- Bataille de Surobi
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Embuscade de Surobi
Embuscade de Surobi
District de Surobi (en vert à droite), à 50 km à l'est de Kaboul (kaki au centre). Informations générales Date 18 août 2008 Lieu 50 km à l'est de Kaboul Issue Indécis. FIAS maître du terrain mais succès de propagande pour les insurgés. Belligérants France
États-Unis
AfghanistanHezb-e-Islami Gulbuddin[1]
Insurgés talibansCommandants Général Michel Stollsteiner Gulbuddin Hekmatyar
Commandant FaroukiForces en présence 100 hommes initialement
300 hommes de renfort[2]140 hommes initialement[3]
150 hommes de renfortPertes 10 morts et 21 blessés français[4]
1 mort et 2 blessés afghans30-80 morts et 30 blessés
(déclaration de la FIAS)[5][6]
10 morts (déclaration des talibans)Notes Pertes civiles : De 20[7] à 40 morts, 2 000 réfugiés[3]. Guerre d'Afghanistan Batailles Mazar-e-Charif – Hérat – Poche de Kunduz – Prise de Kaboul - Qala-e-Jangi – Kandahar - Tora Bora – Opération Anaconda – Opération Jacana – Opération Red Wing – Lashkagar – Opération Mountain Thrust – Opération Kaika – Sangin – 1ère Panjwaye – 2ème Panjwaye – Opération Médusa – Opération Mountain Fury – Opération Falcon Summit – Opération Achilles – Opération Hoover – Chora – Base Anaconda – Opération Harekate Yolo – Musa Qala – Opération Karez – Gora Prai (en) – Prison de Sarposa – District d'Arghandab – Wanat – Opération Hammer - Bataille de Shewan - Surobi – Opération Eagle's Summit – Balamorghab - Opération Dinner Out - Chahar Dara - Opération Panther's Claw - Opération Strike of the sword — Dahaneh L'embuscade de Surobi[8], ou bataille de Surobi[4] (aussi écrit Saroubi[7]) ou embuscade de la vallée d'Uzbin[1] (aussi écrit Uzbeen[7]) est un engagement militaire entre une patrouille de la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) composée de soldats français, afghans et américains, et des insurgés talibans et du Hezb-e-Islami Gulbuddin dans le cadre de la guerre d'Afghanistan. Elle s'est déroulée les 18 et 19 août 2008 à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul autour du village de Sper Kunday[Note 1], dans la vallée d'Uzbin, au nord du district de Surobi[Note 2],[9].
Dix soldats français ont été tués et 21 autres ont été blessés. Les pertes pour l'armée française ont été les plus élevées en une seule fois depuis l'attentat du Drakkar à Beyrouth, en 1983, qui avait coûté la vie à 58 soldats français[10]. Cette embuscade a infligé le plus grand nombre de victime à la FIAS depuis deux ans[4] et a eu une réaction politico-médiatique internationale[4],[11],[12],[5]. En France, les répercussions ont provoqué un débat politique sur la pertinence de la présence française et internationale en Afghanistan, ainsi que sur le niveau opérationnel de l'armée française.
Sommaire
Contexte : la deuxième guerre d'Afghanistan
Articles détaillés : Guerre d'Afghanistan (2001) et Forces françaises en Afghanistan.Depuis le renversement du régime taliban par la coalition internationale en 2001, la situation n'a cessé de se dégrader pour la FIAS, avec une recrudescence des attaques terroristes et de guérilla et donc une augmentation des pertes militaires, qui ont dépassé, au cours de certains mois de l'année 2008, celles subies dans la guerre d'Irak pour les forces américaines qui représentent la majorité des effectifs de la FIAS. Alors que la production afghane d'opium – en 2008, elle représentait 93% de sa production mondiale[13] – a repris de plus belle et que l'argent de son trafic finance aussi bien des responsables du gouvernement afghan que les talibans[14], près de la moitié du pays échappe au contrôle du gouvernement afghan qui n'exerce qu'un contrôle limité en dehors de Kaboul. C'est ce qui conduit l'ONU à craindre, fin 2006, que l'Afghanistan ne devienne un état en déliquescence[15].
