- Bataille de Vimy
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Bataille de la crête de Vimy
La bataille de la crête de Vimy se déroule au cours de la Première Guerre mondiale entre le 9 et le 12 avril 1917 sur les territoires de Vimy et Givenchy-en-Gohelle, près de Lens dans le Pas-de-Calais.
Le site, dominant la plaine de Lens et fortifié par l'armée allemande avait fait l'objet de multiples attaques infructueuses de la part des armées françaises et britanniques, notamment en 1915. Le 9 avril 1917, quatre divisions canadiennes unissent leurs forces et passent à l'assaut. Au prix de plusieurs milliers de morts, elles réussissent à prendre le contrôle de la cote 145 le 12 avril.
Sommaire
Préparation au combat
La prise de la crête de Vimy, la butte de la mort, dans la vision de Byng, devait se dérouler de manière rapide et efficace, et ce, afin d’éviter les carnages de la bataille de la Somme qui étaient encore frais dans les mémoires. Il n’était plus question de prendre l’objectif en quelques semaines ni même quelques jours, mais bien d’être au sommet de la crête en quelques heures seulement. Pour ce faire, il n’était pas question de lancer vers une mort certaine vague après vague d’hommes alignés en espérant que le plus nombreux l’emporte : une préparation qui allait dépasser tout ce qui s’était fait auparavant devait être faite.
Importance stratégique de la crête
La crête est sans doute l’un des points stratégiques d’importance capitale pour l’Allemagne: non seulement permet-elle de voir, de son sommet, tout ce qui se passe dans les tranchées canadiennes, mais elle protège également les mines de charbon de Lens servant grandement à l’économie de guerre allemande. Prise au tout début de la guerre, en octobre 1914, la crête est l’enjeu de nombreux assauts par les Français menés par Foch et par les Britanniques, le tout portant les pertes de l’Entente pour cette seule position à plus de 150 000 hommes.
Fortification
Lorsque les Canadiens se sont dépêchés pour prendre le front en avant de la crête, les Allemands avaient construit une place forte qu’ils considèrent imprenable. En effet, les fortifications sont imposantes : trois rangées de tranchées couvrent le versant occidental de la crête autour de laquelle s’étendent plusieurs ceintures de fils barbelés. Sur toute l’étendue de la crête on retrouve d’imposantes redoutes en béton et des abris étanches à l’eau, dont plusieurs ont l’électricité et le téléphone. Pour ajouter à l’efficacité de la logistique, les Allemands ont monté un important réseau de chemins de fer permettant l’approvisionnement rapide en obus des batteries d’artillerie. De plus, durant les deux ans d’occupation les défenseurs ont creusé un imposant réseau souterrain miné, avec lequel ils peuvent faire sauter l’ennemi en approche par le dessous. Byng, à son arrivée à Vimy, constate que les mines laissées par les Français et les Britanniques ont été grandement négligées et que l’ennemi est grandement en avance sous terre. Il ordonne donc à plusieurs unités d’ingénieurs de rattraper le temps perdu.
Évolutions dans les tactiques d'assaut
Les leçons de la bataille de la Somme
Pour s’attaquer à une telle défense, une préparation méticuleuse est essentielle et afin d’affiner sa tactique, Byng analyse avec profondeur les problèmes survenus lors de la bataille de la Somme où le contingent canadien était directement sous contrôle britannique. De prime abord, la stratégie alors mise en place par le commandement britannique s'est imposée de par l’étroitesse du front canadien. Une fois l'ordre d'assaut donné, l’avancée se fait par lignes successives - plus il y avait de lignes, plus on considérait que l’attaque avait des chances de succès. Le barrage d’artillerie constituait donc une ligne, les tranchées une seconde, auxquelles s'ajoutent les vagues successives d'infanterie. Les hommes de troupe ayant souvent peu subi l'épreuve du feu, il est plus facile pour les officiers de garder le contrôle sur leurs troupes. Cependant, les officiers subalternes n’ont aucun vrai choix stratégique à effectuer pour commander l’avance et ne peuvent qu’exhorter leurs troupes à avancer et à tenir la ligne. Ils commandent par et pour l’exemple. Après l'assaut initial, ceux des fantassins qui ont, par chance, réussi à traverser le no man’s land parsemé des barbelés (qui devaient avoir été détruits par l’artillerie) se retrouvent devant des troupes en parfaite condition physique et très peu touchées, puisque l'artillerie n’a pas réussi à détruire "Régina", nom de la première tranchée ennemie. De plus, une fois cette tranchée prise, ils doivent faire face aux féroces contre-attaques allemandes. En conséquence de cette stratégie du nombre, les pertes infligées par l’ennemi sont terribles et donnent aux hommes l'impression d'avoir été utilisés comme vulgaire chair à canon. Byng analyse donc ces différents problèmes majeurs : l’organisation de l’avancée, la gestion du moral des troupes, la précision et l’efficacité de l’artillerie ainsi que la résistance aux contre-attaques.
