- Palais de la Légion d'honneur
-
Pour les articles homonymes, voir Légion d'honneur (homonymie).
Hôtel de Salm
Présentation Nom local Palais de la Légion d'honneur Type Hôtel particulier Architecte Pierre Rousseau Date de construction 1781-2004 Destination initiale Hôtel particulier de Frédéric III de Salm-Kyrbourg Propriétaire Ordre national de la Légion d'honneur Destination actuelle Musée de la Légion d'honneur Protection Monument historique (depuis 1985) Site web www.musee-legiondhonneur.fr Géographie Pays France Région Île-de-France Localité Paris Coordonnées Géolocalisation sur la carte : Paris
modifier Le Palais de la Légion d'honneur, ou hôtel de Salm, est un ancien hôtel particulier construit dans les dernières décennies du XVIIIe siècle selon les plans de Pierre Rousseau, à l'initiative de Frédéric III de Salm-Kyrbourg. Passé dans les propriétés de l'Ordre national de la Légion d'honneur en 1804, puis remanié sous la règle et le compas d'Antoine-François Peyre, il abrite aujourd'hui le Musée national de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie. Il est situé à Paris, dans le 7e arrondissement, entre le quai Anatole-France, la rue de Lille, la rue de Bellechasse et la rue de Solférino. L'entrée principale se trouve au 64, rue de Lille.
Sommaire
Histoire
Le prélude de l'hôtel (1781-1783)
Tout débute à Strasbourg le 29 novembre 1781, lorsque Frédéric III (1746-1794), prince régnant de Salm-Kyrbourg, prenait pour épouse Jeanne-Françoise de Hohenzollern-Sigmaringen. L’étroitesse des deux hôtels parisiens que le prince louait alors au maréchal de Broglie rue de Varennes, contraignit le jeune couple à édifier une plus vaste et plus commode résidence, d’autant plus qu’il y logeait déjà sa mère, la princesse douairière, et que devait bientôt les rejoindre sa sœur Amélie-Zéphirine. Le prince (chef d'une branche de la maison de Salm), qui s'était installé à Paris en 1771, avait hérité d'une vaste fortune qui fut encore augmentée en 1781 par la dot de sa femme.
Le 12 juillet 1782, il devint propriétaire d’un grand terrain d’une superficie de 1362 toises carrées au lieu dit de la Grenouillère qu’il acquit de Louis-François-Joseph de Bourbon, prince de Conti. Le chantier du « Chêne vert », dont l’emplacement formait un quadrilatère presque régulier d’environ 31 toises de large sur plus de 44 toises de long (60,4 x 85,75 m), touchait à l’est la rue de Bellechasse, à l’ouest la propriété du marquis de Saisseval, et profilait du sud au nord la rue de Bourbon – actuelle rue de Lille – jusqu’au chemin longeant les berges de la rivière. Deux mois plus tard, Frédéric fit appel à l’architecte Pierre Rousseau afin de dresser les plans et élévations de son futur palais dont il lui confiait les ouvrages. Celui-ci lui remit ses dessins au début d’octobre 1782 et le 7, l’entrepreneur Jean-Jacques Thévenin, chargé de la mise en œuvre du chantier, pouvait assister le maître général des bâtiments de la Ville pour relever les alignements du bâtiment. Le 15 octobre, le Prince s’entretenait avec le marchand de bois Edmé Godot Desbordes, locataire des lieux, afin de prévoir à l’arrêt anticipé de son bail, celui-ci accepta de lui délaisser le jour même un quart de la moitié du terrain côté Seine, l’autre quart un mois plus tard, puis l’autre moitié du terrain donnant sur la rue de Bourbon le 1e avril suivant ; Godot fut indemnisé en échange de 10 000 livres et le Prince renonçait aux loyers qu’il lui devait depuis juillet.
Dans le même temps, le Prince demanda au Bureau de la Ville la possibilité d’adjoindre en direction du fleuve, un avant corps de 3 pieds de saillie sur une longueur de 10 toises (0,97 x 19,49 m), au mur en terrasse déjà existant, pouvant ainsi servir de soubassement à son bâtiment ; il donna pour explication qu’envisageant la construction de bâtiments considérables, celui-ci était contraint de porter le corps de logis principal très près de ladite terrasse. Sa demande lui fut accordée le 20 décembre à titre de tolérance après lecture du procès-verbal des échevins de la Ville, lecture du plan levé par le maître général des bâtiments et visite préliminaire qui eut lieu sur place le 14 novembre. En échange, Frédéric cédait à la Ville 216 toises carrées pour donner au quai la largeur de 10 toises (19,49 m), réclamée par les arrêts du Conseil.
Puis, le 17 janvier 1783, Frédéric III demanda une visite des lieux, afin de faire état des constructions qu’il envisageait de réaliser. Le 25, expert et huissier procédaient à la visite sous la conduite de l’architecte Pierre Rousseau qui leur présenta le devis qu’il avait réalisé pour la réalisation de l’hôtel, le plan général de distribution du rez-de-chaussée, ainsi qu’une élévation de la façade sur cour du corps de logis principal de l’hôtel. En janvier 1783 furent donc arrêtées et précisées le plan masse, les élévations du bâtiment ainsi que les conditions du marché.
Le chantier sous Thévenin (1782-1784)
Sous la conduite de Rousseau, deux entrepreneurs se succédèrent : Jean-Jacques Thévenin qui occupa cette fonction à peine treize mois (d’octobre 1782 à novembre 1783) et prit en charge l’ensemble du gros œuvre du corps de logis principal, il est également le maître d’ouvrage de la Laiterie de la reine à Rambouillet dont il prit la direction entre 1785 et 1788 ; puis Jean-Baptiste Delécluze, qui poursuivit les ouvrages jusque les années 1789-1790, l’Histoire eut peine à garder son nom mais il fut connu pour ses travaux sous la direction de Claude-Nicolas Ledoux, sa participation à la construction de la rue Chabanais, ou pour sa généalogie avec Eugène Viollet-le-Duc dont il est le grand-père.