C'est dans ces conditions que les États-Unis et le Canada – impliqués dans des engagements armés dans différentes régions du pays – demandent de l'aide à leurs alliés de la coalition, dont la France, qui avaient jusqu'ici une mission de « stabilisation du pays » et d'appui au gouvernement. Le Canada, qui a le même effectif en place que la France et a perdu 80 hommes, contre 14 pour les français, va même jusqu'à menacer de retirer ses troupes[7]. Devant la situation et malgré le fait qu'il avait suggéré un retrait des troupes françaises pendant la campagne électorale de 2005, le président français Nicolas Sarkozy annonce en novembre 2007 un renforcement des effectifs militaires français qui étaient alors de 1 100 hommes, précisant que « l'échec n'était pas une option »[16]. Les forces françaises qui, jusqu'ici, se cantonnaient surtout à la formation des forces afghanes et au maintien de l'ordre dans la région de Kaboul, dans la cadre de la « stabilisation du pays » décidé par l'ancien président Jacques Chirac et le gouvernement Jospin, vont passer à un engagement armé[7]. 2 600 soldats français sont déployés en Afghanistan en août 2008[17].
Situation à Surobi avant l'embuscade
Jusqu'à août 2008, le district de Surobi est sous la responsabilité de 140 soldats italiens, qui ont entrepris des actions civilo-militaire et des projets de développement en faveur de la population locale, dans le cadre de la stratégie « d'approche compréhensive » de la FIAS, comme par exemple en rénovant des écoles, le gouvernement italien considérant que le mandat de la FIAS se limite à la stabilisation du pays sans engagement armé[7]. Le district est présenté par l'OTAN comme un exemple de réussite dans le rétablissement de la sécurité et il est considéré comme un secteur militaire tranquille. Cependant certains officiels reconnaissent qu'il y avait encore des poches de résistance d'insurgés dans des zones isolées comme la vallée d'Uzbin. Des militants taliban et des forces loyales au seigneur de guerre Gulbuddin Hekmatyar sont reconnues comme actives dans le district[12].
En août, suite au changement de commandement de la région centre de la FIAS, qui passe de l'Italie à la France, les forces françaises en Afghanistan remplacent les Italiens dans la base de Tora qui contrôle la route reliant Kaboul à la frontière pakistanaise[18]. Contrairement aux Italiens qui se cantonnaient à des actions humanitaires, les Français commencent des patrouilles militaires dans ce secteur stratégique, les taliban ayant des bases arrières au Pakistan[7]. Les soldats français font une reconnaissance dans la vallée trois jours avant l'embuscade, et ils sont prévenus de ne pas aller plus loin par des villageois[19].
Déroulement de l'embuscade
Disposition des forces
Le 18 aout, une patrouille composée d'une centaine d'hommes quitte la base opérationnelle avancée de Tora à bord d'une vingtaine de véhicules blindés. Elle comprend une section du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine Carmin 2, une section du régiment de marche du Tchad Rouge 4 accompagnés de 2 sections : une de l'Armée nationale afghane (ANA), l'autre de la garde nationale, composées de 15 hommes sur 2 pickups, et 12 membres des forces spéciales des États-Unis, composés d'une équipe de soutien aérien rapproché JTAC et son escorte[20]. La mission consiste à reconnaitre le terrain et prendre contact avec les populations, point important dans une guerre contre-insurrectionnelle[21], c'est-à-dire reprendre une zone abandonnée aux talibans[22]. La vallée d'Uzbeen est moins déserte que les autres vallées alentour et est peuplée de 30 000 habitants[21]. La patrouille s'attend à trouver des insurgés talibans dans la vallée[8].