Solution aux problèmes
De manière systématique, Byng se met à régler ces problèmes et il en sort des solutions révolutionnaires notamment sur l’organisation de l’avancée. Jusqu’à ce moment dans la guerre, lorsqu’une partie de l’attaque rencontrait une résistance féroce, toute l’avancée arrêtait et on envoyait plus d’hommes là où se situait le problème, augmentant ainsi de beaucoup les pertes inutiles. Toutefois, les ordres de Byng sont différents, il faut renforcer le succès et non l’échec ainsi :
« Si une division ou une brigade est tenue en échec, les unités qui la flanquent ne doivent en aucun cas interrompre leur progression. Elles formeront plutôt des flancs défensifs dans cette direction et avanceront elles-mêmes de manière à envelopper l’emplacement fortifié ou le centre de résistance qui fait obstacle. C’est en fonction de cet objectif qu’on lancera les réserves derrière les sections de la ligne où l’avance aura réussi, et non celles où elle aura été retenue. »
De plus, il revient aux méthodes de la guerre de mouvement en utilisant la technique de tir et mouvement. Aussi, il impose des intervalles sur lesquels les troupes de réserves enjambent les troupes du front afin de continuer la poussée avec des troupes fraîches. La confiance et le moral des troupes sont améliorés en leur permettant de prendre des décisions sur le terrain et en les informant le plus possible sur les objectifs. Dans cette vision, on construit une maquette reproduisant avec précision le champ de bataille et il est donné la possibilité à chaque soldat de l’étudier à sa guise. Ainsi, tout soldat connaît non seulement son objectif, mais également celui de ses voisins. Il est donné à tous les grades de caporal en montant des cartes détaillées du terrain, chose qui n’avait jamais été faite, afin de montrer leur importance dans le processus décisionnel sur le champ de bataille.
Artillerie
Pour ce qui est des problèmes de l’artillerie, ils sont réglés de manière technologique. Au lieu des vieux obus qui explosent une fois qu’ils se sont enfoncés dans le sol ou encore dans les airs et ne faisant aucun dégât aux barbelés, on utilise le nouvel obus (no 106) explosant sur impact et détruisant donc les fils barbelés. Andrew McNaughton, officier de contre-batterie et scientifique ayant étudié sous Ernest Rutherford à Université McGill, invente avec l’aide d’un nouvel appareil, l’oscilloscope, une méthode afin de déterminer avec précision l’emplacement des pièces ennemies avec le flash provenant de la bouche du canon lorsqu’il fait feu.
Les barrages d’artillerie sont perfectionnés jusqu’au standard requis par Byng pour son assaut.
On utilisera la technique de feu roulant : toutes les 3 minutes, l'artillerie tirera une salve 100 m devant la vague d'infanterie. Cette technique, mise au point par les Allemands, nécessite un véritable entraînement pour coordonner l'infanterie et l'artillerie, surtout sans les moyens de communication radio moderne.
Unités spéciales
La problématique de tenir le terrain est réglée en intégrant dans les unités des spécialistes tels que des mitrailleurs et des artilleurs entraînés sur les canons allemands. La vitesse de l’avancée étant trop grande pour permettre d’emmener les pièces canadiennes sur les nouvelles positions, il faut donc utiliser les pièces prises à l’ennemi. De cette manière, chaque unité est capable de tenir le terrain qu’elle a pris à l’ennemi en pouvant positionner dès son arrivée des mitrailleurs et des canons afin de repousser les contre-attaques qui suivront invariablement.
Des tunnels
Des tunnels de quelques kilomètres sont creusés, débouchant au plus près des lignes allemandes. Ceux-ci permettront aux renforts de se déployer sur leur ligne de départ de manière discrète et sans perte sous les tirs de barrage allemands.
Un de ces tunnels peut être visité sur le site de Vimy.
En somme, la préparation afin de prendre la crête de Vimy par assaut frontal est longue et laborieuse, mais comme on le verra par la suite, s’avérera d’une efficacité déconcertante pour les défenseurs allemands terrés dans leur blockhaus.