Les trois derniers mois de l’année 1782 virent toute l’activité du chantier se concentrer sur l’organisation de la moitié nord de la parcelle, Godot ayant jusqu’au mois d’avril 1783 pour libérer intégralement les lieux. Le 7 octobre, l’entrepreneur Thévenin participait au relevé de l’alignement à donner au bâtiment. Dans le même temps, on commençait à réaliser des esquisses et modèles pour certaines parties du bâtiment : le charpentier Lamix exécutait en grand la porte d’entrée du côté de la rue de Bourbon ; le cartonnier Méraut réalisait une demi-sphère pour la calotte du salon et deux balustres furent taillés en pierre de Conflans pour servir de prototypes. Sur le terrain, à ses abords, des parties de la chaussées furent dépierrées, des murs de clôtures démolis, et le mur en terrasse sur le quai fut prolongé avec retour sur la rue de Bellechasse. Certaines baraques et maisons des marchands furent conservées et réaménagées à l’usage des sculpteurs et on construisit un hangar le long du mur de l’hôtel de M. de Saisseval où pouvait travailler Nicolas-Robert Léger qui produisit les chapiteaux corinthiens et ioniques de même que l’ensemble des modillons de l’hôtel. Courant décembre ou janvier, tout au plus jusqu’au printemps 1783, on procéda au fouilles destinées à former le vide de l’étage souterrain ; néanmoins le chantier progressa peu, et si en février Rousseau se rendait à l’Isle-Adam pour sélectionner la pierre, la crue de la Seine qui survint en mars endommagea plusieurs partie du mur qu’il fallut reprendre. Cette inondation et plusieurs modifications apportées au projet ralentirent d’autant plus les travaux dont l’activité reprit au printemps.
Au mois d’avril on confectionnait le modèle de l’entablement et un mur fut monté pour y tracer à échelle réelle la façade sur le quai ; pour cela on demanda aux menuisiers Gontier et Pascal de fournir six cintres en anse de panier pour la voûte de la cave. La première assise en pierre de Saint-Leu de la façade et du retour du bâtiment du côté de la rivière fut posée début mai, puis à la fin du mois, fut maçonné le massif en moellon et plâtre autour des bases de colonnes et socles de l’avant-corps circulaire tandis que des menuisiers taillaient des panneaux de bois à l’usage des maçons pour donner forme aux niches circulaires et aux « cercles » de la voûte du salon. En juin, les murs arrivaient au niveau des frontons des croisées du côté du quai et, pour s’assurer de la solidité de la façade donnant sur le quai et sur la cour, l’architecte adjoignit derrière la pierre de taille des gros fers, que ce soit pour liaisonner les claveaux entre eux, contrecarrer les poussées obliques, ou pour empêcher les arcs et plates-bandes de s’écarter, assurant ainsi la stabilité des points critiques de l’architecture par un système de tirants métalliques.
Le bâtiment arriva à hauteur du premier étage courant juillet, des ouvriers furent dès lors chargés de renforcer les planchers et tandis que les maçons travaillaient aux entablements et coulaient les modillons, un tailleur de pierre était envoyé avec le maître carrier pour chercher des échantillons de pierre de Conflans destinés aux chapiteaux de l’avant-corps de la cour. Dans le même temps on commençait à placer le décor sculpté sur les façades et durant les mois de septembre et octobre, des ouvriers furent occupés à couvrir de dalles de pierre de liais, fournies par le marbrier Corbel, les plates-bandes des terrasses du logis principal. À l’intérieur du bâtiment un nouvel échafaudage fut dressé et les maçons purent régler les angles cintrés du plafond du vestibule et de la calotte de l’antichambre ; en novembre, ils assemblaient avec des ancres les différents éléments qui composaient le petit ordre de la cour. Puis le chantier s’arrêta à la mi-novembre 1783, échafaudages descendus, rues de Bellechasse et de Bourbon débarrassées, le corps de logis hors d’eau, il ne restait plus selon l’architecte qu’à dresser la feuillure de toutes les baies, le scellement des pattes des châssis des croisées, le ragrément des murs en pierre de taille. On ne remarque toutefois pas une interruption significative des travaux, les artisans et décorateurs poursuivant leur ouvrage à l’intérieur du corps de logis principal de façon discontinue.
Le chantier sous Delécluze (1784-1792)
Plusieurs raisons expliquent aujourd’hui le départ de Thévenin du chantier, non seulement une éventuelle mise en cause du travail par le commanditaire mais également des problèmes financiers entre les deux hommes. Le 24 avril 1784, deux experts nommés par l’entrepreneur furent chargés de constater si des dégradations provenaient d’un défaut de couverture du bâtiment et de la montée du fleuve ; après connaissance du devis, ils évaluèrent les travaux sans porter de jugement sur l’ouvrage même. Frédéric III intenta par la suite un procès à l’entrepreneur, sans doute pour retarder autant que possible le paiement des travaux et obtenir un rabais sur les tarifs du marché. Le commanditaire était alors poursuivi par les londoniens auxquels il avait emprunté un demi-million de livres pour la mise en œuvre du canal de Provins ; face à cette situation, la banque Leuleu, qui gérait les affaires du Prince, s’étaient portés garant, on put ainsi poursuivre les travaux et constituer une nouvelle équipe d’artisans et Jean-Baptiste Delécluze fut nommé le 31 juillet 1784 pour la direction des ouvrages de maçonnerie en place de Thévenin.
