Nombre de Bernoulli

Nombre de Bernoulli

En mathématiques, les nombres de Bernoulli, notés B_n\, (ou parfois b_n\,, pour ne pas les confondre avec les polynômes de Bernoulli ou avec les nombres de Bell), constituent une suite de nombres rationnels. Les premiers nombres de Bernoulli sont donnés par la table suivante :

n 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Bn 1 -\frac{1}{2} \frac{1}{6} 0 -\frac{1}{30} 0 \frac{1}{42} 0 -\frac{1}{30} 0 \frac{5}{66} 0 -\frac{691}{2\;730} 0 \frac{7}{6}

Ces nombres ont d'abord été étudiés par Jacques Bernoulli (ce qui a conduit Abraham de Moivre à leur donner le nom que nous connaissons aujourd'hui) en cherchant des formules pour exprimer les sommes du type : \sum_{k=0}^{n-1} k^m = 0^m + 1^m + 2^m + \cdots + {(n-1)}^m pour différentes valeurs de l'entier m.

Les nombres de Bernoulli apparaissent dans de très nombreuses applications, depuis la formule d'Euler-Maclaurin jusqu'à l'approche par Kummer du dernier théorème de Fermat.

Sommaire

Introduction : sommes de puissances

Article détaillé : Formule de Faulhaber.

Jacob Bernoulli connaissait quelques formules comme[1],[2] :

 1 + 2 + 3 + \cdots + (n-1) =\frac{n(n-1)}2\,= \frac{1}{2}n^2-\frac{n}{2},
1^2 + 2^2 + 3^2 + \cdots + {(n-1)}^2  =\frac{n(n-1)(2n-1)}6= \frac{1}{3}n^3-\frac12n^2+\frac{n}6\,\,;
1^3 + 2^3 + 3^3 + \cdots + {(n-1)}^3  =\frac{n^2(n-1)^2}4= \frac{1}{4}n^4-\frac{1}{2}n^3+\frac{1}{4}n^2\,;
1^4 + 2^4 + 3^4 + \cdots + {(n-1)}^4  = \frac{1}{5}n^5-\frac{1}{2}n^4+\frac{1}{3}n^3-\frac{n}{30}\,;
1^5 + 2^5 + 3^5 + \cdots + {(n-1)}^5  = \frac{1}{6}n^6-\frac{1}{2}n^5+\frac{5}{12}n^4-\frac{1}{12}n^2.

Bernoulli observa que l'expression

S_m(n)=\sum_{k=0}^{n-1} k^m = 0^m + 1^m + 2^m + \cdots + {(n-1)}^m

est toujours un polynôme en n, de degré m+1\,, dont les termes dominants sont \frac{n^{m+1}}{m+1}-\dfrac{n^m}2 (pour m > 0) et dont le terme constant est zéro[3].

Les coefficients de ce polynôme définissent les nombres de Bernoulli Bk de la façon suivante (il faudrait en fait démontrer que les nombres ainsi définis ne dépendent pas du choix de n ; voir plus bas le paragraphe Définition par récurrence) :

S_m(n)= {1\over{m+1}}\sum_{k=0}^m {m+1\choose{k}} B_k n^{m+1-k}= \sum_{k=0}^m {m\choose{k}}B_k\,\frac{ n^{m+1-k}}{m+1-k}.

