Premières croisades

Premières croisades

Première croisade

Première croisade
Informations générales
Date 1096-1099
Lieu Terre sainte
Casus belli fermeture de l’accès aux Lieux Saints (1078)
Issue Prise de Jérusalem et fondation des États latins d'Orient
Belligérants
Croisés Musulmans
Commandants
Raymond de Saint-Gilles
Godefroy de Bouillon
Bohémond de Tarente
Hugues Ier de Vermandois
Robert Courteheuse
Kılıç Arslan Ier, sultan de Roum
Kerbogha
Al-Musta'li, calife fatimide
Soqmân l’Ortoqide, cadi de Jérusalem
Croisades d'Orient
(Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, 1239, VIIe, VIIIe, IXe).
Batailles
Nicée — Dorylée — Antioche — Jérusalem — Rama (1e) — Ascalon — Rama (2e) — Haran — Rama (3e) — Tripoli
Carte de la première croisade (1096-1099).

La première croisade est une croisade qui s'est déroulée de 1096 à 1099 suite, entre autres, au refus intervenu en 1078 des Turcs Seldjoukides de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers Jérusalem.

Sommaire

Prémices

En 1078, les Turcs seldjoukides délogent de Jérusalem les Arabes abbassides qui y étaient installés depuis 637[1]. Une période de libre accès à Jérusalem par les pèlerins chrétiens se termine alors. Dans le même temps, vaincus à la bataille de Manzikert en 1071[2], les Byzantins ne peuvent empêcher les Turcs de s'établir à Nicée en 1078 et d'y fonder un royaume en 1081.

À la fin du XIe siècle, l'empereur Alexis Ier Comnène, dont l'empire chrétien d'Orient est menacé par les Turcs, demande à plusieurs reprises le secours de Rome contre les Seldjoukides. En 1095 lors d'un séjour en France, le pape Urbain II prend acte de la fureur des chevaliers à qui les Turcs barrent dorénavant la route de Jérusalem (que les Arabes avaient toujours laissée libre) et répond à la demande d'Alexis Ier. Ainsi, le 27 novembre 1095, au cours du concile de Clermont qu'il a fait réunir, le pape lance un appel à la croisade[3], et prêche pour secourir l'empereur byzantin et la libération de la Terre sainte à Jérusalem. En échange de leur participation à la croisade, il promet le pardon de leurs péchés aux chevaliers qui iraient porter secours aux chrétiens d'Orient[4].

Il désigne Adhémar de Monteil, évêque du Puy-en-Velay, pour diriger cette croisade[5].

La croisade populaire

Article détaillé : Croisade populaire.

Le petit peuple réagit en grand nombre, notamment à l'appel de Pierre l'Ermite qui l'a prêchée en Berry et où il lança le fameux « Dieu le veut », en Orléanais, à PoissyGautier Sans-Avoir le rejoint, en Champagne et en Lorraine.
Le 12 avril 1096 c'est avec quelques 15 000 pèlerins que Pierre l'Ermite et Gautier Sans-Avoir parviennent à Cologne. Ces croisades populaires s'accompagnent de persécutions contre les juifs.

Gautier, emmenant une majorité de Français, quitte le premier Cologne et gagne la Hongrie où le roi Coloman lui accorde le libre passage. À Semlin, dernière place hongroise avant le territoire byzantin, des incidents avec les Hongrois se soldent par le dépouillement de seize traînards. Arrivant à Niš le 18 août, Gautier continue sa route via Sofia, Philippopoli et Andrinople jusqu'à Constantinople qu'il atteint le 20 juillet sous escorte byzantine.

Les troupes de Pierre l'Ermite atteignent à leur tour Semlin, prennent la ville d'assaut et y massacrent 4 000 Hongrois. D'après le chroniqueur Albert d'Aix, ils auraient agi ainsi après avoir vu suspendus aux remparts les armes et les vêtements appartenant à des pélerins qui faisaient partie de la bande de Gautier et qui avaient été tués.

Pour faire bonne mesure, ils investissent ensuite et pillent Belgrade, désertée par ses habitants qui avaient trouvé refuge en territoire byzantin sur l'autre rive de la Save. Tentant de renouveler leurs exploits à Niš, les troupes de Pierre sont mises au pas par le gouverneur Nicétas qui ne leur permet de continuer leur chemin qu'à la condition expresse de ne s'arrêter désormais pas plus de trois jours devant une ville.

