- Indignez-vous !
-
Indignez-vous ! Auteur Stéphane Hessel Genre Essai Lieu de parution Montpellier, France Éditeur Indigène éditions Collection Ceux qui marchent contre le vent Date de parution 21 octobre 2010[1] Nombre de pages 32 ISBN 978-2-911939-76-1 Chronologie Engagez-vous ! Indignez-vous ! est un essai de Stéphane Hessel publié en 2010. Cet opuscule, d'une trentaine de pages, qui défend l'idée selon laquelle l'indignation est le ferment de l'« esprit de résistance »[2], est devenu un phénomène d'édition.
Sommaire
Contenu
Dans cet essai, Stéphane Hessel appelle, en s'appuyant sur l'idée « sartrienne »[3] d'engagement personnel, à ne pas accepter le creusement des inégalités de richesse, critique la politique d'immigration des gouvernements Fillon[4], regrette le poids du monde financier dans les choix politiques et dénonce l'affaiblissement de l'héritage social du Conseil national de la Résistance (sécurité sociale et régime de retraite)[5]. Sous le titre « Mon indignation à propos de la Palestine », un développement est consacré à la situation imposée par l'État d'Israël à la Palestine, et notamment à la Bande de Gaza[6].
Genèse de l'ouvrage
La rédaction de l'ouvrage a été proposée à Stéphane Hessel par deux journalistes politiquement engagés[7], fondateurs de la maison d'édition, après avoir entendu le discours que celui-ci avait prononcé sur le plateau des Glières[8], lieu de mémoire de la Résistance, pour dénoncer la trahison des principes du Conseil national de la Résistance dont il accuse le chef de l'État Nicolas Sarkozy.
Le discours que celui-ci, alors candidat à l'élection présidentielle, avait prononcé entre les deux tours de cette élection le 4 mai 2007 au plateau des Glières avait en effet provoqué l'indignation de l'ancien déporté Walter Bassan[9] et de ses amis, indignation partagée par un certain nombre d'autres résistants qui organisèrent une contre-commémoration annuelle aux Glières[10]. Ils se sont appuyés sur l'esprit de l'Appel à la commémoration du soixantième anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944[11] signé trois ans plus tôt, le 8 mars 2004, par les grandes figures survivantes de la Résistance, Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey[12]. Les amis de Walter Bassan se sont constitués en 2008 en une association, Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui[13], association dont Stéphane Hessel est l'un des parrains, avec Raymond Aubrac et John Berger. L'appel du 8 mars 2004 (déjà lu lors du 1er rassemblement le 13 mai 2007) a été diffusé à nouveau le 17 mai 2009 aux Glières, et a été suivi par un discours[14], prononcé en présence de Raymond Aubrac et de quatre mille sympathisants[9], dans lequel Stéphane Hessel appelait à un devoir d'indignation[8].
Ce sont ces prises de positions, initiées par les mêmes anciens résistants à l'occasion de l'affaire des « sans papiers » de Saint-Ambroise et Saint-Bernard, réaffirmées[15] depuis 2004 qui ont présidé à la rédaction de l'ouvrage. Le texte de l'ouvrage a été élaboré au cours de trois entretiens, durant le printemps 2010[8]. Mis en forme par Sylvie Crossman, il a été approuvé par Stéphane Hessel[16].
Réception
Analyse d'un succès
Publié par une petite maison d'édition de Montpellier – Indigène éditions – l'ouvrage ne dispose d'aucune promotion médiatique. Pourtant, rapidement, ce livre de 32 pages, vendu 3 euros, devient un phénomène d'édition en se vendant à plus de 300 000 exemplaires en 3 mois[17] puis à 950 000 exemplaires en 10 semaines. Des traductions sont envisagées en slovène, coréen, finnois, ainsi qu'au Liban et en Israël[8]. Stéphane Hessel a déclaré au Parisien qu'il avait l'intention de reverser ses droits d'auteur à diverses causes, parmi lesquelles le financement du Tribunal Russell sur la Palestine[18][réf. incomplète].
Le succès tient en partie à la figure[8] de son auteur, Stéphane Hessel, né en 1917 en Allemagne d'un père juif, résistant contre le nazisme, déporté à Buchenwald, secrétaire de la Commission des Droits de l'Homme[19] quand celle-ci rédigea la Déclaration universelle des droits de l'homme, puis diplomate proche de la gauche[20]. La forme également, un format court à un prix minime, a probablement facilité sa diffusion[8].
Le succès tient notamment[8] au rapprochement établi par Hessel entre les idées défendues par les auteurs du Programme du Conseil national de la Résistance (engagement politique de la société civile, primauté de l'intérêt général sur l'intérêt financier, syndicalisme, solidarité des générations, etc.), et ce qui indigne Hessel aujourd'hui : existence des sans-papiers, mauvais traitement réservé à la planète, écart des richesses dans le monde[8]. L'ouvrage, paru le jour où la réforme des retraites est votée, semble aussi rencontrer une vague de fond de mécontentement et de malaise des Français[5]. « Réveil public d'un peuple qui était jusqu'à présent très passif » selon Edgar Morin[5], cet engouement littéraire concrétiserait un nouvel engagement des citoyens hors des partis politiques[8].