Par exemple, en donnant à m la valeur 0, on obtient :

S_0(n)=0^0+1^0+\cdots +1 = n =B_0 n\ ,

ce qui montre que B_0=1\ . En donnant à m la valeur 1, on obtient :

S_1(n)=0+1+2+\ldots+(n-1) = \frac{1}{2}(n^2-n)\,=\frac{1}{2}(B_0 n^2+2 B_1 n)\ ,

ce qui montre que B_1=-1/2\ . En donnant à m la valeur 2, on obtient :

S_2(n)=0^2+1^2+2^2+\ldots+(n-1)^2 = \frac{1}{3}(n^3-\frac32n^2+\frac{n}2)\,=\frac{1}{3}(B_0 n^3+3 B_1 n^2+3B_2n) \ ,

ce qui montre que B_2=1/6\ . En donnant à m la valeur 3, on obtient :

S_3(n)=0^3+1^3+2^3+\ldots+(n-1)^3 = \frac{1}{4}(n^4-2n^3+n^2)\,=\frac{1}{4}(B_0 n^4+4 B_1 n^3+6B_2n^2+4B_3n) \ ,

ce qui montre que B_3=0\ .

On verra plus bas qu'il est également possible de calculer les nombres de Bernoulli par récurrence, obtenant (avec Sm(1) = 0) :

\sum_{k=0}^m{m+1\choose{k}}B_k = 0\, (avec la condition initiale : B_0 = 1\,).

On obtient la suite d'équations linéaires[4] :

1+2B_1=0\ ,
1+3B_1+3B_2=0\ ,
1+4B_1+6B_2+4B_3=0\ ,
1+5B_1+10B_2+15B_3+5B_4=0\ .

Ce qui donne la relation de récurrence[3] :

(m+1)B_{m}=-\sum_{k=0}^{m-1}{m+1\choose{k}}B_k\, (avec la condition initiale : B_0 = 1\,).

Lien avec les polynômes de Bernoulli

Les polynômes de Bernoulli sont reliés aux nombres de Bernoulli par

B_m(x)=\sum_{k=0}^m{m\choose k}B_k\,x^{m-k}
et
\,B_m(0)=B_m\,.

Les polynômes de Bernoulli vérifient les relations :

  • B_0 = 1\
  • \forall n \in \mathbb{N} , B'_{n+1} = (n+1)B_n
  • \forall n \in \mathbb{N^*} , \int_0 ^1 B_n (x) dx = 0

Les polynômes Sm(n) sont également liés aux polynômes de Bernoulli Bm(X) ; on a (pour tout n et m) :

S_m(n)=\frac{B_{m+1}(n)-B_{m+1}(0)}{m+1}\,.

De B'n + 1 = (n + 1)Bn, on déduit que : S'_m(X)=\frac{B'_{m+1}(X)}{m+1}=B_m(X).

Par conséquent, les polynômes S_n\ sont les primitives des polynômes de Bernoulli qui s'annulent en zéro : S_m(n)=\int_0 ^n B_n (x) dx.

S_m(x)= \sum_{k=0}^m {m\choose{k}}B_k\, \frac{x^{m+1-k}}{m+1-k}= {1\over{m+1}}\sum_{k=0}^m {m+1\choose{k}} B_k\, x^{m+1-k}\ .

Autres conventions et notations utilisées pour Bn

On utilise parfois la notation b_n\, pour distinguer les nombres de Bernoulli des nombres de Bell.

La définition employée dans cet article vérifie B_m=B_m(0)\ , où Bm(x) désigne le polynôme de Bernoulli.

On rencontre également la convention B_m=B_m(1)\ , où Bm(x) désigne le polynôme de Bernoulli.

Les deux conventions ne diffèrent que pour le signe de B_1\  ; on a  :

B_1(0)=-\frac12\qquad\,;\qquad B_1(1)=+\frac12.

Une autre notation utilisée en topologie, et par Jean-Pierre Serre dans son Cours d'arithmétique[5], est de considérer les termes pairs sans leur signe :

b_m=B_m(0)\qquad\, ;\,\qquad B_m=|b_{2m}|.

Définition par une fonction génératrice

Les nombres de Bernoulli peuvent aussi être définis par l'intermédiaire de fonctions génératrices. Leur fonction génératrice exponentielle est \frac{x}{e^x-1}\,, de telle sorte que :


\frac{x}{e^x-1} = \sum_{n=0}^{\infin} B_n \frac{x^n}{n!}

pour tout x de valeur absolue inférieure à 2\pi\, (le rayon de convergence de cette série entière).