Successivement, des contrats furent passés le 3 août avec le charpentier Zaccharie Pellagot, le 14 avec le serrurier Simon Guiollet, le 24 avec le paveur Gilles-Michel Beaufils et le couvreur Pierre Ménageot, le 18 septembre avec le maître vitrier Pierre-Louis Billoüard, puis le 12 octobre avec le menuisier Jean-Alexis Alexandre suite à la résiliation du contrat de Pierre Gontier le 27 septembre 1784. Pierre Rousseau n’était plus le seul à qui était confié la conduite des ouvrages, on fit appel également à Jacques-Denis Antoine (1733-1801) qui s’était fait une réputation en tant qu’expert, le Prince le connaissait pour lui avoir demandé les plans du canal de Provins en 1781, et peu après, ceux de son château de Kirn, projet qui n’eut d’ailleurs pas de suite. Le plan initial reçut peu de corrections, sinon au niveau des bâtiments sur la rue de Bellechasse, où la cour des écuries passa d’oblongue à demi-circulaire. Antoine retira rapidement toute responsabilité du chantier, dès janvier 1785 son nom ne figurait plus dans les actes, et , en avril, l’architecte intentait un procès au Prince pour obtenir le règlement des plans réalisés avec l’architecte Marie-Joseph Peyre pour le canal de Provins.
Les difficultés financières commencèrent à s’accumuler et Frédéric III, malgré le soutien de la banque Leuleu qui continuèrent de se porter garant pour ses excès, eut peine à poursuivre de façon continue le chantier de son hôtel qui, d’arrêts en reprises, ne s’acheva pour la majeure partie qu’en 1788, date à laquelle le Prince put y loger. Suite au départ de l’ancien entrepreneur, il restait encore à élever la moitié sud de l’hôtel, du portique donnant sur la cour jusqu’à la rue de Bourbon, soit la cour avec colonnade, l’arc de triomphe de l’entrée et les bâtiments qui devaient abriter logements, écuries et remises de carrosses. À l’intérieur de l’hôtel, les artisans étaient toujours occupés à la décoration : le marbrier-stucateur Goutheinze était occupé dans le salon de musique et le marbrier Corbel livrait les premières cheminées. Comme nous l’avons mentionné, les problèmes financiers du Prince eurent raison du bon déroulement des travaux dont le chantier reprit pour le gros œuvre en août 1784. Mais, dès décembre, la banque Leuleu lui demandait de minimiser le nombre d’ouvriers, forçant Delécluze à stopper les travaux et les approvisionnements en matériaux. Néanmoins, le 7 janvier 1785, le banquier passait marché avec François-Pierre Baudouin pour les ouvrages de peinture et de dorure, puis le 30, avec Jean-Baptiste-Martin Lasalle pour l’achat d’étoffes pour l’ameublement de l’hôtel. Dans le courant de cette année, le sculpteur Philippe-Laurent Roland achevait la grande frise composée de rinceaux d’ornements et de griffons destinée au vestibule.
Delécluze ne revint sur le chantier qu’en avril, alors que, dans le même temps, se déroulait à Paris la révolte des ouvriers manifestant contre leurs conditions de travail. Suite à la majoration des salaires et des matériaux qui s’ensuivit, Delécluze demanda en juin une augmentation que la banque Leuleu lui accorda pour l’inciter à mettre plus de hâte dans l’achèvement des travaux. Toutefois, en août 1785, les travaux furent de nouveau interrompus et à partir de cette date, le chantier ne reprit que de manière épisodiques sur de courtes périodes jusqu’en septembre 1788. L’entrepreneur avait dès lors put achever les bâtiments compris entre la colonnade et l’hôtel de Saisseval. Le harcèlement des créanciers du Prince le contraignit dès lors à chercher des financements pour sustenter les plus impatients, mais, sans toutefois renoncer à réduire son train de vie, il finit par se quereller avec la banque Leuleu qui, en avril 1786, lui retira la gestion de ses affaires. Bien qu’il obtînt une avance de fonds de 200 000 livres, les paiements restèrent insuffisants et, le 24 août, s’ensuivit la saisie des meubles et effets du Prince dans l’hôtel qu’il louait depuis deux ans. Ce ne fut qu’en novembre 1787, lors du départ des administrateurs nommés en place de la banque Leuleu, que le Prince put de nouveau avoir la main mise sur ses affaires avec l’aide de son homme de confiance, l’abbé Badeau et de l’architecte Rousseau. Ainsi, en décembre, sur demande de ces derniers, il fut demandé à Delécluze de reprendre les travaux qui cessèrent rapidement suite à un nouvel arrêt des paiements, et ainsi, de reprise en reprise, les constructions avançaient et en 1787, les bâtiments des écuries sur la rue de Bellechasse furent couverts afin que vitriers, serruriers, paveurs et peintres puissent y intervenir.
C’est au début de l’année 1788 que le Prince et sa famille purent habiter leur nouvel hôtel qui n’en était pourtant pas achevé pour autant. Entre janvier et avril, Gautruche livrait les glaces qui devaient orner les dessus de cheminées et trumeaux ; Michel-Hubert Bourgeois peignait couleur de pierre en détrempe la voussure du portique d’entrée, le vestibule et les murs de la salle du dais qui servait de deuxième antichambre ; le marbrier-stucateur Goutheinze revenait faire quelques compléments dans la salle à manger et le salon de musique. En mars, on chargeait Martin, maitre treillageur et entrepreneur de jardins, de couvrir d’un sol de gazon les terres dégagées des gravats et d’agrémenter d’une grande variété d’arbres et d’arbustes à fruits et à fleurs les jardins dont la pelouse sans l’emploi d’aucun parterre, fut tapissée de quarante pieds de violettes. Un nouvel entrepreneur fut nommé en septembre 1788 et l’entrepreneur reprit les travaux jusqu’à l’hiver dont la rigueur le força à tout suspendre. Auparavant, entre octobre et novembre, le fondeur Vitel avait fourni deux pompes aspirantes et refoulantes destinées, l’une, à l’usage de la grande cour, l’autre, à placer dans la cave afin d’en refouler l’eau dans le réservoir situé sur la terrasse. Une nouvelle fois le chantier dut se stopper, faute de fonds, et ne reprit qu’en août 1789. Le peintre Garnier put intervenir cette année dans plusieurs pièces de l’hôtel et plus particulièrement dans la chambre à coucher de Madame où il peignit plafond, corniches, parquets de glace, lambris, portes et croisées. Plusieurs mémoires d’artisans montrent que furent encore réalisés plusieurs changements et réfections dans l’hôtel, toutefois leu nature n’étant pas précisée, on sait que ces travaux occupèrent encore Delécluze jusqu’à la fin de l’année 1792.
