- Riz doré
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Le « riz doré » ou « Golden Rice » est une variété de riz (Oryza sativa) produit par une modification génétique touchant la voie de biosynthèse du précurseur bêta-carotène de la provitamine A[1] dans les parties comestibles du riz. Les détails scientifiques du riz ont été pour la première fois publiés dans Science en 2000[2].
Le riz doré a été inventé comme aliment enrichi pour être utilisé dans les zones qui souffrent d'une carence en vitamine A. Selon ces chercheurs, le « riz doré » pourrait être une réponse à la détresse d'un demi-million de personnes qui chaque année perdent la vue, et d'un à deux millions de personnes qui, chaque année, meurent de carence en cette vitamine. En 2005, une nouvelle variété appelée Riz doré 2 a été annoncée, qui produit jusqu'à 23 fois plus de bêta-carotène que la variété originale de riz doré[3].
Aucune des deux variétés n'est actuellement disponible pour la consommation humaine. Bien que le riz doré ait été développé comme outil humanitaire il a rencontré une importante opposition de la part des écologistes et des altermondialistes. Ils ont d'abord affirmé que pour offrir l'apport journalier nécessaire en vitamine A, il faudrait en consommer à hauteur de neuf kilogrammes par jour pour un adulte et le double pour une femme. Puis ils ont reproché à cette solution de résoudre le problème sans remettre en cause les pratiques agricoles : c'est ainsi que de nombreux auteurs se disant écologistes considèrent que la solution à la carence en vitamine A réside dans la diversification de l’alimentation, et non dans l’extension de la monoculture. Pour Vandana Shiva, ce serait l'approche même qui est à revoir, les carences en vitamine A étant des conséquences de la monoculture instaurée par la révolution verte : la solution résiderait alors dans la restauration de la biodiversité[4].
Il est à préciser qu'une variété de riz, dite riz rouge serait naturellement plus riche en vitamine A que le riz doré de première génération[5] mais qu'il existe plusieurs variétés de 'riz rouge', dont la couleur s'explique par la présence d'autres pigments, les anthocyanes, dépourvus d'activité pro-vitamine A[6]. Concernant le riz doré et les femmes enceintes[7], des estimations très variables circulent sur ce point, il semble actuellement très difficile d'évaluer de façon précise la quantité de riz nécessaire pour satisfaire l'apport journalier.
Sommaire
Création
Le riz doré a été créé par Ingo Potrykus de l'Institute of Plant Sciences à l'École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse), en collaboration avec Peter Beyer de l'université de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne). Le projet a démarré en 1992 et au moment du rapport, en 2000, le riz doré était considéré comme une découverte capitale en biotechnologie car les chercheurs ont élaboré une voie de biosynthèse entière.
Le riz doré était destiné à produire de la vitamine A issue du β-carotène dans la partie consommable du riz, l'endosperme. La production de bêta-carotène (pigment caroténoïde) a lieu naturellement sur le plant de riz mais pas au niveau de l'endosperme qui ne participe pas à la photosynthèse.
Le riz doré a été créé par transformation du riz avec trois gènes de biosynthèse de la bêta-carotène :
- syp (phytoene synthase)
- cly (lycopène cyclase), les deux venant de la jonquille (Narcissus pseudonarcissus), et
- crt1 de la bactérie de sol Erwinia uredovora
Les gènes syp, cly and crt1 ont été transformés dans le noyau du génome et placés sous le contrôle d'un promoteur spécifique de l'endosperme, de sorte qu'ils soient seulement exprimés dans l'endosperme. L'exogène lyc a une séquence de peptide en transit lié de telle sorte que sa cible soit le plastide, où la formation de geranylgeranyl diphosphate a lieu. L'utilisation du gène de la bactérie crt1 était judicieux puisqu'il peut catalyser de nombreuses étapes de la synthèse du caroténoïde, alors que toutes ces étapes nécessitent plusieurs enzymes au niveau de la plante[8]. Le produit fini de la voie élaborée est la lycopène, mais si le plant accumule trop de lycopène le riz peut devenir rouge. De récentes analyses ont montré que l'enzyme endogène de la plante traite la lycopène au bêta-carotène dans l'endosperme, donnant au riz la couleur jaune distincte qui lui a donné son nom[9]. À l'origine le riz doré était appelé SGR1 et, en serre chauffée, il produisait 1,6 µg/g de caroténoïde.
