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Bataille de Kasserine
La bataille de Kasserine est un épisode de la Seconde Guerre mondiale en Afrique du Nord qui s'inscrit dans la campagne de Tunisie.
Il s'agit en fait d'une série de batailles qui se sont déroulées autour de la passe de Kasserine, une dépression de trois kilomètres à travers le massif de la dorsale tunisienne de la chaîne de l'Atlas. La ville de Kasserine quant à elle se situe à l'ouest de la Tunisie.
Les forces de l'Axe engagées sont essentiellement issues de l'Afrika Korps sous les ordres du maréchal Erwin Rommel et de la 5e Panzerarmee sous le commandement d'Hans-Jürgen von Arnim. Les forces alliées dépendent du 2e corps de l'armée américaine commandée par le Major General Lloyd Fredendall.
Cette bataille est la première rencontre à grande échelle des forces américaines et allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. Les troupes américaines sans expérience du feu sont envoyées au combat de façon maladroite par leur commandement. Les conséquences sont dramatiques pour elles avec des pertes élevées et un repli de plus de 80 kilomètres par rapport à leurs positions d'origine à l'ouest de Faïd. À la suite de ces évènements, l'armée américaine effectue un certain nombre de changements dans l'organisation des unités et change le commandement. Quelques semaines plus tard, lors de nouvelles batailles, les troupes américaines se révèlent bien plus efficaces.
Sommaire
Situation générale
La Seconde Guerre mondiale fait de la Tunisie un champ de bataille imprévu après le débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie de novembre 1942 au cours de l'Opération Torch. Ce débarquement eut lieu quelques jours seulement après la percée réalisée par la 8e armée britannique du général Bernard Montgomery lors de la seconde bataille d'El Alamein en Égypte. Comprenant le danger d'une guerre sur deux fronts, des troupes allemandes et italiennes sont transférées de Sicile pour occuper la Tunisie, l'une des rares zones facilement défendables d'Afrique du Nord située à seulement une journée de navigation des bases siciliennes.
Malgré le débarquement allié, la défense de l'Axe à l'ouest reste sommaire. Mais aucun effort particulier des forces aériennes et navales alliées ne tente d'empêcher le transfert d'hommes et de matériel vers Tunis au début de la campagne, ce qui permet une arrivée importante de forces allemandes et italiennes. De plus, les troupes alliées ne progressent que lentement pour aller au contact des Allemands étant donné qu'ils négocient le ralliement des commandants des forces françaises fidèles au régime de Vichy.
Le 15 novembre, la armée britannique entre en Tunisie. Le 27 novembre, son aile gauche approche de Mateur, sur la route de Bizerte, et son aile droite atteint Djedeida dans la vallée de la Medjerda (25 kilomètres de Tunis). La Tunisie centrale est envahie. Les parachutistes américains s'emparent de Kasserine et de Gafsa. Mais malgré plusieurs tentatives pour prendre Tunis avant l'arrivée importante de troupes italo-allemandes, l'avantage défensif que procure le terrain et la mauvaise coordination alliée permet aux faibles troupes allemandes et italiennes débarquées de résister devant l'avance alliée.
Les Allemands contre-attaquent et, dès le 29 novembre, les Alliés sont arrêtés et l'offensive bloquée. Le front se stabilise sur une ligne allant du cap Serrat à Gafsa. En décembre et janvier, le général Von Arnim renforce ses troupes en Tunisie alors qu'Erwin Rommel se replie lentement de Tripolitaine vers le sud tunisien, talonné par le général Bernard Montgomery. La 8e armée britannique prend Tripoli le 23 janvier 1943 et occupe la principale base de ravitaillement de Rommel. Mais Rommel avait préparé le coup et occupe les approches sud de la Tunisie le long de la ligne Mareth construite par les Français pour défendre la Tunisie face aux Italiens. Grâce à leurs lignes de défense appuyées sur l'Atlas à l'ouest et sur le golfe de Syrte à l'est, même un faible nombre de soldats italiens et allemands pouvaient résister face aux forces alliées.
Prise de Faïd (30 janvier-3 février 1943) et de Sbeïtla (14-17 février 1943)
La situation allemande est précaire. Les troupes américaines ont déjà traversé le massif de l'Atlas et ont établi une tête de pont à Faïd au delà du massif de la dorsale tunisienne. Ils sont en excellente position pour couper en deux les forces allemandes. Rommel et l'Afrika Korps risquent de se retrouver séparés du reste des forces de la Wehrmacht et des bases de ravitaillement du nord de la Tunisie. Il est évident qu'elles ne peuvent alors pas rester sans bouger devant cette menace.