L’entrepreneur reçut très mal le chantier qu’il s’était vu confié : lors de l’estimation et la réception des ouvrages « de toute nature » que le Prince avait demandé le 3 novembre 1792, l’entrepreneur fit état des conditions dans lesquels s’étaient déroulées le chantier. Augmentations et modifications des plans, travaux effectués durant les mauvaises saisons, frais occasionnés par les arrêts chroniques du chantier, augmentation des salaires des ouvriers et coût des matériaux, paiements retardés voire qui ne furent jamais réglés l’obligèrent à avancer et parfois même à emprunter avec intérêts et firent de cette entreprise l’une sinon la plus désagréable de sa carrière[1]. De plus le rapport effectué par l’entrepreneur sous l’autorité de l’abbé Badeau dès le printemps 1788, fait état d’un chantier difficile tant au niveau des travaux que sur le plan humain.
L'hôtel sous la Révolution et le Consulat (1794-1804)
Suite à l’arrestation le 13 germinal an II (2 avril 1794) de Frédéric III de Salm-Kyrbourg, « mort révolutionnairement » (c'est-à-dire guillotiné) tel que l’indiquent les documents de l’époque, le 5 thermidor (23 juillet), tout son patrimoine avait été confisqué et l’hôtel de Salm figurait sur la liste des biens nationaux destinés à être mis en loterie. Broussin Nanteuil, ancien intendant du Prince et fermier judiciaire de l’hôtel, réussit dès septembre 1794, à la faveur de la fin du régime de la Terreur, à se faire nommer Président de la Régie. Il fit sauter l’édifice de la fameuse liste en avril 1795 en rappelant que l’hôtel était déjà saisi dans le but de rembourser les innombrables créanciers du Prince qui allaient des entrepreneurs, artistes et joailliers, aux marchands de légumes et épiciers, totalisant au final plus de 200 personnes. Le 12 septembre 1795, la mémoire du Prince était réhabilitée, on leva la confiscation des biens au profit de principe de son fils et héritier ; toutefois, un jugement ordonnait la vente totale aux enchères des meubles, livres et documents qui se trouvaient dans le palais, qui, après inventaire, eut lieu en 13 vacations de décembre 1795 à avril 1796. Boisville, un homme de confiance de la princesse Amélie de Salm-Kyrbourg, sœur du Prince, en avait racheté une grande partie qu’il eut la maladresse de laisser sur place. En effet, alors qu’Amélie et son neveu partirent en automne 1795 pour les Pays-Bas, où les Salm-Kyrbourg possédaient d’importantes propriétés, après être restés à Paris à la mort du Prince. Broussin Nanteuil loua une partie des appartements de l’hôtel à un fournisseur aux armées, un des dandys du Directoire naissant, le sieur Leuthereau, dit marquis de Beauregard, escroc notoire mais d’une envergure suffisante, qui avait également acquis le château de Bagatelle et à qui Mademoiselle Lange coûtait, dit-on, 10 000 livres par jour. Leuthereau donna dans l’hôtel des fêtes somptueuses, mais vendit ce qui avait subsisté du mobilier qui fut définitivement dispersé malgré toutes les réclamations des créanciers du Prince et de ses héritiers à qui ils appartenaient. L’escroc fut par la suite arrêté et gardé à vue, mais parvînt à s’enfuir, nous retrouvons sa trace en 1798 au bagne de Toulon où il fut envoyé et mourut.
Dans le même temps que le séjour de Leuthereau dans l’hôtel, une Société fit beaucoup parler d’elle : un club qui selon la mode de l’époque, prit place dans une autre partie des appartements. De tendance de gauche, dirions-nous aujourd’hui, cette Société qui prit le nom de « Club de Salm » s’opposait au « Club de Clichy » d’inspiration royaliste. Ses réunions préparatoires prenaient place chez un locataire d’un des petits appartements du Palais : Colin Lacombe, avocat qui avait été jacobin ; Talleyrand et Benjamin Constant comptaient parmi les premiers membres, rejoints successivement par Madame de Staël qui rentrée à Paris, s’intéressa de très près à ce club dont elle devînt l’égérie. Toutefois, à l’étroit dans de petites pièces, le bureau demanda au « Marquis de Beauregard » de lui prêter les grands salons, celui-ci refusa promptement et le club partit s’installer ailleurs mais sans pour autant oublier ses origines, il garda le nom de « Club de Salm ».
Bien qu’occupé dans les appartements secondaires par des occupants calmes et exacts, les grands salons s’avéraient bien difficiles à exploiter, et restés vides la plupart du temps, un nouveau club, dit « du Manège » y tînt pourtant quelques séances avant d’être dispersé après le 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799), puis en 1800, pour une durée de 3 mois, ils furent occupés par le bal public « du Zéphyr », bal par abonnements qui se déroulait les 3 et 7 de chaque décade. Mais celui-ci fut rapidement fermé par la police car on s'y livrait à la prostitution. C'est notamment d'une des fenêtres que le futur général Junot assista , en compagnie de sa fiancée Laure Permon, au passage du cortège emmenant aux Invalides les cendres de Turenne. La sphère politique eut néanmoins tôt fait de considérer les perspectives d’un tel hôtel. L’ascension de Napoléon Bonaparte au pouvoir et la mise en place par le Consulat de quelques expositions qui prirent place dans les grands salons du palais, permirent d’attirer l’attention particulière du public sur quelques grandes œuvres destinées à asseoir la domination du Premier Consul. Ainsi furent exposées pour n’en citer que quelques unes, La France à l’époque du XVIII Brumaire d’Antoine-François Callet (1800, huile sur toile, 101 x 125 cm, Vizille, Musée historique de la Révolution) ou le Bonaparte Pacificateur du milanais Giovanni Battista Comolli. L’ensemble du palais n’avait toutefois cessé de se détériorer et l’explosion de la poudrière de Grenelle survenu le 31 août 1794, l’avait grandement endommagé sans qu’aucune réparation, ni aucun entretien ne fut réalisé depuis lors.