Pendant ce temps, 140 insurgés prennent position sur le col que la patrouille doit traverser. Cette préparation des insurgés avait fait suspecter une fuite d'information volontaire ou forcée provenant notamment de traducteurs afghans, disparus peu auparavant du camp de Tora[7]. Cette information a été démentie par l'armée française et par les talibans, qui ont précisé qu'ils avaient des guetteurs et préparé des caches d'armes dans les environs[3]. Le groupe taliban est constitué principalement de combattants étrangers selon un communiqué du secrétaire général de l'Élysée[23], information démentie par un des chefs du groupe taliban qui admet cependant une aide en armes, combattants et financement de l'étranger[3].
Une enquête du Parisien montre que l'embuscade a d'abord été improvisée par des responsables locaux du Hezb-e-Islami Gulbuddin, parti islamiste armé considéré comme terroriste par la FIAS et qui tient la vallée d'Uzbin, auquel se serait joint les talibans devant l'ampleur de l'opération[1]. Une autre enquête du Nouvel Observateur a confirmé cette répartition des forces, qui était constituée aussi de villageois des environs affiliés à l'une ou l'autre des organisations. L'embuscade a été préparée dans le cadre d'une stratégie des insurgés d'encerclement de la capitale afghane, l'OTAN dépendant à 70% des approvisionnements passant par cette route qui va jusqu'à Jalalabad et au Pakistan. L'ordre a été donné depuis le siège du mouvement Hezb-e-Islami Gulbuddin basé au Pakistan, en concertation avec les talibans[24]. Cependant, des commandants talibans ayant participé à l'embuscade affirment que le Hezb-e-Islami Gulbuddin n'a pas participé à l'attaque, et que celle-ci a été préparée en deux heures à peine par trois unités de talibans afghans. Une partie d'entre eux vit au Pakistan qui n'est qu'à trois heures de la vallée de Surobi. Le pays et les zones tribales pakistanaise abritent des millions de réfugiés afghans, la frontière est extrêmement poreuse et permet le passage de combattants ou de nombreux trafics tel que l'opium et les armes. Ces talibans étaient généralement soutenus par les services secrets et une partie du gouvernement pakistanais du président Pervez Musharraf. Une certaine rivalité existe entre les talibans et le Hezb-e-Islami Gulbuddin qui ne sont alliés que momentanément contre les forces de la FIAS[25].
Embuscade et tentative d'encerclement des troupes françaises
Vers 13 heures 30, après avoir débarqué de quatre véhicules de l'avant blindé (VAB) parce qu'il était impossible de poursuivre par la piste[21], une partie de la section Carmin 2 accompagnée d'un légionnaire du 2e régiment étranger de parachutistes et d'un interprète, soit 24 hommes, effectue à pied une reconnaissance d'un petit col à 1 750 mètres d'altitude situé à l'est de la vallée d'Uzbeen et contrôlant les accès dominant le village de Sper Kunday, et situé à 10 kilomètres à peine de leur base[7]. Les quatre VAB de Carmin 2 et leurs équipages, soit 8 hommes, restent en soutien au pied du col, plus loin se trouve la section Rouge 4[2]. La section de l'ANA est retardée suite à une panne et rejoindra le village plus tard. La section de la garde présidentielle, en fait une unité de police, garde un barrage plus bas dans la vallée.