En 2005 une équipe de chercheurs de la compagnie de biotechnologie Syngenta a réalisé une nouvelle variété appelée riz doré 2 en combinant le gène de la phytoène synthase du maïs avec crt1 venant du riz doré original. Le Riz doré 2 produit 23 fois plus de caroténoïde que le Riz doré (jusqu'à 37µg/g), et accumule davantage de bêta-carotène (jusqu'à 31µg/g des 37µg/g de caroténoïde). Il a été estimé que consommer 144 g de ce riz était suffisant pour couvrir les apports journaliers recommandés (AJR).
En 2004, sous la conduite de l'université d'État de Louisiane AgCenter en 2004[10], des parcelles d'essais ont été plantées en Riz doré avec des cultures de riz locaux aux Philippines, à Taïwan et avec le riz américain Cocodrie. Les tests alimentaires effectués sur la production de ces parcelles ont permis d'affiner la valeur nutritionnelle de ce riz et notamment ont démontré que les cultures de plein champ produisaient trois à quatre fois plus de bêta-carotène que celles réalisées en serre[11].
En juin 2005, le chercheur Peter Beyer a reçu des fonds de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates (Bill & Melinda Gates Foundation) pour améliorer de manière significative le riz doré, notamment en augmentant les niveaux et la biodisponibilité de la pro-vitamine A, de la vitamine E, du fer et du zinc et améliorer la qualité des protéines par modification génétique[12].
Riz doré et carence en vitamine A
La recherche menant au Riz doré a été conduite dans le but d'aider les enfants souffrant d'une carence en vitamine A (CVA). Au début du XXIe siècle, on estime que 124 millions de personnes, dans 118 pays en Afrique et en Asie du Sud-Est, sont affectés par une CVA. La CVA est responsable chaque année de un à deux millions de morts, de 500 000 cas de cécité irréversible et de millions de cas de xérophtalmie[13].
Puisque la majorité des enfants carencés en Vitamine A vivent dans des pays ayant pour aliment principal le riz, la manipulation génétique de celui-ci pour qu'il produise de la provitamine A (bêta-carotène) est apparue comme une alternative simple et peu coûteuse comparativement aux suppléments vitaminés ou à l'augmentation de la consommation de légumes verts ou de produits animaux. Les promoteurs du riz doré ont fait le parallèle entre cette méthode et ce qui a été réalisé avec l'eau fluorée ou le sel iodé pour d'autres types de carences.
Toutefois des études théoriques sur les effets potentiellement bénéfiques d'une consommation de riz doré ont montré que celle-ci n'éliminait pas totalement les problèmes de cécité ou de surmortalité. Au mieux elle devrait être utilisée conjointement avec d'autres méthodes de substitution de la vitamine A[14].
Pour l'instant, le riz doré et le riz doré 2 n'ont pas encore été testés sur le plan nutritionnel.
Question du Riz doré et propriété intellectuelle
Potrykus argumenta pour que le riz doré soit distribué gratuitement pour la subsistance des fermiers. Cette demande fut faite à plusieurs compagnies qui possédaient le droit de propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche de Beyer pour autoriser la libre distribution. Beyer reçut des fonds de la commission européenne du programme de recherche 'Carotène Plus' : en acceptant ces fonds, on lui demanda par contrat de donner les droits de ses découvertes à l'entreprise sponsorisant ce programme, Zeneca (aujourd'hui la Syngenta). Beyer et Poytrykus utilisèrent 70 droits de propriété intellectuelle pour 32 compagnies et universités différentes pendant la création du riz doré. Ils avaient besoin d'établir des licences libres pour ces derniers donc la Syngenta et les partenaires humanitaires du projet pourraient utiliser le riz doré en multipliant les programmes et développer de nouvelles récoltes[15].