Assaut
Objectifs
Le plan de l’assaut de la crête est simple dans son ensemble, une destruction massive des positions ennemies par l’artillerie suivie d’un assaut frontal, mais l’application est beaucoup plus laborieuse. Les objectifs à atteindre sont déterminés par les défenses allemandes et par la géographie de la crête.
L’attaque doit se dérouler en cinq phases principales :
- La prise de la ligne noire comprenant environ la moitié de la crête
- La ligne rouge, la cote 145 et la ferme La Folie
- La ligne bleue, le village Thélus et la cote 135
- Ligne brune et les batteries dans le bois Farbus et Goulot
- Prise du « Bourgeon ».
Plan
Toutefois, il ne suffit pas d’attaquer en une marée humaine s’élançant sur les objectifs : Byng a établi un échéancier précis pour chaque division. L’assaut doit commencer à 05h30 après un bombardement intensif de plusieurs jours des positions allemandes. Une fois la ligne noire prise, toutes les divisions font une pause de 40 minutes afin d’assurer leur position sur la crête, puis on pousse vers la ligne rouge qui devrait être atteinte 20 minutes plus tard, à ce point, les divisions 3 (Lipsett) et 4 (Watson) se trouvent devant la cote 145 et les divisions 1 (Currie) et 2 (Burstall) prennent une pause de deux heures et demie pour fortifier l’endroit et avancer quelques pièces d’artillerie. À ce point, les troupes de réserve enjambent celles du front et foncent vers la ligne brune. Après une pause de 90 minutes, elles prennent d’assaut la ligne brune. Une fois la crête sécurisée, il sera alors possible d’organiser un assaut sur le « Bourgeon », la cote 145, le point le plus élevé de la crête. Il ne restera alors qu’à établir des lignes permanentes de défense. La planification est si bien préparée par Byng et son état-major que le moment du combat venu, peu de choses lui restaient à faire sinon, d’attendre de monter lui-même sur la crête pour féliciter ses hommes.
Combat
Prélude
Comme prévu, le 20 mars 1917, la moitié de la puissance d’artillerie ouvre le feu afin de détruire systématiquement les places fortes et les batteries ennemies. Le 2 avril, toute la puissance des 983 pièces s’évertue à détruire routes, tranchées, lignes de communication de toute sorte. Le 8 avril, les hommes se préparent à l’assaut avec un rassemblement avancé près du front. Le lendemain matin, à 04:00 près de 30 000 hommes prennent position sur le front à 100 verges des tranchées allemandes. À 05:30, un unique canon isolé retentit au loin. Sur ce signal, l’enfer se déchaîne sur le champ de bataille, au même moment, toute l’artillerie disponible, appuyée par les mines souterraines bourrées d’explosifs, font voler en éclat les positions allemandes.
Montée sur la crête
L’infanterie, protégée par le barrage d’artillerie se lève et fonce vers les tranchées ennemies. L’artillerie fait pleuvoir les obus sur la première ligne pendant trois minutes, puis avance de 100 verges toutes les trois minutes au fur et à mesure que l’infanterie avance. Les Allemands sont pris totalement par surprise dans leurs abris et n’ont pas le temps de regagner leur poste avant que l’infanterie canadienne ne tombe sur eux. La première ligne est prise sans difficulté, mais la seconde offre plus de résistance. Déjà, à 06h25, les divisions 1,2 et 3 ont pris 750 verges de terrain. Comme prévu, les réserves enjambent le front et prennent la relève. Arrivés au sommet de la crête, les Canadiens peuvent voir les Allemands qui dégringolent la pente orientale. La 4e Division a des difficultés à s’emparer de la côte 145, point le plus élevé de la crête. À 18h00, la 11e Brigade prend la cote d'assaut et elle tombe en fin de soirée. Le 12 avril à 06h00 le « Bourgeon » est sécurisé.
En somme, le combat s’est déroulé de façon exemplaire, suivant, la prise de la cote 145 exceptée, le plan d’attaque de Byng. Les Canadiens sont maîtres de la crête au prix de 3 598 morts et 7 104 blessés.