La colonne s'étalant, les premiers éléments arrivent à 15 heures 30[26] ou 15 heures 45[21] selon les sources à 50 mètres du but. C'est alors que les talibans, situés sur la crête nord, ouvrent le feu[27] avec des fusils de sniper SVD Dragunov[20], des fusils d'assaut AK-47 et des lances-roquettes RPG-7. L'avant garde de la section Carmin 2 est débordée, prise par surprise et combattant a un contre 5. Les combats sont confus, ont lieu dans la poussière, les belligérants sont très proches et il y a des pertes des deux côtés dès les premières minutes de l'engagement. Le chef de section, l'adjudant Gaëtan Evrard, blessé, compare à la radio la situation à la bataille de Bazeilles[20]. L'interprète et un opérateur radio sont mortellement blessés, une deuxième radio est détruite et la colonne se disperse pour chercher des abris et s'éparpille sur 200 mètres[2]. Simultanément, les talibans attaquent depuis une crête au nord du village l'arrière de Carmin 2, c'est-à-dire le groupe de VAB qui est 600 mètres plus bas[2]. Les VAB répliquent à la mitrailleuse de 12.7mm pour soutenir l'avant de la colonne qui est fixée, c'est-à-dire immobilisée par les tirs ennemis. Les soldats français décrivent des talibans combattant avec des techniques occidentales, et ayant parfaitement préparé l'embuscade, coinçant les Français dans ce qui est décrit par les survivants comme une « zone [qui] était comme un fer à cheval. Nous étions en plein centre, encerclés.»[2] La section Rouge 4 du régiment de marche du Tchad, qui était placé en appui à un kilomètre du village, se porte au secours de la section prise sous le feu et atteint les abords de Sper Kunday huit minutes plus tard, mais sans faire la jonction avec l'arrière de Carmin 2, toujours fixée, et ne peut que la soutenir à distance avec ses mitrailleuses et quatre tirs de missile Milan. Elle est aussi engagée par les tireurs talibans[21] et ne peut déployer ses mortiers, pourtant réclamé par Carmin 2. Les positions des talibans sur les crêtes d'un cirque leur permettent de manœuvrer pour essayer d'encercler la patrouille en descendant vers les abords du village. La patrouille est prise au piège[26] et presque encerclée[8], elle peine à maintenir libre l'accès vers la vallée.
La patrouille demande des renforts dès 15 heures 52, puis le chef de section de Carmin 2 demande un appui aérien, à 16 heures 10, guidé par l'équipe JTAC américain. Deux McDonnell Douglas F-15 Eagle américains en alerte arrivent quelques minutes plus tard mais ne peuvent bombarder car français et talibans sont trop proches les uns des autres[26], une manœuvre tactique des talibans qui avaient anticipé la riposte aérienne[21]. Les Fairchild A-10 Thunderbolt II arrivent 10 minutes plus tard, mais sans pouvoir tirer dans l'immédiat, eux non plus, à cause de l'imbrication. Une autre explication est que le JTAC américain était encore en formation et n'a probablement pas pu fournir un ciblage complet[28], ce groupe a été relayé une heure plus tard par un autre JTAC américain posté sur une crête proche.
La position est intenable pour la partie de Carmin 2 en haut du col qui essaye de se mettre à couvert des tirs croisés extrêmement précis en ripostant au Famas, des duels de snipers ont lieu, les talibans sont si proches que les français utilisent des grenades à main pour se dégager, certains soldats se sacrifient pour couvrir la retraite de leur section et de leur sous-officier, maintenir le contact radio ou pour tenter de secourir les blessés[20]. Les munitions commencent à manquer pour Carmin 2[2],[20]. Le lieutenant qui dirige la section rouge 4 dira plus tard que « C'est un miracle qu'on s'en soit sorti ! »[8].
Arrivée des renforts
La force de réaction rapide appelée en renfort depuis Tora rejoint la zone de combat une heure vingt minutes après le début de la bataille, soit 17 heures 05. Elle est composée d'une section Rouge 3 du Régiment de marche du Tchad et Carmin 3 du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine, renforcée d'un groupe d'appui disposant de mortiers, de VAB avec canons de 20 mm et de missiles Milan ainsi qu'une équipe EOD. Elle est prise à partie avant d'arriver au village mais réussit à fournir un tir d'appui à Carmin 2 et Rouge 4[21] et ravitailler l'équipage des VAB de Carmin 2 en munitions[2]. Pendant ce temps, les talibans reçoivent également des renforts.
À 17 heures 50 les talibans continuent l'encerclement malgré les renforts et s'approchent dangereusement de Sper Kunday. La situation devenant critique les Fairchild A-10 Thunderbolt II et les Bell OH-58 Kiowa commencent leurs appuis aériens malgré la proximité des combattants. Ils attaquent les positions des insurgés pendant une heure pour les empêcher d'encercler Sper Kunday et de poursuivre les éléments de Carmin 2 qui commencent à regagner le village[21], le plus souvent par petits groupes. Certains témoignages de soldats feront état de tirs amis lors de ces bombardements ou par des soldats de l'armée nationale afghane[22],[2], informations démenties par l'état-major. Deux hélicoptères UH-60 Black Hawk américains essayent d'évacuer les blessés mais ne peuvent se poser à cause des nombreux tirs talibans[26].