L’hôtel de Salm ou Palais de la Légion d’honneur sous le Premier Empire (1804-1815)
C’est le 19 mai 1802 fut créée l’une des instances les plus prestigieuses du Premier Consul, la Légion d’honneur, ordre adopté avec enthousiasme par le peuple français, à l’initiative du jeune héros en qui elle plaçait tous ses espoirs de redressement et de stabilité, fut fondé dans le but de « récompenser les services et les vertus » militaires et civils et couvrait la France de ses rayons depuis déjà deux ans. Le naturaliste Bernard Germain de Lacépède (1756-1825), nommé Grand Chancelier en 1803, en avait d’abord installé le noyau administratif chez lui, rue Saint-Honoré, mais il était urgent de lui trouver un siège définitif. Aucun projet grandiose n’avait pourtant été imaginé, ni par Bonaparte, ni par le naturaliste, pour l’installation de la nouvelle institution, et si diverses propositions avaient été avancées comme « une maison peu considérable » pour les bureaux selon les écrits de Lacépède, ou l’un des hôtels confisqués du faubourg Saint-Germain, comme l’hôtel de Castries, récemment quitté par le Ministère de la Guerre ; les cérémonies, elles, se déroulaient à l’École Militaire.
Lacépède acheta toutefois l’hôtel de Salm au nom de l’Ordre, le 13 mai 1804. Celui-ci, avait été mis en vente par les créanciers du Prince à bout de patience, avec l’accord de la Princesse Amélie et de l’héritier du Prince dont elle était la tutrice. La décision du naturaliste, approuvée par celui qui allait devenir Empereur huit jours plus tard, laisse toutefois quelques questions toujours en suspens. Certes le prix peu élevé de l’hôtel – un peu plus de 300 000 francs – peut justifier un tel achat, néanmoins les bâtiments continuaient encore de se dégrader et les réparations importantes et coûteuses qui devaient intervenir rendaient le choix de Lacépède clairement hasardeux. Sans que l’on puisse toutefois appuyer cette hypothèse, il n’est pas incertain que Joséphine et Hortense de Beauharnais fussent étrangères à cette décision : les familles de Salm et de Beauharnais s’étaient intimement liées sous la Révolution ainsi que dans les funestes moments de la Terreur et Eugène de Beauharnais et Hortense, privés de leurs parents incarcérés, avaient trouvé refuge auprès d’Amélie, la sœur du Prince à l’hôtel de Salm[2] ; de plus, la tête d’Alexandre de Beauharnais, leur père, était tombée le même jour et sous le même couperet que celle de Frédéric III. Ainsi, aider Amélie et le fils du Prince à échapper aux créanciers de son frère par la vente difficile du palais devait-il constituer un témoignage de leur plus haute estime à l’égard de la princesse, d’autant plus que celle-ci qui résidait pour la majeure partie du temps à Bruxelles, se trouvait justement à Paris d’avril à juin 1804.
Quoiqu’il en soit, les multiples éloges dont le palais et son panorama exceptionnel auront bénéficié, comme celui écrit par Thomas Jefferson[3] alors ambassadeur de la jeune république américaine à Paris de 1785 à 1789, justifient amplement le choix de Lacépède comme siège de son institution. Toutefois, lorsqu’après son achat, celui-ci demanda aux experts du Comité de consultation de l’Ordre d’en faire la visite complète et critique, ces derniers semblèrent montrer une certaine réticence. Selon leur rapport l’hôtel se trouvait dans un état lamentable : des huisseries à refaire, aux fuites des toitures, en passant par les fissures qui lézardent les murs, l’architecte Antoine-François Peyre (1739-1823) lui-même, à qui le comité avait chargé de remettre un rapport sur l’ensemble de l’œuvre, ne se montrait pas plus optimiste. Tous deux conclurent alors à une reprise générale du gros œuvre et de la décoration très sévèrement jugée et le 14 juillet 1804, les bureaux de la Chancellerie purent être transportés rue de Lille, ils se composaient déjà de 72 personnes.
Aussi majestueux et vaste que fut l’édifice, la transposition d’un édifice particulier aristocratique en administration centralisée posait un tout autre problème. Les documents nous faisant gravement défaut, nous sommes uniquement en mesure de savoir que le Grand Chancelier et le Secrétaire Général auraient occupé les pièces donnant sur la cour d’honneur, les autres administrateurs se répartissant dans l’entresol et l’étage, et dans la cour des remises, fut construit un petit pavillon abritant les Archives. Les grands salons demeurèrent probablement réservés aux réceptions et aux réunions du Grand Conseil, et peut-être Lacépède, lui-même, les prit-il quand il vînt résider au palais en 1809. Concernant les travaux, le Grand Chancelier guidé par l’Empereur, dans un souci d’économie, s’efforçait de réduire au minimum les aménagements proposés par Jacques Gondoin et Peyre, l’urgence s’imposant principalement sur le gros œuvre, les toits furent refaits et les murs consolidés ; du point de vue de la décoration, il est aujourd’hui difficile de reconstituer ce qui a été dans les temps réalisé. Les premiers mois du Premier Empire virent donc l’implantation définitive de la Légion d’honneur dans ce qui fut autrefois le luxueux palais de Frédéric III, elle ne devait dorénavant plus quitter son hôtel, sauf pendant quelques funestes semaines de 1871, lors des épisodes de la Commune[4], et ainsi, dès 1812, outre quelques réparations et restaurations entreprises notamment sur la coupole, les gros travaux furent achevés. On avait en fait, en 1806, partiellement envisagé la démolition de l’hôtel, un projet de concours organisé par l’Institut de France ayant eu pour objet un « immeuble à usage de grande Chancellerie » et dont le Grand Prix fut attribué à Jean-Baptiste Dedebar et les seconds à Jean Provost et Hyppolite Le Bas attestent de cette décision. Ce projet fut finalement ajourné au vu du coût trop important de l’entreprise.