Impact de la bataille
L’impact du combat n’est pas qu’une défaite importante pour la Triplice : cette défaite conduit l'armée allemande à réévaluer sa doctrine défensive sur le front Ouest. Dans le boqueteau 125, Ernst Jünger évoque à la fois le choc causé par "un revers particulièrement douloureux sur les hauteurs de Vimy" et ses conséquences : "(...) on vit paraitre un ordre de l'armée qui enjoignait de faire sauter les sapes et de ne plus jamais construire en première ligne des abris enterrés à une profondeur supérieure à deux métres"[1]. Et l'écrivain, lieutenant de l'armée allemande d'évoquer en les opposant, "l'époque formidable" des abris creusés à plus de dix mètres sous terre, mais au sortir desquels on pouvait être accueilli "chaudement" (et c'est bien ce qui se produisit à Vimy) d'avec la période suivante synonyme de bien des pertes "passives" en hommes, évidemment bien peu protégés sous de minces couches de terre lors d'un bombardement vif.
Les conséquences tactiques et stratégiques de la bataille.
D'un point de vue militaire, la bataille de la crête de Vimy est un exemple du passage des batailles du XIXé siècle au combat moderne de la guerre totale. Vimy illustre l'évolution tactique et stratégique du conflit, en cela que "la guerre de forteresse" caractéristique de la première phase du conflit, laisse la place à une tactique du champ de bataille et une stratégie tournée vers un mouvement qui n'échoue plus nécessairement sur les défenses adverses, au prix de pertes humaines effroyables. Le mouvement reprend sa place au coeur des batailles de matériel. Une meilleure corrélation entre le choc et le feu contribue à déverrouiller l'impasse stratégique du front occidental. Et c'est bien, suite à Vimy, l'année 1918, la plus meurtrière pour l'armée allemande, qui renoue véritablement avec le mouvement, à l'initiative des offensives allemandes du printemps. Celles-ci arrivent à une corrélation parfaite entre la puissance considérable du feu roulant et la progression de l'infanterie de choc sur les positions ennemies. Ainsi, Vimy est, tout comme la bataille de Cambrai, une bataille prototype de celles qui améneront le déblocage du front occidental et la précipitation apparente de la fin du conflit[2].
Byng quant à lui, fut nommé vicomte de Vimy et la cote 145 fut donnée au Canada par le gouvernement français en signe de gratitude pour le sacrifice de ses fils. C'est donc sur ce site que sera érigé entre 1925 et 1936 le monument commémorant les 66 000 victimes canadiennes de la Première Guerre mondiale (voir l'article sur le mémorial de Vimy).
La croix de Vimy
Après la bataille de la crête de Vimy, l’armée canadienne érigea sur le site de la bataille une croix de bois à la mémoire des disparus de cette bataille. Lors de la construction du mémorial de Vimy, cette croix fut confiée à la garde du Royal 22e Régiment et placée à la Citadelle de Québec. Elle fut rénovée en 1947 et 1978. Cette croix est toujours utilisée lors de cérémonies de commémoration de la bataille de la crête de Vimy (comme le 14 avril 2007).
Le mémorial de Vimy
La bataille est commémorée par le mémorial de Vimy, situé au sommet de la côte 145 entre Vimy et Givenchy-en-Gohelle dans le Pas-de-Calais. C'est le plus grand monument aux morts canadien.
Article détaillé : Mémorial de Vimy.Notes et références
Références
- Berton, Pierre, Vimy, Toronto, McClelland and Stewart, 1986
- « La crête de Vimy » - Histoires orales de la Première Guerre mondiale : Les anciens combattants de 1914 à 1918, Bibliothèque et Archives Canada
- Christie, N.M., Les Canadiens à Vimy, avril 1917, Arleux, 28 avril 1917, Fresnoy, 3 mai 1917 : une histoire sociale et une visite guidée des champs de bataille, Nepean, Ont., CEF, 1997 ; traduction de The Canadians at Vimy: April 1917, Arleux, April 28, 1917, Fresnoy, May 3, 1917 : a social history and battlefield tour (For king and empire) (ISBN 978-0969903956)
- Greenhous, Brereton et Stephen J. Harris, Le Canada et la bataille de Vimy, Montréal, Art Global 1992
- (en) Hayes, Geoffrey, Vimy Ridge : a Canadian reassessment, Waterloo, Ont., Wilfrid Laurier University Press, 2007 (ISBN 9780889205086)
- (en) William, Jeffery, Byng of Vimy, General and Governor General, Londres, Leo Cooper, 1992
- Miquel, Pierre, La Butte sanglante - La Tragique Erreur de Pétain, Plon, 2006.
Liens externes
- La bataille de la crête de Vimy, 9-12 avril 1917 sur le site de Museedelaguerre.ca
- La bataille de Vimy sur le site de Anciens Combattants Canada
- Site d'information sur le Mémorial Canadien de Vimy
- Vivez Vimy - multimédia (Anciens Combattants Canada)
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