À 18 heures 15 deux hélicoptères Eurocopter EC-725 Caracal venus de Kaboul déposent un médecin, des commandos de l'air puis, lors d'une deuxieme rotation, quatre tonnes de fret dont trois et demi de munitions qui ont été immédiatement acheminé aux éléments sous le feu [29]. Ils évacueront plus tard les premiers blessés. Les deux hélicoptères Caracal étaient au préalable retenus par leur mission d'extraction du Président Hamid Karzaï mission pour laquelle ils étaient la seule escadrille entrainée et disponible. Les deux hélicoptères ainsi que le personnel soignant et les commandos de l'armée de l'air déposés sur la zone de combat, assureront ravitaillement et évacuation médicale de 18 heures 00 à 8 heures 00 le lendemain matin, soit 14 heures en continu[29]. À 18 heures 25 les mortiers de 81 mm du groupe de renfort commencent leurs tirs[26].
Au crépuscule vers 19 heures 30, Carmin 2 continue à se désengager, mais l'essentiel de la colonne est toujours quasiment encerclée, les talibans essayant encore d'encercler le village et les mitrailleuses de 12.7 de Carmin 2 commencent à manquer de munition[20]. En tout certains éléments de Carmin 2 vont rester 4 heures encerclés sans renfort, dont une bonne partie sans autre munition que celles de leur FAMAS[22], d'autres plus de huit heures[20]. Une partie d'entre eux a l'impression d'avoir été abandonnés, mais l'état-major souligne que la perception du temps au cours d'un combat est altérée et que la compréhension des événements est réduite.D'autres ravitaillements en munitions et surtout en eau ont été effectués pendant la nuit.[2].
Une demi-heure plus tard, les renforts en provenance de Kaboul arrivent par la route. Ils sont constitués de trois sections du RMT ainsi que des appuis lourds sous la forme de mortier de 120 mm. Les premiers blessés sont évacués par hélicoptères. Des drones Predator guident les tirs alors qu'il fait nuit[21]. Un des chefs taliban de l'embuscade, le commandant Farouki, déclarera plus tard que si la nuit n'était pas tombée ils auraient tué tous les français[3].
Reprise du contrôle de la Zone par la FIAS
Dès 21 heures, la section Carmin 3 entreprend l'ascension du col pour dégager et ramener les hommes vivants ou morts[2]. À 22 heures 00, les renforts venant de Kaboul reprennent les abords du village. Des hélicoptères Bell OH-58 Kiowa et des avions Lockheed AC-130 américains traitent les crêtes aux alentours. Deux heures plus tard la zone est sous contrôle, les tirs ont cessé à Sper Kunday et la section Carmin 3 suivie de la section Rouge 3 du RMT reprend les positions perdues sur les pentes menant au col. À 1 heure 40 du 19 août, les premiers corps des soldats sont retrouvés[21]. Pendant la nuit les forces spéciales norvégiennes aident à retrouver et à évacuer les morts[30]. La plupart des cadavres ont été dépouillés[7] et certains corps ont été retrouvés alignés[31]. Les derniers ne seront retrouvés que le matin[26]. Tout au long de la nuit, les éléments de Carmin 2 coincés en haut du col redescendent en rampant dans l'obscurité, parfois à quelques mètres des talibans[2].
À l'aube les troupes de la FIAS ont repris le contrôle du col, où une section Carmin 1 est héliportée en renfort en Caracal. Ses éléments commencent à reconnaître les crêtes commandant le col, mais ils sont rapidement pris à parti par des tirs de mortier, d'armes légères et de mitrailleuse depuis le nord. Ils réussiront à se dégager et à détruire les positions de leurs assaillants en réglant un tir de mortier de 120 mm. À midi les talibans ont fui, la vallée est à nouveau sous contrôle de la FIAS qui procède au désengagement complet[21].