Critique de l'ouvrage en France
Face à l'engouement du public suivi d'une forte médiatisation presque unanimement favorable, les critiques naissent dans les médias en décembre 2010 et janvier 2011, dénonçant le statut d'icône inattaquable affecté à l'auteur[21].
Le premier reproche fait à Stéphane Hessel concerne le passage de son texte consacré à la situation dans la bande de Gaza. Sur le site du Conseil représentatif des institutions juives de France, Marc Knobel écrit que « Stéphane Hessel tente de justifier, si ce n'est de légitimer le terrorisme »[22].
D'autres lui reprochent de n'être pas aussi subversif que son titre, par sa proximité avec la démocratie sociale incarnée en France par Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, une radicalité qu'il ne revendique pas[21].
Pour Boris Cyrulnik, l'indignation aurait également un caractère épidermique et non rationnel, faiblesse de raisonnement que critique également Luc Ferry[21] et qui s'inscrirait dans une politique de l'émotion plutôt que dans une « politique de justice »[23].
Réception de l'ouvrage en Allemagne
Ce petit livre est l'un des rares ouvrages français à avoir connu en Allemagne un très grand succès médiatique avant même d'être traduit en allemand ; il est discuté à la « une » de journaux nationaux et régionaux[24],[25],[26].
Influences
Manifestations
Les manifestations de mai 2011 en Espagne sont influencées par cet essai et les participants se sont eux-mêmes nommés les « indignés » (« indignados[27] ») en référence à l'ouvrage de Stéphane Hessel[28]. D'autres manifestations européennes (Athènes, Liège, Bruxelles, Paris, etc.) ou américaines (Occupy Wall Street) auraient aussi été influencées par cet ouvrage en prenant la suite des manifestations espagnoles[29].
Parodies, versions satiriques et autres pamphlets
L'ouvrage a été détourné à plusieurs reprises, généralement avec le même format que l'original et avec également une trentaine de pages. Dès février 2011, sort J'y crois pas !, ouvrage écrit sous le pseudonyme d'Orimont Bolacre, publié par David Reinharc pour le compte du Parti de l'In-nocence et sous-titré « Réponse à Stéphane Hessel à la demande de Renaud Camus »[30]. En avril 2011, sort aux éditions 12 bis une parodie érotico-politique[31] intitulée Enfilez-vous !, écrite sous le pseudonyme de Rafaël Borgia et illustrée par Luz[30]. Les éditions Dargaud publient Épilez-vous !, écrit sous le pseudonyme de Aristophane Aisselle[31] et illustré par Pénélope Bagieu[32].
D'autre part, Indignez-vous ! a relancé une mode du pamphlet sous forme de fascicule[31]. Aux éditions Buchet/Chastel, Daniel de Roulet s'indigne de la situation des centrales nucléaires dans un fascicule intitulé Tu n’as rien vu à Fukushima[31].
Éditions et traductions
- (fr) Indignez-vous !, Montpellier : Indigène éditions, collection « Ceux qui marchent contre le vent », 2010, 32 p. (ISBN 978-2-911939-76-1)
- (en) Time for outrage!, traduction de Damion Searls et Alba Arrikha, avant-propos de Charles Glass, Londres : Quartet Books, 2011, 40 p. (ISBN 978-0-7043-7222-1)
- (de) Empört Euch!, traduit du français par Michael Kogon, Berlin : Ullstein, 2011. (ISBN 978-3-550-08883-4)
- (ro) Indignați-vă!, traduit du français par Adriana Bădescu, București : Nemira, 2011. (ISBN 978-606-579-198-5)
- (es) ¡Indignaos!, traduit du français par Telmo Moreno Lanaspa, préface de José Luis Sampedro, Destino, 2011. (ISBN 978-842-334-471-0)
- (nl) Neem het niet!, traduit du français par Hannie Vermeer-Pardoen, Amsterdam : Van Gennep, 2011. (ISBN 978-946-164-038-3)
- (it) Indignatevi!, traduit par Maurizia Balmelli, Turin, Add, collection « ! », 2011, 61 p. (ISBN 9788896873250)
- (sv) Säg ifrån!, traduit par Ulla Bruncrona, Louise Lindfors Förlag, 2011. (ISBN 109163385074)
- (gl) Indignádevos!, traduit du français par Fernando Moreiras, prologue de Manuel Rivas intitulé A nova conquista do pan (La nouvelle conquête du pain), collection « Ágora K», éditeur Faktoría K de Libros, Pontevedra, 2011, 48 p. (ISBN 978-84-15250-06-7)
- (ca) Indigneu-vos!, traduit du français par Maria Llopis, prologue de José Luis Sampedro, Columna Edicions, Barcelone, 2011. (ISBN 978-84-9710-202-5)
- (he) תזעמו!, traduit par Iatrogenico, Ein Ashan Hafakot, 2011.
