Peste de marseille

Peste de marseille

Peste de Marseille

Gravure d'un contemporain de la Peste (actuel quartier Belsunce)

La Peste de Marseille éclata en 1720, et provoqua la mort d'un tiers des habitants de la ville de Marseille (France). Elle reste un épisode marquant de son histoire.

Bien que cette ville ait connu d'autres épidémies de peste, la précédente remontant à 1650, celle-ci fut particulièrement remarquable car elle doit son origine à une suite de négligences volontaires : certaines personnes haut placées ne voulaient pas proclamer l'état de peste pour des raisons financières, au plus haut niveau de la cité phocéenne. Ce sinistre épisode marqua aussi les esprits par le comportement en retour de ces hauts personnages : ils prirent le parti de venir au contact des pestiférés pour limiter la catastrophe au sein de la ville.

Le secrétaire d'État de la Guerre Claude Le Blanc, qui siégeait aussi au Conseil de santé, joua un rôle clef durant cette épidémie. Il dirigea en effet les premiers mouvements de troupe pour constituer un cordon sanitaire, qui aboutit à la création d'un « mur de la peste »[1]. Fondé sur des lignes circulaires de troupes autour de Marseille, puis entre le Dauphiné, le Comtat Venaissin et la Provence, la politique mise en œuvre par Le Blanc se fonde, tout comme pour la lutte contre la désertion qu'il a engagé (ordonnance du 2 juillet 1716), sur l'identification administrative: des certificats de santé sont exigés des voyageurs[1]. Les effets de l'épidémie se font sentir jusqu'à Bordeaux, où le sieur Pufeder, qui occupe des fonctions de police urbaine, est chargé du contrôle des certificats sanitaires[2].

L'épidémie fournit ainsi un laboratoire pour la monarchie absolue dans les procédures de surveillance et de contrôle des déplacements, fondées sur l'identification rationnelle des individus. Les méthodes employées ont été re-mobilisées en temps de crise, de guerre ou encore pendant la Révolution française puis l'Empire napoléonien.

Sommaire

Chronologie

Le 25 mai 1720

Un bateau venant de Syrie nommé le Grand Saint Antoine, commandé par le capitaine Chataud accosta à Marseille. Ce bateau chargé d'étoffes précieuses portait les soupçons d'une épidémie de peste.

Pour éviter de perdre la cargaison pendant une quarantaine stricte et pour la vendre au plus vite lors de la foire de Beaucaire, les échevins de la ville :

Armoiries des Échevins
  • Jean-Baptiste Estelle
  • Jean-Pierre Moustier (parfois orthographié Moustiers, Moustiés ou Moustiès)
  • Jean-Baptiste Audimar
  • et Balthazar Dieudé

placèrent l'équipage en quarantaine douce dans un dispensaire : le lazaret.

Par négligence, les marchandises de contrebande (la « pacotille ») passèrent l'enceinte du lazaret grâce à la corruption qui y régnait. Les malades qui furent touchés les premiers ont vraisemblablement tous été en contact avec les étoffes de contrebande et il s'avère que les puces porteuses se trouvaient dans les plis des tissus et non sur les rats.

Le 20 juin 1720

Avis au public de 1720 concernant l'enlèvement des cadavre morts de la Peste

Rue Belle-Table, une lavandière de 58 ans, Marie Dunplan, meurt après quelques jours d'agonie. Elle a un charbon sur les lèvres. Les médecins n'y prennent pas garde. Comment feraient-ils le rapprochement avec la Peste noire des temps médiévaux ?

Le 28 juin 1720

Dans le même quartier, meurt à son tour un tailleur de 45 ans. Deux jours plus tard, c'est au tour de sa femme.

Le 9 juillet 1720

Enfin, deux médecins, les Peyssonnel père et fils, se rendent au chevet d'un enfant de treize ans rue Jean-Galant. Et là, tout de suite, ils comprennent : la peste ! Ces deux excellents médecins avertissent les autorités. Il faut aller vite : les victimes de la contagion meurent en moins de deux jours.

Août 1720

Evolution du nombre de morts par jour lors de la peste à Marseille (1720)

Le fléau déferle sur toute la ville pour atteindre près de mille morts chaque jour autour du 30 août 1720, alors qu'on en comptait quotidiennement seulement 70 en juillet.

Septembre 1720

Quand on se décide à boucler Marseille, début septembre, il est déjà trop tard : le bacille s'est répandu dans l'intérieur des terres et il faudra encore deux années de lutte pour éradiquer la peste du Languedoc et de la Provence. On tente de s'en protéger, sans succès, en construisant le Mur de la peste dans les Monts de Vaucluse.

Face à cette épidémie sans précédent, Mgr Belsunce alors évêque de Marseille, décide de rendre visite aux malades en leur administrant les derniers sacrements. On le vit aussi distribuer d'abondantes aumônes afin de soulager ses ouailles.