On a accordé rapidement des licences libres grâce à la critique positive que le riz doré a reçu, particulièrement dans le TIME magazine de juillet 2000. On disait que le riz doré était la première récolte à être génétiquement modifiée et que c'était un bénéfice non discutable, et ainsi reçu de nombreuses approbations. La compagnie Monsanto fut l'une des premières entreprises à permettre les licences libres de groupe.
Le groupe devait définir la limite entre l'utilisation humanitaire et l'utilisation commerciale. Dans ce cas il était de 10 000 $. Donc, aussi longtemps qu'un fermier ou un prochain utilisateur du riz doré génétique ne fait pas plus de 10 000 $ par an, aucune participation ne devrait être payée à la Syngenta pour une utilisation commerciale. Il n'y a pas de taxe pour une utilisation du riz doré, et ainsi les fermiers peuvent conserver des graines et les replanter. Aujourd'hui, la Syngenta ne voit plus d'intérêt dans l'utilisation commerciale de la plante.
Controverse
Article connexe : Controverse sur les organismes génétiquement modifiés.Greenpeace s'est opposé aux récoltes avec des arguments basés sur la quantité de Vitamine A dans le riz doré. Les premières objections développées sont qu'il y a seulement 1,6 microgramme de bêta-carotène par gramme de riz, ce qui signifie qu'une personne devrait manger 1,5 à 2 kg de riz par jour pour satisfaire aux apports journaliers recommandés en provitamine A. Cependant, avec l'exposition des lignes du bêta-carotène amélioré, Greenpeace a maintenu son opposition aux récoltes. Greenpeace s'oppose à la culture d'organismes génétiquement modifiés en plein champ conduisant leur dissémination dans l'environnement et à leur introduction dans la chaîne alimentaire. Selon l'association, le riz doré est un cheval de Troie qui « ouvrira la porte » à une extension de l'utilisation des OGM[16].
Vandana Shiva, physicienne et épistémologue indienne luttant contre les OGM, argumente que le problème n'était pas des déficiences particulières dans les récoltes elles-mêmes, mais plutôt la pauvreté et le risque de perte de la biodiversité dans les cultures. Ces risques pourraient s'aggraver avec la prise de contrôle de l'industrie agro-alimentaire sur l'agriculture qui produit et promeut une nourriture génétiquement modifiée. Shiva expose qu'en se concentrant sur un point sensible (carence en vitamine A), les propriétés du riz doré obscurcissent le grand problème du manque de nourriture en disponibilité et diversité suffisante, et de source nutritionnelle adéquate[17].
D'autres groupes agissant de manière similaire ont expliqué qu'un régime varié contenant de la nourriture riche en vitamine A, comme des patates douces, légumes verts et des fruits donneraient aux enfants suffisamment de vitamine A[18]. Ceci dit, d'autres groupes encore affirment aussi qu'un régime varié est au-delà des moyens de beaucoup de personnes pauvres, et en concluent que leur survie repose sur le riz.
La couche à aleurone qui enveloppe l'endosperme du riz est enlevée par un procédé appelé mouture et décorticage dans la plupart des pays, pour améliorer la durée de conservation du riz. Dans le riz rouge, la couche d'aleurone contient plus de vitamine B, de fer, de manganèse, de sélénium, de zinc et de phosphore que le riz moulu. L'Institut des Sciences dans la société clame que si le riz n'est pas moulu ce substitut ne serait pas nécessaire[19]. Cependant les données de l'USDA montrent que le riz rouge ne contient pas plus de bêta-carotène que du riz moulu[20], [21]. Des scientifiques de l'Institut international de recherche sur le riz étudient le plasma germinatif, et essaient de multiplier les approches conventionnelles pour multiplier les variétés avec du bêta-carotène amélioré dans la couche à aleurone[22].
Par ailleurs, certaines cultures évaluent la qualité du riz à sa blancheur. Elles pourraient par conséquent ne pas être convaincues par la qualité nutritive d'un riz de couleur jaune comme l'est le riz doré et ce en dépit de ses bénéfices pour la santé.