L'Afrika Korps atteint les lignes le 30 janvier. La 21e Panzerdivision défait les maigres troupes françaises défendant Faïd, sans gros effort. La 1re division blindée américaine tente plusieurs fois d'enrayer la progression allemande mais ses trois brigades subissent la classique Blitzkrieg. À chaque fois qu'ils reçoivent l'ordre de défendre une position, celle-ci est déjà tombée aux mains de l'ennemi et ils doivent subir le feu meurtrier des défenseurs allemands. Après trois jours de combat, les Américains abandonnent la partie et retirent leurs troupes dans les contreforts de la dorsale tunisienne.
Désormais, la Tunisie est presque entièrement aux mains allemandes et les approches des plaines côtières bloquées. Les Américains contrôlent encore l'intérieur du massif accidenté de la dorsale tunisienne, le prolongement de l'Atlas, mais cela n'est pas un sujet d'inquiétude pour le commandement allemand qui demande à ses troupes de tenir les débouchés du massif vers l'est. Durant les deux semaines suivantes, Rommel et ses commandants débattent des opérations à entreprendre et, compte tenu de leurs actions futures, ce report est peut-être coûteux.
Le « renard du désert » pense pouvoir améliorer son ravitaillement et éroder un peu plus la situation américaine sur son flanc en attaquant vers deux bases de ravitaillement américaines situées juste à l'ouest du versant occidental du massif de la dorsale tunisienne en Algérie. Bien qu'il n'ait aucun intérêt tactique à tenir les plaines situées au cœur du massif, une offensive rapide lui permettrait d'améliorer sa situation du point de vue du ravitaillement et bloquerait toute action américaine future.
Le 14 février, la 21e Panzerdivision se remet en route vers l'ouest et attaque Sidi Bouzid, à une quinzaine de kilomètres de Faïd, dans la plaine intérieure de la dorsale tunisienne. La bataille dure un jour mais l'utilisation trop parcimonieuse des blindés par les Américains conduit à leur défaite. À la fin de la journée, l'Afrika Korps est maître du terrain. Une contre-attaque américaine est facilement défaite le lendemain et les Allemands reprennent leur offensive le 16 février avec pour objectif Sbeïtla.
Ne disposant plus d'un terrain donnant un avantage défensif, les forces américaines se replient et établissent de nouvelles lignes sur la partie occidentale des montagnes au niveau de la passe de Kasserine qui est plus facile à défendre. À ce moment là, les Américains ont déjà perdu 2 546 hommes, 103 chars, 280 véhicules, 18 canons de campagne, trois canons antichars et toute une batterie anti-aérienne.
Déroulement (19-25 février 1943)
Le 19 février, Rommel lance plusieurs patrouilles offensives et constate que la passe de Kasserine est le meilleur endroit pour envisager un assaut. Le lendemain, il dirige personnellement l'attaque menée par la toute nouvelle 10e Panzerdivision détachée par la 5e Panzerarmee déployée dans le nord. Il espère ainsi capturer les dépôts de ravitaillement américains alors que la 21e Panzerdivision poursuit son attaque vers le nord à travers la trouée de Sbiba.
En quelques minutes, les lignes américaines sont percées. Leurs armes légères et chars légers ne font pas le poids face à l'équipement plus lourd des Allemands. De plus, leur manque d'expérience dans la guerre blindée n'améliore pas leur situation. Les Panzer IV et Tigre allemands mènent leurs attaques sans difficulté face aux chars américains M3 Lee et M3 Stuart disposant d'une puissance de feu moins importante et pilotés par des équipages bien moins expérimentés. Pour ne rien arranger, comme lors des précédentes offensives allemandes, le commandement américain est à nouveau dépassé par les évènements. L'organisation de contre-attaques ou de barrage d'artillerie prend trop de temps et les Allemands ont déjà dépassé les positions des unités américaines qui doivent engager le combat. Le scénario de l'offensive de début février se répète et la 1re division blindée américaine reçoit des ordres caducs.
Dès le second jour de l'offensive, deux de ses trois groupements tactiques sont bousculés et le troisième est globalement hors de combat. Après avoir traversé la passe de Kasserine, les forces allemandes se scindent en deux colonnes. Erwin Rommel reste avec le groupe principal de la 10e Panzerdivision qui suit la route vers le nord en direction de Thala. Dans le même temps, une force italo-allemande se dirige vers le nord-ouest en progressant sur une route plus au sud avec pour objectif Haïdra. Afin de s'opposer à la force sud de Rommel, composée de troupes italiennes et allemandes, les restes du groupement tactique B de la 1re division blindée américaine se replie de trente kilomètres dans le but de les surprendre le lendemain (soit le 20 février). Mais le groupement tactique B est bousculé une nouvelle fois et ne parvient pas à enrayer l'avance allemande.