Cette définition peut être montrée équivalente à la précédente à l'aide d'un raisonnement par récurrence : le premier terme de la série est clairement B0 (par prolongement par continuité). Pour obtenir la récurrence, on multiplie les deux côtés de l'équation par ex − 1. Alors, en utilisant les séries de Taylor pour la fonction exponentielle, x = \left( \sum_{j=1}^{\infty} \frac{x^j}{j!} \right) \left( \sum_{k=0}^{\infty} \frac{B_k x^k}{k!} \right).

En développant ceci en produit de Cauchy et en réarrangeant légèrement, on obtient  x = \sum_{m=0}^{\infty} \left( \sum_{j=0}^{m} {m+1 \choose j} B_j \right) \frac{x^{m+1}}{(m+1)!}.

Il est clair, à partir de cette dernière égalité, que les coefficients dans cette série de puissances satisfont la même récurrence que celle des nombres de Bernoulli.

Valeurs

Les premiers nombres de Bernoulli sont les suivants :

Nombres de Bernoulli
n Bn Valeur décimale
0 1
1 −1 / 2 = −0,5
2 1 / 6 ≈ 0,166 7
3 0
4 −1 / 30 ≈ −0,033 3
5 0
6 1 / 42 ≈ 0,023 81
7 0
8 −1 / 30 ≈ −0,033 3
9 0
10 5 / 66 ≈ 0,075 76
11 0
12 −691 / 2 730 ≈ −0,253 1
13 0
14 7 / 6 ≈ 1,166 7
15 0
16 −3 617 / 510 ≈ −7,092 2
n Bn Valeur décimale
17 0
18 43 867 / 798 ≈ 54,971 2
19 0
20 −174 611 / 330 ≈ −529,124
21 0
22 854 513 / 138 ≈ 6 192,12
23 0
24 −236 364 091 / 2 730 ≈ −86 580,3
25 0
26 8 553 103 / 6 ≈ 1 425 517
27 0
28 −23 749 461 029 / 870 ≈ −27 298 231
29 0
30 8 615 841 276 005 / 14 322 ≈ 601 580 874
31 0
32 −7 709 321 041 217 / 510 ≈ −15 116 315 767
33 0

À l'aide de la fonction génératrice, on peut démontrer que B_n = 0\, lorsque n est impair et différent de 1, et que les signes des Bn alternent ensuite.

Sont présentées ci-dessous des méthodes de calcul rapide par récurrence et une formule explicite comme somme de coefficients binomiaux.

Formules de récurrence

Pour définir les nombres de Bernoulli par récurrence, repartons des sommes S_m(n)=\sum_{k=0}^{n-1}k^m. On remarque que (d'après la formule du binôme après réindexation)

S_{m+1}(n+1)=\sum_{k=1}^{n}k^{m+1}=\sum_{k=0}^{n-1}(k+1)^{m+1}=\sum_{k=0}^{n-1}\sum_{j=0}^{m+1}\binom {m+1}j k^j=\sum_{j=0}^{m+1}\binom {m+1}jS_j(n)=S_{m+1}(n)+\sum_{j=0}^{m}\binom {m+1}jS_j(n),
n^{m+1}=S_{m+1}(n+1)-S_{m+1}(n)=\sum_{k=0}^{m}\binom {m+1}kS_k(n)=(m+1)S_m(n)+\sum_{k=0}^{m-1}\binom {m+1}k S_k(n) ;

le terme en Sm + 1 s'élimine, et on obtient finalement (après réindexation)

 S_m(n)=\frac{1}{m+1}(n^{m+1}-\sum_{k=0}^{m-1}\binom {m+1}k{S_k(n)})=\frac{n^{m+1}}{m+1}-\sum_{k=0}^{m-1}\binom mk\frac{S_k(n)}{m+1-k}  pour tous les entiers n ≥ 0, m ≥ 0, 00 étant pris égal à 1,

ce qu'on peut voir comme une définition par récurrence des Sm(n), avec pour base S_0(n) = n\, pour tout n ; c'est cette approche qui permet de démontrer par récurrence que les coefficients de Sm(n) sont bien de la forme donnée dans l'introduction.