Cette troupe se présente finalement devant Constantinople le 1er août 1096. Là, l'empereur Alexis Ier leur conseille, dans un premier temps, d'attendre la croisade menée par les barons, mais devant leurs excès, il leur fait traverser le Bosphore le 6 août et leur assigne la place forte de Kibotos (Civitot).

En septembre ils razzient les environs de Nicée et une bande, dirigée par un noble italien du nom de Renaud s'empare du château de Xerigordon. Le 29 septembre, une troupe envoyée par le sultan Kilij Arslan reprend la place forte.

Le 21 octobre 1096, las d'attendre, ils se remettent en mouvement vers Nicée, mais ils sont exterminés à peine sortis du camp de Civitot. Gautier-sans-Avoir, le comte de Hugues de Tubingue et Gautier de Teck perdent la vie dans ce combat. Sur 25 000 hommes, seuls 3 000 parviennent à regagner l'empire byzantin. Ils s'amalgament à la croisade des barons, donnant les terribles tafurs.

Les croisades « allemandes »

Parallèlement à la croisade de Pierre l'Ermite, d’autres bandes s’illustrent par de plus grands désordres encore. Ce sont les bandes de Volkmar/Folkmar, de Gottschalk, d’Emich de Flonheim et d'Emich de Leisingen.

  • Folkmar avec environ 12 000 hommes passent par la Saxe et la Bohême, massacrant des juifs à Ratisbonne et à Prague avant d'être dispersés en Hongrie.
  • Le prêtre allemand Gottschalk regroupe une bande de 15 000 hommes et se rend en Hongrie où ses croisés commettent différents méfaits avant d’être massacrés ou capturés par les Hongrois.
  • Emich de Leisingen, enfin, chevalier-brigand du Rhin, se livre à de véritables pogroms dans les villes qu’il traverse durant le mois de mai : Metz, Spire, Trèves, Worms, Mayence et Cologne. À Mayence, où se trouve un centre d’étude talmudique, 90% de la communauté est massacrée, ce qui affecta profondément le talmudiste Rachi. Loin d’être désorganisée, la troupe d'Emich de Leisingen, où figurent de nombreux seigneurs (Guillaume Charpentier, vicomte de Melun et Gâtinais, Clarembaud de Vendeuil, Thomas de Marle, Drogon de Nesles) accomplit ses méfaits par pur anti-judaïsme. S’étant vu refuser l’entrée en Hongrie, la horde entreprend le siège de Wieselburg où elle est écrasée par les Hongrois. Emich réussit à s’enfuir et regagner son pays tandis que Thomas, Clarembaud et Guillaume le Charpentier rejoignent Hugues de Vermandois.

La croisade des barons

Godefroy de Bouillon et les barons reçus par l'empereur Alexis

Si les souverains ne répondent pas à l'appel du pape, de grands féodaux le font :

Quatre armées se constituent par des regroupements régionaux :

  • les Lorrains, menés par Godefroy de Bouillon et Baudouin de Boulogne, qui traversent l'Allemagne et les Balkans ;
  • les Normands d'Italie, conduits par Bohémond de Tarente et Tancrède de Hauteville, débarquant en Épire ;
  • les Méridionaux autour de Raymond de Saint-Gilles, qui passent par l'Italie du Nord, la Serbie et la Macédoine ;
  • les Français dont Hugues le Grand, Robert Courteheuse et Robert de Flandre.

Le premier à partir fut Hugues de Vermandois, comte de Vermandois et frère cadet du roi de France Philippe Ier. Il quitta la France vers le milieu du mois d'août 1096 avec une suite respectable et passant par l'Italie, il reçut l'étendard de Saint-Pierre à Rome. Godefroi de Bouillon, seigneur de Bouillon et duc de Basse-Lotharingie, qui finança son expédition par la vente ou en hypothéquant certaines de ses possessions, partit également au mois d'août 1096. Bohémond de Tarente décida de se croiser lorsque les premières troupes françaises traversèrent l'Italie, et abandonnant le siège d'Amalfi qu'il était en train d'entreprendre, il leva une armée normande et partit pour Constantinople, avec son neveu Tancrède. Le comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, rassembla, quant à lui, avec le légat du pape Adhémar de Monteil, la plus grande des armées des croisés, qui traversa la Dalmatie, non sans difficultés, durant l'hiver et parvint à Thessalonique début avril 1097 et Constantinople le 21 du même mois.