Poursuite des talibans et accusations de représailles sur des civils
Des bombardements ont lieu dans la nuit sur les talibans qui se sont repliés dans la province de Laghmân. Ayant eu des morts et des blessés, ils se sont séparés pour aller vers trois villages non loin de l'embuscade, villages qui ont été bombardés pendant trois jours par les forces de l'OTAN, faisant 40 morts civils, des dizaines de blessés, détruisant 150 maisons et créant 2 000 réfugiés[3]. Un des villages a reçu 70 bombes et beaucoup d'habitants afghans considèrent ces bombardements comme des représailles[3]. Le général Georgelin devant la commission de défense des forces armée mentionne comme résultat que ces bombardements permettent « de détruire deux énormes caches destinées à la logistique des insurgés », mais sans évoquer des dommages collatéraux[21]. Pour les services secrets afghans, ce sont surtout des femmes et des enfants qui ont été tués dans les bombardements de l'OTAN, prouvant la participation des hommes à l'embuscade[24]. Le village de Sper Kundai a également subi quatre tirs de missiles Milan français selon des témoignages militaires[7]. Le commandant taliban Farouki qui a dirigé une partie de l'embuscade déclarera plus tard qu'« une maison bombardée, c'est un nouveau combattant à nos côtés. Ça s'appelle l'esprit de vengeance. C'est normal. Surtout ici. »[3]
Bilan
Les pertes de la FIAS sont surtout lourdes pour les militaires français qui selon l'armée, perdent 10 hommes dont 8 tués par balles ou éclats d'obus, un tué à l'arme blanche et un dernier dans un accident alors qu'il se rendait sur les lieux du combat, mais des témoignages de soldats font état de plusieurs Français égorgés[32]. L'interprète afghan qui accompagnait les Français a été tué après avoir été torturé et son cadavre a été retrouvé mutilé[1]. Il y a en outre 21 blessés français et l'armée afghane compte 2 blessés. Les premières communications officielles évoquaient des pertes françaises seulement lors des premiers tirs talibans alors que des soldats témoins ont évoqué des pertes tout le long de l'affrontement[22], certains morts ayant succombés à leurs blessures car ne pouvant être évacués[2]. Le fait que les corps ont été retrouvés alignés et certains témoignages indiquent que quatre soldats français capturés auraient pu être exécutés, information démentie par l'armée française et le gouvernement[31]. Des commandants talibans ont affirmé ne pas avoir torturé les blessés mais les avoir achevés[25]. La section Carmin 2, celle fixée en haut du col, compte à elle seule 9 morts et 17 blessés pour 31 hommes engagés[33]. Selon un porte parole des talibans, cinq véhicules ont également été détruits, et des mines ont été utilisées au cours de l'attaque[22].
L'ampleur des pertes talibanes est plus débattue, l'état major français parlant de 30 à 80 morts talibans, alors qu'un seul cadavre a été découvert au lendemain de l'embuscade par les troupes de la FIAS selon des sources du Canard enchaîné[34], confirmé plus tard par l'armée française[35]. Le 24 septembre 2008, le chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar revendique la responsabilité de l'attaque, et affirme que dix de ses hommes sont morts dans les combats[36]. Les talibans ont également perdu selon l'armée française un important cadre fondamentaliste[5].
Quatre missiles Milan ont été tirés contre le village de Sper Kunday, et des attaques aériennes ont été lancées contre d'autres hameaux le lendemain. Selon l'agence Pajhwok, ces attaques auraient fait de plusieurs dizaines[7] à quarante victimes civiles et 2 000 réfugiés[3].