Prenant ainsi n = 1, on obtient  S_m(1)= \frac{1}{m+1} - \sum_{k=0}^{m-1}\binom mk\frac{S_k(1)}{m-k+1}\ .

Or on a vu que pour m\ge1 on a (par définition) : S_m(1)=\sum_{k=0}^{0}k^m=0={1\over{m+1}}\sum_{k=0}^n{m+1\choose{k}} B_k .

On obtient ainsi la récurrence exposée en introduction (pour m > 0) : \sum_{k=0}^m{m+1\choose{k}}B_k = 0\,.

Formules explicites

On peut en fait également définir les Bn sans récurrence : utilisant les nombres de Stirling (de deuxième espèce), on a[6] (pour n>1)

 B_{n}=\sum_{k=0}^{n}(-1)^{k}\frac{k!}{k+1}
\left\{\begin{matrix} n \\ k \end{matrix}\right\} \ .

d'où (en utilisant les formules explicites pour les nombres de Stirling, et en simplifiant)

 B_{n}=\sum_{k=0}^{n}(-1)^{k}\frac{k!}{k+1}
\left(\frac{1}{k!}\sum_{j=1}^{k}(-1)^{k-j}{k \choose j} j^n\right)   = \sum _{k=0}^{n}  \frac{1}{k+1}\sum_{j=0}^{k}  (-1)^j\binom kjj^n

On trouve parfois dans la littérature l'affirmation selon laquelle des formules explicites pour les nombres de Bernoulli n'existent pas[réf. nécessaire] ; les deux dernières équations montrent qu'il n'en est rien. En fait, dès 1893, Louis Saalschütz (de) recensait un total de 38 formules explicites, donnant généralement des références bien plus anciennes.

Identités remarquables

Les relations suivantes, dues à Ramanujan, fournissent une méthode plus efficace pour le calcul des nombres de Bernoulli :

m\equiv 0\,\bmod\,6\qquad {{m+3}\choose{m}}B_m={{m+3}\over3}-\sum_{j=1}^{m/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}
m\equiv 2\,\bmod\,6\qquad {{m+3}\choose{m}}B_m={{m+3}\over3}-\sum_{j=1}^{(m-2)/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}
m\equiv 4\,\bmod\, 6\qquad{{m+3}\choose{m}}B_m=-{{m+3}\over6}-\sum_{j=1}^{(m-4)/6}{m+3\choose{m-6j}}B_{m-6j}

Une identité de Carlitz :

(-1)^m \sum_{r=0}^m {m \choose r} B_{n+r}
= (-1)^n \sum_{s=0}^n {n \choose s} B_{m+s}

Applications en analyse

Les nombres de Bernoulli apparaissent dans le développement en série de Taylor des fonctions tangentes (circulaire et hyperbolique), dans la formule d'Euler-Maclaurin ainsi que dans des expressions de certaines valeurs de la fonction zêta de Riemann.

Les nombres de Bernoulli et la fonction zêta de Riemann

L'apparition de B_{12} = -\frac{691}{2730}\, semble montrer que les valeurs des nombres de Bernoulli ne peuvent pas être décrites simplement ; en fait, ce sont essentiellement des valeurs de la fonction ζ de Riemann pour des valeurs entières négatives de la variable, puisque

\zeta(-n) = (-1)^n\frac{B_{n+1}}{n+1}\,

et on sait que cette dernière est d'étude difficile (voir hypothèse de Riemann). En particulier :

\;\zeta(0) = B_{1}=-\frac12\,,\qquad\zeta(-1) = -\frac{1}{12},\qquad\zeta(-3) = \frac{1}{120},\!\qquad\zeta(-5) = -\frac{1}{252},\!\qquad\zeta(-7) = \frac{1}{240}.
Les premiers nombres de Bernoulli Bn(1) sont donnés par la fonction xζ(1 − x) si n > 1.

