Mur des Fermiers generaux

Mur des Fermiers generaux

Mur des Fermiers généraux

Article principal : Enceintes de Paris.
La barrière Blanche
La barrière d'Italie (dite aussi de Fontainebleau)

Le mur des Fermiers généraux, érigé juste avant la Révolution, en 1785-1788, fut l'une des enceintes successives de Paris. Contrairement aux précédentes enceintes, il n'était pas destiné à assurer la défense de la capitale mais à forcer le paiement à la Ferme générale de l'octroi dû sur les marchandises y entrant. Il fut détruit en 1860 lors de l'extension de Paris jusqu'à l'enceinte de Thiers.

Les passages ménagés dans l'enceinte s'appelaient des barrières. La plupart des barrières étaient munies de bâtiments (ou bureaux d'octroi) appelés "propylées" par leur concepteur, l'architecte Claude Nicolas Ledoux. La liste complète des barrières ainsi que quelques dessins de propylées (tels que les deux dessins ci-contre) figurent dans la boîte déroulante intitulée 1. Liste des barrières du mur des Fermiers généraux de l'article Liste des barrières de Paris.

Sommaire

Dimensions du mur

Tracé du mur

La longueur du tracé du mur est de 24 kilomètres. Dans le Paris d'aujourd'hui, il correspond à la seconde ceinture de boulevards, plus précisément aux voies suivantes :

Le tracé traverse les principaux quartiers suivants : place d'Italie, Denfert-Rochereau, Montparnasse, Trocadéro, Étoile, Batignolles, Pigalle, Belleville, Nation.

Le mur fut ponctué de 61 barrières d'octroi, dont la liste figure dans l'article Liste des barrières de Paris :

  • 55 barrières furent mises en place jusqu'en 1790 : 54 le furent avant la Révolution (dont 43 furent munies de monuments, appelés « propylées » par leur architecte Claude Nicolas Ledoux), et la barrière de Chartres (ou du parc Monceau) en 1790 ;
  • 6 barrières furent ajoutées (ouvertures et/ou construction) et certaines retranchées (démolition et/ou désaffection) à diverses époques entre 1790 et 1860. Dans le tableau, les barrières ajoutées sont numérotées bis ou ter.

Le tracé suit à peu près le parcours des lignes du métro allant de Charles de Gaulle-Étoile à Nation, la ligne 2 (par le nord) et la ligne 6 (par le sud).

Section du mur

  • Mur continu (maçonnerie de pierre), interrompu par la Seine, par les barrières et le long du parc Monceau (où, au lieu de construire un mur, on aménagea un fossé).
  • Hauteur du mur : environ 3,24 mètres[1].
  • Côté intérieur : un chemin de ronde de 11,69 mètres de large[2].
  • Côté extérieur : boulevards de 29,23 mètres de large[3].

Zone enclose

  • Superficie :
    • 3370 hectares, jusqu'en 1818-1819 ;
    • 3402 hectares, à partir de 1818-1819, après l'annexion du village d'Austerlitz (32 ha) et la reconstruction, plus au sud-est, du tronçon de mur entre la barrière d'Italie et la Seine.

Le mur des Fermiers généraux entoure approximativement les onze premiers arrondissements actuels. À l'époque de la construction du mur, la ville couvrait approximativement les 6 premiers arrondissements actuels, avec une superficie de 1103 hectares.

Historique

Construction[4]

Avant 1784. La capitale n'avait pour limites que des murailles informes et grossières, et plus souvent encore de de faibles cloisons de planches mal jointes.