- (eo) Indignu !, traduit par l'association mondiale anationale en mai 2011.
Notes et références
- Stéphane Hessel «Je suis vieux mais j’ai encore des forces» » sur lematin.ch. Mis en ligne le 15 janvier 2011, consulté le 7 juin 2011 Anne-Sylvie Sprenger, «
- Message vidéo de Stéphane Hessel sur Dailymotion
- Gaspard Koenig a raillé cette référence à Sartre, qu'il assimile à du name dropping (cf. « Résistant gaga et roi bègue », Atlantico, 27 février 2011)
- Indignez-vous !, Montpellier : Indigène éditions, 2010, p. 10.
- Myriam Chaplain-Riou, « Indignez-vous ! de Stéphane Hessel, cri de ralliement de 800.000 lecteurs », AFP, 30 décembre 2010
- Indignez-vous !, Montpellier : Indigène éditions, 2010, pp. 17-18.
- maoïste Gauche prolétarienne, puis figurant parmi les fondateurs de Libération (cf. Repères. Stéphane Hessel, Libération, 30 décembre 2010 Jean-Pierre Barou a été militant du mouvement
- Le Temps, 4 janvier 2011, Critique du Temps sur « Indignez-vous ! ». Caroline Stevan, « « Indignez-vous ! », un message porteur »,
- Retour en résistance. [PDF]
- Ils ont repris le maquis.. M.-P. Subtil, « Ils ont repris le maquis », Le Monde, p. 3, 18 mai 2010,
- Appel du 8 mars 2004.
- Liste des signataires sur le site d'ATTAC..
- Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui
- Discours du 17 mai 2009.
- Conférence à la chaire des Droits de l'Homme en 2008 S. Hessel, Résistance d’hier – Résistance d’aujourd’hui, Lyon, Chaire lyonnaise des Droits de l'Homme, 25 mars 2008,
- Interview radio de Stéphane Hessel Fichier mp3 de l'Interview radio de Stéphane Hessel. S. Hessel, Est-Ouest - balle au centre, seq. 220 à 250/2081, Association Génération 112, Bruxelles
- « « Indignez-vous », la pépite d'Indigène Editions », dans Les Échos, no 20833, 24 décembre 2010, p. 16 [texte intégral (page consultée le 7 juin 2011)]
- Le Parisien
- Hessel : La Déclaration des droits de l'homme, témoin de l'audace de l'époque sur un.org. Mis en ligne le 10 décembre 2008, consulté le 7 juin 2011
- Stéphane Hessel déchaîne les passions », L'Express, 23 décembre 2010 Nicolas Gru, «
- Hessel : après l'emballement, place aux sceptiques » sur Rue89. Mis en ligne le 8 janvier 2011, consulté le 7 juin 2011 Chloé Leprince, «
- Lorsque Stéphane Hessel et le NPA jouent avec le feu, site du CRIF, 26/11/2010
- « « Indignez-vous » les uns les autres », Libération, 30 décembre 2010. Éric Aeschlimann,
- (de) Ein paar Worte zur Resonanz des Buches „Indignez- vous!“ von Stéphane Hessel in der Rheinpfalz vom 4.1.2011, Blog « paysages », cneffpaysages.blog.lemonde.fr, mis en ligne le 5 janvier 2011, consulté le 9 janvier 2011
- (de) Indignez- vous ! – Empört euch ! Sur la une de la Rheinpfalz du Mardi 4. Janvier 2011, Blog « paysages », cneffpaysages.blog.lemonde.fr, mis en ligne le 4 janvier 2011, consulté le 9 janvier 2011
- (de) Französischer Buchmarkt – Bestseller Empörung, Frankfurter Allgemeine Zeitung, consulté 9 janvier 2011
- Vers un printemps espagnol : los « indignados » à la Puerta del Sol sur leplus.nouvelobs.com. Mis en ligne le 19 mai 2011, consulté le 7 juin 2011
- Spanish revolution : prémices d'un printemps européen ? sur leplus.nouvelobs.com. Mis en ligne le 22 mai 2011, consulté le 7 juin 2011
- Un peu partout en Europe, des Indignés « prennent la rue » » sur rtbf.be. Mis en ligne le 30 mai 2011, consulté le 7 juin 2011 Thomas Nagant, «
- Bon filon (suite) : « Enfilez-vous » plutôt qu'« Indignez-vous » » sur Rue89. Mis en ligne le 5 avril 2011, consulté le 7 juin 2011 Chloé Leprince, «
- « Indignez-vous ! » fait des petits sur bibliobs.nouvelobs.com. Mis en ligne le 19 avril 2011, consulté le 7 juin 2011
- « Epilez-vous ! », un « manuel d’indignation » illustré par Pénélope Bagieu » sur bodoi.info. Mis en ligne le 19 avril 2011, consulté le 7 juin 2011 Laurence Le Saux, «
Voir aussi
Liens externes
Catégories :- Essai de langue française
- Essai paru en 2010
Wikimedia Foundation. 2010.