L'arrivée à Constantinople

L'un des premiers à répondre à l'appel d'Urbain II, en 1095, Godefroy de Bouillon devient aussi l'un des principaux chefs de la première croisade. Parti de Vézelay avec une suite nombreuse, il passe par Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Sofia, arrive à Constantinople le 23 décembre 1096, et se heurte aussitôt à Alexis Ier Comnène. Les Méridionaux se présentent devant Constantinople en avril 1097. Des incidents surgissent avec l’arrivée de troupes plus importantes, entre Raymond de Toulouse et les mercenaires petchenègues, entre Bohémond et les habitants de Castoria qui lui refusent le ravitaillement.

Alexis Ier se méprend des intentions des croisés, qu'il croit venus offrir leurs services à son empire pour récupérer ses terres - à l'instar de ces troupes scandinaves qui depuis plusieurs siècles se mettaient à son service. Il exige donc un serment de fidélité et la promesse de restituer à l'empire byzantin les terres qui lui ont appartenu avant la conquête turque et de tenir en fief de l’empereur toutes les autres terres conquises.

Hugues de Vermandois, arrivé le premier à Constantinople après un naufrage lors de la traversée de l’Adriatique, prête sans difficulté à Alexis le serment. S'estimant féal sujet et homme lige du seul empereur germanique, Godefroy de Bouillon refuse tout d'abord de prêter le serment d'allégeance exigé par le basileus de tous les chefs croisés. Il faut lui couper les vivres pour le faire céder. Il sacrifie enfin ses principes à l'esprit de croisade et prête à contrecœur le serment requis. Il s'engage ainsi à remettre au basileus tous les territoires ayant appartenu à l'empire byzantin qu'il pourrait enlever à l'Islam. Triomphant et magnanime, Alexis Comnène témoigne de sa satisfaction en le comblant de somptueux cadeaux : chevaux de prix et vêtements de parade, tissus précieux et coffrets remplis de besants d'or. Raymond de Saint-Gilles, prétextant qu’il ne pouvait servir d’autre suzerain que le Christ, se borne à jurer de respecter la vie et l’honneur de l’empereur. Bohémond de Tarente prêterait volontiers serment, si on le nomme grand domestique de l’Orient, charge qui lui donnerait le commandement des forces impériales en Asie Mineure, par conséquent le commandement de l’expédition. Cependant, Tancrède de Hauteville se soustrait au serment en passant sur la rive asiatique.

La traversée de l'Anatolie

Après la réunion des quatre armées, les croisés avec des troupes byzantines se dirigent vers Nicée qui est assiégée à partir de mai 1097. Cependant, lorsque la ville est sur le point d'être prise, le 16 juin, les Turcs font le choix de se rendre aux Byzantins et les croisés sont surpris, sinon déçus, de voir soudain le drapeau byzantin flotter sur la ville qu'ils s'apprêtaient d'attaquer.

Les croisés reprennent leur route vers la Terre sainte. De son côté Qilij Arslan Ier, sultan de Roum, bat le rappel des Turcs seldjoukides et attaque par surprise les croisés à la bataille de Dorylée, le 1er juillet 1097. La victoire des croisés leur ouvre la voie de l'Anatolie.

L’armée progresse difficilement, endurant la faim et la soif, perdant ses chevaux en grand nombre et rendant les guides grecs responsables de ses maux. Vainqueurs des Danichmendides et de l’émir de Cappadoce à Héraclée, les croisés traversent le Taurus et sont accueillis favorablement en Cilicie par les Arméniens installés là depuis le milieu du XIe siècle.

Le siège et la prise d'Antioche

Article détaillé : Siège d'Antioche.