Par la suite, tout comme le faubourg Saint-Germain fut le pôle attractif de l’aristocratie parisienne de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, la haute noblesse impériale se laissa séduire par les agréments du faubourg. Ainsi, le Grand Chancelier retrouvait rue de Lille et sur le quai : Nansouty, Daru, Lauriston, Eugène de Beauharnais, ou Masséna. Le Maréchal Ney devînt le voisin immédiat de la Légion d’honneur en achetant, en 1805, aux Saisseval, l’hôtel mitoyen. Le peintre officiel Carle Vernet s’établit lui aussi rue de Lille, maintenant intégralement construite.
Lacépède quitta les lieux le 28 mars 1814, nommé Président du Sénat, il accompagnait à Blois l’Impératrice Marie-Louise d’Autriche qui fuyait l’invasion. Quelques jours plus tard, les fils du roi Frédéric-Guillaume II de Prusse, Henri-Charles (1781-1845) et Guillaume (1783-1851), trouvant les appartements vides s’y installèrent jusqu’au 4 juin. Puis vînt la nomination « scandaleuse » de l’Abbé de Pradt (1759-1837), qui, si odieux à tous, se vit révoqué par Louis XVIII au profit du Comte de Bruges qui occupera sa fonction pendant moins de deux mois. Enfin, le 10 mars 1815 à Lyon, Napoléon débarqué dix jours plus tôt, renommait Lacépède Grand Chancelier inamovible. Ce dernier qui se trouvait à Hyères, ne reprit seulement sa place à la rue de Lille qu’à la fin du mois d’avril. Prévoyant la défaite de la bataille de Waterloo, il rentrait dans la vie privée tandis que le Maréchal Macdonald le remplaçait. Sous la direction de Macdonald, alors que celui-ci procédait à la délicate mission de la dissolution de l’Armée de la Loire dont il ne reviendra qu’en octobre, Henri et Guillaume de Prusse se réinstallèrent à nouveau pour quelques semaines à la Chancellerie.
Un bâtiment à usage de bureaux fut construit le long de la rue de Solférino, ouverte en 1866. Un bâtiment, dans le même style, prit place rue de Bellechasse pour abriter les écuries puis le musée de la Légion d'honneur à la suite de l'adaptation de 1922 à 1925, de cette aile du Palais par l'architecte Jean de la Morinerie. La campagne de restauration menée après l'incendie de 1871 affecta peu l'aspect extérieur du bâtiment, miraculeusement épargné, en dehors de la coupole, plus importante désormais que dans le dessin originel. Les intérieurs, en revanche, ravagés par les flammes, furent entièrement refaits par des artistes comme Jean-Paul Laurens, Théodore Maillot, Victor Navlet, Achille-Louis-Joseph Sirouy et François Ehrmann. Cette décoration forme un ensemble significatif de l'art officiel sous la IIIe République.
Architecture
Description
L’architecture de l’hôtel fut maintes fois valorisée sous les plumes de Jefferson ou celle de Charles Paul Landon qui lui, louait la vue qu’offrait la vue qu’offrait le salon en rotonde sur la rivière, entre les ponts des Tuileries et de la Condorde, et sur « les magnifiques jardins du palais impérial » ; l’architecte Legrand (1743-1807), lui, considérait que « la partie la plus remarquable de cet édifice était cette grande cour avec l’entrée en forme d’arc de triomphe, la colonnade d’ordre dorique aboutissant à un frontispice en colonnes corinthiennes au fond de cette cour ». Rare exemple qui subsiste toujours de la production parisienne des années 1770-1780, l’hôtel de Salm représentait selon Boullée (1728-1799) le type de la « maison importante ». Si l’on ne remarque pas une innovation considérable de la part de l’architecte Rousseau, fortement imprégné des théories de Jacques-François Blondel (1705-1774), prônant une longue tradition architecturale, et influencé par les projets et réalisations de ses confrères, tel que celui de Marie-Joseph Peyre pour l'hôtel de Condé en 1765, il préféra donner à l’hôtel un plan qui se partage entre tradition et composition plus moderne en faisant référence tout autant à l’hôtel entre cour et jardin, qu’à une architecture dite « à l’antique ».
On remarque à la lecture du plan une certaine analogie avec celui figurant dans le chapitre sur l’architecture de l’ Encyclopédie de Diderot et d’Alembert donné par Blondel en 1762 intitulé « Projet d’un grand hôtel… ». Cependant, l’emprise de l’hôtel sur la parcelle et le traitement de la façade sur jardin dénotent un autre modèle est à l’œuvre : le corps de logis sur le quai est placé en limite de propriété pour jouir de la vue sur le paysage – la Seine, les Tuileries et plus loin Montmartre – plus que de l’étroite bande du jardin aménagé à ses pieds. Le traitement en saillie du salon de la rotonde, l’emploi de l’ordre et de l’ornementation sculptée ne permettent pas d’assimiler la façade sur jardin à une façade arrière mais en fait un angle de vue privilégié de l’hôtel, rappelant les grands hôtels de l’île Saint-Louis (hôtel Hesselin, de Lauzun, …), ou du Boulevard (hôtels de Montholon, de Montmorency, …) où le corps de logis principal, contrairement à la tradition parisienne entre cour et jardin, est rejeté en façade pour jouir de la vue sur la Seine ou sur la rue, son animation et le paysage au-delà. Toutefois le rapport entre le logis et le jardin ne s’arrête pas à la façade sur Seine, le jardin entoure le corps de logis sur trois faces et plonge le bâtiment dans un cadre agreste. Ce cadre urbain où se mêlent dans le périmètre de l’édifice nature et architecture, fut très en vogue chez les architectes et commanditaires dans les années 1770-1780, comme on le retrouve chez Brongniart (1739-1813) à l’hôtel de Montesson (rue de la Chaussée d’Antin, 1773), ou chez Ledoux à l’hôtel de Thélusson (rue de Provence, fin 1770). L’édifice fait partie intégrante d’un site monumentalisé et dont l’architecture se charge de rehausser la magnificence : l’édifice, isolé sur trois côtés, au nord, au sud et à l’est (rue de Bellechasse), son élévation rehaussée par une terrasse maçonnée formant podium – effet disparu lors de la modification de l’altimétrie des sols au XIXe siècle – et la présence du quai participaient ainsi à lui donner ce caractère majestueux tout en prévenant l’édifice du danger des eaux montantes et procurait à l’hôtel un jardin de type suspendu tel que l’avaient déjà adopté les architectes du début du siècle pour les hôtels voisins (Torcy, Seignelay et Mainc). L'aspect général de l'hôtel a, de plus, été altéré par le percement du quai Anatole-France, qui l'a amputé de son jardin, qui s'étendait jusqu'à la Seine, et l'exhaussement de la chaussée, qui a dissimulé les substructures.