Si l'embuscade représente les pertes les plus élevées en une seule fois depuis 25 ans pour l'armée française, elle n'est pas un acte exceptionnel ou isolé dans cette semaine de la guerre d'Afghanistan : le jour du début de l'embuscade, une voiture piégée tue une dizaine de civils à Khost et des commandos suicide talibans équipés de vestes explosives attaquent plus tard la base américaine de la ville sans faire de victimes à part eux-mêmes. Les combats qui s'ensuivent durent douze heures[4]. Deux jours après la fin de l'embuscade d'Uzbeen, un bombardement américain ciblant un chef taliban sur le village d'Azizabad fait 90 morts civils dont 60 enfants selon les Nations-Unies[37].
Événements ultérieurs
Réactions internationales
Le président afghan Hamid Karzaï présente ses condoléances au peuple français[38]. Les chefs d'États et de gouvernements Gordon Brown, George W. Bush, Silvio Berlusconi et Stephen Harper rendent également hommage aux soldats français[5].
Répercussions en France
Dès le 20 août, le président Nicolas Sarkozy se rend en Afghanistan pour rendre hommage aux tués, visiter les blessés et réaffirmer l'engagement français, soutenant qu'il n'avait aucun regret d'avoir renforcé le dispositif de 700 hommes plus tôt dans l'année. Pendant un discours en hommage aux tués français, une mimique du président ayant pu être interprété comme un ricanement, ce que ce premier conteste, créé une polémique en France[39]. Tous les soldats tués lors de l'embuscade sont faits à titre posthume chevaliers de la Légion d'honneur lors de funérailles nationales le 21 août[17]. Le lendemain un sondage révèle que 55% des français sont favorables à un retrait des troupes d'Afghanistan[40]. Une controverse apparait dans l'opinion sur l'âge et l'expérience des soldats engagés, contesté par l'armée française qui souligne que les soldats de la patrouille avait l'age moyen des unités professionnelles, et que tous les soldats bénéficiaient d'un an de service et pour la plupart d'expérience en opérations extérieures[41]. Le 8e RPIMa est considéré comme une unité d'élite de l'armée française[42].
Le 10 septembre, le général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées est auditionné devant les commissions de la défense et des affaires étrangères de l'assemblée nationale[21]. Le 12 septembre, les familles des soldats se rendent en Afghanistan, accompagnées du ministre de la défense Hervé Morin. Ce voyage de deuil à l'initiative des familles est jugé nécessaire par le président Sarkozy[43].
Le 22 septembre 2008 en France, la majorité à l'Assemblée nationale, représentée principalement par le parti de droite UMP, vote pour le maintien des forces françaises en Afghanistan, dont le retrait était demandé par l'opposition de gauche dont le Parti socialiste. Déclarant à la tribune de l'assemblée « Avoir tiré les enseignements de l'embuscade », le Premier ministre François Fillon annonce le déploiement de moyens militaires supplémentaires, dont des drones, des hélicoptères et une centaine d'hommes[44]. Lors du vote au parlement de la redistribution des troupes françaises en opérations extérieures en janvier 2009, l'envoi de nouveaux renforts en Afghanistan n'a pas été décidé, en partie à cause des effets de l'embuscade d'Uzbin sur l'opinion et le gouvernement[45].
Opérations militaires
Le 30 août, les forces militaires américaines en Afghanistan annoncent avoir tué dans la province de Kâpîssâ deux chefs talibans liés à l'embuscade de Surobi[46]. Le 18 octobre 2008, soit deux mois jour pour jour après l'embuscade, une opération conjointe menée par la FIAS et les forces de sécurité afghanes retourne au village de Sper Kunday afin d'empêcher que les insurgés ne s'installent de manière permanente dans la zone. Des combats ont lieu et 7 insurgés sont tués ou blessés. Selon l'état-major des armées françaises, les villageois subissent de fortes pressions de la part des insurgés[47].
Controverse sur l'interview de talibans dans Paris Match
Éric de la Varenne, reporter pour Paris Match qui rencontre et interroge un groupe de talibans qui affirment avoir participé à l'embuscade, a pris des photos d'au moins deux d'entre eux portant des gilets pare-balles, Famas, casques et uniformes français[48]. Le chef du groupe, le commandant Farouki demande dans cette interview aux français de quitter l'Afghanistan sans quoi ils seront tous tués. Il confirme que les français « ont franchi une limite » en arrivant dans la vallée d'Uzbin qui est un territoire qui leur appartient, corroborant les informations reçues par les forces de l'OTAN. Il affirme également qu'aucun français n'a été torturé[3].