Le 20 octobre, les croisés arrivent devant Antioche. Le neveu de Bohémond, Tancrède, et Baudouin de Boulogne s’emparent des places ciliciennes de Tarse et de Mamistra, qu’ils abandonnent à la suite de dissensions. Baudouin se rend ensuite dans le Haut-Euphrate, où il prend Ravendel et Turbessel, qu’il laisse en fief aux compagnons arméniens qui l’ont guidé. Appelé à Édesse par l’arménien Thoros, désireux de secouer la tutelle turque, il devient son fils adoptif et héritier.

Le blocus d’Antioche commence en novembre, avec du matériel apporté par une flotte génoise. Mais l’hiver rend le ravitaillement difficile. Malgré les victoires remportées sur les armées de Damas (décembre), puis d’Alep (février 1098), le moral des assiégeants est très bas. Les défections sont nombreuses (Pierre l'Ermite, Étienne II de Blois, et le chef du contingent byzantin soupçonné d’intriguer avec les Turcs). Bohémond parvient à se faire promettre la ville au détriment de l’empereur byzantin s’il y entrait le premier.

Une émeute débarrasse Baudouin de Boulogne de Thoros d’Edesse en mars 1098. Baudouin, son héritier, fonde le comté d'Édesse. Bohémond parvient à entrer dans Antioche avec la connivence d’un des défenseurs (3 juin 1098). Les croisés, entrés dans la ville, se trouvent en situation d’assiégés, entre la garnison turque restée dans la citadelle, et les renforts conduits par l’atabey de Mossoul, Kerbogha. Une série de visions et la découverte de la sainte Lance leur permettent de garder le moral. Mais des fugitifs, persuadés de la chute imminente de la ville, ont rejoint Alexis Comnène qui a atteint Philomelium à la tête d’une armée de secours. Alexis, qui veut garder les conquêtes faites par la croisade (Smyrne, Éphèse, Sardes), et ne tient pas à se mesurer à Kerbogha, rebrousse chemin. Bohémond de Tarente, victorieux de Kerbogha (28 juin), maîtrise Antioche. Seul Raymond de Saint-Gilles prétend faire respecter les droits de l’empereur sur la ville. Mais comme Alexis n’a pas porté assistance à ses vassaux, ceux-ci se considèrent déliés de leur engagement. La croisade a rompu avec Byzance.

Durant l’été, tandis qu’une épidémie sévit à Antioche et emporte le légat Adhémar de Monteil, les croisés se répandent dans les régions voisines, s’emparent au sud de Lattaquié et de Ma`arrat, ou consolident leurs positions en Cilicie. Les tergiversations du conseil des barons au sujet d’Antioche et du commandement irritent le reste de l’armée, qui détruit les fortifications de Maarrat, conquise par Saint-Gilles pour le forcer au départ.

Après la prise d'Antioche, lassé de la querelle interminable qui oppose Bohémond de Tarente et Raymond de Saint-Gilles, Godefroy se retire temporairement chez son frère Baudouin à Édesse, d'où il rejoint les croisés lorsqu'ils reprennent enfin la route pour Jérusalem. Certains chroniqueurs évoquent la présence de pratiques anthropophages au cours du siège d'Antioche . Ainsi, après la conquête de la Palestine, Raoul de Caen, chroniqueur de la première croisade écrivait : « A Maarat, les nôtres firent cuire les païens adultes dans des marmites et embrochèrent les enfants pour les manger rôtis. »

Il s'agit cependant ici d'une légende née de rumeurs entretenues par Bohémond de Tarente au début du siège d'Antioch. Celui-ci sait qu'il y a des espions turcs dans les environs alors il met en scène des marmites où il fait bouillir des corps afin de semer l'effroi chez l'ennemi en se faisant passer pour des anthropophages. Il est éventuellement possible que certains croisés poussés dans les ultimes retranchements de la survie aient pu sombrer dans telles pratiques mais il ne s'agissait sûrement pas alors de pratiques faites avec plaisir au grand jour dans des marmites. Bohémond de Tarente va de ce fait inspirer la peur chez les musulmans qui vont se faire écho de cette découverte.

Le sac de Jérusalem

Article détaillé : Siège de Jérusalem.