L’hôtel présente un plan masse hiérarchisé avec répartition stricte des fonctions à l’intérieur de la parcelle : au sud, trois cours dont la cour d’honneur régulière et les deux cours de service ; puis, au nord, le corps de logis, espace de vie du Prince et de sa famille. La largeur du terrain a permis à Rousseau d’établir une disposition spectaculaire pour la cour d’honneur, flanquée de deux cours de service où les dépendances ont été rejetées ; ce parti balancé est toutefois rare, bien qu’idéal, du fait de l’espace nécessaire, on avait pour habitude d’ordinaire de disposer d’une seule basse-cour, soit d’un côté, soit de l’autre. Les corps de logis sont articulés selon la tradition française : du côté de la rue, deux pavillons encadrent une entrée monumentale en forme d’arc de triomphe ; des ailes encadrent la cour à droite et à gauche, puis se développent en arrière autour des cours secondaires, enfin le corps de logis forme un ensemble quasi autonome en plan. L’originalité du plan masse de ce corps de logis principal tient du fait qu’il se décompose en trois parties, au lieu de d’un simple carré ou rectangle : corps de bâtiment simple en profondeur adossé aux cours, semi double en épaisseur sur le quai ; et, entre les deux, un corps de liaison plus étroit, double en profondeur du sud au nord et triple d’est en ouest. Il permet ainsi d’aérer l’ensemble en décomposant l’espace et contribue à isoler le corps de logis sur le quai qui parait se détacher devant le corps de bâtiment sur cour.
Nous pouvons retrouver aujourd'hui l'aspect de l'hôtel tel qu'il figurait aux XVIIIe et XIXe siècles grâce aux gravures figurant dans les recueils de Prieur et Van Cléemputte, Recueil des plans, coupes et vues des plus jolies maisons de Paris ; de Jean-Charles Krafft et Charles-Nicolas Ransonnette, Recueil des plus jolies maisons de Paris et de ses environs (1801) ; ainsi que dans la Description des nouveaux jardins de la France et de ses anciens châteaux d'Alexandre-Louis-Joseph de Laborde (1808).
Ouvrages de décoration
Henri Thirion, dans son ouvrage Le palais de la légion d’honneur, ancien hôtel de Salm. Dépenses et mémoires relatifs à sa construction et à sa décoration, publia le contenu des sources se trouvant aux Archives Nationales dans la série judiciaire Z 7433, à ces documents relatifs aux travaux de construction et de décoration réalisés lors de l'édification de l'hôtel, sont minutieusement précisés le noms des artistes chargés de leur exécution, ainsi que leur coût. La dépense totale qu'aura donc faite Frédéric III de Salm-Kyrbourg pour la réalisation et la décoration de son hôtel lui aura coûté 615.170 livres 11 sous et 17 deniers ; soit 595.611 livres 11 sous et 8 deniers dépensés pour les travaux propres à la construction et 15.408 livres relatifs aux travaux de décoration de l'hôtel. À cette somme, il faut encore ajouter l'achat du terrain, soit 260.000 livres, plus celui du mobilier et les frais annexes dont les quittances manquent.
Voici, selon les mémoires relatifs à la décoration de l'hôtel, les protagonistes ayant participé à son embellissement :
- Bertolini, fondeur.
- BOQUET Simon-Louis (1743-1833), sculpteur.
1784. Quatre bas-reliefs représentant les quatre saisons pour la salle à manger (96 livres).
- BOQUET Pierre-Jean, peintre, fils du précédent.
1784. Peintures exécutées pour le plafond et la frise, dans le salon : Apollon dans sa course accompagné des Heures, Vénus éveillée par des amours et des plaisirs, Les quatre Saisons dans la voussure de la frise ; Sereze (sic) cherchant sa fille Flore et Zéphyre (sic) et les Jeux floraux ; Bacchus, Ariadne (sic) et Silène, portés par des faunes ; Femme dansantes (6.000 livres).
- D'Hollande, mouleur à Paris.
1785. Pour avoir moulé un petit chapiteau ionique pour le modèle de la porte et en avoir coulé douze plâtres, demande 18 livres (réglé à 13 livres).
- Pour avoir moulé une petite rosace pour le même modèle de la porte et en avoir coulé soixante-deux plâtres (12 livres).
- Pour avoir fait cartonner le petit modèle du salon et l’avoir peint en huile, demande 36 livres (réglé à 30 livres).
- Pour avoir fourni quinze bas-reliefs, posés à l’extérieur dudit hôtel, à raison de 18 livres chaque, ci 270 livres (réglé à 15 livres chaque, ci 225 livres).
- Pour avoir moulé un grand bas-relief, posé sous le péristyle (240 livres).
- Pour avoir fourni dix-neuf gros bustes posés sur la face de la Seine, à raison de 18 livres chacun, ci 352 livres (réglé à 15 livres chacun, ci 304 livres).- MOITTE Jean-Guillaume (1746-1810), sculpteur du roi.
1784. Six esquisses de figures qui doivent être placées sur le côté du quai d’Orsay (288 livres).
- Un bas-relief en terre cuite représentant les fêtes à Palès, lequel a servi de modèle pour exécuter celui en plâtre qui est placé sous le vestibule (360 livres).