Leonhard Euler a obtenu la relation suivante

B_{2n} = (-1)^{n+1}\frac {2(2n)!} {(2\pi)^{2n}} \left[1+\frac{1}{2^{2n}}+\frac{1}{3^{2n}}+\frac{1}{4^{2n}}+\cdots\;\right].

La relation s'écrit en utilisant la fonction zêta de Riemann :

B_{2k}=(-1)^{k-1}\frac {2\,\zeta(2k)\; (2k)!} {(2\pi)^{2k}}\,

relation qui entraîne :

2\,\zeta(2k)=\frac{(2\pi)^{2k}} {(2k)!} \,|B_{2k}|

Il est possible d'exprimer les nombres de Bernoulli grâce à la fonction zêta de Riemann de la façon suivante :

B_n = -n \zeta(1-n)\,, si n > 1.

et

B_1 = \zeta(0)\, ; si n = 1.

C'est la raison pour laquelle les nombres de Bernoulli possèdent des propriétés arithmétiques profondes, comme l'a découvert Kummer dans ses travaux sur le dernier théorème de Fermat.

Comportement asymptotique de | B2k |

De la définition de la fonction zêta de Riemann, on déduit que \zeta(2k)>1\ (si k > 0,5). Par conséquent, on a la minoration :

|B_{2k}|>\frac {2\; (2k)!} {(2\pi)^{2k}}\,

De l'inégalité e^{2k}>\frac{(2k)^{2k}}{(2k)!} (si k > 0), on déduit que : (2k)!>\left(\frac{2k}{e}\right)^{2k} (si k > 0) , donc

|B_{2k}|>2\left(\frac { k} {\pi e}\right)^{2k}\,.

Par conséquent :

\lim_{k\to\infty}|B_{2k}|=+\infty\,.

En utilisant la formule de Stirling, on démontre l'équivalent quand n tend vers l'infini :

 |B_{2 n}| \sim 4 \sqrt{\pi n} \left(\frac{n}{ \pi e} \right)^{2n}.

Propriétés arithmétiques

Les nombres de Bernoulli et les groupes de classes d'idéaux

Les propriétés de divisibilité des nombres de Bernoulli sont liées aux groupes des classes d'idéaux des corps cyclotomiques par un théorème de Kummer et son renforcement dans le théorème de Herbrand-Ribet, et aux nombres de classes des corps quadratiques par la congruence d'Ankeny-Artin-Chowla.

Liens avec la K-théorie algébrique

Nous avons aussi un lien avec la K-théorie algébrique : une conséquence de la conjecture de Quillen-Lichtenbaum est le résultat suivant[7] :

Si n = 4k − 2 et c_{k}\, est le numérateur de \frac{B_{2k}}{k}\,, alors l'ordre de K_{n}(\Bbb{Z})\, est |c_{k}|\, si k est pair (n\equiv 6\mod 8), et 2c_{k}\, si k est impair (n\equiv 2\mod 8).

Si n = 4k − 1 et d_{k}\, est le dénominateur de \frac{B_{2k}}{k}\,, alors l'ordre de K_{n}(\Bbb{Z})\, est 4d_{k}\, si k est pair (n\equiv 7\mod 8), et 8d_{k}\, si k est impair (n\equiv 3\mod 8).