L’armée croisée prend la route de Jérusalem (13 janvier 1099), remontant la vallée de l’Oronte, sans être inquiétée par les émirs arabes de la région. Rejoignant la côte, elle s’empare de Tortose et de Maraclée. Sous la pression de ses soldats, Raymond de Toulouse doit abandonner le siège d’Arqa dont il comptait faire le centre de ses futures possessions. Suivant la côte jusqu’à Jaffa, les croisés entrent à Bethléem le 6 juin et mettent le siège devant Jérusalem le lendemain.

La ville, fortifiée et entourée de ravins, sauf au nord, attend des secours d’Égypte. Les assiégeants manquent d’eau, de bois et d’armes et ne sont pas assez nombreux pour l’investir. Une expédition en Samarie et l’arrivée d’une flotte génoise à Jaffa fournissent le matériel nécessaire à la construction de machines de siège. Une série de jeûnes purificateurs, une procession autour de la ville rend son sens de pèlerinage à la croisade. Après un assaut difficile de deux jours, la ville est prise le 15 juillet. « Entrés dans la ville, les pèlerins poursuivaient, massacraient les Sarrasins jusqu’au Temple de Salomon… où il y eut un tel carnage que les nôtres marchaient dans le sang jusqu’aux chevilles ». La ville est pillée, sa population musulmane, juive et de chrétiens grecs, coptes, syriens, arméniens sont massacrée. Le sac de Jérusalem fut épouvantable, mais peut être amplifié par des chroniqueurs et des clercs pour en faire un récit d'apocalypse et démontrer que la purification rituelle de la ville qui attend le retour glorieux du Christ était à ce prix.

Les États latins d'Orient en 1102, peu après la première croisade

Dans les mois qui suivent, un certain nombre de pèlerins, croyant avoir rempli leur vœu, repartent pour l’Occident et y portent la nouvelle du triomphe de la chrétienté. Ayant refusé dignement la couronne de Jérusalem, Godefroi de Bouillon prend le titre d’avoué du Saint-Sépulcre, réservant ainsi les droits de l’Église sur le nouvel État. C'est donc son frère qui devient roi sous le nom de Baudouin Ier de Jérusalem. En juillet, avec les autres princes, il surprend l’armée égyptienne de secours à Ascalon, assurant la survie de son État. Les Fatimides reprennent néanmoins le contrôle d'Ascalon après une révolte populaire. En septembre, Godefroi de Bouillon reste seul avec trois cents chevaliers et deux mille piétons pour défendre ses conquêtes (Jérusalem, Jaffa, Lydda, Ramla, Bethléem, Hébron) auxquelles s’ajoutent bientôt la Galilée. Il affronte à trois reprises les Fatimides, lors des batailles de Rama (1101, 1102 et 1105).

Voulant se tailler un fief, Raymond de Saint-Gilles commence le long siège de Tripoli en 1102. Deux ans plus tard, Baudouin Ier décide de profiter d'un conflit interne des Seldjoukides, qui oppose le shah seldjoukide Barkyaruq à son frère, pour tenter de prendre Harran, qui ouvrirait la voie sur Mossoul et Baghdad. De plus, l'émir de Mossoul, Jekermish, s'affronte avec son voisin Il Ghazi ibn Ortoq, seigneur de Mardin et d'Alep.

Néanmoins, le frère d'Il Ghazi, Soqman ibn Ortoq, se réconcilie avec Jekermish, battant Baudouin Ier et ses troupes. L’armée d’Édesse est entièrement détruite ou capturée et ses chefs, Baudouin et son vassal, Josselin de Courtenay, sont capturés. L'avancée des Croisés vers la Perse est ainsi bloquée. Peu de temps après, profitant de l'affaiblissement des Croisés, les Turcs d’Alep reprennent Artâh et les Byzantins s'emparent de la Cilicie et de Lattaquié[6].

En 1105, Raymond de Saint-Gilles meurt lors du siège de Tripoli. Celui-ci se poursuit, sous la direction de son cousin, Guillaume Jourdain, soutenu par Byzance. L'émir de Tripoli tente d'obtenir l'aide de Soqman ibn Ortoq, vainqueur de la baille d'Harran, mais celui-ci meurt en route. Le blocus de Tripoli se fait plus intense, et en 1108 Bertrand de Saint-Gilles, le fils de Raymond IV, arrive avec des troupes. Pour arbitrer entre la rivalité de ce dernier et de Guillaume Jourdain, le roi de Jérusalem Baudouin Ier marche aussi sur Tripoli, rejoint par le prince d'Antioche, Tancrède de Hauteville. Baudouin Ier décide de diviser le futur comté de Tripoli en deux parties, et accepte la reddition de Tripoli. Peu de temps après la prise de la ville, Guillaume Jourdain meurt assassiné, le comté de Tripoli revenant ainsi à Bertrand de Saint-Gilles.