1784. Sur une idée du chimiste et fermier général Lavoisier, les fermiers-généraux, voulant arrêter les progrès toujours croissants de la contrebande, et faire payer les droits d'entrée à un plus grand nombre de consommateurs, obtiennent de Charles Alexandre de Calonne alors contrôleur général des finances de dresser une enceinte autour de Paris, le fameux mur des Fermiers généraux. Le mur doit avoir 6 lieues de tour (24 kilomètres). En mai, les travaux commencent du côté de l'Hôpital-Général (la Salpêtrière) et sont menés tambour battant. Le mur doit comporter 60 barrières servant de bureaux de perception (voir la Liste des barrières de Paris). L'architecte Claude Nicolas Ledoux est chargé de dresser ces édifices, qu'il baptise « les Propylées de Paris », en leur donnant un caractère de solennité et de magnificence qui met en pratique ses idées sur les liens nécessaires entre la forme et la fonction. L'architecture des propylées, de style néo-classique, voire antiquisant, est acceptée.

1786. L'enceinte méridionale est terminée. L'opinion commence à s'émouvoir. En mars, Ledoux reçoit de nouvelles garanties. Le 2 juin, Calonne approuve pour onze bureaux de la rive droite.

1787. Loménie de Brienne, l'archevêque de Toulouse qui succède à Calonne le 1er mai, est effrayé des dépenses (qui dépassent déjà 25 millions), et fait ordonner, par un arrêt du conseil du 7 septembre, la suspension des travaux. Ledoux doit remettre tous ses documents. Le 8 novembre, accompagné de plusieurs fonctionnaires, il vient visiter les barrières. Son indignation est si vive en voyant avec quelle prodigalité les travaux ont été exécutés, qu'il veut faire démolir le mur et en vendre les matériaux. L'ouvrage étant trop avancé, il se borne à faire prendre, le 25 novembre, un nouvel arrêté qui suspend les travaux. Quatre architectes sont chargés de faire un rapport sur l'enceinte. Avant leur continuation, de nouvelles dispositions sont prescrites. Ledoux, livré en pâture à l'opinion, est révoqué de ses fonctions.

1788. Necker, succédant à Brienne le 25 août, désavoue l'entreprise.

1789. Le 23 mai, Ledoux est définitivement suspendu, par Necker.

Révolution. Dans la nuit du 12 au 13 juillet 1789, l'agitation des Parisiens, qui va les mener à prendre la Bastille le lendemain, les conduit déjà à s'attaquer au mur impopulaire : ils incendient quelques barrières (telle celle de Passy) et percent de nombreuses brèches dans le mur. Bailly, le premier maire de Paris, fait rapidement réparer toutes les dégradations.[5]. Le 1er mai 1791, les droits d'entrée sont abolis. Un décret de la Convention, du 13 messidor an II (1794) contient ce qui suit : « Les bâtiments nationaux, désignés sous le nom de Barrières de Paris, sont érigés en monuments publics. Les diverses époques de la révolution et les victoires remportées par les armées de la république sur les tyrans y seront gravées incessamment en caractères de bronze. Le Comité du Salut-Public est autorisé à prendre toutes les mesures pour la prompte exécution du présent décret, en invitant les gens de lettres et les artistes à concourir et à former les inscriptions. » Le 9 frimaire, Ledoux est emprisonné. Dans sa séance du 27 fructidor an VI, le conseil des Cinq-Cents adopte le projet d'Aubert : « Article 1er. Il sera perçu par la commune de Paris un octroi municipal et de bienfaisance, conformément au tarif annexé à la présente loi, spécialement et uniquement destiné à l'acquit de ses dépenses locales, et de préférence à celles de ses hospices et des secours à domicile, [...] ».

Consulat et Empire. En vertu de la loi du 29 ventôse an XII (20 février 1804), proclamée le 9 germinal suivant, le ministre des finances, autorisé à cet effet, concède à la ville de Paris les barrières et murs d'enceinte formant la clôture de ladite ville et de ses faubourgs. Les murailles sont consolidées et la perception des droits d'entrée est perfectionnée.

Les critiques

La fonction uniquement fiscale du mur l'a rendu fortement impopulaire dès le début de sa construction : Beaumarchais, qui y voyait une des causes de la Révolution, rapporta l'alexandrin fameux, qui témoignait du mécontentement des Parisiens s'apercevant qu'on les emprisonnait :

« Le mur murant Paris, rend Paris murmurant ».