Au côté de Mgr Belsunce, on trouva aussi des personnalités telles que :

  • le Chevalier Roze,
  • l'archiviste Capus,
  • le secrétaire Pichatty de Croissainte
  • le peintre Michel Serre,
  • le docteur Peyssonnel,
  • le docteur Bertrand,
  • le directeur de l'hôpital Bruno-Garnier
  • le lieutenant de l'amirauté Gérin-Ricard

Épilogue

La peste sévit dans la ville jusqu'à la fin du mois d'octobre 1720 et fit environ 40 000 victimes marseillaises, soit près d'un tiers de la population. Au sortir de ce triste épisode, sous l'inspiration d'Anne-Madeleine Rémusat, Mgr Belsunce plaça la ville et son diocèse sous la protection du Sacré Cœur de Jésus lors d'une messe célébrée le 1er novembre 1720.

Marseille connut une rechute en août 1722, mais qui ne fit cette fois que 260 morts. En présence de cette nouvelle calamité, Mgr Belsunce invita le peuple à prier et à se convertir, et s'adressa en particulier aux échevins, représentants et organes officiels de la population, qui n'avaient pris part à la cérémonie du prononcer du 1er novembre 1720. Le 4 juin 1722, jour de la Fête-Dieu, fut déposé le vœu d'un engagement permanent qui se traduisait par une procession et une messe durant laquelle on faisait l'offrande d'un cierge de 4 livres ornée aux armes de la ville. La peste disparu ensuite définitivement de Marseille.

À l'intérieur des terres, on compte environ 50 000 victimes en Provence et 50 000 autres dans le Gévaudan.

Depuis :

  • une statue à l'effigie de Belsunce a été érigée initialement sur le Cours (actuel Cours Belsunce) puis plusieurs fois déplacée. Elle est actuellement sur le parvis de la Cathédrale de la Major,
  • on retrouve dans le centre de la ville des rues au nom des échevins,
  • jusque dans les années 1940, pour dire merde, les Marseillais prononçaient parfois le nom de Moustier,
  • Le Voeu ne cessa d'être accompli jusqu'à la Révolution et ce, malgré les changements de régime qu'a connu la France. A partir de 1877, la Chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence reprit le Voeu sans qu'il n'y eut de cesse jusqu'à nos jours, se chargeant de l'organisation d'une cérémonie religieuse marquée par l'offrande d'un cierge de cire blanche, ornée aux armes de Marseille. La cérémonie a lieu dans l'église du Sacré-Cœur du Prado.
  • Une plaque commémorative fut créée en mémoire aux échevins. Celle-ci est visible au Musée d'Histoire de Marseille et on y peut lire :

A L'ETERNELLE MEMOIRE
DES HOMMES COURAGEUX DONT LES NOMS SUIVENT

LANGERON, COMMANDANT DE MARSEILLE
DE PILLE, GOUVERNEUR VIGUIER
DE BELSUNCE, EVEQUE;
ESTELLE, PREMIER ECHEVIN;
MOUSTIER  \ 	
AUDIMAR    >	ECHEVIN
DIEUDE 	  /
ROSE, COMMISSAIRE GENERAL
POUR LE QUARTIER DE RIVE NEUVE
MALAI, JESUITE, COMMISSAIRE
POUR LA RUE DE L'ESCALE;
SERRE, PEINTRE CELEBRE, ELEVE DE PUGET
ROSE, L'AINE ET ROLLAND, INTENDANT DE SANTE
CHICOINEAU, VERNY, PEISSONNEL,
MONTAGNIER, BERTRAND,
MICHEL ET DEYDIER, MEDECINS.

ILS SE DEVOUERENT POUR LE SALUT DES MARSEILLAIS
DANS L'HORRIBLE PESTE DE 1720.

Actualité de la recherche

En 1998, une excavation d'un charnier des victimes de l'épidémie de peste bubonique fut conduite par des étudiants de l'Université de la Méditerranée. L'excavation fournit l'occasion d'étudier plus de 200 squelettes provenant du deuxième district de Marseille connu sous le nom de Monastère de l'Observance. En plus des tests de laboratoires modernes, les archives furent étudiées pour déterminer les conditions et les dates entourant l'utilisation de ce charnier. Cette approche multidisciplinaire révéla des faits et des renseignements inconnus auparavant concernant l'épidémie de 1722. L'un des corps présentait la première attestation historique d'autopsie. La reconstitution du crâne d'un garçon de 15 ans indique qu'une autopsie fût pratiquée durant le printemps de 1722. Les techniques d'anatomie utilisés semblent être identiques à celles décrites dans un livre de médecine datant de 1708.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Autres

  • (fr) Paul Gaffarel et le marquis de Duranty, La Peste de 1720 à Marseille & en France, Perrin et Cie, Paris, 1911. lire en ligne à la BIUM de Paris disponible sur Gallica
  • (fr) Marius Dubois, Paul Gaffarel et J.-B. Samat, Histoire de Marseille , Librairie P. Ruat, Marseille, 1913.
  • (fr) Marcel Pagnol, Le Temps des Amours, chapitre 9 : Les Pestiférés.
  • (fr) Jean-Jacques Antier, Autant en apporte la mer, Presses de la cité, Paris, 1993. ISBN 2-258-03561-9
  • (fr) Jean Contrucci, Histoire de Marseille illustrée, Pérégrinateur éditeur, Toulouse, 2007. ISBN 2-910352-49-8

Dans Généawiki

Références

  1. a  et b Vincent Denis, Une histoire de l'identité. France, 1715-1815, Champs-Vallon, 2008, p.86 sq.
  2. V. Denis, 2008, op.cit., p.130-145
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