En Occident, la croisade continue à être prêchée. Le pape Pascal II prononce l’excommunication contre ceux qui n’ont pas accompli leurs vœux, renvoyant à Jérusalem les déserteurs, tels Étienne de Blois et Hugues de Vermandois.

Conséquences

Un certain nombre de pèlerins après avoir accompli leurs dévotions reprennent le chemin du retour. Ils ont délivré Jérusalem et par la même accompli leurs voeux. D'autres croisés s'apprêtent à rester en Orient. Godefroy de Bouillon est choisi par ses pairs comme prince de Jérusalem. Il refuse d'être nommé roi du Royaume de Jérusalem. Il dit : « Je ne porterai pas une couronne d'or, là où le Christ porta une couronne d'épines ». Il prend alors le nom d'Avoué du Saint-Sépulcre, soit advocatus Sancti Sepulchri, réservant les droits éminents du nouvel Etat à l'Eglise. En septembre il reste seul dans ses nouvelles possessions avec seulement 300 chevaliers et 2000 piétons. Les établissements francs sont très isolés les uns des autres et mal reliés à la mer[7].
En Occident, la nouvelle de la prise de Jérusalem provoque le départ de nouvelles armées dépassant parfois le millier d'hommes. Mais fautes d'ententes, ces "arrières" croisades échouent toutes en Anatolie devant les Turcs qui ont refait provisoirement leur unité. La mer devient alors le seul moyen de communication avec l'Occident. L'archevêque Daimbert de Pise, arrivé à Jaffa avec 120 bateaux, se fait nommer patriarche latin de Jérusalem et suzerain de la principauté d'Antioche et du royaume de Jérusalem, se fait donner un quart de Jérusalem et la totalité de Jaffa. Godefroy, de son côte promet aux Vénitiens qui viennent de prendre Haïpha, le tiers de toutes les villes qu'ils aideraient à conquérir[8]. Quelques mois plus tard après la mort de Godefroy son frère Baudouin, Comté d'Édesse, se fait couronner Roi de Jérusalem par le patriarche latin de la ville. Il étend le royaume de Jérusalem par les conquêtes d'Arsouf, de Césarée, de Beyrouth et de Sidon. De son côté, Raymond de Toulouse, fait la conquête avec l'aide de Gênes du comté de Tripoli[9]. Les marchands italiens d'abord réticent à l'idée d'une aventure guerrière risquant de détériorer leurs relations commerciales avec l'Orient, commencent à voir dans les croisades un moyen d'élargir le champ de leurs activités et d'acheter les produits d'Orient à leur source même sans passer par l'intermédiaire des musulmans ou des byzantins[10].

Notes et références

  1. Ivan Gobry La civilisation médiévale 1999, p. 133
  2. Alexandre Del Valle La Turquie dans l'Europe 2004, p. 21
  3. Jean Flori La guerre sainte 2001, p. 310
  4. Yves Celanire Raconter l'histoire 1999, p. 209
  5. René Grousset Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem 1948, p. 4
  6. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - I. 1095-1130 L'anarchie musulmane, Perrin, Paris, 1934 (réimpr. 2006), 883 p., p. 452 à 456 
  7. Cécile Morrisson, Les Croisades, PUF, 1969, nouvelle édition : 2006, p 32
  8. Cécile Morrisson Les Croisades 1998, p. 33
  9. Cécile Morrisson, p 34
  10. Michel Balard, Jean-Philippe Genêt, Michel Rouche, Des Barbares à la Renaissance, Hachette, 1973, p. 180

Voir aussi

Liens connexes

Bibliographie

  • Jean Flori, La Première Croisade. L'occident chrétien contre l'Islam, Bruxelles, (éd. Complexe), 1997. (ISBN 2-87027-436-X)
  • (fr) Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, Paris : J.-C. Lattes, 1983

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