livre de bibliophilie
Globalement, la bibliophilie est un marché qui se porte bien car il existe des collections pour toutes les bourses et cet intérêt pour ce type de livres touche toutes les couches de la société. Malgré sa relative discrétion, le marché de la bibliophilie est aujourd'hui, en volume et en chiffre d'affaires, le troisième des marchés de l'art, derrière ceux de la peinture et de la sculpture.
Il n’en reste pas moins que les livres sont aujourd’hui des objets régis par un véritable marché, instable pour certaines éditions, mais solide en ce qui concerne un certain nombre d’ouvrages dûment répertoriés. Faisant l’objet de moins d’échanges qu’au XIXe siècle (le siècle du renouveau de la bibliophilie), ce marché reste fortement actif aujourd'hui.
Tendances nouvelles
Selon Jean-Baptiste de Proyart (expert en livres anciens et modernes et ancien expert de chez Sotheby’s) :
« On peut rechercher des livres de poche comme les premières « Série noire » de chez Gallimard. Les éditions originales de James Bond sont extrêmement prisées aux États-Unis. »
Un exemplaire de l'Ulysse de James Joyce, imprimé à Paris, avec ses innombrables coquilles, peut valoir 60 000 dollars (40 000 euros).Pour la période moderne, outre les grands classiques, on peut envisager de collectionner, suivant ses moyens[15] :
- les BD : Tintin (en N & B, les plus prisés), Bécassine (avant 1930)
- Jules Verne (édition Hetzel des Voyages extraordinaires)
- les livres-club comme ceux du Club français du livre (voir à ce propos l’article sur Massin) ou ceux de la Guilde du Livre, au moins pour la période antérieure à 1960
- certains titres du Livre de Poche, particulièrement recherchés, tels ceux de Prévert dont le maquettiste fut Pierre Faucheux, le maître du graphisme moderne en France.
Concernant ces domaines nouveaux, on parle de « petite bibliophilie ».
Dans la catégorie reliure, signalons également celles de Mario Prassinos ou de Paul Bonet pour Gallimard (ouvrages communément appelés « cartonnages Bonet ou Cartonnages Prassinos »), dont le marché est bien établi mais reste abordable[16].
Enfin, on parle aussi aujourd'hui de bibliophilie contemporaine lorsque l'on évoque le travail des artistes et des éditeurs autour du « livre d'artiste ».
Livres parmi les plus précieux
- La Biblia Latina à 42 lignes de 1455 est le livre le plus recherché par les institutions et bibliophiles du monde entier. Le prix pour un exemplaire complet atteint les dix millions de dollars.
- Le Psalmorum Codex, dit « Psautier de Mayence », célèbre ouvrage imprimé par Johann Fust et Pierre Schoeffer à Mayence en 1457, réimprimé par eux en 1459. Cet ouvrage est considéré, avec les quatre livres imprimés par Gutenberg, comme l’un des livres les plus précieux de tous les temps.
- Un Don Quichotte, en première édition, ne peut être acquis pour moins de trois millions de dollars.
Liens
Liens internes
Période contemporaine
- Club français du livre
- Livre d'artiste
- Livre-objet
- Livres de Pinocchio : collectionneurs et bibliophiles
- Série noire
Liens externes
- Alphonse Lemerre, Le Livre du Bibliophile (2e éd. - 1874)
- Charles Asselineau, L’Enfer du bibliophile (1860)
- Jules Janin, L’Amour des livres (1866)
- Charles Nodier, Le Bibliomane
- Antony Meray, Les Diverses Façons d’aimer les livres (1861)
- THELEME, Identification et description des livres anciens européens (XVe ‑ XVIIIe siècle). Ressources imprimées et en ligne
- Quel avenir pour le livre ancien ? par Alain Marchiset, Président d'honneur du Syndicat national de la librairie ancienne & moderne (SLAM)
- Pierre Mollier, « Où l’innocente manie de la bibliophilie maçonnique révèle l’existence d’une bibliothèque secrète réunie jadis par un adepte oublié », dans Ésotérisme, Gnoses & imaginaire symbolique : mélanges offerts à Antoine Faivre, collectif, Peeters, Louvain, 2001, p. 454-457
Notes
- Bibliophile sur larousse.fr.
- Bibliomane sur larousse.fr.
- Emmanuel Pierrat, La Collectionnite, Paris, Éditions Le Passage, 2011 (ISBN 978-2-8474-2165-1). Voir :
- On appelait ainsi les bibliothèques.
- Voir sur Wikipedia en anglais : Sir Thomas Philips
- Voir sur Wikipedia en anglais : Forrest J. Ackerman
- Henri Béraldi (grand collectionneur) et de Camille Mauclair. Sur ce sujet, voir notamment un ouvrage qui est lui-même collectionné et recherché par certains bibliophiles, Histoire des sociétés de bibliophiles en France de 1820 à 1930 de Raymond Hesse, Paris, Lib. Giraud Badin, 1929-1931 ; en deux volumes avec des préfaces d'
- Ressources de la bibliothèque du Château de Chantilly
- Présentation de la société de bibliophilie Les Amis du livre contemporain
- Voir l'article dans Arts et métiers du livre, n° 265, 2008.
- Site de la société de bibliophilie Les Francs Bibliophiles
- Site de la société de bibliophilie Les Pharmaciens bibliophiles
- Présentation dans le Bulletin des bibliothèques de France, n° 1, 1964, p. 28-29.
- Communiqué sur le site pl2011.eu.
- Le marché du livre étant extrêmement mouvant et sujet à certains effets de mode, il s’avère aléatoire de pronostiquer quels seront les livres les plus prisés demain…
- Les Cartonnages NRF. Bibliographie, Jean-Étienne Huret, Paris, Librairie Nicaise, 1997
Catégories :- Histoire du livre
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