Le moral des troupes américaines commence à sérieusement décliner et, au soir du 20 février, de nombreuses troupes se retirent en abandonnant leur équipement sur le terrain. La route est désormais grande ouverte et les dépôts de ravitaillement de Tébessa sont désormais à portée de main. Mais la résistance acharnée de petits groupes américains isolés derrière les lignes ennemies ralentit sérieusement la progression des forces de l'Axe. Ainsi, au second jour de l'offensive, des opérations de réduction des poches de résistance mobilisent l'infanterie alors que le fer de lance blindé progresse toujours le long des deux axes d'attaque.
Dans la nuit du 21 février, des éléments de la 10e Panzerdivision se postent à proximité de Thala, une ville disposant de deux liaisons routières vers Tébessa. Si Thala tombe et que la 10e Panzerdivision prend la route la plus au sud vers Tébessa, la division d'infanterie américaine se retrouverait coupée de son ravitaillement et le groupement tactique B de la 1re division blindée serait encerclé entre la 10e Panzerdivision et les troupes italo-allemandes progressant le long de la route située plus au sud. Au cours de cette nuit, de petites unités françaises, britanniques et américaines arrivent à rejoindre leurs lignes et renforcent la garnison de Thala. Toute l'artillerie de la 9e division d'infanterie, soit 48 pièces, vient également renforcer les lignes durant la nuit après trois jours de marche. Lorsque la bataille reprend le lendemain, les défenseurs sont bien plus forts. Ils sont composés essentiellement d'infanterie britannique largement appuyés par l'artillerie américaine.
En raison de ses lignes très étirées et du manque de ravitaillement, Rommel décide de stopper son offensive. Craignant que la 8e armée britannique de Montgomery puisse traverser la ligne Mareth rapidement si elle n'est pas renforcée, le « renard du désert » désengage ses troupes et se replie vers l'est. Le 23 février, une attaque aérienne américaine de grande envergure sur la passe de Kasserine précipite le repli des troupes de l'Axe et les Alliés reprennent la passe le 25 février.
Bilan
Après cette bataille, les deux camps en étudient les résultats. Pour Rommel, les troupes américaines sont de mauvaise qualité du fait à la fois de leur équipement et de leurs capacités. Ce n'est pas une menace pour lui. Il fait cependant l'éloge de quelques unités dont le second bataillon du régiment blindé américain de la 1re division blindée du général Orlando Ward. Il décrit la défense de Sbeïtla par cette unité « intelligente et bien combattue ». Durant un certain temps, les Allemands utilisent un grand nombre de véhicules américains capturés.
Du côté américain, l'étude de ce premier engagement désastreux entraîne une réaction immédiate. Le commandant du 2e corps américain, Lloyd Fredendall, est relevé de son commandement et ne prendra plus part à une action militaire jusqu'à la fin de la guerre. Dwight Eisenhower se rend compte que le général Omar Bradley et d'autres subordonnés de Fredendall n'avaient aucune confiance en son commandement. Ce jugement fut confirmé par le commandant de la première armée britannique, le Lieutenant Général Kenneth Anderson qui le qualifia d'incompétent. Le 6 mars, le général George Patton prend le commandement du 2e corps américain avec pour mission d'en améliorer l'efficacité. Bradley est nommé assistant du commandant de corps.
Plusieurs officiers sont promus ou retirés. Ainsi le général Stafford Leroy Irwin, qui commanda l'artillerie de 9e division d'infanterie durant la bataille de Kasserine, devint un talentueux commandant de division. Les commandants d'unité reçurent plus de latitude pour prendre des décisions rapides en fonction de la situation sans avoir à en référer à la hiérarchie et ils furent incités à positionner leur poste de commandement près des lignes. Au contraire, Fredendall avait construit un poste de commandement fortifié loin du front et visitait rarement les lignes. De plus, Fredendall avait l'habitude de fragmenter ses unités en groupes plus petits que les groupements tactiques et qui étaient du coup facilement encerclés et submergés.
Des efforts furent faits pour améliorer la coordination de l'artillerie et du support aérien avec les troupes au sol, coordination qui a fait défaut durant cet épisode. Alors que l'emploi d'un soutien d'artillerie devenait beaucoup plus flexible, le problème de coordination entre les troupes au sol et le support aérien rapproché américain ne fut réglé qu'avec la bataille de Normandie, seize mois plus tard.
De son côté, le 2e corps américain changea immédiatement sa doctrine d'engagement et utilisa ses divisions en tant que grande unité et non plus en plusieurs groupes plus petits avec des missions séparées comme le faisait Fredendall. Lors de la campagne de Sicile, les forces américaines avaient largement accru leurs capacités de combat.
Source
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Battle of the Kasserine Pass ».
Bibliographie
- (en) Martin Blumenson, Kasserine Pass (ISBN 0-8154-1099-9)
- (en) George F. Howe, Northwest Africa: Seizing the Initiative in the West, Center for Military History, United States Army, 1957
Filmographie
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