Citons également l'épigramme :

« Pour augmenter son numéraire
Et raccourcir notre horizon,
La Ferme a jugé nécessaire
De mettre Paris en prison. »

L'architecture majestueuse des pavillons de Ledoux fut très mal ressentie et ne fit qu'accentuer le rôle oppressif du mur pour les Parisiens.

Des critiques esthétiques s'exprimèrent contre l'architecte, accusé d'avoir pris des libertés excessives avec les canons antiques. Sur ce registre, citons Dulaure ou Quatremère de Quincy. Bachaumont dénonce un « monument d'esclavage et de despotisme »[6]. Dans son Tableau de Paris (1788), Louis-Sébastien Mercier stigmatise « les antres du fisc métamorphosés en palais à colonnes », et s'exclame : « Ah ! Monsieur Ledoux, vous êtes un terrible architecte ! ».

Limite de Paris

Lors de la création des communes sous la Révolution, on porte la limite de Paris au mur des fermiers généraux (21 mai 1790)[7], limite qui restera inchangée jusqu'au 1er janvier 1860.

Octroi

L'octroi, principale raison de la construction du mur, fut supprimé le 20 janvier 1791 par l'Assemblée constituante et rétabli le 18 octobre 1798. Le Directoire établit une légère perception à l'entrée de Paris, dont le produit, appelé « octroi de bienfaisance », était destiné aux hôpitaux de Paris. À cette occasion, on répara les barrières. Sous Napoléon Ier, on perfectionna considérablement la perception des barrières. En 1860, l'octroi sera repoussé à l'enceinte de Thiers, et le mur deviendra sans objet du point de vue fiscal.

Démolition

Démolition du mur d'octroi

En 1860, le préfet Haussmann abattit totalement le mur devenu sans objet, y compris les propylées de Ledoux, à l'exception de quatre d'entre eux. Il le fit dans le cadre de l'agrandissement de Paris[8] jusqu'au pied de l'enceinte de Thiers, avec une augmentation du nombre d'arrondissements de 11 à 20, et l'absorption de 24 communes suburbaines limitrophes, comme suit :

Vestiges actuels

Lors de l'agrandissement de Paris de 1860, le mur fut abattu et seuls quatre propylées furent conservés, qui subsistent depuis lors :

Notes et références

  1. Dix pieds.
  2. 36 pieds, largeur requise par l'ordonnance du bureau des Finances du 16 janvier 1789. Mentionnons deux écarts :
    • Les Fermiers généraux ne donnèrent au chemin de ronde, du boulevard de Vaugirard au boulevard de Grenelle, que la moitié de la largeur requise. La largeur conforme ne fut rétablie qu'après l'ordonnance royale du 12 août 1846.
    • Entre la barrière d'Italie et la barrière d'Enfer, le chemin de ronde eut la même largeur que le boulevard extérieur correspondant. Cela s'est produit au niveau des boulevards du Midi de Louis XIV : le boulevard des Gobelins, le boulevard Saint-Jacques et le boulevard d'Enfer.
  3. 15 toises, largeur requise par l'ordonnance du bureau des Finances du 16 janvier 1789.
  4. Source : Félix et Louis Lazare.
  5. Source : Hillairet, p. 29.
  6. Mémoires secrets, octobre 1785
  7. Selon Chadych et Leborgne, p. 122.
  8. Loi du 16 juin 1859, avec effet à compter du 1er janvier 1860.

Sources

  • Jean Valmy-Baysse, La curieuse aventure des boulevards extérieurs, Éditions Albin-Michel, 1950.
  • Renaud Gagneux et Denis Prouvost, Sur les traces des enceintes de Paris. Promenades au long des murs disparus, Éditions Parigramme / Compagnie parisienne du livre (Paris), 2004. (ISBN 2-84096-322-1).
  • Félix et Louis Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844-1849.
  • Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, 2 vol., Les Éditions de Minuit, 1985.

Voir aussi

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