La diffusion de ces photos et des messages des chefs taliban dans Paris Match le 3 septembre a provoqué une polémique en France, auprès des familles des soldats tués, dans une partie de la presse, dans le gouvernement et pour l'armée qui accuse Paris Match de servir de support à la propagande des talibans[49]. Le fait que les talibans aient en leur possession du matériel pris sur des soldats français, y compris une montre rendue symboliquement par le commandant taliban confirme pour la presse que certains corps ont été abandonnés un long moment, voir que certains soldats ont été faits prisonniers puis exécutés selon plusieurs témoignages et rapports, version formellement démentie par l'état major de l'armée française[31]. Une autre hypothèse est que les talibans voulaient garder les corps pour les filmer pour leur vidéo de propagande[3].
Controverses sur l'organisation de la patrouille
Rapport de la Frenic
L'opération de reconnaissance était mal préparée selon la Frenic (French National Intelligence Cell), cellule du renseignement national français travaillant pour l'OTAN, dans un rapport à destination de l'état major et du renseignement militaire. Le rapport s'interroge sur le manque rapide de munitions lors d'un premier accrochage alors que l'opération devait durer plusieurs jours, l'absence d'appuis collectif pour une section d'une centaine d'hommes et le manque d'observation et de surveillance en avant de la patrouille. L'origine de ce rapport dévoilé par Le Canard enchaîné le 3 septembre 2008 a été contesté par l'état major français[31].
Rapport/Compte rendu de l'OTAN
Selon un document publié par le quotidien canadien The Globe and Mail le samedi 20 septembre 2008, et présenté comme un « rapport secret de l'OTAN », la patrouille manquait de moyens et de préparation : plus de munitions au bout de 90 minutes de combat, une seule radio pour la section française et des troupes afghanes qui se sont enfuies très rapidement en abandonnant leur matériel sur le terrain. Au contraire les talibans semblaient avoir été très bien préparés[50]. L'existence de ce rapport a d'abord été nié par l'état major français, l'OTAN et le ministre de la défense française[50], puis requalifié par ceux-ci de « compte rendu » rédigé par le chef du détachement américain de la patrouille, et présentant des éléments faux[51].
Controverses internes
Des officiers de l'armée française en France et en Afghanistan ont critiqué également les faibles réserves de munitions, le manque de moyens radios, de mortiers, de reconnaissance aérienne préliminaire[52] et le convoyage de renforts principalement par la route[53]. Le commandant du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine a répondu aux critiques sur le site internet des familles des soldats du régiment par une interdiction de commentaires et des menaces de poursuites pour diffamation[54]. Le général français Michel Stollsteiner, commandant des Forces alliées pour la région de Kaboul au moment de l'embuscade, admet « un excès de confiance » dans une zone considérée comme en gros sécurisée[19]. Si des soldats présents à l'embuscade se sont considérés comme abandonnés, sans soutien aérien ou de mortiers[2], d'autres estiment qu'ils ont agi comme ils ont appris à l'instruction[20].
Annexes
Bibliographie
: Indique une source utilisée pour la rédaction de l’article
- Jean-Dominique Merchet, Jacob Duvernet, Mourir pour l'Afghanistan, 19 novembre 2008, (ISBN 2847242198) (ISBN 978-2847242195)
Articles connexes
Cartes
- Carte de situation de l'embuscade d'Uzbeen
- Une autre approche géographique plus précise
- Le détail de l'embuscade
Notes et références
Notes
Références
- ↑ a , b , c et d (fr) Notre enquête en Afghanistan, 4 septembre 2008, Le Parisien.fr
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- ↑ (fr) « Vos gueules, les veuves ! », Le Canard Enchaîné, 24 septembre 2008.
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