- Trois grands dessins d’arabesques pour le salon (360 livres).
- Deux grands bas-reliefs de jeux d’enfants pour une antichambre (240 livres).
- Un modèle de fontaine pour la salle à manger (72 livres).
- Un modèle de poële dont le pied d’estal (sic) est orné de guirlandes de vigne et de deux médaillons ; le dessus du poële portant quatre enfants qui tiennent un vase (150 livres).
- Cinq bas-reliefs en plâtre représentant des trophées d’armes, placés sur le quay (600 livres).
- Trois dessus de portes pour le salon (360 livres).
- Deux modèles de trophées qui sont exécutés sur la porte (120 livres).
- Un autre modèle de trophée devant être exécuté pour le couronnement de la porte et les branches de chaines (sic) (120 livres).
- Deux Renommées en pierre, de six pieds de proportion, exécutées sur la porte du côté de la rue de Bourbon (2.000 livres).- ROLAND Philippe-Laurent (1746-1816), sculpteur.
1783 et suiv. Deux bas-reliefs de vingt et un pieds de longueur sur cinq de hauteur, représentant une Marche de sacrifice, dans le genre des anciens, pour être posés à la façade, du côté de la rue de Bourbon (2.000 livres)[5].
1785. Une frise de cent vingt pieds de longueur sur deux de hauteur, composée de griffons et de rinceaux d’ornement, posée dans le vestibule dudit hôtel, en 1785, du montant de 1,278 livres (réglé à 1.200 livres).
- Quatre arabesques, posées sur des fonds à stucs, dans la salle à manger, du montant de 650 livres (réglé à 600 livres).
- Plus, fait en cire le petit modèle pour les bronzes d’espagnolettes (18 livres).Les statues qui couronnaient la rotonde avant l'incendie de 1871 ont aujourd'hui été remplacées par des copies, elles sont conservées par la Légion d'honneur dans sa maison des Loges.
Postérité
Le palais de la Légion d'honneur a depuis l'origine été très largement admiré et souvent imité :
- à Washington, la Maison Blanche, pour Thomas Jefferson, qui avait connu l'hôtel de Salm lorsqu'il était ambassadeur à Paris.
- à Rochefort-en-Yvelines, pour le diamantaire Jules Porgès, par l'architecte Charles Mewès.
- à San Francisco (Californie) pour le pavillon français de l'Exposition internationale, lui-même imité pour le California Palace of the Legion of Honor.
Bibliographie
- BARREAU (Joëlle), CHEFDEBIEN (Anne de), FOUCART (Jacques), SAMOYAULT (Jean-Pierre), L'Hôtel de Salm. Palais de la Légion d'honneur, éd. Monelle Hayot, Saint-Rémy-en-l'Eau, 2009.
- GALLET Michel, Les architectes parisiens du XVIIIe siècle. Dictionnaire biographique et critique, éd. Mengès, Paris, 1995.
- GODART Romain, Autour de l'hôtel de Salm : Architecture et décor sculpté (1792-1815), mémoire de Master 2 actuellement en rédaction, Dominique Massounie (dir.), Université de Paris Ouest Nanterre - La Défense, 2011.
- THIRION (Henri), Le palais de la légion d’honneur, ancien hôtel de Salm. Dépenses et mémoires relatifs à sa construction et à sa décoration, éd. L. Bernard, Versailles, 1883.
- La rue de Lille. Hôtel de Salm, CONSTANS M. (dir.), catalogue d'exposition [Paris, Institut Néerlandais, 1983], éd. Délégation à l’Action Artistique de la Ville de Paris, Société d’Histoire et d’Archéologie du VIIe arrondissement, Institut Néerlandais, Musée national de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie, Alençon, 1983.
Voir aussi
- DAVID Gérard, Le POLH de San Francisco ou l'histoire d'une passion, Cohorte, n°178, novembre 2004.
- Club de Salm
- Musée de la Légion d'honneur
Références
- Thévenin, dans l'espoir qu'un titre de princesse en apaiserait les exigences financières. Le Prince aurait même songé – selon la Gazette des Deux-Ponts – à marier son neveu, poitrinaire et qui ne pouvait raisonnablement espérer avoir d'enfants, à la fille de l'entrepreneur
- « Trop enfants pour nous rendre compte des événements qui se passaient autour de nous, écrit cette dernière, nous causions sur ces grandes terrasses du palais de Salm avec la joie et l'abandon du jeune âge. Cependant, à l'heure où, chaque jour, nous voyions de loin le peuple se rassembler sur la place Louis XV et entourer une estrade élevée que nous devinions bien être un lieu de supplice, nous rentrions dans l'appartement, tristes, oppressés. Nos larmes coulaient même en pensant que des malheureux expiraient. Mais que nous étions loin d'imaginer que nos parents dussent éprouver le même sort ! Sûrs de leur innocence, nous attendions impatiemment l'heure de leur délivrance. »
- I was violently smitten with the Hotel de Salm, and used to go the Tuileries almost daily to look at - « Je fus violemment séduit par l'hôtel de Salm et j'avais pour habitude de me rendre presque quotidiennement aux Tuileries pour l'admirer », cette phrase est extraite de l'une de ses correspondances de mars 1787
- Palais d'Orsay voisin. Il fut restauré par l'architecte Anastase Mortier grâce au produit d'une souscription lancée auprès des membres de la Légion d'honneur et des titulaires de la Médaille militaire. Durant la Commune, le palais fut incendié en même temps que le
- Lorsque ce mémoire fut présenté à Roland, un seul de ces bas-reliefs avait été posé, ainsi que le mentionne une note en marge, à l’encre rouge, de la main de Rousseau.
Catégories :- Hôtel particulier parisien
- Palais parisien
- Musée de Paris
- Musée français d'histoire
- Légion d'honneur
- 7e arrondissement de Paris
- Architecture néoclassique en France
- Patrimoine du XVIIIe siècle
Wikimedia Foundation. 2010.