En février 2009, un groupe de scientifiques et d'universitaires ont signé une lettre ouverte dénonçant des expériences sur le riz doré effectuées sur des enfants. Cette protestation est motivée par le fait qu'aucune expérimentation n'a été effectuée sur l'animal, alors que de nombreux éléments suggère que les produits testés peuvent être toxiques et provoquer des malformations congénitales. D'après ces scientifique, ces expériences violent le code de Nuremberg et les codes de déontologie médicale[23].
Selon Marc Dufumier[24], parlant de la vitamine A du riz doré : « il s'avère que la plante utilise ses propres hydrates de carbone pour la produire. Conséquence, elle a un moindre rendement. Mieux vaut ajouter des tomates ou des carottes dans son assiette pour avoir de la vitamine. »[25].
Notes et références
- Le riz qui sauve
- vitamine A un riz de l'espèce Japonica : élaboration de la procédure de biosynthèse de la provitamine A (bêta-carotène) dans l'endosperme du riz (absence de carotènoïde). Ye et al., « Engineering the provitamin A (beta-carotene) biosynthetic pathway into (carotenoid-free) rice endosperm », Science, vol. 287, pp. 303-305, 2000. L'équipe du prof. Potrykus a enrichi en
- Improving the nutritional value of Golden Rice through increased pro-vitamin A content. Nature Biotechnology [lire en ligne] Paine et al. 2005.
- Première réunion du Comité intergouvernemental pour le protocole de Cartegena
- [1], [2]
- [3]
- Les connaissances agricoles des femmes, une solution à la lutte contre la faim
- Carotenoid biosynthesis in flowering plants. Current Opinion in Plant Biology 4:210-218 Hirschberg, J. 2001.
- Schaub, P. et al. 2005. Pourquoi le riz doré est doré (jaune) et non pas rouge ?. Plant Physiology 138:441–450
- « Le «Riz doré» peut-il aider à réduire la malnutrition ?», 2004 LSU AgCenter Communications.
- [4] Goldenrice.org
- Press release, juin 27, 2005 Grand Challenges in Global Health,
- WHO Bulletin 70: 225-232 Humphrey, J.H., West, K.P. Jr, and Sommer, A. 1992. Carence en Vitamine A et mort attribué aux moins de 5 ans.
- Dawe, D., Robertson, R. and Unnevehr, L. 2002. Le riz doré: quel rôle peut-il jouer dans l'allègement de la carence en vitamine A? Food Policy 27:541-560
- Potrykus, I. 2001. Golden Rice and Beyond. Plant Physiology 125:1157-1161
- All that Glitters is not Gold: The False Hope of Golden Rice Greenpeace. 2005.
- The Golden Rice Hoax Shiva, V.
- Golden Rice and Vitamin A Deficiency Friends of the Earth.
- The 'Golden Rice' - An Exercise in How Not to Do Science Institut des Sciences dans la Société
- Rice, brown, long-grain, cooked USDA National Nutrient Database for Standard Reference.
- Rice, white, long-grain, regular, cooked USDA National Nutrient Database for Standard Reference.
- Program 3, Rapport annuel du directeur général 2004-05 Institut international de recherche sur le riz. 2005.
- (en) Scientists Protest Unethical Clinical Trials of GM Golden Rice. Explications en français : Le scandale du riz doré dévoilé Source :
- ingénieur agronome, dirige la chaire d'agriculture comparée à AgroParisTech et mène des projets de développement agricoles en France et dans les pays en développement
- http://www.rue89.com/planete89/2011/04/22/manger-bio-pas-cher-et-pour-tous-une-utopie-200980 Manger bio, pas cher et pour tous, une utopie ? - sur le site du journal Rue89
Liens externes
- Le riz doré, un projet emblématique, par Louis-Marie Houbedine sur le site de l'AFIS
- {en}Tough Lessons From Golden Rice, Le riz doré après une décade, Science, avril 2008
- Le site officiel du Golden Rice
- Le riz doré : l'Arlésienne, par Inf'OGM
- Polémiques autour du riz transgénique doré, par BEDE
- Riz doré naturel, par Inf'OGM
- Le scandale du riz doré
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