Théorème de Von Staudt-Clausen

Le théorème de von Staudt-Clausen est aussi relié à la divisibilité. Il énonce ceci : si nous ajoutons les inverses \frac{1}{p}\, à B_{n}\, pour chaque nombre premier p tel que p − 1 divise n, nous obtenons, si n=1 ou n est pair non nul, un nombre entier. Ce fait nous permet immédiatement de caractériser les dénominateurs des nombres de Bernoulli non entiers B_n\, comme le produit de tous les nombres premiers p tels que p − 1 divise n. En conséquence, si 2n est un entier pair non nul, le dénominateur du nombres de Bernoulli B2n est sans carré et divisible par 6.

Exemples
B_1+\frac{1}{2}=0\qquad ;\qquad B_2+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}=1\qquad ;\qquad B_4+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{5}=1
B_6+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{7}=1\qquad ;\qquad B_{10}+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{11}=1
B_{12}+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{5}+\frac{1}{7}+\frac{1}{13}=1\qquad ;\qquad B_{14}+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}=2\qquad ;\qquad B_{16}+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{5}+\frac{1}{17}=-6

La propriété se traduit par

pB_{2m} \equiv -1 \mod{p}\, si p -1 divise 2m.

(La notation a \equiv b \mod{p}\, signifie que p divise le numérateur de ab mais pas le dénominateur de ab.)

La conjecture d'Agoh-Giuga postule que p est un nombre premier si et seulement si pB_{p-1} \equiv -1 \mod{p}\,.

Continuité p-adique

Une propriété de congruence spécialement importante des nombres de Bernoulli peut être caractérisée comme une propriété de continuité p-adique. Si b, m et n sont des nombres entiers positifs tels que m et n ne sont pas divisibles par p-1\, et m \equiv n\, \bmod\,p^{b-1}(p-1)\,, alors

(1-p^{m-1}){B_m \over m} \equiv (1-p^{n-1}){B_n \over n} \,\bmod\, p^b\,.

Puisque B_n = -n\zeta(1-n)\,, ceci peut être aussi écrit

(1-p^{-u})\zeta(u) \equiv (1-p^{-v})\zeta(v)\, \bmod \,p^b\,

u=1-m\, et v=1-n\,, c’est-à-dire u et v sont négatifs et non congru à 1 mod p-1. Ceci nous indique que la fonction zêta de Riemann, avec 1-p^z\, prise hors de la formule du produit d'Euler, est continue pour les nombres p-adiques sur les nombres entiers négatifs congrus mod p-1, en particulier a \not\equiv 1\, \bmod\, p-1, et donc, peut être étendu à une fonction continue \zeta_p(z)\, pour tous les nombres entiers p-adiques \mathbb{Z}_p,\, la fonction zêta p-adique.

Utilisation en topologie

La formule de Kervaire-Milnor pour l'ordre du groupe cyclique des classes de difféomorphismes des (4n−1)-sphères exotiques qui bornent des variétés parallélisables pour n \ge 2 fait intervenir les nombres de Bernoulli : si Nn est le numérateur de \frac{B_{4n}}{n}\,, alors 2^{2n-2}(1-2^{2n-1})N_n\, est le nombre de ces classes de difféomorphisme de sphères exotiques.

La formule donnée dans les articles de topologie diffère car les topologues utilisent une convention différente pour nommer les nombres de Bernoulli (ils notent Bn la suite 1, 1/6, 1/30,...) ; l'article de wikipedia utilise la convention utilisée en théorie des nombres.

Notes et références

  1. Ireland et Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, Springer, 1990, p. 228.
  2. Alain Robert, A Course in p-adic Analysis, Springer, 2000, p.273.
  3. a et b Ireland et Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, Springer, 1990, p. 229.
  4. Ireland et Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, Springer, 1990, p. 230.
  5. Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmétique, éd. PUF, 1998, p.147
  6. Graham, Knuth, Patashnik, Concrete Mathematics, p.289 (eq. 6.99) ; on trouvera également une démonstration de cette formule sur Wikiversité.
  7. Survey de de Weibel sur la K-théorie de Z

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes


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